I - Introduction
Pourquoi ca concerne la profession ?
Nous sommes ici en présence du cas particulier d’un individu dont les valeurs sont
en contradiction avec la loi. Mais ne serait-ce pas un cas qui pourrait se retrouver
dans nombre de services de soins ? En effet, les malades questionnent souvent les
Infirmières quand aux résultats des examens. Et la profession Infirmière a cette
spécificité qu’elle admet certaines valeurs communes (nommées valeurs
« professionnelle »), comme l’Empathie, basée sur une relation sincère et
authentique. Il se pourrait donc que bon nombre d’Infimières voulant appliquer cette
valeur professionnelle d’authenticité se retrouvent dans le cas d’une contradiction si
le malade leur demande un renseignemment qu’elles ne peuvent lui donner car la loi
le leur interdit. C’est en cela que ce questionnement concerne l’ensemble de la
profession Infirmière, au sens que tout Infirmier est soumis à la loi, et tout Infirmier
est soumis aux valeurs de sa profession.
II - Constat Professionnel (situation de départ)
Actuellement en fin de 3ème année, j’ai eu au cours de ma scolarité à l’IFSI de
nombreuses situations qui m’ont interpellées. Parfois pour leur singuarité, parfois,
au contraire, par leur récurence.
En effet, certaines situations ont la particularité de se retrouver dans beaucoup de
services. C’est le cas de la situation que j’ai vécu, et dont ce travail va faire l’objet.
J’étais alors en milieu de 2ème année, en stage de Médecine Cardio-gériatrique.
Nous avions un patient qui venait de rentrer quelques jours auparavant pour des
malaises a répétitions avec troubles de l’équilibre, sans antécédents particuliers.
Nous l’appellerons Mr S. Le Médecin du service, soucieux d’explorer le problème,
décida de lui faire passer un Scanner cérébral, car il suspectait une tumeur
cérébrale.
J’avais pris en charge ce patient dans le cadre de ma MSP. Ainsi, tous les matins,
j’allais dans sa chambre pour lui faire les surveillances d’usage et lui administrer ses
traitements. J’avais établi un très bon contact avec lui.
C’est ainsi que le lendemain du Scanner, le patient me demanda si j’avais eu les
résultats de la veille. Tout d'abord, j'ai été pris au dépourvu par la question du
patient. Je n’ai pas su trop quoi répondre à part un vague "oh vous savez, je ne suis
qu'un simple stagiaire, et je n'ai pas accès aux résultats du scanner...". En réalité, j’y
avais évidemment accès, et je savais que le Médecin suspectait une tumeur
cérébrale. J'ai été très gêné d'être obligé de mentir pour ne pas risquer de faire une
annonce sauvage et qui plus est incertaine, ce qui aurait pu détruire le patient... Mais
en même temps je me suis dis que c'était dans l'intérêt du patient de savoir... Mais
l'était-ce réellement ?...
J'ai donc plus ou moins esquivé la question, puis embrayé sur un autre sujet, sur un
trait de sympathie, histoire de détourner l'attention et détendre l'atmosphère.
Sur le moment, j'ai bien eu l'impression que ma réponse avait été crédible, mais je
me suis demandé après coup si le patient m'avait réellement cru... Car les patients
ne sont pas dupes, et peut-être savait-il si je mentais ou non ?
Et en fait, j'ai continué à être gêné tout seul, après être sorti de la chambre... Car je
savais qu'il y'avait une forte suspicion de tumeur cérébrale, et que le résultat du
Scanner avait 9/10 chances d'être très mauvais, et donc annonciateur d’un très
mauvais pronostic. D'autant que le Scanner datant de la veille, les résultats étaient
certainement connus de l'équipe.
Alors j'ai attendu le lendemain, où il y'avait une réunion d'équipe le Médecin
reprenait les cas de certains malades et en profitait pour mettre certains membre de
l’équipe au courant d’informations qu’il n’aurait pas eu par leurs propres moyens. Le
cas de Mr S. a été repris, et j’ai appris le résultat du Scanner : tumeur maligne stade
4 envahissant la loge vestibulaire droite. Le Médecin a fait part de son inquiétude
quand à l’avenir du patient, et a avoué qu’il le considérait « condamné » à court ou
moyen terme. J’ai alors demandé si le patient était au courant du résultat. On m'a
demandé pourquoi je posais cette question, j'ai répondu "parce que le patient me l'a
demandé"... Et le Médecin du service m'a immédiatement repris, presque affolé: "tu
ne lui a pas dis j'espère ??!! Parce qu’il ne faut pas lui dire, il ne le sait pas
encore!!..." J'ai répondu que non, bien évidemment. Le Médecin voulait attendre le
moment opportun pour faire l’annonce.
Mais cela m'a contrarié qu'on se soucie plus de ne pas lui dire, plutôt que de lui
dire... On aurait dit un secret de polichinelle, tout le monde le sait... sauf le
principal intéressé... J'appréhendais un peu la prochaine rencontre avec le patient
où il me demanderait encore les résultats de son scanner.
Une fois la réunion finie, arriva le moment d'aller dans la chambre du patient avec le
résultat en tête. Inévitablement, le patient me demanda: "alors, vous avez eu les
résultat du Scanner ?"
Toujours la même réponse de ma part, "je n'ai pas accès aux résultats..." mais cette
fois-ci, le patient m'a rajouté: "bah, ça doit pas être si grave que ça, ils ont pas l'air
de s'affoler"... et là, deuxième grand moment de solitude... Que répondre... J'ai
encore du rougir, laissé transparaître que j'étais mal a l'aise. Cette fois-ci j'ai
vraiment pas su quoi répondre... j'ai bafouillé un "je sais pas... je peux pas vous
dire...". Bref, une sortie nettement moins réussie que la première fois...
Je pense a posteriori que ma réponse n'était pas du tout crédible et que le patient
me "gérait" de plus en plus. Il devait sentir la mauvaise nouvelle, et j’étais mauvais
menteur... J'ai vraiment commencé à me poser la question de comment se sortir de
ce genre de situations inextricables ou l’on est contraint a mentir. Comment faire
pour donner une réponse qui puisse ne m’obligerais pas à mentir, mais qui
n'angoisserais pas le patient pour autant...
En fait, à partir de ce moment, le sujet a commencé à me préoccuper réellement, et
j'ai demandé aux infirmières quels étaient leurs "trucs" lorsqu'elles devaient se sortir
ce ce genre de situations, comment elles le vivaient, si elle avait l’impression de dire
un mensonge lors de leurs réponses, etc... Car ça m'embêtait vraiment de devoir
mentir au patient sur "ordre" du Médecin, mais en même temps, je n’avais pas envie
de le faire souffrir en lui laissant comprendre la vérité, car je savais que le resultat
était synonyme de diagnostic et je ne savais pas comment il aurait pu réagir, et
surtout moi, comment j'aurais pu répondre à un effondrement psychologique d'un
patient, sous mes yeux, surtout, si je l'avais provoqué... Je n'avais surtout pas envie
de lui dire la vérité, mais je voulais qu'il la sache...
III Problematique
Problème à évoquer :
Dans mon cas, j’etait dans une impasse entre mes valeurs (ne pas mentir), et la
nécessité d’appliquer les recommandations du Médecin. J’étais pour ainsi dire pris
dans un conflit interne ou je devais choisir entre deux règles de conduite, deux
forces de pensée. Dans un choix comme dans l’autre j’allais devoir y laisser un petit
peu de ma personne.
Je me suis alors demandé si mon cas ne s’inscrivait pas dans un problème plus
global, et généralisable à l’ensemble de la profession, au sens que mes Valeurs de
sincérité pourrait bien faire partie des Valeurs de la profession Infirmières, et que les
recommandation du Médecin, ne ferait que s’inscrire dans un cadre légal
contraignant tout acteur de soin.
Question de départ :
Ainsi a émergé mon premier questionnement. La question que je me suis
immediatement posé est : en tant qu’Infirmier, peut-on toujours dire la vérité au
patient ? Cette question a été le point de départ de ce travail, le point de départ de
tout mon questionnement, jusqu'à la question de recherche. Cette interrogation
constitue la première question clef de tout mon travail. Nous la nommerons
« question de départ ». De là s’en suit tout un questionnement. En effet, si le
Médecin tarde à faire l’annonce, et que c’est un acte qui lui incombe légalement, et
que le malade demande la vérité avec insistance, que faire ? Si l’on a comme valeur
de toujours dire la vérité, va-t-on risquer d’outrepasser nos autorisations légales pour
respecter nos engagements moraux ? Lorsque les valeurs de la profession ou même
les notres se retrouvent en contradiction avec la loi, que faire ? Qu’est-ce qui serait
le plus utile pour le patient ? Parfois, est-il préferable de mettre ses valeurs de coté
au nom de la « cohérence thérapeutique » afin de garantir la qualité de prise en
charge par le service entier ? Y’aurait-il plusieurs « véri» et pas qu’une seule, ainsi
chacun aurait son rôle a jouer dans l’annonce de telle ou telle vérité ? Certaines
règles peuvent-elles nous pousser à ne pas être soignant ?
Afin de connaître un peu l’avis de la profession sur ces questions plutot naïves, au
sens qu’au moment je me les posais je n’avais pas encore explorer les
références conceptuelles, je me suis rendu dans un service d’hopital de jour, en
Cancerologie au Centre Antoine Lacassagne à Nice. J’y avais dejà passé 4
semaines au cours d’un stage de 3ème année, ainsi je savais que les Infirmières
était fréquemment en prise avec ce genre de situation. J’ai donc préparé un petit
questionnaire qui reprennait un peu toute les questions que je me posais, afin de
déterminer si oui ou non les infirmières disaient toujours la vérité au patient. Je l’ai
distribué à 4 Infirmières, ainsi qu’à la Cadre Superieure de Santé, Mme Lanoix.
Je vous propose donc de regarder ce questionnaire ainsi que les réponses
recueillies, et bien evidemment, de les analyser. Puis, au sortir de cette analyse,
nous explorerons le cadre de référence (législatif et conceptuel) afin de formaliser
une interpretation conceptuelle des réponses et une seconde question clef : la
question de recherche.
Voici tel quel le questionnaire que j’ai distribué au panel de 5 Infirmières :
Questionnaire pré-enquête
1°) Pour vous une fonction essentielle du métier infirmier est elle de savoir entrer en relation
avec un patient? Pourquoi ?
2°) Pensez vous que tous les patients ont besoin connaître leur diagnostic lorsqu’il est
sûrement établi et quel qu’il soit ? Pourquoi ?
Comment faire lorsque le médecin tarde trop à faire l'annonce ?
3°) Seriez-vous prêt à dire la vérité à un patient qui vous la demande alors que la loi vous
l’interdit ?
- Si oui dans quel cas ?
- Si non comment faire alors pour appliquer la loi régissant les droits des patients ?
4°) Selon vous, est-il possible que dans certains cas, le respect des règles professionnelles
nous pousse à ne pas être aidant ? Dans quels cas ? Pourrais-je avoir un exemple SVP ?
5°) Pour vous, faut il VRAIMENT toujours dire la vérité au patient ?
Sur les 5 questionnaires distribués, tous furent exploitables. Lorsqu’une réponse
n’est pas précisé, c’est qu’elle fut l’objet d’un « ne se prononce pas ».
A la question n°1, 4/5 IDE ont répondu Oui. Cela signifie que la relation
soignant-soigné est une donnée fondemmentale de la profession pour 80% des
Infirmières interrogées. Cela pose la question de savoir quel type de relation ?
L’authenticité etant un des fondemments de la relation d’aide, et cette dernière etant
le seul type de relation enseigdans les IFSI, nous la considererons comme etant
la plus communement adopté par la profession, et nous l’étudierons plus en
profondeur dans le cadre conceptuel.
A la question n°2, 5/5 IDE ont repondu oui. Nous voyons donc que la
necessité de transparence vis a vis du malade est aussi une Valeur primordiale sur
le terrain. Le patient a donc besoin de connaître la vérité. Le besoin de vérité pour le
malade necessite une profonde sincérité de la part de l’Infirmière, et nous verons par
la suite commen les resultat de cette question peuent s’articuler avec ceux de la
question n°1.
Au « pourquoi ?» de la question, les IDE ont été une majorité à repondre que
c’etait pour permettre au patient de commencer son travail de deuil, sa
reconstruction.
Quant au « comment ?», 3/5 IDE choisissent d’insister auprès du Médecin. Cela
montre certainement l’envie des Infirmières d’apporter la vérité au patient, mais sans
se substituer a un rôle qui incombe au Médecin. Mais cela montre aussi qu’elles ne
sont pas dans la passivité, qu’elles sont dans l’action, comme si cela montrait leur
« envie » d’amener le patient à la vérité.
La question n°3 vient corroborer les resultats de la dernière partie de la
précedente question. En effet, 5/5 IDE ont repondu Non. Cela montre que les
Infirmières applique la loi de façon unanime. Elles ne la transgresseraient pas pour
dire la vérité à un patient. Cette reponse appelle à s’interroger, si lon regarde les
reponses aux questions précedentes. En effet, il existe donc un cas justifiant de
trahir la sincerité que l’on doit au patient pour pouvoir entrer en relation d’aide avec
lui. Ce cas, c’est la loi.
La suite de la question fait référence aux « droit des patients » d’avoir accès à
toute information médicale les concernant pour justifier de devoir repondre a toutes
leurs questions, et non aux Valeurs de sincérité du corps Infirmier. Pour appliquer
cette loi, les IDE renvoie le patient au Médecin. Encore une fois, elles mette en place
une action leur permettant d’appliquer la loi.
Pour emmettre une critique à cette question, je dirais que plutot que de parler
d’ « être prêt a dire la vérité », j’aurais plutot dû formuler en tant que « avez-vous eu
envie ». Cela aurait placé l’infirmière au niveau de ses intentions, et non, dejà, au
niveau de l’action. Peut-être aurions nous eu un autre type de réponses… De plus,
dans la seconde partie, plutot que de faire référence a une autre loi, j’aurais
simplement dû faire référence à leurs valeurs. Là encore les réponse aurait pu être
plus contributive.
La question 4 donne des réponses nettement plus divisées : 2/5 repondent
que non, le respect de certaines règles ne nous poussent pas à ne pas être aidant.
Et 2/5 répondent que tant qu’on s’en tient à notre rôle on est aidant. Cette question
emmet l’hypotèse que parfois on puisse se trouver dans un paradoxe. Une impasse
d’action. La moitié de celles qui ont répondu pensent que l’hypothèse est fausse.
L’autre moitié l’admet, mais trouve instantanement la solution : s’en tenir à notre
rôle. Malheureusement, aucun exemple n’a été donné. Ce point meritera une
exploration conceptuelle dans la partie suivante.
Enfin, à la dernière question, reprenant l’idée globale du questionnaire, les
réponses sont unanimes : toutes pensent qu’il faut toujours dire la vérité au patient.
Mais pas forcement soi même. Parfois il faut renvoyer à une tierce personne
autorisée à annoncer la vérité. La tierce personne etant le Médecin, et la notion
d’autorisation étant la Loi.
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