Dans une société qui fonctionne avec d’autres repères que les nôtres, il est difficile d’apprécier cette
condition. L’esclave est à la fois omniprésent et invisible dans la cité ; il travaille et appartient à une
maison, mais pour les citoyens, il est considéré comme « l’étranger par excellence, et même le barbare ».
A l’époque archaïque, Athènes pratique l’asservissement pour dettes. Solon y met fin par la σεισάχθεια /
seisakhtheia, la libération des dettes, l’interdiction de toute créance garantie sur la personne du débiteur et
l'interdiction de vendre un Athénien libre, y compris soi-même. Dans sa Constitution d'Athènes (XI, 4),
Aristote fait dire à Solon: « J’ai ramené à Athènes, dans leur patrie fondée par les dieux, bien des gens
vendus plus ou moins justement (…), subissant une servitude (douleia) indigne et tremblant devant
l’humeur de leurs maîtres (despotes), je les ai rendus libres. »
À Athènes, les esclaves n’ont juridiquement aucun droit. Un délit passible d’amende pour l’homme
libre donne lieu à des coups de fouet pour l’esclave, à hauteur, semble-t-il, d’un coup par drachme. À
quelques exceptions près, le témoignage de l’esclave n’est pas recevable, sauf sous la torture. L’esclave
n’est protégé qu’en tant que bien.
Selon le pseudo-Aristote (Économique, 1344a35), le quotidien de l'esclave se résume à trois mots « le
travail, la discipline et la nourriture ». Xénophon conseille de traiter les esclaves comme des animaux
domestiques, c’est-à-dire de les punir en cas de désobéissance et de les récompenser en cas de bonne
conduite (Économique, XIII, 6). Aristote pour sa part préfère en user comme avec les enfants, et de
recourir aux ordres mais aussi aux recommandations, car l'esclave après tout est capable de comprendre
les raisons qu'on lui donne (Politique, I, 3, 14). Selon Plutarque (Vie de Solon, I, 6), Solon (v. 594-593 av.
J.-C.) aurait interdit aux esclaves de pratiquer la gymnastique et la pédérastie.
De fait, la condition des esclaves varie beaucoup selon leur statut : l’esclave mineur du Laurion connaît
des conditions de travail particulièrement pénibles, tandis que l'esclave en ville jouit d’une relative
indépendance. Il peut vivre et travailler seul, moyennant paiement d’une redevance (ἀποφορά / apophora)
à son maître. Il peut ainsi mettre de l’argent de côté, parfois suffisamment pour se racheter.
L’esclave peut être affranchi et racheter sa liberté. La pratique devient plus courante à partir du IVeme
siècle et donne lieu à des actes gravés sur pierre ; certains ont été retrouvés dans des sanctuaires comme
ceux de Delphes ou Dodone. Pasion, affranchi par son maître, se lance à son tour dans la banque. Il
possède une manufacture de boucliers et devient un des hommes les plus riches d’Athènes. Pour le
récompenser de ses largesses, il est admis comme citoyen.
Cette promotion semble très exceptionnelle. Au regard de la cité, l’affranchi est loin d’être l’égal d’un
citoyen de naissance. Il est soumis à toutes sortes d’obligations dont on peut se faire une idée au vu de
celles que propose Platon dans les Lois (XI, 915 a-c) : présentation trois fois par mois au domicile de
l’ancien maître, interdiction de devenir plus riche que ce dernier, etc. En fait, le statut de l’affranchi se
rapproche de celui du métèque.
Cette situation n’empêche pas 20 000 esclaves athéniens de s’enfuir à la fin de la guerre du Péloponnèse,
sur l’incitation de la garnison spartiate stationnée en Attique, à Décélie. La tentation de la fuite est forte,
les propriétaires n’hésitent pas à utiliser des professionnels pour retrouver les fugitifs. Ceux qui étaient
repris étaient jetés en prison (à l’Anakeion, peut-être). Certains marchands d’esclaves (les plagiaires)
cherchaient à s’approprier les esclaves d’autrui.
D’où viennent les esclaves ?
Xénophon conseille de loger esclaves hommes et femmes séparément, de peur qu’ils « ne fassent des
enfants contre [le] vœu [des propriétaires] car, si les bons domestiques redoublent d’attachement pour
nous quand ils sont de la famille, les mauvais acquièrent en famille de grands moyens pour nuire à leurs
maîtres » (Économique, IX). En dehors de l’accroissement naturel et des enfants nés à Athènes, il existe
deux sources majeures, la guerre et le commerce.