ANALYSE DES DYSFONCTIONNEMENTS RENCONTRÉS DANS LES SERVICES
D'URGENCE- PROPOSITIONS POUR AMÉLIORER L'ORGANISATION EN AMONT, A
L'HOPITAL ET EN AVAL.
Rappel : définition d'une urgence :
pathologie qui met en jeu le pronostic vital et/ou fonctionnel d’un patient
Lexique :
PDS = Permanence des Soins
UHCD = Unité d’hospitalisation de Courte Durée
T2A = Tarification à l’activité
USIC = Unité de Soins Intensifs Cardiologique
MMG = Maison Médicale de Garde
ETP = Equivalent Temps Plein
PH(C) = Praticien Hospitalier (Contractuel)
Parm = Permanencier d’aide à la régulation médicale
DMS = Durée moyenne de séjour (= d’hospitalisation)
A Analyse des dysfonctionnements en amont et à l'hôpital
1) Constats
les services d'urgence sont de plus en plus débordés, l'augmentation
d'activité suit une courbe haussière qui s'était aplatie en 2005 pour repartir
de plus belle ( +5 à +7%), notamment en nuit profonde.
malgré quelques ajustements au travers du plan urgences, les services sont
constamment en flux tendu
les SAMU-SMURs sont également impactés de façon très dure par
l'augmentation d'activité et surtout par le déplacement de l'activité (explosion
des appels téléphoniques, de plus en plus de sorties liées à l'absence de
PDS de ville)
les urgentistes se plaignent de ne pouvoir hospitaliser les patients
nécessitant des soins, y compris en services à haute spécificité (réanimation,
USIC interventionnelles), ce qui entraine des pertes de chance pour les
patients
les couloirs des urgences sont quasiment en permanence remplis de
patients en attente de place.
le glissement de taches touche également ces services, du fait du manque
de lits d'aval (UHCD transformées en court séjour gériatrique ou en annexe
de soins intensifs, sans avoir le matériel adéquat ni le personnel en nombre
suffisant)
Tous ces dysfonctionnements entraînent une dégradation de la qualité des soins :
trop de patients, pas assez de personnels, activité à fort niveau de stress qui
pourtant nécessite de travailler dans des conditions propices à la réflexion médicale
et la prise en charge thérapeutique adaptée. In fine, ce sont les patients qui
pâtissent de cette dégradation : délais de prise en charge parfois effarants, délais
d'hospitalisation de plusieurs jours, défauts de surveillance et pertes de chance...
Autre effet : une fuite des jeunes médecins vers des activités moins stressantes et
dont la pénibilité est également moindre.
2) Comment en est on arrivé là ?
Par l'agrégation de plusieurs évènements qui, pris séparément, ne
paraissent pas de nature à désorganiser les hôpitaux, mais qui pourtant sont
bel et bien responsables de la crise perpétuelle des urgences et des
établissements de soins : des choix politiques dont l'analyse préalable n'a
pas été suffisante, sans anticipation des modifications sociétales à venir :
2-1 : la consommation de soins est liée à l'offre : en diminuant celle ci,
on diminuera la demande : c'est le numerus clausus diminuant le
nombre de places en première année de médecine
2-2 : il y a trop de lits d'hospitalisation, il faut en supprimer : 100000
lits de moins en 20 ans, or la population vieillit, cela n'a pas été
anticipé
2-3 : n' a pas été anticipé « l'après hôpital », les places d'aval
indispensables pourtant, mais en nombre beaucoup trop
insuffisant, notamment pour ce qui concerne les personnes
âgées dépendantes.
2-4 : les médecins généralistes se voient supprimer l'obligation de
garde : premier événement majeur, en 2002. Transformée sur la
base du volontariat, elle aboutit aujourd'hui à ce que 30% environ des
médecins généralistes continuent à participer sous une forme ou une
autre à la PDS de ville.
2-5 : la T2A arrive début du 21e siècle : elle va transformer certaines
habitudes hospitalières, en pervertissant certains comportements :
c'est l'avènement du patient rentable versus non rentable : deuxième
évènement majeur
2-6 : les dernières réformes tendent à faire de l'hôpital une entreprise
et à ne prendre en compte que les éléments financiers : c'est le
troisième événement majeur qui finit de gripper le système, car
l'hôpital est tout sauf une entreprise.
3 ) Mécanique des dysfonctionnements en chaîne qui aboutissent
au blocage du système :
a) Commençons par tordre le cou à des idées reçues ressassées par des
technocrates voire des médecins ne connaissant rien à la réalité du terrain :
« aux urgences, il y a 80% des patients qui ne relèvent pas des
urgences, mais de la bobologie » : c'est simplement ABSURDE :
=> car tout d'abord, pour savoir que le patient n'a rien d'urgent, il faut l'avoir
examiné, et c'est donc à posteriori qu'on peut le dire : un simple coupure d'un
doigt, à priori peu profonde, peut en fait être le siège d'une lésion d'un tendon
fléchisseur qui, s'il n'est pas réparé, peut entraîner des séquelles pour le
patient...
=> un patient « léger » sera traité en quelques minutes, ce n'est pas lui
qui va embouteiller les couloirs des services d'urgence.
=> ce raisonnement vient d'une mauvaise interprétation des chiffres :
en effet, environ 80% des patients se présentant aux urgences rentrent chez
eux après leur consultation et les soins. Cela ne veut pas dire qu'ils n'ont
rien, y compris rien d'urgent !! Le patient présentant une entorse du pouce
comme celui qui a le scaphoïde fracturé se présenteront avec quasiment les
mêmes symptômes, repartiront tous les deux après des examens rapides, et
pour l'un ce sera jusqu'à 90 jours de plâtre, pour l'autre quelques jours
d'attelle... Le patient venant avec un rhume ne prendra que quelques
minutes de temps médical. On ne peut donc pas dire que ces patients sont
responsables de l'engorgement des services.
De plus, ceux qui prétendent cela sont les mêmes qui, par la T2A, ont fait de
ces patients les plus « rentables » aux urgences! On ne peut pas dire en
même temps que ces patients n'ont rien à faire dans ce services et valoriser
de façon importante leur passage !!
« les urgences, c'est mal organisé » : c'est FAUX ! Tout simplement, parce
que, travaillant constamment en flux permanents de patients, à effectifs
constants, ces services sont DANS L'OBLIGATION D'ÊTRE
PARFAITEMENT ORGANISÉS POUR FONCTIONNER : quand dans un
service de 10 boxes, il y a une file active de 25 patients, il faut être capable
de gérer un taux d'occupation de 250% !! IL N'Y A QUE DANS LES
SERVICES D'URGENCE QUE CES SITUATIONS ARRIVENT ; NULLE
PART AILLEURS A L'HÔPITAL UN SERVICE FONTIONNE A 250% DE
SES CAPACITÉS !! Ainsi les services d'urgence sont parmi les premiers à
s'être massivement informatisés, que ce soit les SAMU ou les services
d'accueil.
« Les urgences ont eu des moyens depuis quelques années » : c'est en
partie vrai ; mais il faut comprendre qu'il y a dix ans, il y avait à peine 300
praticiens urgentistes en France... Donc on est parti de quasiment rien, les
moyens ont servi pour mettre à niveau de façon pas forcément satisfaisante
d'ailleurs les services d'urgences et SAMU SMUR.
LES EMBOUTEILLAGES AUX URGENCES SONT LIÉS QUASI
EXCLUSIVEMENT AUX PATIENTS NÉCESSITANT UNE HOSPITALISATION
POUR LESQUELS ON NE TROUVE PAS DE PLACE; CE SONT
ESSENTIELLEMENT LES PATIENTS ÂGÉS DÉPENDANTS QUI SONT LES
PREMIERS TOUCHÉS PAR L'IMPOSSIBILITÉ DE BÉNÉFICIER D'UN LIT (EN
SERVICE DE MÉDECINE LE PLUS SOUVENT)
b) Analyse du mécanisme en amont de l'hôpital :
La population médicale est vieillissante et les effets du numerus clausus
commencent juste à se faire sentir ; dans les campagnes et dans les régions « difficiles »,
le nombre de médecins diminue, car pas remplacés quand ils partent à la retraite.
Plus de la moitié des médecins qualifiés en médecine générale ne font pas de médecine générale
(homéopathie, nutrition, médecines douces, du sport etc. etc.).
N'étant plus obligés de faire des gardes, ils n'en font plus ... et seuls 30% participent encore à la
PDS qui de toute façon n'existe plus du tout après minuit.
+
Il y a moins de médecins généralistes pour prendre en charge les patients;
certains médecins n'acceptent plus de prendre de « nouveaux patients » considérant que leur
clientèle est déjà pléthorique. Enfin nombre de praticiens préfèrent fonctionner sur rendez vous et ne
prennent pas de patients sans rendez vous. Et, étant surchargés, il leur est parfois difficile d'anticiper
des situations d'aggravation de certains patients, tout comme leur passage à l'état de dépendance
+
Les admissions directes en service (de médecine notamment) représentent
un pourcentage qui ne cesse de diminuer, faute de places disponibles. Les
médecins généralistes se voient répondre par la négative à une demande d'hospitalisation le plus
souvent par manque de lit, parfois (mais ce n'est pas dit comme cela) parce que le patient qu'ils
proposent « n'intéresse pas » le service hospitalier.
+
la population générale est vieillissante, et nécessite de plus en plus de soins
=> que faire pour soigner quelqu'un qui ne peut plus rester à son domicile,
alors qu'il n'y a pas de moyen de le faire prendre en charge directement dans
le service adapté ?
<= >
L'ENVOYER AUX URGENCES, CAR AU MOINS LE
PATIENT AURA LES PREMIERS SOINS ET ON
FINIRA BIEN PAR LUI TROUVER UN LIT OU LE
RENVOYER À DOMICILE...CAR AUX URGENCES,
ON NE LE REFUSERA PAS!!
IL FAUT EGALEMENT SOULIGNER QUE LES URGENCES SONT EGALEMENT LE
MOYEN D'AVOIR POUR LES MEDECINS GENERALISTES RAPIDEMENT DES
EXAMENS QU'ILS ONT DU MAL A AVOIR EN VILLE (BIOLOGIE, RADIOLOGIE,
ECHOGRAPHIE), MAIS SI CETTE PRATIQUE EXISTE, ELLE N'EST PAS
MAJORITAIRE.
c) Le parcours de soins à l'intérieur de l'hôpital
le plus souvent, la demande du médecin traitant sera prise en compte, et
l'indication d'hospitalisation validée. Le patient entrera dans le circuit de prise en
charge en fonction du degré d'urgences. Les examens seront faits plus ou moins
rapidement, le diagnostic porté ou approché, le traitement initié. Et c'est là que les
ennuis commencent : pour ce patient, que va t'on pouvoir proposer : une
hospitalisation adaptée, rapide, dans le bon service ? C'est très rarement le cas.
Alors au mieux il va se retrouver dans les « lits portes », au pire, quand ceux ci
seront tous pris, se retrouvera t'il sur un brancard au milieu ou au fond d'un couloir.
Ou alors on l'enverra dans l'hôpital le moins loin où un lit est disponible, mais
comme le problème est le même partout ...
QUAND ON PARLE D'UN PATIENT, CELA PEUT ENCORE ALLER ; QUAND ON
A DIX OU QUINZE PATIENTS EN ATTENTE DE LITS, ENTASSÉS DANS UN
COULOIR, COMMENT ASSURER DES SOINS DE QUALITÉ, DANS LA DIGNITÉ,
AVEC UN NIVEAU DE SURVEILLANCE SUFFISANT ???, ALORS QUE LE FLUX
DE NOUVEAUX PATIENTS NE CESSE QUASIMENT JAMAIS !!!
d) Mais pourquoi n'y a t' il pas de lit disponible ?
1. tout d'abord parce qu'il y en a moins (cf. 2-2) pour plus de patients
potentiels
2. parce que, parfois, même si des lits sont libres, ils ne le sont pas...
Qu'est ce à dire ?
Dans le service de médecine qui pourrait accueillir en théorie le patient
dont nous parlons, le tiers ou la moitié des patients sont en attente de
placement dans une structure adaptée, mais, là aussi, il n'y a pas de
place (cf. 2-3)
Avec la T2A, c'est le court séjour qui est valorisé. Les patients âgés et
dépendants vont rester plus longtemps, seront beaucoup plus lourds à
gérer et ne « rapporteront » rien au service concerné. Or le Directeur
d'établissement doit équilibrer son budget, et pour ce faire, il faut de
l'activité rentable. Le praticien n'a donc aucun intérêt à prendre en
charge des patients trop lourds et surtout pour lesquels le retour à
domicile sera impossible, car ces patients vont rester des semaines
dans son service... D'où l'apparition de comportements nouveaux : le
refus pur et simple d'accueillir un patient trop dépendant, trop vieux, pas
assez rentable (cf. 2-5)
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