RE-Wet ! (répétition générale du 21 janvier 08)
michèle pralong
Comme ici
j’aime quand au théâtre quelque chose chuchote quelque part que tout est possible
oui, quand se rejoue peut pourrait se rejouer l’irrémédiable
un irrémédiable
de l’irrémédiable
des morts alors qui mâchent et marchent, remâchent et remarchent, entrent à
nouveau dans le bla
du tout est à nouveau possible
une fois
encore une fois
c’est ça c’est ça, au théâtre, c’est le encore que j’aime
J’aime quand l’acteur vient des coulisses et pas de la vie,
mais qu’il vient des coulisses avec sa vie,
une biographie,
c’est-à-dire peau et os et ça et surmoi et tout le tremblement
c’est-à-dire une manière de marcher, de saliver, de cligner bien à lui/à elle
et qu’il occupe l’espace-temps avec cette biographie, ce corps bien lui/ à elle
histoire me rappeler à ma biographie, à mon corps bien à moi
comme des souvenirs à blanc
ou prêtés
comme des sensations surtout
et alors sur scène ce qui est est
et moi aussi je suis
des verbes suivre et être
ce qui est un beau présent
on pourrait dire que je demande peu au théâtre
il me suffit parfois d’entendre ne serait-ce qu’un mot, une phrase, une respiration
de voir ne serait-ce qu’une épaule une cheville, un pleur stoppé sous une paupière
ou une couleur
une dimension
un grain de matière
pas plus mais pas moins
ça peut suffire, oui.
suffire de voir mais vraiment voir soudain une articulation
qui joue sous la peau
maintenant
suffire puisque cette articulation ne joue pas en jouant même si l’acteur joue.
/ Souvenir de mon visage dans la pupille d’un danseur venu près si près longtemps
si longtemps
ce jour-là, ça a suffi
mais c’est selon
en rafale
j’aime quand, comme ici, on entend le bruit des ampoules, et que ça raconte
l’espace, l’artifice, l’impossible du silence a capella
j’aime presque toujours quand le phrasé des acteurs rappelle le toucher de Glenn
Gould
allez savoir
j’aime quand je ne comprends pas mais que, comme ici ces projecteurs,
ça me regarde.
/ en général presque à tous les coups Bauch, Forsythe, Grüber
rien que ça
j’aime quand quelque chose du rapport du fameux rapport homme-femme est pointé
j’aime quand ce temps qu’on me prend m’est donné
j’aime quand il y a une obsession comme de se gratter toujours la même plaie
j’aime quand je ris
j’aime quand
j’aime surtout quand on ne me demande pas d’écrire en même temps que j’écoute
Au théâtre.
on pourrait dire que je demande beaucoup au théâtre
ne pas être la télévision
être fort, beau, grand, sable chaud
mais aussi eau glaçée dans laquelle on jette les bébés esquimaux pour voir
être laid, râpeux, poisseux
nier la mort
tout en la chantant
faire mieux que les media
rendre le bruit et les fureurs du monde
mais aussi m’en consoler
m’être réparation et provocation et, comme ici, convocation
faire poésie, c’est-à-dire agir sur
donner le battement du chœur
de cet être ensemble qui manque toujours
parler fort, parler bien
ET du théâtre
ET de la vie
au théâtre je n’aime pas si
je n’aime pas quand
je n’aime pas souvent
je n’aime pas si souvent
je n’aime pas au théâtre quand tout crie que rien n’est possible
ni pensée ni sensation
je me le tiens alors pour crié
tellement je crois en général ce que dit le théâtre
crédule comme devant
même et peut-être surtout face au théâtre que je n’aime pas
pour ça que je n’aime tellement pas le théâtre que je n’aime pas
il me fait plus de mal que celui que j’aime ne me fait de bien
le théâtre
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