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Envoyé par Cammartin.
THEATRE
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Il faut prendre en compte une hétérogénéité fondatrice : le théâtre c’est à la
fois une pratique d’écriture et une pratique de représentation (interprétation, mise
en scène). Les théories relatives au théâtre tendent ou visent à couvrir cette
hétérogénéité.
De 500 av. J.C. à la Renaissance (21 siècles) le théâtre s’est déroulé en
plein air.
Il était gratuitement offert à la population par les autorités. C’était un service public :
- De divertissement, à Rome (où il faisait partie de « jeux » réclamés, avec
le « pain » par le peuple).
- De divertissement et aussi d’enseignement, en Grèce et au Moyen-âge
(pour un public illettré dans son immense majorité).
Tous les rôles, masculins ou féminins, étaient tenus par des hommes. La
comédienne n’existait pas.
Les comédiens n’étaient pas professionnels (sauf à Rome), car le théâtre avait lieu,
en Grèce, seulement dix jours par an. A Rome soixante jours. Au Moyen-âge,
quelques jours à Noël et à Pâques.
Il se déroulait dans la journée, au soleil (A Rome, toujours le matin). Il était lié à la
religion.
Pas de séparation entre scène et salle : acteurs et spectateurs étaient rassemblés
dans un même lieu.
Toutes les classes de la société assistaient, en même temps, au même
spectacle.
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Platon oppose deux modes d’écriture : la mimésis, ou imitation parfaite,
dans laquelle le poète donne l’illusion que ce n’est pas lui qui parle, mais ses
personnages, et la diégésis, ou récit pur, dans lequel il perle en son nom.
Platon abordant le théâtre d’un strict point de vue de lecteur (et non de
spectateur, puisqu’il ne parle pas du jeu), définit l’écriture dramatique par le
dialogue. Or, nous allons montrer qu’en fait le jeu qui se réalise dans la
représentation est inscrit au cœur me de l’écriture et la préforme. C’est lui (et
non le seul dialogue) qui permet de définir le texte dramatique, sans quoi rien ne
laisserait distinguer une pièce de théâtre du dialogue didactique platonicien et des
dialogues philosophiques écrits sur ce modèle, ceux de Cicéron, de Voltaire ou de
Diderot.
Chaque épisode des aventures des Atrides et des Labdacides est un matériau d’une
telle richesse qu’il réclame un art plus profond que celui du conteur pour livrer tous
ses secrets. D’où la nécessaire invention du théâtre. Mais il s’agit alors de passer de
la « diégésis » (imitation par le récit raconté) à la « mimésis » (imitation par la
représentation de personnages agissants).
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La mise au point des techniques nécessaires à un tel passage a duré un siècle, en
gros : le -6ème siècle.
Acteurs : Lourds mannequins géants, matelassés sous leur longue robe, à la
démarche lente et saccadée, assez effrayants avec leur énorme masque (porte voix
d’où sort une voix surhumaine), montés sur leurs cothurnes, ils se déplacent au son
d’une flûte ou de percussions. Ils ne chantent pas, mais psalmodient leur texte.
Impossible aux spectateurs de se « mettre à leur place », de participer aux aventures
de telles créatures. Ce qui ne les empêche pas de les juger. De réfléchir sur leur
comportement.
Par une sorte d’opération magique, c’est un dieu, un demi dieu, voire un fleuve « en
personne », que le peuple contemple et écoute. Le comédien est anonyme.
Exactement le contraire du théâtre réaliste ou du cinéma. Il est difficile au spectateur,
après avoir vu G. Philippe dans Julien Sorel, de donner au personnage de Stendhal
d’autres traits que ceux de la vedette. Le cinéma limite l’imagination, le théâtre
grec l’exaltait.
Tout est codifié, mais le code change avec les époques. Robe pourpre : roi, robe
blanche : princesse…
Les Trois grands : Eschyle, Sophocle, Euripide.
1. Eschyle (-525/-456, 69 ans).
Eschyle est un géant du théâtre. Il faudra attendre Shakespeare pour trouver un
poète de cette dimension. Victor Hugo : « Eschyle est magnifique et
formidable, comme si l’on voyait un froncement de sourcil au-dessus du
soleil ». C’est un homme du –6ème siècle, préoccupé avant tout des problèmes de
la Cité. Importance du chœur. Psychologie sommaire mais non inexistante.
Même pour les Grecs, il deviendra vite un grand classique plutôt lu que joué.
Sept pièces sur 90 nous sont parvenues. Parmi elles :
Les Perses (-472) : la seule « tragédie historique » arrivée jusqu’à nous. Hitler et
ses proches se lamentant dans son bunker devant un public d’après guerre, voilà
le tour de force qu’Eschyle réalise en montrant à ses compatriotes Xercès vaincu,
à chaud, sans schématisme partisan. Pièce d’ancien combattant condamnant
l’horreur de la guerre, c’est par là qu’elle nous touche encore.
2. Sophocle (-496/-406, 90 ans)
Sophocle : l’auteur le plus fécond, le plus primé, le plus admiré. Sa génération n’a
plus à instaurer la démocratie. Elle s’intéresse encore aux problèmes de violence,
du sacrilège, des rapports avec le pouvoir, sa légitimité, etc. mais surtout au
conflit entre l’homme et les dieux « qui ont la cruauté de l’enfance et dont les
jeux coûtent cher aux mortels ». Cocteau. Bref, au destin individuel.
Le chœur, témoin civique, a moins d’importance.
Sept pièces sur cent vingt trois nous sont parvenues. Parmi elles :
Antigone : (-440). Encore une histoire de sépulture. Créon outrepasse son
pouvoir. Devant, sinon l’absence, du moins le silence des Dieux, Antigone en
appelle au droit parental. Elle mourra, mais la cité lui donne raison.
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Œdipe-roi : (-421 ?). Titre grec : Oedipos-tyrannos. Il se croyait un « tyrannos »
(roi élu par acclamations), il était un « basileus » (fils d’un roi de droit divin). Il se
croyait un époux, il était un fils. Il se croyait le héros sauveur d’une cité, il était sa
honte et la cause de sa perte. Et c’est après s’être crevé les yeux qu’enfin il voit
clair.
3. Euripide (-480/-406, 74 ans).
Le grand classique des 4ème et 3ème siècles. On joue encore un peu Sophocle,
mais plus du tout Eschyle. Sa gloire posthume sera immense c’est lui qu’on
adapte, c’est lui qu’on imite. Et cela jusqu’à nos jours. Euripide, c’est déjà le
théâtre moderne, réaliste, voulant « rendre » la complexité de la vie. Les
acteurs ne sont plus matelassés, ils s’assoient. Les masques virent au
naturalisme. Le chœur s’efface.
Dix neuf pièces sur quatre vingt treize nous sont parvenues. Parmi elles :
Hippolyte, Andromaque, Oreste, Electre : tragédies « psychologiques.
Produisent une émotion d’ordre passionnel et non plus moral. (cf. notre 17ème
siècle avec Racine).
La tragédie.
Aucune scène d’amour dans la tragédie grecque.
Destin : on parle du « fatum », du destin, qui écrase le héros tragique. Or il s’agit là
d’un mot latin ! Dans la tragédie grecque, la fatalité porte le même nom que l’erreur :
« l’atè ».
C’est « l’hybris » (l’arrogance funeste) détestée des grecs foncièrement égalitaires
qui, par le sentiment de supériorité qu’elle inspire, mène à l’erreur, à la faute, à l’atè.
Le héros tragique est victime à la fois de la volonté des dieux, d’un coefficient de
hasard et de son erreur, de sa faute. Œdipe, par exemple, jadis, a eu des « torts » :
meurtre d’un voyageur inconnu (Laïus) sous l’empire de la colère, arrogance de
« tyrannos » acclamé. Tous les malheurs d’Ajax viennent de sa folle jalousie envers
Ulysse à propos de l’attribution des armes d’Achille.
Héros tragique : Etre un héros grec, c’est laisser une trace positive dans la mémoire
de la Cité. A la limite : mourir pour que la cité vive.
La Comédie ancienne.
Aristophane (-446/-385 ?, 61 ans).
Le grand auteur satirique de son temps. Son but ? Défendre la Cité contre
tous les abus politiques, culturels… Ses thèmes ? La nostalgie du bon vieux temps
et de la vie simple. La quête aux Enfers pour ramener les grands hommes du passé.
Le contraste entre Athènes décadente où tout va mal et un lieu utopique où tout va
bien. La satire des mœurs judiciaires. Les excès du chauvinisme. Il entend défendre
les petites gens contre les « décadents » de tout poil. Il se méfie du « progrès ». Il a
un côté chansonnier, anarchiste de droite. Mais il se montre soudain un étonnant
poète. Seul auteur comique « rescapé », il passe, de son temps, pour le meilleur.
Onze pièces sur quarante deux nous sont parvenues dont : Les guêpes (-422) : la
manie athénienne de la procédure. Racine en fait Les Plaideurs.
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Le théâtre grec nous est parvenu atrocement mutilé. Erosion des siècles ?
Destruction des grandes invasions ? Pas seulement.
Au 2ème siècle de notre ère, en Grèce romaine, sous le règne de l’empereur Hadrien,
des « pédagogues grammairiens » entreprennent de composer des « théâtres
choisis ». Ils sélectionnent donc les pièces « valables » selon leurs critères
d’intellectuels ! et ils détruisent les autres ! Des milliers ! Sur 348 pièces des « Trois
grands » et d’Aristophane, il en subsiste 44 ! Et quant aux autres auteurs (des
dizaines), il n’en reste que des fragments.
En l’absence de l’imprimerie, une telle destruction était possible : il suffisait de
rechercher, avec quelque acharnement, les copies sur tablettes de cire.
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L’apport des Romains au théâtre, c’est la verve comique. Et aussi la notion de
performance d’acteur.
Exemple des jeux Etrusques.
Les Etrusques, premiers occupants du sol latin, ont été parqués par les romains,
leurs vainqueurs, dans des villages. Les prêtres y vont, et ramènent à Rome des
saltimbanques raffinés.
Ces derniers montent leurs tréteaux (les romains n’ont jamais vu ça !) en pleine ville.
Et les représentations commencent.
Les spectateurs sont debout, sans gradins, devant une estrade, limitée au fond par
une sorte de skéné en bois (décorée en trompe l’œil de façon étrange et
impressionnante) qui est percée d’une seule porte centrale par où entrent et sortent
les « comédiens » qui sont plutôt des danseurs, des jongleurs, des prestidigitateurs.
Ils portent des costumes baroques et inquiétants. Ils dansent sans chanter et
chantent sans danser.
Si un musicien romain les accompagne, il doit rester dans le public. S’il mettait les
pieds sur le plateau, il serait immédiatement frappé d’infamie et perdrait ses droits
civiques !
C’est que les Romains éprouvent vis-à-vis de ces jeux Etrusques autant de
fascination que de crainte. Il s’agit à la fois d’un divertissement et d’un remède
magique. (censé éloigner la peste). Dispensé par une peuplade méprisée, on peut
sans doute voir dans cette première malédiction des comédiens la source de toutes
les autres, notamment leur excommunication par l’Eglise levée seulement en 1922 !
Théâtre civique : Pour un romain, il est impensable que les problèmes de la
République soient portés à la scène et que les « leçons » sortent de la bouche des
histrions, ces esclaves.
La Palliata.
Elle est typique, pour nous, du théâtre latin pour la bonne raison que ses auteurs,
Plaute et Térence (entre autres) sont les seuls dramaturges latins (avec Sénèque,
tragique tardif) à avoir échappé aux vandales.
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Mais le public de l’époque lui préférait la tragédie et les farces, ces dernières
imprégnant sans doute beaucoup Plaute.
1. Plaute (-251/-184, 67 ans).
Il est citoyen romain mais tout petit plébéien, chômeur. Il s’engage comme Maccus
(pitre souffre douleur) dans une troupe. Il est surnommé « Plautus », celui qui
marche à plat, sans cothurnes).
Plaire à tout prix est son but. Un Feydeau rabelaisien, maître de la comédie
« mouvementée ».
Aspect musical (chant et danse) très important chez lui, car très aimé du public.
Vingt pièces sur cent trente cinq nous sont parvenues. Parmi elles :
Amphitryon (-214) : Sans imiter personne, semble-t-il, Plaute a créé là un grand
thème théâtral repris sans cesse jusqu’à l’Amphitryon 38 de Giraudoux qui en a
décompté 37 avant le sien ! D’où le titre de sa pièce.
Le sujet est mythologique. Alcmène, femme très fidèle au général thébain
Amphitryon, est remarquée par Jupiter qui, prenant l’apparence de son mari,
passe une nuit avec elle en faisant tout ce qu’il faut pour engendrer Hercule. La
pièce est une suite de quiproquos : Amphitryon visitant sa femme entre deux
batailles s’entend dire qu’il était là la veille, son serviteur, Sosie, se trouve nez à
nez avec Mercure qui, prenant son aspect, est devenu son « sosie ». (Le mot
vient de là). Plaute peint en Alcmène la dame romaine idéale.
Style : Rude tâche de restituer Méandre le raffiné à des spectateurs grossiers et mal
installés. Plaute sait accrocher son public par de belles allitérations, tel le vers
suivant tout en invectives : « Scrattae, scrupipedae, strittabilae, sordidae »
(Putains, éclopées, épilées, sales). Invectives s’adressant à des courtisanes de bas
étage.
Psychologie : Sommaire. Les rebondissements de l’intrigue comptent d’avantage.
Cependant, le personnage de l’esclave (plus astucieux que son maître,
raisonneur parfois et dominant toujours la situation) annonce Scapin et Figaro.
2. Térence (-185 ?/-159, 26 ans).
Il est le contraire de Plaute sur tous les points : non citoyen romain, non
« professionnel écrivant pour vivre», soutenu par des notables, ennemi de la
truculence et des personnages types au comportement codé. Un artiste d’avant
garde en quelque sorte, subtil, raffiné… et n’ayant aucun succès public.
Il est le maître de la comédie « calme ». Il préfère le texte parlé au texte chanté.
Morale : Il faut être modéré en toutes choses.
Technique : La scène d’exposition tend à remplacer le prologue. L’aparté
(réflexion à haute voix) remplace le monologue s’adressant au public.
3. Sénèque(-4/65, 69 ans).
Le seul tragique romain qui nous soit parvenu. Tous ses sujets sont grecs mais la
manière de les traiter est très romaine. Plaçant ses personnages dans des
« situations limites » d’horreur, il les « torture » afin que se révèle leur vérité
enfouie. Antonin Artaud : « Sénèque est le plus grand des auteurs tragiques
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