La mise au point des techniques nécessaires à un tel passage a duré un siècle, en
gros : le -6ème siècle.
Acteurs : Lourds mannequins géants, matelassés sous leur longue robe, à la
démarche lente et saccadée, assez effrayants avec leur énorme masque (porte voix
d’où sort une voix surhumaine), montés sur leurs cothurnes, ils se déplacent au son
d’une flûte ou de percussions. Ils ne chantent pas, mais psalmodient leur texte.
Impossible aux spectateurs de se « mettre à leur place », de participer aux aventures
de telles créatures. Ce qui ne les empêche pas de les juger. De réfléchir sur leur
comportement.
Par une sorte d’opération magique, c’est un dieu, un demi dieu, voire un fleuve « en
personne », que le peuple contemple et écoute. Le comédien est anonyme.
Exactement le contraire du théâtre réaliste ou du cinéma. Il est difficile au spectateur,
après avoir vu G. Philippe dans Julien Sorel, de donner au personnage de Stendhal
d’autres traits que ceux de la vedette. Le cinéma limite l’imagination, le théâtre
grec l’exaltait.
Tout est codifié, mais le code change avec les époques. Robe pourpre : roi, robe
blanche : princesse…
Les Trois grands : Eschyle, Sophocle, Euripide.
1. Eschyle (-525/-456, 69 ans).
Eschyle est un géant du théâtre. Il faudra attendre Shakespeare pour trouver un
poète de cette dimension. Victor Hugo : « Eschyle est magnifique et
formidable, comme si l’on voyait un froncement de sourcil au-dessus du
soleil ». C’est un homme du –6ème siècle, préoccupé avant tout des problèmes de
la Cité. Importance du chœur. Psychologie sommaire mais non inexistante.
Même pour les Grecs, il deviendra vite un grand classique plutôt lu que joué.
Sept pièces sur 90 nous sont parvenues. Parmi elles :
Les Perses (-472) : la seule « tragédie historique » arrivée jusqu’à nous. Hitler et
ses proches se lamentant dans son bunker devant un public d’après guerre, voilà
le tour de force qu’Eschyle réalise en montrant à ses compatriotes Xercès vaincu,
à chaud, sans schématisme partisan. Pièce d’ancien combattant condamnant
l’horreur de la guerre, c’est par là qu’elle nous touche encore.
2. Sophocle (-496/-406, 90 ans)
Sophocle : l’auteur le plus fécond, le plus primé, le plus admiré. Sa génération n’a
plus à instaurer la démocratie. Elle s’intéresse encore aux problèmes de violence,
du sacrilège, des rapports avec le pouvoir, sa légitimité, etc. mais surtout au
conflit entre l’homme et les dieux « qui ont la cruauté de l’enfance et dont les
jeux coûtent cher aux mortels ». Cocteau. Bref, au destin individuel.
Le chœur, témoin civique, a moins d’importance.
Sept pièces sur cent vingt trois nous sont parvenues. Parmi elles :
Antigone : (-440). Encore une histoire de sépulture. Créon outrepasse son
pouvoir. Devant, sinon l’absence, du moins le silence des Dieux, Antigone en
appelle au droit parental. Elle mourra, mais la cité lui donne raison.