
Les innovations de rupture, nouvelle technique ou nouveau produit, entretiennent un lien étroit avec
la Recherche avec un grand R. Elles sont à l'origine de la confusion qu'on rencontre souvent entre ces
deux notions. L'innovation recouvre en fait un champ beaucoup plus large que l'exploitation des
résultats de la recherche. Elle fait appel à des ressorts psychologiques, sociaux et économiques qui
n'ont rien de commun avec ceux qui caractérisent la recherche scientifique, un monde où la rigueur
méthodologique et la spécialisation sont des valeurs dominantes alors que l'utilité sociale, la
faisabilité économique ou la vision globale du couple produit/marché se retrouvent forcément au
second plan. C'est la raison pour laquelle toutes les politiques qui, pour favoriser l'innovation, se
contentent de renforcer la recherche et permettent d'afficher fièrement des pourcentages de PIB
croissants consacrés à la R&D (Recherche et développement) ont une efficacité à court terme sans
rapport avec leur coût, même si à moyen terme elles concourent à alimenter un vivier de
technologies.
Encadré [Quand le capital risque préfère la sécurité.]
Quand le capital risque préfère la sécurité.
Les Etats-Unis jouent un rôle d'avant-garde en matière de financement+ privé de l'innovation+ dans
les PME. Ils ont inventé pour ce faire un outil spécifique, les sociétés de capital risque. Ces sociétés
collectent des fonds et les placent en capital et non sous forme de prêts dans des sociétés de hautes
technologies innovantes. Ces sociétés de capital risque prennent en général une part active à leur
gestion. Elles ne touchent pas d'intérêts sur ces sommes et se rémunèrent principalement en plus
value quand l'entreprise a réussi à se développer. C'est ce mécanisme qui a permis de financer le
décollage fulgurant d'entreprises telles Apple, Sun ou Microsoft.
Dans l'euphorie yuppie des années 80, nous nous sommes empressés d'importer ce concept. Les
sociétés de capital risque ont poussé comme des champignons. Le capital risque français représente
aujourd'hui 6 milliards de francs d'investissements par an et 23 % du volume d'investissement en
capital risque européen, une position très honorable.
Seulement voilà, en important la structure, nous avons oublié d'importer l'état d'esprit qui
l'accompagnait, cet esprit pionnier qui marque aujourd'hui encore profondément les Etats-Unis. Du
coup, les filiales+ de capital risque du Crédit national, du Crédit lyonnais, de France Télécom, d'EDF...
font ce que leurs sociétés mères ont l'habitude de faire : elles s'intéressent aux gens riches et
installés. Elles réalisent ce qu'on appelle des opérations de capital développement, à savoir financer
des sociétés qui ont déjà réussi à percer sur le marché et recherchent du capital pour leur croissance
ultérieure. Il ne reste presque rien, et de moins en moins, pour les start up, les sociétés qui
voudraient bien démarrer (98 millions de francs en 1993).
Le manque d'esprit pionnier n'est en fait pas la seule raison de ces difficultés. L'autre cause est
l'absence de liquidité+ de ces investissements : les investisseurs engagés dans une start up sont dans
l'incapacité d'en sortir, faute d'un marché sur lequel ils pourraient échanger avec d'autres acteurs
leurs participations. Les start up ne peuvent bien sûr pas être cotées en bourse, compte tenu de leur
taille. Là aussi, les Etats-Unis ont trouvé une solution en organisant un marché spécifique, le NASDAQ
(National Association of Securities Dealers Automated Quotation), où des intermédiaires spécialisés
échangent les participations dans des sociétés de haute technologie. Ce marché n'existe pas en
France et ne pourrait d'ailleurs probablement pas fonctionner faute d'une taille suffisante. Les
réflexions actuelles concernent la création d'un NASDAQ européen. C'est l'une des principales