mutations décisives et intensification de la croissance de 1850 à 1860 : cette décennie
tient une place exceptionnelle dans l'économie française : c'est à la fois l'apogée de la
prospérité agricole, la naissance du système bancaire moderne, l'ère des grands
travaux de rénovations urbaine et la phase décisive de la révolution ferroviaire. Quant
à la croissance industrielle, elle se caractérise par un changement de nature : les
industries productrices de moyens de production prennent désormais une place
prépondérante (la métallurgie devient la principale branche motrice, l'équipement en
machines à vapeur atteint son rythme le plus rapide).
3. Ralentissement, crises et dépression de 1860 à 1890
Selon F. Crouzet, la France a connu un ralentissement de son activité économique entre
1860 et 1882 puis une stagnation dans la période suivante qui s'étend de 1882 à 1896. La
dépression française présente une spécificité marquée, en effet le fléchissement a été plus
précoce en France, puisqu'on en perçoit les premiers signes dès la décennie 1860-1870. Mais
surtout la dépression a été d'une exceptionnelle intensité. Il n'y a pas eu de recul absolu mais
un considérable recul relatif notamment par rapport à l'Allemagne. Ainsi en 1880 déjà elle est
rattrapée ou devancée par l'Allemagne dans les principaux secteurs économiques.
Les origines du fléchissement
Il n'y a pas eu de rupture brutale de la croissance, mais les premiers signes de fléchissement se
manifestent dès les années 1860.Ils correspondent en partie à des facteurs politiques, naturels
et économiques.
- L'influence du traité de commerce franco-britannique de 1860 même si ce dernier a été
accueilli par une tempête de protestation en France, il est certain cependant que l'industrie
française n'a pas été surclassé par l'industrie britannique malgré une baisse du rythme de
croissance industriel de la France.
- les conséquences économiques de la défaite de 1870 ont particulièrement pénalisé la France
mais beaucoup plus la cession de l'Alsace-Lorraine (deux régions très industrialisées) que le
versement à l'Allemagne de l'indemnité de 5 milliards de francs-or.
- Dépression agricole et déclin démographique : l'une des causes principales du déclin relatif
de l'économie française durant cette période est la dépression agricole. En effet, le produit
agricole enregistre une stagnation quasi-totale sur au moins deux décennies (1870-1890),
alors que pour l'industrie la dépression est un simple ralentissement de la croissance.
L'agriculture française directement menacée par la concurrence extérieure, témoigne d'une
faible capacité d'adaptation.
Freinage et réorientation de la croissance industrielle
L'industrialisation a subi un ralentissement indiscutable, mais modéré en comparaison du
blocage de la croissance agricole.
La décélération industrielle : ampleur et limites : la dépression agricole, responsable
essentielle des difficultés de l'industrie, exerce une double influence : elle tend à la
fois à freiner l'immigration de main-d'œuvre vers l'industrie et à réduire la demande de
produits industriels. En effet, l'industrialisation a sévèrement pâti de la stagnation
complète du pouvoir d'achat des agriculteurs durant près d'une génération, et du
freinage de produits industriels qui en est résulté. Selon certains calculs 60 à 75 % de
la réduction du taux de croissance industrielle s'explique par ce facteur et constitue le
facteur le plus évident du recul relatif de la France par rapport à l'Allemagne. Au total
tout ce passe comme si après une entrée assez progressive dans la dépression, il était
par la suite d'autant plus difficile d'en sortir. Cependant durant cette période de
nombreuses restructurations ont eu lieu préparant la reprise de l'expansion.