Cours du 2 octobre 2007

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Cours V - 2 octobre 2007
THÈME I - THÉORIES DU DÉVELOPPEMENT
ET DU SOUS-DÉVELOPPEMENT
1.3
Le post-développement
1.4
Approches récentes: développement
durable, développement humain…
1.5
Survol des stratégies de développement
1.5.1 Croissance par l’agriculture
1.5.2 Stratégies d’industrialisation
La remise en cause du développement
Le post-développement
• Principaux auteurs : Serge Latouche, Gilbert Rist,
Wolfgang Sachs, Gustavo Esteva, Arturo Escobar
• Courant né à la fin des années 1980 - s’est développé
dans les années 1990-2000
• S’inspire de sources intellectuelles diverses
Mahatma Gandhi; Paulo Freire; Jacques Ellul; écologisme;
divers anthropologues (Mauss, Sahlins)
• S’inscrit dans le courant post-moderne: remise en
cause de la modernité et de la rationalité
Le post-développement
• Auteurs du post-développement partent de quelques
constats
– Échec de la croissance promise par le développement
– Industrialisation généralisée irréalisable car mènerait à la
destruction de l’environnement
– Disparition de nombreuses langues et cultures;
homogénéisation du monde
• Partagent la conviction que l’idée même de
développement doit être remise en cause
 préconisent une alternative non pas de développement
mais au développement
Le post-développement
La critique du développement
• Croyance de l’Occident que celui-ci veut imposer au reste
du monde
– culture occidentale dominée par l’économie, mais d’autres
cultures accordent place importante au don, à solidarité...
• Est un langage de pouvoir
– dépossède les sous-développés de leur identité et leur présente
une image négative d’eux-mêmes: retard, inadaptation…
• Conçoit vie sociale comme un problème technique qui
peut être géré par des professionnels
– prive de pouvoir les populations locales
• Tentative de maintenir hégémonie occidentale
Le post-développement
La critique du développement
« Le développement est constitué d’un ensemble
de pratiques parfois contradictoires en apparence
qui, pour assurer la reproduction sociale, obligent
à transformer et à détruire, de façon généralisée, le
milieu naturel et les rapport sociaux en vue d’une
production croissante de marchandises (biens et
services) destinés, à travers l’échange, à la
demande solvable. »
-Gilbert RIST (2001)
Le post-développement
Alternatives proposées
• Alternatives à construire à la fois au Nord et au Sud
• Objectif global et urgent : la décroissance au Nord
• Considère le local et la quête de l’autonomie comme
piliers de la reconstruction du politique
• Propose conception de la société anti-individualiste et
communautariste - qui existe dans l’informel
• Met l’accent sur agriculture non-productiviste
• Favorise le recours à des technologies appropriées
Le post-développement
Alternatives proposées
Objectifs du «Réseau pour l’après-développement»
I. Concevoir et promouvoir résistance et dissidence à la société de
croissance et de développement économique
II. Travailler à renforcer la cohérence théorique et pratique des
initiatives alternatives
III. Mettre en oeuvre des sociétés autonomes et conviviales
IV. Lutter pour la décolonisation de l'imaginaire économiste
«Pour ce qui est d’une définition de l’après–développement, la
question se pose toujours. En effet, comment peut-on définir
quelque chose qui n’existe pas encore et qui se veut radicalement
différent de tout ce que nous avons connu jusqu’à présent.»
-Site web du Réseau pour l’après-développement
www.apres-developpement.org
Critique du courant du postdéveloppement
• Hypercritique de la modernité: luxe de riches?
– priorité des populations du T.-M. = amélioration de leurs
conditions matérielles de vie
• Image idyllique des sociétés traditionnelles,
considérées comme spontanément porteuses d’une
éthique de la solidarité
• Conception essentialiste et figée de la culture
– considère sociétés du Tiers-Monde comme victimes passives,
or il y a constant métissage culturel
• Autonomie a échoué là où elle a été tentée
Quelques apports du postdéveloppement
• Appelle à un effort de transformation des pays
industrialisés
• Appuie mises en garde du mouvement écologiste sur
l’irrationalité d’une croissance illimitée
• Attire l’attention sur caractère occidental de
l’économisme et du concept de développement
• Attention portée aux pratiques locales d’organisation
sociale, de démocratie et d’échanges non-marchands
Développement durable, développement
humain…
Tentatives de synthèse des 20 dernières années
«Le développement
durable répond aux
besoins des générations du
présent sans compromettre
la capacité des générations
futures de répondre aux
leurs.»
-Rapport
Bruntland, «Notre
avenir à tous» (1987)
Source de la figure: Wikipedia
Le développement humain
«Le développement se réduit à une seule
question : est-ce que, au bout du compte, les gens
sont moins soumis à la maladie et à la mort, est-ce
qu’ils peuvent mieux maîtriser leur destin? Si oui,
et uniquement dans ce cas, on peut parler de
développement.»
-Amartya Sen (2000)
Prix Nobel d’Économie 1998
Initiateur de l’indice de développement humain du PNUD
«Human development is about much more than the rise or fall
of national incomes. It is about creating an environment in
which people can develop their full potential and lead
productive, creative lives in accord with their needs and
interests. Development is thus about expanding the choices
people have to lead lives that they value.»
-Site web du PNUD
«Le développement est un processus qui permet
aux êtres humains de développer leur
personnalité, de prendre confiance en euxmêmes et de mener une existence digne et
épanouie. C'est un processus qui libère les
populations de la peur, du besoin et de
l'exploitation et qui fait reculer l'oppression
politique, économique et sociale.»
-Rapport «Les défis du Sud»,
Commission du Sud, présidée par J. Nyerere (1990)
1.5 Stratégies de développement
Quelques choix stratégiques auxquels font
face les PED…
• Industrialisation ou agriculture?
• Protectionnisme ou ouverture?
• Planification étatique ou privée?
• Où trouver les capitaux?
1.5.1 Croissance par l’agriculture
• Quelques données récentes...
– dans les pays moins avancés, agriculture représente
69% de la population active
33% du PIB
– la FAO rappelle que la faim demeure une réalité:
17% de la population des PED (815 millions de personnes)
souffre de malnutrition
5 millions d’enfants en meurent chaque année
• Pourtant, agriculture négligée dans stratégies de
nombreux PED
Croissance par l’agriculture
• Plusieurs auteurs ont démontré que
– la Révolution industrielle européenne a été précédée d’une
révolution agricole (cf P. Bairoch)
– l’industrialisation de Taiwan, Corée du Sud, Chine a été
précédée d’une révolution agricole (cf J. Gélinas)
– l’aide alimentaire n’est pas une solution à la malnutrition et à
la sous-production agricole
• Deux modes de développement de l’agriculture:
les réformes agraires
la modernisation agricole et la «révolution verte»
A) Réformes agraires
• Droit à la terre très inégalement réparti dans le TiersMonde, particulièrement en Amérique latine
ex: Brésil: 1% des propriétaires possèdent 46% des terres
• Inégalité dans la répartition des terres provoque
– Sous-emploi et et exploitation des travailleurs agricoles
– Exode rural
• Réformes agraires visent à corriger cette situation en
redistribuant les terres des grands propriétaires
– Redistribution en lopins individuels
ex: Corée et Taiwan (années 50)
– Cession à des coopératives de production
ex: Mexique (1917), Chine (1958)
Réformes agraires
• Bouleverse rapports de force = mesure politique
 rencontre forte résistance des grands propriétaires
• Résultats économiques contrastés
– collectivisation des terres a souvent abouti à déclin de
l’agriculture et intensification de l’exode rural
 décollectivisation effectuée en Chine (années 80) et au
Mexique (années 90)
– dans plusieurs pays, exploitation intensive de petites fermes a
accru productivité
 ex: Corée, Taiwan, Kenya
– transfert d’exploitations mécanisées vers petits paysans sans
capitaux et expertise → baisse de productivité
 ex: Zimbabwe
Réformes agraires
• Dans les années 90, IFI insistent sur la sécurisation des
titres fonciers: établissement de cadastres, émission de
titres fonciers
– permet de rassurer paysans sur leur droit de propriété
facilite leur accès au crédit
– …mais émission de titres fonciers peut devenir enjeu
politique explosif
ex: Côte d’Ivoire, où usage de la terre souvent régi par droit
coutumier
B) Modernisation agricole et «révolution
verte»
• Objectif : hausse de la productivité agricole afin
d’atteindre l’autosuffisance alimentaire et/ou
développer l’agriculture d’exportation
• Modernisation agricole : développement d’engrais
chimiques et pesticides; irrigation; optimisation des
techniques; mécanisation
• Révolution verte : développement, à partir des années
60, de variétés de plantes à haut rendement, obtenues
par recherche agronomique
– Mexique : blé et maïs
– Philippines, Inde, Pakistan, Indonésie : riz
– Afrique d’abord peu touchée par cette révolution
Modernisation agricole et «révolution verte»
Résultats obtenus
• Hausses importantes des rendements
– Indonésie, Philippines, Pakistan et Inde sont devenus
autosuffisants; la Chine s’en approche
• Nécessite irrigation importante et utilisation intensive
d'engrais chimiques et de pesticides
– pollution accrue des sols et des nappes phréatiques
– terres agricoles appauvries par utilisation intensive
– PED restent dépendants des grandes entreprises qui
produisent recherche, engrais et pesticides
 Dans les années 90, OGM souvent présentés par
l’industrie comme «seconde révolution verte»
C) Autres choix importants dans les
stratégies agricoles
• Sécurité alimentaire vs souveraineté
alimentaire
• Cultures vivrières ou d’exportation?
1.5.2 Stratégies d’industrialisation
Croissance équilibrée ou déséquilibrée ?
A) Approche de la croissance équilibrée (ex: R. Nurske)
• Pays doivent lancer simultanément large éventail
d’industries pour atteindre croissance soutenue
– vise à créer suffisamment d’emplois pour générer demande
pour de nouveaux produits industriels
• Investissement initial important requis: «big push»
– rôle important pour l’État: financement et planification
– justifie appel aux capitaux étrangers : investissements privés et
aide internationale
B) Approches de la croissance déséquilibrée
Effets d’entraînement et industries industrialisantes
Théorie des effets d’entraînement ou liaisons
(ex: A.O. Hirschman)
•
Croissance se manifeste d’abord dans certains secteurs et
régions = succession de déséquilibres
•
Il existe entre diverses branches industrielles des liaisons
à exploiter
–
Liaisons en amont : la mise en place d’une industrie va créer
une demande pour des intrants
ex : industrie automobile requiert acier et machines
–
Liaisons en aval : la production d’une industrie peut devenir
facteur de production d’une autre industrie
ex : forages pétroliers encouragent création de raffineries
Approches de la croissance déséquilibrée
Les industries industrialisantes
(approche développée par F. Perroux; G. de Bernis)
• Objectif: développer certaines industries qui
auront un fort effet d'entraînement sur le reste de
l'économie
– priorité accordée aux industries lourdes
– vise à tirer partie de liaisons en aval
• Investissements coûteux imposent une forte
intervention de l'État : planification et
nationalisation d’entreprises
Les industries industrialisantes
Exemple d’application: Algérie (fin années 60-début 80)
–
–
–
•
Résultats:
–
–
•
Régime socialiste et nationaliste
Pays exportateur de pétrole
Accent sur sidérurgie, pétrochimie et infrastructures
production industrielle multipliée par trois entre 1970-85
Sonatrach devient plus grande entreprise d’Afrique
Problèmes :
–
–
–
–
–
revenus pétroliers élevés requis pour investissements
projets souvent surdimensionnés
création d’emploi limitée
main d'œuvre pas formée aux nouvelles technologies
industries de consommation et agriculture négligées
•
Algérie devient importatrice de produits alimentaires
Protectionnisme ou ouverture commerciale ?
C) Protection des industries naissantes et
Industrialisation par substitution aux importations
• Protection des industries naissantes
– Objectif: protéger les entreprises locales de la compétition
internationale pour leur permettre d’acquérir expérience
– Employée par pratiquement tous les pays industrialisés dans les
premiers stades de leur développement
• Industrialisation par substitution aux importations
– Objectif: produire localement des biens précédemment importés
– Préconisée par la CEPAL dans les années 50
– Stratégie dominante dans Tiers-Monde des années 60
Protection des industries naissantes et ISI
Mesures appliquées
• L'État établit des obstacles protecteurs: tarifs douaniers ou
contingents à l’importation
• Les industries nouvelles sont aidées par des subventions et
prêts à taux d’intérêt favorables
• Taux de change généralement maintenu élevé pour permettre
l’importation à faible coût de matières premières et biens
d’équipement
• Protection temporaire
• Première cible d’investissement: secteur des biens de
consommation (ex: vêtements, boisson, produits alimentaires,
chaussures)
Protection des industries naissantes et ISI
Résultats
• Taux de croissance élevés pendant première phase
d’industrialisation (ex: Brésil, Mexique, Corée, Taiwan)
• Plusieurs problèmes (ex: Amérique latine, Inde) :
– Manque de concurrence → entreprises peu productives
– Entreprises se tournent constamment vers l’État pour aides
additionnelles (recherche de rentes)
– Protections deviennent souvent permanentes
– Exiguïté du marché domestique limite croissance
– Dépendance envers biens d'équipement importés
– Taux de change élevé = baisse exportations et devises
– Budgets de certains États (surtout en Afrique) dépendent de la
perception de tarifs douaniers
Protection des industries naissantes et ISI
Exemple d’application: Mexique (des années ‘30 à ‘80)
• Forte implication de l’État dans le développement
– 35-40% des investissements; nationalisation pétrole
– plus de 1200 entreprises nationales créées
• Résultats économiques réels
– Croissance annuelle de 6% entre 1935-80
– Croissance industrielle annuelle de 10%
– Base industrielle: textiles, automobiles, pétrochimie…
• Années 70: découvertes pétrolières et surendettement
• Années 80: crise de la dette et «décennie perdue»
D) Industrialisation par les exportations
• Objectif : exploiter le vaste marché des pays
industrialisés - remplacer progressivement les
exportations traditionnelles par l’exportation de produits
manufacturés
 Stratégie dominante depuis années 80, prônée par FMI, BM…
• Exemples d’application
– Tigres asiatiques (Corée, Taiwan, HK, Singapour)
– Ile Maurice
– Zones franches: Mexique, Chine, Asie du Sud-est
Industrialisation par les exportations
Mesures appliquées
• maintien d’une monnaie plutôt faible pour favoriser
l’exportation
• industries exportatrices sont aidées par des subventions
et prêts à taux d’intérêt favorables
• dans plusieurs pays, mise en place de «zones franches»
pour attirer multinationales qui veulent produire pour
l’exportation
• utiliser main d'œuvre bon marché pour exporter des
produits à faible valeur ajoutée (ex: textile)
• «remontée de filière» : passer à la production de biens
intermédiaires et de machines
Industrialisation par les exportations
Résultats
• Succès pour les tigres asiatiques:
– taux de croissance élevés et soutenus
– diversification économique
– mise sur pied de leurs propres multinationales
«Modèle asiatique» ne se résume toutefois pas à l’ouverture
commerciale (cf textes de Vernières, Gélinas)
• Exigences du marché international stimulent productivité
(ex: secteur aéronautique du Brésil)
• Stratégie pose des risques
– Dépendance face aux entreprises et capitaux étrangers
– Zones franches: peu d’effet d’entraînement sur l’économie
– Vulnérabilité face au protectionnisme des importateurs
Stratégies de développement: bref bilan
• Développement agricole souvent négligé
– réforme agraire = mesure de justice sociale qui peut hausser
productivité agricole
– révolution verte permet hausse des rendements
– équilibre difficile entre vivrier et cultures d’exportation
• Protectionnisme utilisé par pratiquement tous les pays
qui se sont industrialisés
– a permis développement initial des capacités industrielles
– mais pose des risques lorsque maintenu longtemps: recherche
de rentes, inefficacités, endettement…
• Exportation peut être facteur de croissance
– permet des économies d’échelle
– stimule compétitivité et inventivité
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