L`abandon de l`activité sportive

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L’abandon de l’activité sportive
Sport, Santé, Préparation Physique – La Lettre n°37 – Jan. 2006
Par R. Ziane – Consultant SSPP – Auteur du site Caratome
L’abandon de l’activité par certains sportifs surprend encore de
nombreux entraîneurs. La charge d’entraînement, notamment en
préparation physique, est souvent incriminée.
Comment expliquer ce phénomène pour mieux anticiper ?
Quelle forme de pédagogie adopter pour prévenir l’abandon ?
Volonté, motivation, désir
Ces trois concepts sont employés par les entraîneurs pour
caractériser "l’investissement physique" des pratiquants et justifier la
nature des relations pédagogiques.
Les psychologues ont "réglé son compte" à l’idée binaire et
catégorique, donc réductrice, de présence ou d’absence de volonté
chez l’individu. En effet, cette idée masque les phénomènes de
désengagement1 et en empêche toute compréhension.
L’apparition du concept de motivation, en management, a ouvert des
perspectives de stimulation des personnes et a permis l’élaboration
de stratégies plus ou moins efficaces. Recourant à de telles
stratégies, certains se targuent de maintenir, malgré elles, des
personnes dans une activité pendant un certain temps... Mais tôt ou
tard, ces personnes finissent légitimement par s’orienter vers l’objet
de leur désir : Une autre activité.
La reprise du concept de désir peut permettre d’éclairer les
comportements d’abandon de l’activité. Pour éviter l’abandon, la
prise en compte préalable des désirs permet d’orienter chaque
1
On pense ici au désengagement du sportif. Mais ce concept masque
aussi le désengagement de l’entraîneur qui attribue l’échec au
manque de volonté du sportif !
personne vers des activités qui lui permettront d’exceller sur le long
terme.
La culpabilité et autres jugements de valeurs, utilisés comme de
puissants outils de manipulation, n’ont ainsi pas leur place dans des
relations pédagogiques saines.
Pédagogie d’inspiration béhavioriste2
Le chien de Pavlov, le rat de Skinner et les autres…
Parce qu’évoquée de façon sommaire en formation, les théories
béhavioristes sont le plus souvent mal interprétées. La transposition
du laboratoire au terrain de sport ne peut pas être immédiate.
Malheureusement, certains ne conçoivent l’apprentissage que
comme une somme de conditionnements "ancrés" par des
renforcements positifs (récompense) ou négatifs (sanction). Cette
conception convient mieux au dressage animalier qu’à l’éducation
humaine.
Pour s’en affranchir, l’entraîneur peut donner à l’athlète des moyens
de s’auto-évaluer (critères, grilles, abaques) et d’améliorer sa
pratique. Le sportif s’achemine alors vers un des principaux objectifs
de l’éducation : l’accès à l’autonomie.
Pédagogie d’inspiration cognitiviste3
Le concept de représentation y est central, comme objet de
signification :
 « Apprendre, c’est transformer son système de
représentation mentale », c’est-à-dire la façon de voir les
choses (objets et phénomènes).
2
Psychologie béhavioriste : Elle étudie les comportements en
cherchant à les mettre en relations avec leurs conditions
d’apparition.
3
Psychologie cognitiviste : Elle étudie les processus mis en jeu dans
le traitement de l'information.
Rachid ZIANE - Sport, Santé, Préparation Physique - UFR-STAPS de Créteil & Conseil Général du Val de Marne.
-2 Les représentations symboliques (graphismes, schémas,
métaphores) sont employées comme de puissants "leviers
didactiques" pour illustrer et expliquer.
Pédagogie d’inspiration clinique
L’empathie est souvent considérée comme une forme de
compréhension de l’autre… étrangement réservée à certains ! Mais,
les phénomènes de projection (de sens, d’intention, de valeurs), mis
au jour par les psychologues, montrent que l’empathie consiste le
plus souvent en une simple transposition de sentiments justifiée à
posteriori par un discours "logique". Or, le discours, même
"logique", est souvent sans aucun rapport avec le réel : « Je ne
comprends jamais l’autre en attribuant à son comportement : le
sens, les valeurs, l’intention, le raisonnement… fondés sur ma
propre logique ». C’est une démarche spéculative donc périlleuse.
Pour comprendre l’autre il faut d’abord l’écouter, donc se taire et ne
pas anticiper ses réponses (« Je sais ce que tu va me dire ! »). La
reformulation proposée (« Tu veux dire que… ? ») et plus encore
celle demandée (« Qu’est-ce que tu veux dire par … ? »), sont des
outils qui permettent de vérifier que ce qui a été entendu est bien ce
que l’autre a voulu dire.
Les théories générales et les modèles de la psychologie
expérimentale trouvent leur limite pour expliquer les comportements
du sujet dans leur singularité. Comme alternative, la psychologie
clinique cherche à mettre au jour ce que vivent les personnes « aux
prise avec des difficultés tant dans le rapport à eux-mêmes que dans
leur ajustement à leur milieu de vie » Morvan (1995).
A l’entraînement, l’approche d’inspiration clinique consiste à
chercher à mettre au jour la façon dont le sportif vit et ressent ses
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entraînements, en tenant compte
(psychologiques, morphologiques).
de
ses
particularités
Le non-dit des émotions
« Le non-dit, c’est ce qui est intime,
ce que l’on ressent comme intransmissible… ».
Il s’agit par exemple des émotions du sportif qui émergent au cours
ou après l’entraînement ou la compétition : haine, rancune,
frustration mais aussi soulagement, plénitude, joie. Le non-dit peut
aussi concerner la relation entraîneur-sportif.
Le non-dit s’exprime de façon non-verbale sous différentes
formes : colères, fous-rires, comportements irrationnels, rites…
Chercher à transgresser le non-dit en forçant l’autre à verbaliser est
souvent dévastateur : il dépossède le non-dit de ses fonctions de
sauvegarde identitaire, sans pour autant réduire les angoisses.
L’entraîneur doit savoir décoder le non-dit sans l’investiguer.
Conclusion
L’étude des pratiques pédagogiques d’experts montre leur aspect
composite : Ces pratiques mobilisent des méthodes d’inspirations
diverses donc de façon non-exclusive.
L’écoute peut être employée comme outil de prévention de
l’abandon de l’activité. Il s’agit de chercher à identifier les attentes
du sportif puis de chercher à aménager les conditions de sa pratique
de sorte de répondre au mieux à ses attentes.
La psychologie clinique est d’inspiration psychanalytique. Elle
porte une attention particulière à la « réalité psychique de
sujets ».
Rachid ZIANE - Sport, Santé, Préparation Physique - UFR-STAPS de Créteil & Conseil Général du Val de Marne.
-3Références :
Blanchard-Laville, C. (1999). L'approche clinique d'inspiration
psychanalytique : enjeux théoriques et méthodologiques. Revue
Française de Pédagogie : 127, 9-22.
Guillet, E. Sarrazin, P. & Cury, F. (2001). Comprendre l’abandon
sportif en handball féminin à partir du modèle tridimensionnel
des buts d’accomplissement: Une étude longitudinale sur une
saison sportive. IXème Congrès International de l’ACAPS - 1, 3
Novembre 2001 - Valence.
INRDP (1975). L’accès des élèves à l’autonomie. Brochure n° 2376.
Morvan, J.-S. (1995). Psychologie clinique et recherche : Quelles
questions pour quels objets ? In Dialogues sur l'éducation.
Université René Descartes Paris V.
Olievenstein, C. (1987). Le non-dit des émotions. Editions Odile
Jacob.
Rachid ZIANE - Sport, Santé, Préparation Physique - UFR-STAPS de Créteil & Conseil Général du Val de Marne.
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