Phlébite

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THROMBOSE VEINEUSE PROFONDE DES
MEMBRES INFERIEURS
La gravité des phlébites des veines profondes réside dans ses deux complications
principales: l'embolie pulmonaire et la maladie post-phlebitique
1) ETIOLOGIES
A) ANOMALIES DE LA COAGULATION
Elles doivent être recherchées systématiquement chez les sujets de moins de 40
ans qui présentent une phlébite, chez les patients présentant des phlébites à
répétition ou sans cause favorisante retrouvée..
1-ANOMALIES CONGÉNITALES
Elles sont responsables de phlébites à répétition chez les sujets jeunes, qui
peuvent s'associer à des phlébites viscérales (cérébrales par exemple).
Elles sont transmises sur le mode autosomique dominant.
- Déficit en antithrombine III (ATIII)
- Déficit en protéine S
- Déficit en protéine C, déficit en protéine C activée.
- Déficit en facteurs du système fibrinolytique (sans doute le plus souvent en
cause dans les phlébites d'allure idiopathiques)
2-ANOMALIES ACQUISES
- Anticoagulants circulants: Ce sont des anti-prothrombinases. Ils apparaissent
dans les maladies de système (lupus) ou certains cancers. Ils se compliquent plus
volontiers de syndrome hémorragique que de thromboses.
B) LES PHLÉBITES IDIOPATHIQUES
Ce sont les plus fréquentes. En réalité il doit s'agir de phlébites dont on ne sait
pas retrouver la cause (déficit du système fibrinolytique?)
Il existe une prédisposition génétique
Elles surviennent:
- Soit de façon apparemment isolée dans au moins 25% des cas, le plus souvent
à gauche (compression de la veine iliaque gauche par l'artère iliaque droite au
niveau de leur croisement: syndrome de Cockett)
- Soit dans des circonstances favorisantes pouvant s'associer:
1 -PHLÉBITES OBSTÉTRICALES
- Durant la grossesse (stase veineuse)
- En post-partum immédiat (thrombophlébites pelviennes septiques surtout,
sortant du cadre de la question)
- En post-abortum (thrombophlébites septiques)
- A rapprocher des phlébites favorisées par les cestro-progestatifs, surtout chez
les fumeuses (rappel : le tabac est une contre-indication à la contraception
oestro-progestative!!)
2-PHLÉBITES CHIRURGICALE
- Chirurgie de la hanche
- Chirurgie pelvienne (utérus, prostate)
- Mais tous les types de chirurgie peuvent se compliquer de phlébites.
- A rapprocher des immobilisations plâtrées des membres inférieurs.
3- LES CAUSES MÉDICALES
- Les cardiopathies:
En particulier l'insuffisance cardiaque gauche, droite ou globale (car il existe un
bas débit), les cardiopathies ischémiques (en particulier la phase aiguë de
l'infarctus du myocarde)
-Les cancers profonds (poumon, rein, estomac, pancréas)
Par compression pelvienne, ou par sécrétion d'un facteur thrombogène. Le
diagnostic de phlébite doit faire pratiquer systématiquement des touchers
pelviens.
-Les hémopathies malignes (surtout les syndromes myélo-prolifératifs)
- Les anémies (cause classique)
- La mise en place d'un cathéter veineux dans une veine du membre inférieur
(éventualité rare).
4- AUTRES
- Causes rares: maladies de système (lupus, maladie de Behcet)
- En fait toutes les situations où il existe un alitement prolongé (accident
vasculaire cérébral, infections graves) et/ou un bas débit cardiaque favorisent
les thromboses veineuses profondes, plus récemment ont été décrites des
phlébites et surtout des embolies pulmonaires après voyage en avion de longue
durée.
Il) PHYSIOPATHOLOGIE
Elle est incomplètement connue.
A) LA TRIADE DE VIRCHOW :
1- LÉSIONS PARIÉTALES
Les lésions pariétales sont inconstantes. Elles s'accompagnent d'activation des
plaquettes (cause ou conséquence ?) La lésion peut être due à un cathéter
veineux (phlébites iatrogènes), à l'altération de la paroi veineuse par exemple
par un facteur infectieux.
2- LA STASE VEINEUSE
Le ralentissement du courant sanguin veineux favorise les thromboses. I1 peut
être du à une diminution du débit cardiaque (insuffisance cardiaque) ou à des
facteurs locaux: compression veineuse (tumeur pelvienne), immobilisation
prolongée ...
3- MODIFICATIONS DE L'HÉMOSTASE
- Déficit congénitaux en anti-thrombine III, protéine S, protéine C.
- On invoque dans les phlébites "idiopathiques" le rôle d'un déficit du
système fibrinolytique.
B) PHYSIOPATHOLOGIE DES COMPLICATIONS
- Le risque de migration pulmonaire est d'autant plus important que la phlébite
s'étend vers l'axe ilio-fémoral et la veine cave inférieure.
- Les thromboses détruisent les valvules veineuses et sont responsables
d'obstruction veineuse chronique qui se traduisent par la redoutable maladie
post phlébitique.
III) DIAGNOSTIC
A) DIAGNOSTIC CLINIQUE
Les phlébites profondes peuvent être totalement asymptomatiques (par
exemple, dans les embolies pulmonaires, 50% des phlébites affirmées sur les
examens complémentaires étaient asymptomatiques)
Les signes cliniques sont parfaitement aspécifiques (Moins de 50℅ des
phlébites suspectées cliniquement sont confirmées par les examens
complémentaires)
1 -DIAGNOSTIC D'UNE PHLÉBITE SURALE:
Les signes fonctionnels :
- Ils se limitent à la douleur du mollet, plus ou moins violente, spontanée,
mais majorée par la palpation, de siège variable.
- L'anxiété est un signe classique (surtout d'embolie pulmonaire )
Les signes cliniques :
- Signes généraux (signes de pancarte) : Fièvre modérée (38°C), en règle
retardée, avec pouls dissocié (plus rapide que ne le voudrait la fièvre : pouls
de Mahler)
- Douleur à la palpation du mollet, ou provoquée par la dorsi-flexion du pied
(Signe de Homans : bien peu spécifique en réalité !)
- Dilatation des veines superficielles, diminution du ballottement du mollet par
rapport au coté controlatéral.
- Augmentation de la chaleur locale
- Oedème de la cheville (tardif)
- A l'extrême est réalisé le tableau de phlegmatia alba dolens : il existe une
impotence absolue, les douleurs sont très violentes, la jambe est livide, infiltrée
par un oedème important et dur (ne prenant pas le godet), blanc. II existe en
général des signes généraux importants (fièvre) et une adénopathie inguinale.
2-DIAGNOSTIC D'UNE PHLÉBITE ILIO-FÉMORALE
- Elle est secondaire le plus souvent à l'extension d'une phlébite surale
- La douleur est inguinale ou au niveau de la cuisse, en général très violente.
- L'oedème peut toucher toute la jambe, pouvant même s'accompagner d'une
hydarthrose du genou.
- Elle s'accompagne fréquemment de signes urinaires (dysurie, pollakiurie)
- Les touchers pelviens doivent être systématiques, ils sont en règle douloureux
et doivent faire rechercher un empâtement qui signerait une extension pelvienne
de la phlébite.
3-FORME CLINIQUE PARTICULIÈRE : PHLEGMATIA
CAERULEA
- ou PHLEBITE BLEUE
- Elle associe à la phlébite une ischémie par compression artérielle due à un
oedème important.
- Elle complique surtout les phlébites ilio-fémorales plutôt que surales
- Cliniquement : l'oedème est très important, dur. La jambe est froide, bleue
(cyanique) avec des tâches purpuriques, les pouls artériels ne sont pas
perçus.
- La phlegmatia caerulea réalise une urgence chirurgicale
B) EXAMENS COMPLEMENTAIRES
1- ECHOGRAPHIE ET DOPPLER VEINEUX
C'est un examen très fiable entre des mains expérimentées , dans ces conditions
il peut suffire au diagnostic.
C'est une méthode parfaitement anodine.
Le doppler continu:
Retrouve une absence de modification de la courbe du flux veineux lors des
manoeuvres de "chasse" (compression veineuse brutale) ou lors de la
respiration. Cet examen détecte surtout les thromboses proximales (poplitées ou
sus-poplitées), il est moins sensible pour recherche En général couplée au
doppler pulsé, elle retrouve l'image du caillot veineux mais surtout un signe très
important : l'incompressibilité de la veine par la sonde d'échographie.
Le doppler pulsé confirme l'absence de flux veineux dans ce segment Pour les
phlébites proximales ces examens sont aussi fiable que la phlébographie.
2- PHLÉBOGRAPHIE DES MEMBRES INFÉRIEURS
C'est l'examen de référence, elle se fait par ponction et injection bilatérale dans
les veines du dos du pied.
Elle peut être couplée à une cavographie
- Elle est indiquée en cas de doute diagnostique après le doppler (ou de
l'impossibilité d'obtenir un doppler fiable).
- Elle peut visualiser l'image directe d'un thrombus sous la forme d'une lacune
cernée par le produit de contraste, ce signe est quasi-pathognomonique s'il est
retrouvé sur plusieurs clichés.
- Elle peut montrer des signes indirects de valeur diagnostique moindre :
absence de visualisation totale d'un tronc veineux au dessous du genou, arrêt
brutal du produit de contraste dans une veine, circulation veineuse collatérale
anormale.
- Elle explore mal les veines du pelvis et la veine fémorale profonde.
- La cavographie recherche un thrombus flottant de la veine cave inférieure.
C'est un examen douloureux non dénué de risques (ponction veineuse, injection
de produit de contraste iodé)
3- AUTRES EXAMENS
-la pléthysmographie d'impédance
-le test au fibrinogène marqué.
4- RECHERCHE DE SIGNES D'EMBOLIE PULMONAIRE
On pratiquera systématiquement:
- Un électrocardiogramme (déviation axiale droite, bloc incomplet droit,
troubles du rythme supra-ventriculaires)
- Une radiographie pulmonaire
- Des gaz du sang (quasi-systématiques) à la recherche d'un effet shunt.
S'il existe un doute clinique ou paraclinique sur une embolie pulmonaire:
Scintigraphie pulmonaire: Interprétable uniquement si la radiographie
thoracique est normale, à la recherche d'un défect de perfusion systématisé.
Cet examen est systématique pour certains devant toute phlébite pour servir
d'examen de référence.
Enfin, si le doute est important, l'embolie pulmonaire peut être confirmée par
l'angiographie pulmonaire.
5- BILAN ÉTIOLOGIQUE
- Il sera guidé sur les éléments cliniques et le contexte.
Les touchers pelviens doivent être systématiques, l'échographie abdominale
d'indication large.
Bilan biologique standard: numération-formule sanguine (anémie, leucémies),
ionogramme sanguin, hémostase (TP, TCK)
Recherche d'anomalies de la coagulation et de thrombolyse : Chez les sujets
jeunes (moins de 40 ans) présentant une phlébite sans circonstances favorisantes
ou des phlébites à répétition on pratiquera:
- Dosage de l'antithrombine III: Réalisé en l'absence de traitement par héparine
ou plusieurs jours après l'arrêt de l'héparine. Les AVK ne modifient pas le
dosage. Les valeurs sont exprimées en pourcentage de la normale: un taux
inférieur à 80 % est pathologique.
- Dosage de la protéine C et de la protéine S , doivent être réalisés sans antivitaminiques K (arrêt depuis 1 semaine).
Une échographie abdominale et pelvienne, est souhaitable pour rechercher une
cause favorisante (tumeurs ).
- Les autres examens à visée étiologique seront réalisés selon le contexte
clinique : urographie intra-veineuse, fibroscopie gastrique, scanner abdominal.
EVOLUTION ET PRONOSTIC
L'évolution peut être tout à fait favorable sous traitement. Parfois, en l'absence
de traitement ou même sous traitement des complications peuvent survenir:
omboses distales.
1 -EXTENSION DE LA THROMBOSE
Extension ilio-fémorale d'une phlébite surale; extension à la veine cave inférieure
d'une phlébite ilio-fémorale majorant de façon importante le risque d'embolie
pulmonaire.
2-EMBOLIE PULMONAIRE
Elle est extrêmement fréquente (impossible à chiffrer) mais elle est souvent
minime, sans traduction clinique. Mais l'embolie pulmonaire peut être grave,
mettant en jeu le pronostic vital. Elle peut être révélatrice de la phlébite.
3- LA MALADIE POST-PHLÉBITIOUE
Deuxième complication majeure des phlébites, elle est grave par son
retentissement fonctionnel et son coût socio-économique. L'obstruction des
veines profondes par la thrombose, va favoriser le retour veineux par les veines
superficielles.
- Cliniquement : Il existe une fatigabilité, une lourdeur des jambes, des oedèmes
vespéraux puis permanents, des varices et leurs complications (troubles
trophiques). Cette complication doit être prévenue parle traitement précoce de
toute phlébite +
4- RÉCIDIVES
Quand elles sont fréquentes elles doivent faire rechercher à tout prix un facteur
local (compression pelvienne) ou général (trouble congénitaux de 1hémostase
V) PRINCIPES DU TRAITEMENT
Le traitement des phlébites doit être systématique et précoce ! pour éviter
l'extension et l'embolie pulmonaire à court terme et pour prévenir la maladie postphlébitique à long terme .
A) MESURES GENERALES
-Repos au lit pendant les premiers jours, avec un cerceau sur les jambes.
- Contention élastique ( bas ou bandes de contention) dès le lever.
B) TRAITEMENT ANTI-COAGULANT
II représente la base du traitement.
1- HÉPARINE
Si possible en injection continue à la seringue électrique (à défaut l'héparine
calcique en trois injections sous-cutanées).
Complications de l'héparinothérapie
- Le surdosage : avec risque hémorragique (hématome du psoas + avec risque
de compression sciatique)
- Thrombopénies à l'héparine :
Elles doivent être systématiquement dépistées par la numération plaquettaire
régulière chez tout patient sous héparinothérapie.
Elles sont de deux types:
-Précoces pat toxicité directe, peu importantes et transitoires, nécessitent
simplement une surveillance des plaquettes.
-Secondaires, survenant entre le 6ieme et le l0ieme jour du traitement, de
mécanisme immuno-allergique, elles sont graves Elles se compliquent surtout
de phénomènes thrombotiques : Embolies pulmonaires, ischémie aiguë des
membres inférieurs, thromboses viscérales (rénales, cérébrales).
Le diagnostic repose sur l'association d'une thrombopénie majeure et la
présence d'anticorps anti-plaquettes (Test de Dixon, test d'agrégation des
plaquettes en présence d'héparine)
De toute façon la suspicion impose l'arrêt immédiat du traitement. L'allergie est
croisée avec les héparines de bas poids moléculaire dans 20 ° I o des cas.
2- LES ANTI-VITAMINE K
Ils seront débutés en relais de l'héparine le plus tôt possible (ce qui permet
d'éviter les thrombopénies secondaires à l'héparine) , en pratique dès le 2ieme
ou 3ieme jour (d'emblée le premier jour pour certains)
L'objectif du traitement est d'obtenir un temps de Quick (TQ) ou Taux de
Prothrombine compris entre 25% et 35% ou une INR (International Normalised
Ratio) entre 2 et 3.
L'héparine devant être maintenue à dose efficace tant que le TQ n'est pas
correct.
C)TRAITEMENT CHIRURGICAL
- La thrombectomie est rarement pratiquée (thrombus iliaque ou cave ...)
- L'interruption cave (par clip chirurgical ou par filtre de Greenfield) ,
autrefois systématique devant la visualisation d'un thrombus flottant dans la
veine cave, a des indications actuellement beaucoup plus restreintes
D) LE TRAITEMENT THROMBOLYTIQUE
Les indications sont très limitées (Thrombose récente proximale chez un
sujet jeune), en pratique il n'est quasiment jamais utilisé.
E) LE TRAITEMENT PREVENTIF
Il est fondamental dans les situations à risque
- Lever précoce des opérés et des parturientes
- Mobilisation active ou passive (sous plâtre) des membres inférieurs.
- Anticoagulation à doses préventives:
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