Anaïs PETTAVEL & Alexia DARTY FICHE SUR LE DEVELOPPEMENT DE L’ENFANT Janvier 2016 Le développement de l’enfant est un sujet central pour tout étudiant souhaitant devenir professeur des écoles. On peut définir le développement comme la succession des transformations biologiques et psychiques de l'individu. Les étapes du développement de l'enfant font l'objet de nombreux travaux qui permettent de mettre à jour les périodes charnières dans le développement langagier, cognitif, sensoriel, moteur, social et affectif. De nombreux chercheurs tels que Piaget, Wallon et Freud ont décrit le développement de l’enfant par des repères, des stades. Mais aujourd’hui les stades sont remis en cause car il a été démontré que le développement est irrégulier, non linéaire, qu'il comporte aussi des stagnations, voire des régressions. Celuici ne va pas systématiquement du concret vers l'abstrait et il existe des décalages selon les types de problèmes que les enfants ont à résoudre : la variabilité, interindividuelle et intra-individuelle, est une caractéristique fondamentale du développement, et l'enfant doit non seulement construire de nouvelles stratégies d'apprentissage, mais aussi inhiber des stratégies antérieures. Il faut aussi comprendre comment les enfants se construisent dans leur esprit différentes représentations du monde physique ainsi qu’une « théorie de l'esprit », c'est-à-dire une représentation des désirs, des savoirs, des croyances d'autrui. C'est dans l'interaction entre développement et apprentissage, avec le guidage de l'enseignant, que l'enfant va évoluer, construire des concepts, développer son langage en lien avec le développement de ses capacités motrices, émotionnelles et sociales. Dans le métier qui sera le nôtre, c’est le développement de l’enfant entre 2 et 12 ans qui nous intéresse. A. Le développement moteur et intellectuel a) Quelques caractéristiques du développement moteur L’enfant n’a pas encore la maîtrise motrice de l’adulte, mais il a déjà acquis la tonicité musculaire, des automatismes, la locomotion et la préhension, l’aptitude à imiter et à créer des mouvements. De 2 ans à 6 ans : - Automatisation progressive des mouvements. Par exemple, pour la marche : ajustements constants des mouvements, de leur vitesse, de leur rythme… L’enfant a horreur de l’immobilité imposée. Il a besoin de mouvement, il éprouve du plaisir à se dépenser physiquement, à agir et vivre. - L’enfant devient de plus en plus persévérant dans ses activités. Il commence à expérimenter la continuité. Par exemple, il peut protester si un adulte l’interrompt dans son activité sous prétexte d’aller à table. - Les mouvements deviennent de plus en plus coordonnés (imitation, manipulation, préhension...). C’est aussi la période de la latéralisation (dominance latérale) : un côté du corps est plus habile et est utilisé de préférence par rapport à l’autre. Les progrès moteurs de l’enfant de 6 à 12 ans se manifestent de plusieurs façons complémentaires : - La coordination des mouvements augmente : maîtrise des mouvements de l’écriture, manipulation de certains outils, … - La force s’accroît de façon considérable. - La rapidité, la précision, l’endurance se développent d’une manière très marquée et se manifestent dans les jeux de compétition. b) Le développement de la perception Beaucoup d’enfants de 4 ans sont capables de reconnaître des livres qu’ils apprécient, même les pages où sont indiquées leurs histoires préférées. Il existe deux types de perception : - Le globalisme : l’enfant centre sa perception sur le tout. - La juxtaposition : l’enfant est attentif aux parties. Les enfants de 4 à 6/7 ans dessinent des détails, mais simplement juxtaposés, sans forcément de liens. Ils sont donc dans une perception globale, ce n’est que par la suite que se développe la juxtaposition. Anaïs PETTAVEL & Alexia DARTY Janvier 2016 c) Le développement intellectuel Le développement intellectuel de l’enfant entre 2 et 12 ans est selon Piaget divisé en 3 « stades » : La période préopératoire de 2 à 7 ans : Cette période se divise en deux sous périodes, celle de l'intelligence symbolique (2/3 ans) et celle des représentations imagées et conceptuelles (3/7 ans) L'intelligence symbolique est ce qui va permettre à l'enfant de passer du niveau de l'action et de la perception au niveau de la représentation. Se représenter les objets signifie pouvoir évoquer les objets en leur absence, pouvoir raisonner à partir d'une simple évocation de l'objet. Ce passage de la perception à la représentation va se faire grâce à plusieurs instruments : à l'imitation différée, au jeu symbolique, au dessin, à l'image mentale et au langage. A la fin de cette période, les représentations ont encore un caractère très concret, lié au contenu. Par exemple, l’enfant peut penser à la voix de sa mère sans l’avoir entendue, le petit garçon de 3 ans qui a vu son père se raser le matin peut reproduire le geste l’aprèsmidi dans un jeu à l’école. La pensée de l’enfant dépasse l’ici et maintenant, elle peut évoquer un objet absent. La période des représentations imagées et conceptuelles (3/7 ans) est la période pendant laquelle l'enfant va construire des représentations plus précises, d'abord imagées puis conceptuelles. Durant cette période, l'enfant va passer d’une phase figurative ou statique vers une pensée dynamique. C’est le temps de la pensée « intuitive » : le raisonnement des enfants entre 4 ans et 7 ans est un raisonnement « prélogique » : l'enfant est capable d'un raisonnement logique sur une partie seulement des données, sur un seul aspect des choses. Par exemple, on présente à l’enfant une boule de pâte à modeler et on lui demande d’en faire une autre de même grandeur. On laisse sur la table la boule confectionnée par l’enfant à titre de témoin. On transforme, sous les yeux de l’enfant, la boule en galette, puis en boudin. Quand on lui demande s’il y a encore dans les boules transformées « la même chose » (la même quantité) l’enfant répond qu’il y a moins dans la galette car elle est plus fine que la boule et plus dans le boudin car il est plus long. Le stade des opérations concrètes de 7 à 11/12 ans : La pensée est dynamique, l'enfant est capable de raisonner sur des transformations, il se représente des actions intériorisées (mentales) et réversibles (au sens logique). Les opérations mentales (classer, sérier, combiner, ...) sont possibles, mais seulement en présence des objets. La pensée demeure encore très liée aux objets concrets. Une acquisition importante de cette période est celle de l'invariance de certaines qualités des objets en dépit de transformations qu'on leur avait fait subir : à quantité de matière égale, une boule de pâte à modeler garde un poids invariant même si on le fait changer de forme. Le stade des opérations formelles : 11/12 ans : L’activité cognitive porte sur des énoncés, des propositions. L’enfant acquiert le raisonnement logique systématique. La pensée, proche de celle de l'adulte, est plus abstraite que celle des stades précédents. L'adolescent est capable de faire des hypothèses et de les soumettre à l'expérience. Il peut réfléchir sur des réalités virtuelles et développer un raisonnement qui s'en tient aux formes logiques. Cela explique l'intérêt accru, à l'adolescence, pour les théories scientifiques et sociales. Anaïs PETTAVEL & Alexia DARTY Janvier 2016 B. Le développement social et affectif Ce sont toutes les transformations qui s’observent sur le plan des comportements, des rapports avec les autres, avec les institutions, les cadres culturels, les règles morales... o La pensée L’enfant prend conscience dès son entrée en maternelle de l’existence d’une activité mentale chez lui et chez autrui. L’enfant développe alors des théories de l’esprit. Ces théories font référence aux connaissances que les enfants développent sur les pensées, intentions, savoirs ou croyances, des autres personnes et à leur capacité́ à raisonner en tenant compte de ces états mentaux. Entre 2 et 3 ans : l’enfant ne conçoit pas que quelqu’un d’autre que lui ne voit pas forcément le même objet que lui. Pour l’enfant : « Je ne vois pas, donc l’autre ne voit pas non plus » Entre 3 et 4 ans : l’enfant devient capable de concevoir que quelqu’un d’autre perçoit l’objet autrement que lui. Pour l’enfant : « Je ne vois pas mais je sais que l’autre peut voir ». Mais l’enfant a toujours du mal à admettre que le même objet puisse apparaitre différemment à autrui et à lui. La compréhension de la pensée d’autrui et la capacité́ de raisonner en tenant compte de cette pensée se développe à partir de 4/5 ans. Entre 5 et 6 ans : l’enfant devient capable de raisonner à partir des fausses croyances d’autrui. Entre 6 et 9 ans : l’enfant devient capable de comprendre les verbes tels que deviner, croire, savoir. Il acquiert de même la capacité́ de raisonner sur l’engagement ou le mensonge. o La socialisation : La tendance à aller vers l’autre se développe entre 2/3 ans et 7/8 ans. L’enfant désire être avec les autres. Jusqu’à 4 ans, les échanges restent très limités. Il y a plus souvent juxtaposition de sujets indépendants les uns des autres (les enfants jouent à la même chose, mais chacun pour soi). A partir de 4 ans, les interactions se multiplient : les enfants commencent à agir ensemble et à poursuivre des fins constructives. L’enfant présente à partir de 6 ans des comportements socialisés : respect des autres, conscience de leurs qualités, collaboration, préoccupation d’autrui... Vers 8 ans, l’enfant passe de l’égocentrisme à l’aptitude à se mettre à la place de l’autre dont il commence à saisir les intentions. A 10 ans, la coopération et l’autonomie existent. L’enfant dénonce la tricherie, le mensonge. Il a le sens de la justice. Entre 10 et 12 ans, l’enfant mène une vie sociale intense. C’est l’âge où chacun donne au groupe tout ce que le groupe attend de lui. Les groupes se forment avec des règles à respecter par tous. o Les sentiments Ce que ressent autrui peut être décelé par l’enfant dès l’âge préscolaire, à partir des expressions du visage ou du contexte immédiat, au moins sous l’angle de la tonalité globale (positive ou négative). A 6 ans, l’enfant se montre hésitant, indécis, passe d’un extrême à l’autre. Il est impulsif et inconstant, il est le centre de l’univers. A 7 ans, âge de l’assimilation, il est plus introverti, plus rêveur et autocritique. A 8 ans, âge de socialisation, l’enfant est plus extraverti. Il a le sens de lui-même et de ses droits. Il est assoiffé de connaissances et commence à faire des ségrégations fille/garçon. A 9 ans, il est réaliste et a du bon sens. Il s’identifie au groupe de son âge et commence à se détacher de sa famille. A 10 ans, l’enfant se trouve un idéal, manifeste un culte pour une personne. Il partage des secrets avec ses amis auxquels il accorde beaucoup d’importance. Il est conscient de sa personne, ses vêtements, son look... A 11 ans, il est plus concentré. Il est rempli d’émotions. Il y a de l’exagération dans les récriminations, les discussions, les injures, les cris et les réponses qui marquent l’éveil de l’adolescence. Anaïs PETTAVEL & Alexia DARTY Janvier 2016 C. Le développement du langage L’enfant, dès la maternelle, doit progressivement s’approprier les données linguistiques de l’entourage familial et scolaire. La période des trois ans est marquée par un enrichissement spectaculaire du vocabulaire : le capital de mots évolue de 200 mots en moyenne à l’âge de deux ans à 1500 mots vers 4/5 ans. Sur le plan qualitatif, on observe l’apparition d’énoncés. Cependant, la bonne formulation de phrases ne semble résulter que d’un simple processus de répétition ou d’imitation. Entre 4 et 6 ans, se développe le langage écrit, les enfants « dessinent » l’écrit. A partir de 6 ans, l’enfant entre au CP et apprend l’écriture normalisée. Il dispose de même d'un vocabulaire d'environ 2 500 mots qui évoluera jusqu'à l’âge de 12/13 ans (au moins). L’enfant continue à développer son langage par un processus long et graduel qui occupe une partie importante de ses activités. TABLEAU RECAPITULATIF DU DEVELOPPEMENT DE L’ENFANT 2-3 ans 3-4 ans 4-5 ans 5-6 ans Développement langagier Développement cognitif Développement social et affectif Modifie ses demandes selon l'interlocuteur. Produit 200 à 300 mots. Comprend les demandes directes et les demandes indirectes. Extension du vocabulaire et phrases courtes. Peut suivre une conversation, comprend des promesses, s'amuse des jeux de langage. Produit des demandes indirectes et des justifications. Comprend le comparatif, l'identité et la différence. Produit des énoncés de 5/6 mots, répond au téléphone. Début de lecture logographique. Identifie des rimes, Identifie les objets par Attachements multiples. l'usage, prend en Se reconnaît dans un compte le point de miroir. Jeux symboliques. vue d'autrui (oriente un objet pour qu'un adulte le voit). Développement moteur Monte et descend les escaliers, saute à pieds joints. Tourne les pages d'un livre, coupe avec des ciseaux. Acquisition de concepts d'espace, de temps, de quantité. Utilise les principes du comptage. Identifie plusieurs parties Court avec aisance, du corps. Attend son tape du pied dans un tour. Aime aider les ballon. Fait du tricycle autres. Critique autrui. Est attentif à sa performance, capable de classification et de sériation. Comprend l'état mental d'autrui. Joue à des jeux de compétition. Stabilité du genre (se reconnaît comme garçon ou fille). Monte à une échelle, marche en arrière. Tient un papier d'une main en écrivant de l'autre. Début de la Sait se contrôler. Choisit Fait du vélo sans conservation ses amis. Négocie avec roulettes, lace ses (comprend que la l'adulte. chaussures. grandeur d'une collection d'éléments reste la même quelle Anaïs PETTAVEL & Alexia DARTY comprend environ que soit la manière 2500 mots. dont elle est présentée). Dessine un bonhomme, écrit son prénom. 7-11 ans Utilise la forme Opérations concrètes, passive, produit des logique du nombre. inférences, apprend Morale préà lire. Comprend les conventionnelle : les sarcasmes et les conséquences des métaphores. actions (exemple : punition). Janvier 2016 Identité de genre (conformité à des référents culturels) et ségrégation sexuelle. Différencie réel et virtuel. Début de la puberté, poussée de croissance. Développement des activités physiques et sportives. Quelques exemples de situations professionnelles - Travail sur l’abstrait à l’école primaire (CE1/CE2) : * En géométrie avec la représentation d’une droite : montrer que la droite est prolongeable à l’infini * En géographie avec le planisphère : faire comprendre aux enfants que la Terre est ronde mais que le planisphère, qu’ils ont, est en 2D : quand on est dans l’océan Pacifique à coté du Japon, c’est le même océan Pacifique qu’à côté des Etats-Unis même si sur la carte les deux pays sont à l’extrême opposé - Prise de conscience par l’enfant de son corps et de ce que l’entoure : * En maternelle, être capable de traverser un parcours athlétique - Travail sur l’adaptation du langage à la situation : * Etre capable de différencier langage avec les camarades et langage scolaire (vouvoiement) - Travail sur l’habileté physique : * Apprendre à manipuler les objets de l’école (règles, compas, stylos, ciseaux) - Travail sur la vie en collectivité : * Apprendre à partager lors de jeux collectifs * Apprendre à parler quand on donne la parole Les questions que pourrait poser le jury lors de l’oral - Quels auteurs connaissez-vous qui ont travaillé sur le développement de l’enfant ? Pourquoi est-il important de connaitre le développement de l’enfant en maternelle ? En quel sens la pensée de l'enfant de maternelle est-elle « intuitive » ? Quelle est l'importance de l'acquisition des opérations concrètes ? Comment faites-vous avec un enfant qui n’a pas dépassé la période de la « pensée intuitive » en CM1 ? Quelles solutions pouvez-vous apporter pour un enfant qui n’arrive pas à se socialiser avec les autres ? Qu’est ce que la « théorie de l’esprit » ? Anaïs PETTAVEL & Alexia DARTY Janvier 2016 Thème : s’approprier le langage et l’écrit à l’école maternelle L’enfant manifeste, dès son plus jeune âge, d’un intérêt inné pour le langage car il est pour lui fondamental dans sa volonté d’expression. Des réponses à cette question sont fournies par la lecture d’extraits de trois documents. Le premier est l’extrait du BOEN Hors-Série n°3 du 19 juin 2008 présentant le programme de l’école maternelle en ce qui concerne l’appropriation de la langue et la découverte de l’écrit. Le second est un extrait du site Eduscol sur le sujet : « Pour une première culture littéraire à l’école maternelle ». Ce document décrit la volonté de permettre à chaque élève de l’école maternelle de découvrir la langue française grâce à la fréquentation régulière d’œuvres littéraires. Le troisième est un extrait du site Eduscol sur le développement de l’enfant et plus précisément sur le développement langagier. Comment les enfants s’approprient-ils le langage et l’écrit à l’école maternelle ? Ces textes permettent d’une part de se pencher sur le passage pour les élèves du langage oral au langage écrit et d’autre part de voir la linéarité des apprentissages langagiers. I/ Du langage oral au langage écrit A/ Maîtriser une langue complexe - L’acquisition du langage est une conquête fondamentale pour les enfants qui passent de la communication non verbale à la capacité de s’exprimer dans une langue complexe (Texte 3) - L’enfant acquiert progressivement dès son entrée à l’école maternelle de nouveaux mots et une syntaxe de la langue française (Texte 1) B/ Appropriation du langage par le biais d’œuvres littéraires - Acquérir une première culture littéraire grâce à la fréquentation d’œuvres et par ce biais progresser dans une maîtrise orale de la langue dans une visée de transmission et une maîtrise du langage écrit par une écoute des œuvres littéraires lues (Texte 2) - Comprendre le français par la lecture répétitive d’histoires et de contes adaptés à leur âge. Progressivement les enfants comprennent des textes de plus en plus complexes (Texte 1) II/ Une linéarité des apprentissages langagiers A/ Une découverte dès la maternelle de la lecture et de l’écriture - Manipulation de la langue et écoute de récits et d’histoires permettent aux enfants de s’approprier la grammaire française (Texte 1) - Construire des premières expériences de lecteur grâce à la fréquentation d’œuvres littéraires (Texte 2) - Travail des sons de la parole, acquisition du principe alphabétique et des gestes de l’écriture favorisent l’apprentissage de la lecture et de l’écriture qui commencera au CP (Texte 1) B/ Les liens faits dans ces apprentissages entre la grande section et le CP - Entre 5 et 6 ans, l’enfant produit des énoncés de plus en plus long, commence la lecture logographique et peut comprendre jusqu’à 2 500 mots (Texte 3) - La préparation à l’apprentissage de la lecture et de l’écriture dés la grande section de maternelle grâce à des activités orales et écrites (fréquentation d’imagiers, d’abécédaires) (Texte 1)