chez les Chaldéens, les Perses et les Juifs (11), dogmes qui sont encore
incomplètement connus de nos jours. En outre, Plotin, embrassant, pour les fondre
dans un vaste éclectisme, les doctrines de XII toutes les écoles antérieures, il faut,
pour le comprendre, avoir présents à l’esprit les enseignements de toutes ces écoles
et s’être familiarisé avec la langue propre à chacune d’elles. Platon avait inscrit, dit-
on, sur le frontispice de son école : « Que nul n’entre ici s’il n’est géomètre. » Plotin
aurait pu inscrire sur la sienne : « Que nul n’entre ici s’il ne possède la philosophie
antique (12). »
D’un autre côté, la manière de composer de l’auteur n’était guère propre à diminuer
les difficultés. Son œuvre n’est pas en effet, comme nos traités méthodiques, formée
de livres qui se suivent en s’enchaînant et dont les premiers préparent et éclairent les
suivants : sa pensée est disséminée dans des morceaux détachés, indépendants les
uns des autres, et dont cependant chacun suppose presque la connaissance de toute
la doctrine. Enfin, son style vient encore ajouter à tant de causes d’obscurité. De
l’aveu de Porphyre, son disciple et son premier éditeur, l’expression de Plotin est
souvent peu correcte ; sa phrase, d’une extrême concision, et enfermant plus de
pensées que de mots, est à peine achevée (13). Aussi, Longin, amateur de beau
langage, adressait-il à Porphyre les plaintes les plus vives à ce sujet, et attribuait-il à
des fautes de copistes la peine qu’il avait à comprendre les écrits de Plotin (14).
Sans doute Porphyre, que Plotin avait chargé de revoir ses écrits et d’y mettre la
dernière main, a dû prendre à cœur de faire disparaître une grande partie des
imperfections qui les déparaient (15) ; mais, en admettant qu’il y ait pleinement
réussi, les copistes, par les mains desquels son travail a dû passer pendant douze
siècles avant que XIII les Ennéades pussent être livrées à l’impression, n’ont pas plus
épargné cet ouvrage que les autres œuvres qui nous restent de l’antiquité ; ils ont
même dû défigurer d’autant plus le texte original de notre auteur qu’il était plus
difficile à comprendre. On peut en effet juger de leur embarras et de leurs erreurs par
le nombre et l’importance des variantes que présentent les divers manuscrits.
Telles sont les difficultés contre lesquelles avait à lutter le traducteur de Plotin,
difficultés qui jusqu’ici ont paru si grandes qu’elles avaient fait à notre auteur la
réputation d’être inintelligible (16), et qu’elles avaient rebuté ceux qui auraient pu
être tentés de le traduire en français.
Cependant, il s’offrait dans cette entreprise plusieurs genres de secours, les uns
pouvant servir à établir le texte, les autres à l’interpréter.
Le texte grec, publié pour la première fois à Bâle en 1580, près de cent ans après la
publication de la traduction latine de Marsile Ficin, n’avait été établi que sur un très
petit nombre de manuscrits ; aussi laissait-il beaucoup à désirer. De nos jours,
l’illustre Fréd. Creuzer, qui déjà, dès 1814, avait donné une édition spéciale d’un des
livres les plus intéressants de Plotin, du livre Du Beau, entreprit, de concert avec le
savant G.-H. Moser, d’améliorer ce texte, le seul que l’on possédât depuis plus de
deux cent cinquante ans. A cet effet, il collationna ou fit collationner les principaux
manuscrits de Plotin qui existaient dans les XIV grandes bibliothèques publiques. Le
fruit de de travail à été la magnifique édition des Ennéades qui a paru à Oxford en
1835, en 3 volumes in-4°. On y trouve, indépendamment de la traduction latine de
Ficin et de plusieurs autres genres de secours, une ample moisson de variantes, tirées
de nombreux manuscrits, et discutées savamment. Cependant, nous devons le dire,
malgré la beauté de l’exécution typographique, tette édition était encore loin de la
perfection. Peu de corrections ont été faites dans le texte, et, lorsqu’il en a été fait, on
n’a pas toujours pris lu soin de mettre la traduction en harmonie avec le nouveau
texte ; de plus, il a été introduit, par l’inhabileté ou par l’incurie des typographes
anglais, un assez grand nombre de fautes nouvelles ; la ponctuation surtout est très
vicieuse, ce qui augmente encore la difficulté de comprendre un auteur déjà obscur
par lui-même. La principale raison de cette imperfection, que M. Fréd. Creuzer a