annonce sauvage et qui plus est incertaine, ce qui aurait pu détruire le patient... Mais
en même temps je me suis dis que c'était dans l'intérêt du patient de savoir... Mais
l'était-ce réellement ?...
J'ai donc plus ou moins esquivé la question, puis embrayé sur un autre sujet, sur un
trait de sympathie, histoire de détourner l'attention et détendre l'atmosphère.
Sur le moment, j'ai bien eu l'impression que ma réponse avait été crédible, mais je
me suis demandé après coup si le patient m'avait réellement cru... Car les patients
ne sont pas dupes, et peut-être savait-il si je mentais ou non ?
Et en fait, j'ai continué à être gêné tout seul, après être sorti de la chambre... Car je
savais qu'il y'avait une forte suspicion de tumeur cérébrale, et que le résultat du
Scanner avait 9/10 chances d'être très mauvais, et donc annonciateur d’un très
mauvais pronostic. D'autant que le Scanner datant de la veille, les résultats étaient
certainement connus de l'équipe.
Alors j'ai attendu le lendemain, où il y'avait une réunion d'équipe où le Médecin
reprenait les cas de certains malades et en profitait pour mettre certains membre de
l’équipe au courant d’informations qu’il n’aurait pas eu par leurs propres moyens. Le
cas de Mr S. a été repris, et j’ai appris le résultat du Scanner : tumeur maligne stade
4 envahissant la loge vestibulaire droite. Le Médecin a fait part de son inquiétude
quand à l’avenir du patient, et a avoué qu’il le considérait « condamné » à court ou
moyen terme. J’ai alors demandé si le patient était au courant du résultat. On m'a
demandé pourquoi je posais cette question, j'ai répondu "parce que le patient me l'a
demandé"... Et le Médecin du service m'a immédiatement repris, presque affolé: "tu
ne lui a pas dis j'espère ??!! Parce qu’il ne faut pas lui dire, il ne le sait pas
encore!!..." J'ai répondu que non, bien évidemment. Le Médecin voulait attendre le
moment opportun pour faire l’annonce.
Mais cela m'a contrarié qu'on se soucie plus de ne pas lui dire, plutôt que de lui
dire... On aurait dit un secret de polichinelle, où tout le monde le sait... sauf le
principal intéressé... J'appréhendais un peu la prochaine rencontre avec le patient
où il me demanderait encore les résultats de son scanner.
Une fois la réunion finie, arriva le moment d'aller dans la chambre du patient avec le
résultat en tête. Inévitablement, le patient me demanda: "alors, vous avez eu les
résultat du Scanner ?"
Toujours la même réponse de ma part, "je n'ai pas accès aux résultats..." mais cette
fois-ci, le patient m'a rajouté: "bah, ça doit pas être si grave que ça, ils ont pas l'air
de s'affoler"... et là, deuxième grand moment de solitude... Que répondre... J'ai
encore du rougir, laissé transparaître que j'étais mal a l'aise. Cette fois-ci j'ai
vraiment pas su quoi répondre... j'ai bafouillé un "je sais pas... je peux pas vous
dire...". Bref, une sortie nettement moins réussie que la première fois...
Je pense a posteriori que ma réponse n'était pas du tout crédible et que le patient
me "gérait" de plus en plus. Il devait sentir la mauvaise nouvelle, et j’étais mauvais
menteur... J'ai vraiment commencé à me poser la question de comment se sortir de
ce genre de situations inextricables ou l’on est contraint a mentir. Comment faire
pour donner une réponse qui puisse ne m’obligerais pas à mentir, mais qui
n'angoisserais pas le patient pour autant...