LES INCERTITUDES DE L’INDUSTRIALISATION
FRANCAISE JUSQU’EN 1914
Les conséquences économiques de la Révolution et de l’Empire
La Révolution a-t-elle été une mutation structurelle créant les conditions d’épanouissement du
capitalisme (G. Ripert) ou une désorganisation de l’économie à court terme bloquant la
croissance sur toute une génération ? voire les deux ?
1. Les mutations structurelles
L’œuvre agraire de la Révolution
La législation a cherché à canaliser la révolution paysanne spontanée (4 août + abolition des
droits personnels mais maintien des droits réels) ; mais en 1793, les tenanciers accèdent au
statut de propriétaires (mais pas de transfert de propriété comme avec les biens d’Eglise puis
de la noblesse dont sera bénéficiaire la bourgeoisie). Il n’y a pas de révolution du système de
cultures du fait de la résistance paysanne => conservatisme agraire de la Révolution et
constitution d’une classe de petits proprios, frein à l’industrialisation (mais équilibre social).
La législation économique de la Révolution dans le domaine économique et social
1791 : Le décret d’Allarde et la loi Le Chapelier suppriment corporations et associations
professionnelles en accord avec l’idéologie libérale et individualiste des bourgeois. Cette
inégalité est renforcée par les Codes civil (employeur cru sur parole) et pénal (pas de grèves).
L’essentiel de l’impôt est agricole, le système fiscal est inapproprié (inflation galopante) ; on
déréglemente tout en restaurant le protectionnisme et l’interventionnisme (maximum en 93) ;
la préoccupation est de financer la guerre et de mettre en place une législation « capitaliste ».
2. Les à-coups de la croissance économique jusqu’en 1815
L’effondrement économique a conduit à qualifier la Révolution de « catastrophe nationale ».
Les conditions de l’activité économique sous le Consulat et l’Empire
Dès 1802, l’inflation est maîtrisée, le franc est instauré (création de la Banque de France).
L’économie souffre pourtant des guerres incessantes (blocus, anéantissement du commerce
extérieur, notamment colonial, et des grands ports). L’industrialisation est freinée (techniques
anglaises indisponibles). Par ailleurs, l’espace économique s’élargit considérablement, la
France profite des technologies belges et des mp et du marché italiens ; de plus, la politique
économique active et protectionniste favorise industrialisation et élevage (certaine autarcie).
Les résultats
Dans l’agriculture, la pomme de terre se généralise comme les rotations culturales. Mais le
TCAM est de 0,3 % contre 0,5 pour la population => quasi-stagnation de longue période.
L’industrie lourde progresse (armement), mais au bénéfice surtout de la Belgique. Le blocus a
suscité la naissance d’une industrie de sucre de betterave, bientôt freinée jusqu’en 1830.
L’industrie cotonnière subit d’importantes fluctuations, mais connaît une véritable RI. Le
TCAM reste globalement inférieur à 2 %, l’Angleterre creuse l’écart. Pourtant, le recul est dû
surtout à l’effondrement du secteur atlantique (+ lin qui subit une « désindustrialisation ») et
la France a en 1815 un noyau de modernité. Mais il coexiste des branches fragiles
(protectionnisme) et d’autres dynamiques mais distancées par l’Angleterre.
L’accélération de l’essor industriel (1815-1860)
Le XIX° est un siècle de continuité, mais aussi de fluctuations économiques : croissance forte
de 1815 à 1860 (traité franco-britannique) mais irrégulière jusqu’en 1840, ralentissement
jusqu’en 1882, stagnation jusqu’en 1896 (retour du protectionnisme) puis retour d’une
croissance forte => deux dates charnières qui mettent en évidence des mouvements
Kondratieff (fluctuations du TCAM et des prix dans une moindre mesure).
1. L’économie française et ses handicaps
Les conditions intérieures
Plus d’industrie lourde, un effondrement des branches protégées (coton, sucre) : la France est
d’autant plus handicapée qu’elle est moins bien dotée en facteurs de production (salaires
relativement élevés, charbon rare et cher, élément pourtant essentiel et qui nécessite des M
d’autant qu’il est mal localisé par rapport à la géographie industrielle). Les transferts de main-
d’œuvre depuis la paysannerie sont limités mais la pénurie est légère. Les capitaux sont
suffisants, mais l’autofinancement est la règle sauf dans les CDF => France finance la planète.
Les conditions extérieures
La Restauration puis dans une moindre mesure (atténuation compensée par la baisse des prix)
la monarchie de Juillet maintiennent un protectionnisme quasi napoléonien, très efficace sans
que la croissance soit autarcique (charbon, K, techniques malgré l’interdiction anglaise d’X
les machines). Un rattrapage technologique délivre la France de sa dépendance originelle ;
elle reste devancée en revanche sur les marchés extérieurs, surtout par l’Angleterre (X 15 fois
moindres de coton) malgré une hausse entre 40 et 60 =>maintien des branches traditionnelles
et rôle essentiel du marché intérieur.
2. Les forces d’impulsion
La croissance agricole
La population active continue en 1860 d’être le double de celle de l’industrie. Les progrès
vers une intensification de l’agriculture sont censés être médiocres jusqu’à cette date. En fait,
c’est entre 20 et 70 que la croissance est la plus forte jusqu’en 1945 (extension de la superficie
cultivée, progression des rendements), et la plus générale : il y a diffusion d’une agriculture
moderne « mixte », du froment, de l’élevage => progression du pouvoir d’achat agricole qui
explique l’essor des biens de consommation (1848 : dernière crise mixte).
La rénovation des transports
Le réseau de canaux triple entre 15 et 48 (transport de la houille) ; le réseau routier permet de
désenclaver les campagnes. Le chemin de fer, quoique tardif (après Angleterre et Allemagne)
se construit à partir de 1842 en étoile et accélère après 48 ; en 60, les grandes lignes sont
achevées. L’effet amont immédiat et bénéfique surtout à la France se double d’un effet aval.
3. Les étapes de l’industrialisation
Industrialisation et croissance extensive (1815-1848)
La population active industrielle double alors que les gains de productivité demeurent lents.
La métallurgie se développe, mais reste partiellement traditionnelle (fonte au charbon) même
si les procédés se diffusent. L’industrie reste axée sur les biens de consommation, mais le
textile connaît une croissance remarquable, surtout le coton alsacien (très technologique). Les
autres textiles se développent grâce à une spécialisation dans le luxe malgré des technologies
moins avancées => survivance d’activités traditionnelles. L’industrialisation française est
donc spécifique (spécialisation, petite et grande industrie, biens de consommation).
Mutations décisives et intensification de la croissance (1850-1860)
La croissance change de nature : la métallurgie devient la branche motrice et se modernise
(coke au lieu de charbon de bois). En 1860, la France rentre dans l’ère de l’acier. Le matériel
ferroviaire devient compétitif mondialement, l’équipement en machines à vapeur progresse
très vite => diffusion des procédés modernes. Et la France devient innovante, sa croissance se
fonde sur les gains de productivité du capital et surtout du travail, le taux d’investissement est
maximal en 1860 (Marx). La part du capital dans le partage de la VA augmente sensiblement,
même si les salaires réels progressent lentement.
Les chemins de fer auront eu une influence déterminante (atténuation des écarts de prix
agricoles, marché national). Il n’y a pourtant pas eu « croissance lente » puis « accélérée » (1°
révolution des transports, concentration de l’épargne vers le ferroviaire, naissance d’un
nouveau type de crise => multiplicité des « effets redistributifs » du chemin de fer).
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