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Que Vlo-Ve ? Série 4 No 5 janvier-mars 1999 pages 1-16
Apollinaire traducteur des Sonnets luxurieux de l’Arétin FONGARO
© DRESAT
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il cazzo è suo, e se '1 vi piace tanto
com'a cazzo gli havete a comandare
La traduction littérale «comme à un cas vous n'avez qu'à lui commander» (Apollinaire) ou
«comme à un vit, c'est à vous de lui ordonner» (Bonneau) n'a aucun sens en français; en italien,
cazzo est pris ici au sens de niais, balourd, andouille, etc.; l'équivalent français dans ce sens est,
dans le langage populaire : manche (quel manche; c'est un manche; il s'est débrouillé comme
[6]
un manche; etc.). mot qui est (comme «andouille», d'ailleurs) une métaphore du sexe masculin,
bien sûr.
Le mot potta pose un intéressant problème de traduction. Le correspondant français
immédiat de ce terme dans la langue de tous les jours, oserai-je dire, est con. L'utiliser ici permet
des allitérations avec cas et cul (sonnet I, v. 3 «e se tu '1 cazzo adori, io la potta amo» == Si tu
adores le cas, moi j'aime le con; sonnet III, v. 10 «e in potta e *n culo il cazzo» -et en con et en
cul le cas; sonnet VI, v. 1 «Tu m'hai il cazzo in la potta, e il cul mi vedi» = tu as mon cas dans le
con et tu me vois le cul; etc.). Apollinaire, on l'a vu, n'emploie jamais le mot con, et quand il est
bien obligé de le mettre, comme au sonnet V, où il est répété systématiquement à la rime,
Apollinaire écrit pudiquement «c...». Bonneau, lui, met con, on l'a vu; mais il perd bonne part
des allitérations, parce qu'il emploie vit pour traduire cazzo. Cependant, outre qu'ajouter des
allitérations à un texte c'est le trahir (en italien, potta n'allitère ni avec cazzo, ni avec culo), le
mot con présente un double défaut : d'abord, il est du masculin, alors que potta est du féminin;
ensuite, sa sonorité (nasale, typiquement française) est radicalement différente de la sonorité du
terme italien. C'est pourquoi il semble préférable d'employer le mot féminin motte, qui a le
même sens, et où seule l'initiale est changée par rapport à potta 8.
Il faut encore signaler les contradictions qui déparent la traduction d'Apollinaire. Par
exemple, pour rendre l'italien fottere il y a le verbe français foutre (tout à fait usuel : on s'en fout;
il est foutu; va te faire foutre; etc.); et c'est bien ce verbe qu'utilise sagement Bonneau. Quant à
Apollinaire, il rend bien le dernier vers du sonnet IX, «di voi meglio vestite, ma non fottute», par
«mieux vêtues que vous, mais non mieux foutues», et dans tout le sonnet XII il emploie le verbe
foutre, même si, pudiquement, il l'abrège en «f...». On ne comprend plus alors pourquoi les deux
premiers vers du premier sonnet :
Fottiamci, anima mia, fottiamci presto,
poichè tutti per fotter nati siamo
deviennent:
Faisons l'amour, mon âme, faisons vite l'amour,
Puisque nous sommes tous nés pour faire l'amour
où l'opposition, certainement voulue par l'Arétin, entre fottiamci et anima mia9 s'estompe en une
atmosphère sentimentalo-romantique. Les exemples analogues ne manquent pas : comme au vers
12 du sonnet III, «Chi n'ha poco, in cul fotti dì e notte», traduit par «Qui en a peu qu'il fasse
l'amour [7]
à la sodomite jour et nuit» ; ou comme au vers 12 du sonnet XII, «Signor sì, che con voi
fottendo, sguazzo» traduit par «Oui, Seigneur, car je jouis beaucoup en me donnant à vous»10,