Stage EA, A. Beitone - 1 - CR, L. Auffant
Stage d’économie approfondie animé par Alain Beitone
Vendredi 5 Octobre 2012, IUM d’Aix
Compte-rendu rédigé par Lucile Auffant
Préambule en 3 points:
1 / la cohérence interne du programme : les mêmes questions sont reprises le long du cycle
1ère/terminale pour favoriser l’appropriation de savoirs par les élèves.
Exemple : le marché 1ère et Terminale, en spécialité EA : marché des capitaux ; les
défaillances du marché : 1ère, terminale et spécialité EA.
Cela implique de veiller au suivi des élèves afin de s’assurer de la continuité des
apprentissages.
2 / Une évolution a été accentuée par les nouveaux programmes
1
: l’accent est mis sur
l’appropriation de concepts et de modes de raisonnement (et non plus d’objets empiriques).
Exemple de problématique : l’instabilité des économies de marché (1ère : marché, Terminale :
fluctuations économiques, + spécialité EA : instabilité des marchés financiers)
Autre exemple : la coordination. Dans toute économie il existe un problème de coordination :
ex émission de GES décentralisée : une gestion mondiale et coordonnée est nécessaire pour
limiter ces émissions, idem pour les marchés financiers. On a donc l’occasion à plusieurs
reprises tout au long du cycle terminal, de voir que la coordination des actions des agents qui
prennent des décisions décentralisées est l’un des thèmes essentiels de l’analyse économique.
On peut aussi travailler à partir de plusieurs exemples la portée et les limites de la
coordination par le marché (importance de l’analyse des défaillances du marché). Le regard
croisé sur l’entreprise est l’occasion de confronter la coordination par le marché et la
coordination par la hiérarchie.
En sociologie, l’une des questions essentielles concerne la cohésion sociale. On l’étudie en
première (socialisation, réseaux sociaux) et en terminale à propos, de la stratification sociale,
du conflit, du lien social dans une société d’individus.
3 / « Oser faire simple » : le fort degré de complexité des manuels (et de certaines fiches
éduscol) ne doit pas nous empêcher de faire simple. Exemple : lecture d’un TCAM = exigible
mais inutile de savoir calculer un TCAM.
Penser à lier les différents thèmes des programmes :
Les questions démographiques ont un impact sur la finance
La fixation des prix influe sur le pouvoir de marché.
La partie 3 du programme de spécialité EA sera davantage développée, à la demande des
collègues assistant au stage.
Point 3 : instabilité financière et régulation
Il est question de l’instabilité endogène des marchés, en particulier financiers. Cela suppose
que soient mises en place des procédures de régulation car le marché n’est pas autorégulateur.
1
La génération précédente de programmes allait déjà dans ce sens.
Stage EA, A. Beitone - 2 - CR, L. Auffant
IC :
Présenter les marchés financiers en prenant un ou deux exemples
Expliquer pourquoi il y a instabilité
Les facteurs explicatifs
Les choix à opérer en matière de régulation
On peut partir d’une définition large du marché des capitaux : tous les marchés d’actifs
financiers = titres de créances (obligations, devises) et titres de propriété (actions).
Aujourd’hui, les matières premières (blé, pétrole…) sont aussi considérées comme un actif
financier (d’où l’exemple des marchés de matières premières cité dans les exemples de
marchés financiers dans la fiche éduscol mais aussi dans le livre de D. Marteau). Mais sur ces
marchés, la majorité des transactions sont des produits dérivés (pour spéculer ou pour se
couvrir).
On peut aussi ajouter le marché climatique = s’assurer contre le risque climatique (ex de tour
operator garantissant x jours de soleil pendant un séjour, ces tour operator se couvrent contre
un risque)
Expliquer ce que sont les marchés : on peut s’appuyer sur les acquis de 1ère (marché de
marchandises) et étudier le marché des actions (primaire/secondaire) : ex de l’introduction de
Facebook à la bourse de New York.
Montrer l’interdépendance des marchés : on peut utiliser le passage page 9 du livre de D
Marteau. Lien marché de matières premières- taux d’intérêt -taux de change (euro/dollar)
Autre exemple : le clenchement du krach boursier de 1987 (débat sur le taux du marché
monétaire, contagion à la crise boursière puis à la crise de change et à la crise bancaire).
Autre exemple d’interdépendance entre marché des matières premières et marché financiers :
envol du prix des matières premières entre 2004 et 2007 (métaux, riz : cf. Mc Do qui diminue
de moitié la portion de riz dans ses menus pour que le prix reste abordable) puis après le krach
sur le marché immobilier américain, le cours des matières premières plonge (en 2009).
L’instabilité est liée à des phénomènes de contagion et peut avoir un effet systémique si un
nombre important de marchés est impacté.
3.1 Qu’est-ce que la globalisation financière ?
La globalisation financière s’amorce dans le dernier tiers des années 1970 et s’amplifie
durant les années 1980-90.
UE : libre circulation des capitaux complète depuis 1990 (auparavant l’accueil des IDE était
soumis à l’accord du ministre de l’économie et des finances : cf. installation de Ford en
Aquitaine).
USA : des années Roosevelt au début des années 1980 : taux d’intérêt plafond contrôlé par
l’Etat. La remise en cause de la séparation des banques d’affaires et des banques de dépôt date
de 1986 (contre 1984 en France). (La loi Glass et Steagall ou Banking Act datait de 1933).
Il existe de bonnes raisons à cette évolution.
Une des bonnes raisons : la situation démographique (vue dans point 1 de la spé EA)
A partir du moment les échanges commerciaux se développent, il n’y a aucune raison de
penser que dans tous les pays l’équilibre I = S est respecté autrement dit aucune raison qu’il
n’existe pas de déséquilibre extérieur.
Le solde de la balance des transactions courantes est égal à la différence entre l’épargne et
l’investissement.
Stage EA, A. Beitone - 3 - CR, L. Auffant
Si S n’est pas égal à I cause de structures démographiques, ou de la dynamique de la
croissance économique dans le pays : USA) alors il faut combler des déséquilibres : ceux qui
sont en déficit doivent emprunter sur les marchés mondiaux. Par contre ceux qui sont en
excédent (Ex Chine dont taux d’épargne = 44 %, ou Norvège) doivent placer le produit de
leurs excédents sur le marché mondial.
Autre exemple : le recyclage des « pétrodollars » après les chocs pétroliers de 1973 et 1979.
La circulation internationale des capitaux est donc une réponse à un problème objectif (par
exemple les Etats-Unis ont été emprunteurs nets sur le marché mondial des capitaux de leur
naissance à 1914 : ce pays jeune et en forte croissance empruntait l’épargne des pays plus
vieux économiquement et démographiquement. Lénine parle de la « tonte des coupons »
pratiquée par les pays arrivés au « stade suprême du capitalisme »). La globalisation
financière est donc nécessaire mais cela ne signifie pas que la libéralisation des capitaux doit
être totale ni que l’on doit renoncer à tout dispositif de contrôle des risques.
2ème bonne raison : le système économique et financier mondial est devenu plus instable
à partir de mi 1970 (de 1933 à 1969 : prix de l’or stable à 35 dollars l’once).
1971-73 : changes flottants se mettent en place ce qui accroît la volatilité des taux de change
et des taux d’intérêt.
2 types de comportements : ceux qui ont une aversion pour le risque et cherchent à se couvrir
contre le risque, et ceux qui considèrent que plus de risque engendre un rendement plus élevé
et veulent gagner davantage dans un contexte de volatilité accrue. Sans les seconds, les
premiers ne pourraient pas se couvrir. La spéculation est fonctionnelle : elle permet le
transfert d’un risque. Si tous les individus avaient le même comportement face au risque, il
n’y aurait pas de couverture. Il est donc souhaitable que certains acceptent davantage de
risques (rémunérés par une prime de risque) et que d’autres acceptent de payer pour s’assurer
contre ce risque.
Le lien entre risque et rendement doit être expliqué aux élèves. Le risque est estimé par le
marché
2
: rôle des anticipations et de l’information sur le risque. Les prix sur les marchés
incluent la prime de risque.
L’agrégation de ces deux types de comportement amplifie le risque systémique. Cependant,
une par une, il est difficile de savoir quelle opération est spéculative et laquelle ne l’est pas.
De nos jours, de nombreuses coopératives agricoles vendent par anticipation les futures
récoltes = elles se couvrent car elles garantissent un prix et en même temps elles le font selon
leurs anticipations. Lorsque la coopérative anticipe une hausse des cours, elle attend pour
vendre = spéculation. Toute personne qui n’est pas couverte contre un risque spécule (y
compris celui qui part en vacances à la dernière minute grâce à lastminute.com). La
spéculation est une cause d’instabilité.
Pb : cette agrégation de comportements rationnels risque d’amplifier l’instabilité des marchés,
la volatilité des cours des matières premières ou des cours du change par exemple. Mais ceux
qui opèrent sur les marchés spéculatifs ont de bonnes raisons de le faire : se protéger contre
des risques. Néanmoins cela ne signifie pas pour autant autoriser toutes les innovations
financières (telles que celles permettant de vendre un titre que l’on ne possède pas
3
).
2
Ce qui ne veut pas dire que le marché est efficient dans l’évaluation du risque. Ce dernier peut être surestimé
ou sous-estimé. Par exemple avant le déclenchement de la crise de 2007, le marché a mal évalué la montée des
risques. Ensuite certains risques ont été surestimés (éclatement de la zone euro) et on conduit à des variations
excessives de certains prix (taux d’intérêt sur certaines dettes souveraines).
3
Pendant la crise certaines ventes à découvert ont été interdites. L’Union européenne vient d’adopter une
législation qui interdit l’acquisition d’instruments de couverture (CDS) sur des titres que l’on ne possède pas
(CDS « à nu »).
Stage EA, A. Beitone - 4 - CR, L. Auffant
Lien entre innovations et finance (marché des options car les contrats à terme fermes ne
permettaient pas toujours de se protéger correctement et surtout empêchent de bénéficier
d’une évolution des cours favorable).
Option = se protéger contre l’évolution défavorable et saisir le gain si l’évolution du cours
nous est favorable. Ici la prime est plus élevée car celui qui vend l’option prend un risque
potentiellement illimité, alors que l’acheteur d’option risque dans le pire des cas de perdre le
prix d’achat de l’option (prime).
La globalisation est donc la réponse à la mondialisation des économies et à l’instabilité accrue
des marchés financiers. La question centrale c’est le décalage entre le développement des
nouveaux produits et des nouveaux marchés d’une part, et la mise en place des instances de
régulation d’autre part. Par exemple la négociation Bâle 1 a été lancée en 1987 à la suite du
krach financier mondial. La mise en place des mesures adoptées a été très lente. Elle s’est
étendue jusqu’en 1997… date de déclenchement d’un nouveau krach financier !
IC : les 3 D (ce triple mouvement a déjà été vu en 1ère). Deux points à présenter :
1er point : des acteurs sociaux ont promu cette décision : ce sont les Etats qui ont décidé des
3 D. ex loi bancaire de 1984 en France. Le système bancaire était alors perçu comme trop
rigide, le cadre semblait très peu concurrentiel.
Ce mouvement des 3 D a alimenté un développement de la finance de marché qui n’a
bénéficié, pour l’essentiel, qu’à deux acteurs : l’Etat (il peut émettre des bons du Trésor sur
un marché plus profond et plus liquide) et un petit nombre de grandes entreprises qui ont eu
accès au financement à court terme (émission de billets de trésorerie). Pour les ménages le
cadre reste peu concurrentiel (cf. démarches pour changer de banque…)
4
.
Réf : CEPII, L’économie mondiale 2013, La Découverte, Coll. Repères, 2012. Chapitre rédigé
par J. Couppey-Soubeyran et G. Capelle-Blancard
2ème point : les 3 D ont provoqué des changements effectifs : la pression de la contrainte
extérieure qui en 1982-83 concernait les transactions courantes s’est déplacée vers la sphère
financière (tensions internationales sur les taux d’intérêt).
3.2 Comment expliquer les crises financières et réguler le système financier ?
Idée de l’instabilité endogène des économies de marché : dette, boom, crise
Phase d’expansion du cycle alimentée par un climat de confiance, une offre de crédit par les
banques et une demande de crédit par les agents économiques non bancaires (la dette).
La dette commence par nourrir le boom : grâce au crédit, la demande augmente, le taux
d’utilisation des capacités de production augmente, la croissance s’accélère (optimisme,
euphorie).
Qu’est-ce qui déclenche la crise ? Pendant le boom, le taux d’endettement des agents non
bancaires a augmenté, à un moment les banques vont considérer que ce taux est trop élevé,
elles contractent l’offre de crédit ce qui crée un choc négatif sur la demande puis un processus
cumulatif de retournement lui-même autoentretenu (faillites, chômage…).
Puis le niveau d’endettement ayant été réduit, les agents économiques non bancaires les plus
fiables se remettent à emprunter…
(à relier au ch 1.2 de sciences éco : cycle du crédit)
4
Voir l’étude critique de la désintermédiation dans le livre de J. Couppey-Soubeyran, Monnaie, banque, finance,
PUF, Coll. Licence, 2ème éd. 2012
Stage EA, A. Beitone - 5 - CR, L. Auffant
Schéma 21tiré du livre de R Boyer « Les financiers détruiront-ils le capitalisme ? »
(Economica, 2011)
1ère cause : élargissement du marché des acheteurs de logement aux USA, les ménages ont été
démarchés par des intermédiaires avec des contrats leur disant que rembourser le crédit était
équivalent à payer un loyer. Contrats attractifs : taux d’intérêt bas et fixe… mais seulement
pendant 3 ou 4 ans ensuite taux variables plus élevés (mais lors de la signature du contrat les
ménages n’en avaient pas conscience).
Le déclenchement de la crise a commencé quand des contrats ont basculé du taux fixe au taux
variable et que les remboursements ont doublé ou triplé. Cela a engendré une forte hausse du
taux de défaut des crédits.
Avril 2007 : le deuxième opérateur sur le marché américain des crédits subprimes annonce
qu’il est en faillite car trop de défauts de paiement, puis effet de contagion.
On notera l’importance de l’information : des agents économiques ont signé des contrats
qu’ils ne comprenaient pas.
Le système d’incitations est pervers : les courtiers, payés à la commission, n’ont pas
sélectionné les risques
5
.
Le phénomène s’est amplifié avec la titrisation. Les banques ont transféré ces créances
(produits structurés). Le modèle « originate and distribute » se généralise.
La diffusion de ces crédits a alimenté la bulle à la fois de crédit et immobilière. La bulle
s’autoentretient tant que les anticipations sont haussières
6
.
La prise de risque est pro cyclique : le boom. Certains savent qu’ils prennent un risque mais
pensent avoir une rémunération plus forte donc le niveau de risque augmente. La bulle finit
par exploser.
Le schéma précise « réverbération » : ce qui se produit sur un marché se diffuse à l’ensemble
du système économique.
Schéma 5 de R Boyer : les mécanismes conduisant à l’explosion de la prise de risque
notamment production d’informations de mauvaise qualité (conflit d’intérêt dans les agences
de notation), notamment aussi les innovations permanentes sur des produits complexes :
information incomplète dans les banques. Les dirigeants des banques ont pris des risques en
acquérant des actifs dont ils ne comprenaient pas le contenu.
De nombreuses incitations ont amplifié la prise de risque, l’éclatement de la bulle était
inévitable.
Doc du CAE (Rapport sur La crise des subprimes, disponible intégralement et gratuitement
sur le site du CAE)
Un changement institutionnel : les changements des normes comptables : les actifs sont
comptés à leur valeur de marché. Or il y a deux effets pervers :
1 / C’est massivement pro-cyclique, cela amplifie l’accélérateur financier décrit en 1989 par
B. Bernanke.
Quand le prix des actifs monte, la probabilité d’obtenir des crédits augmente donc on peut
acheter plus d’actifs ce qui fait grimper le prix des actifs et du bilan d’où de nouveaux
crédits…
Par contre, quand la valeur des actifs baisse, le montant des prêts diminue, les projets
d’investissement sont révisés à la baisse…
7
55
C’est un cas typique d’aléa moral. Les courtiers ne supportaient pas les risques des crédits. Ils recevaient une
commission et n’étaient plus concernés par la suite. De même les banques, dès lors qu’elles titrisent les crédits,
ne supportent plus les risques correspondant à ces crédits.
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Voir le dernier chapitre du livre de Didier Marteau sur les fondements microéconomiques de la crise de 2007.
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