LA RENAISSANCE DE L’EUROPE ET SES LIMITES
(1945-1963)
Introduction
La question de l’Europe pose le problème initial de la définition même du mot Europe.
Il convient de distinguer plusieurs acceptions du mot Europe. L’Europe a longtemps été une
expression géographique : un espace, un continent dans le mode de représentation des
antiques grecs entre deux autres continents dans les cartes en O et T reprises par les
cartographes du Moyen-Age.
2e définition qui est celle qui nous intéresse ici : l’Europe comme construction politique et
économique, comme processus d’intégration des pays européens dans un ensemble commun
à la fois résultat et moteur.
Les tentatives de construction politique et économiques de l’Europe sont anciennes.
Le 18e siècle et 19e siècle ont produit des constructions européennes et de sprojets comme le
« Projet pour rendre la paix perpétuelle en Europe de l’abbé de Saint Pierre, en 1713. Ou
l’appel de V. Hugo pour les « Etats-Unis d’Europe » en 1849.
Mais il s’agit ici de construction d’élites et peu réalistes, elles ont eu peu d’échos (J.P. Bois).
Les constructions qui eurent une réalité historique sont souvent des constructions de
conquête de l’Empire romain à Charlemagne, Napoléon jusqu’à la nouvelle europe nazie d’A.
Hitler (diapo 3).
Il est lieu ici d’insister sur les différences qui apparaîtront entre ces constructions et celles
que nous allons étudier à partir de 1945. Différences qui conviendra de nuancer.
Voir diapo 2, caricature de Plantu.
Les premières sont acquises par la force. Les secondes par la paix et pour la paix. L’europe est
portée par un pacifisme après 1945, conséquence de la 2e guerre mondiale. L’inspiration des
associations favorables à une fédération europénne est ici forte. Ainsi deux auteurs Spinelli et
Rossi dans leur Manifesto faisait de la guerre la dégénérescence du nationalisme et la guerre
serait tuée par l’abolition de la division de l’Europe en Etats nationaux souverains. F.
Mitterrand le déclara en 1992 pendant les débats sur Maastricht : « l’Europe c’est la paix ».
D’où l’importance du rapprochement entre la France et l’Allemagne, ce que l’on appellera
bientôt le couple franco-allemand
2e différence : les 1ières sont acquises par la contrainte, les 2e sont volontaires, par le
consentement des peuples ou du moins de leur gouvernement
3e différence : Les 1e se font au bénéfice d’un peuple, d’une nation. Les 2e sont un échange :
une communauté.
Le 2e problème tient à la méthode même de fabriquer cette construction : fédéralisme.
C'est-à-dire réunion d’une assemble ex nihilo afin de mettre en place un état fédéral
européen. Soit le néofonctionnalisme qui est une démarche réaliste, pragmatique, c'est-à-dire
le rapprochement par la coopération sur des domaines techniques limités, qui appellent peu
à peu à l’élargissement des domaines. C’est toute la philosophie du plan Schuman fondant la
CECA ou de la CED (1952)
L’autre problème tient à la signification propre de cette construction européenne,
2 conceptions s’affrontent qui tiennent aux relations entre la construction européenne et les
états qui la constituent. Elles peuvent s’incarner par deux personnalités françaises.
D’abord la conception d’une Europe inter-gouvernementale. Dans cette optique, les états
sont l’horizon indépassable de la politique : ils sont la seule légitimité. L’Europe constitue un
forum de négociation qui doit s’efforcer de rapprocher et d’harmoniser les politiques de
chaque état. C’est l’Europe des Etats », que défend De Gaulle et que propose le plan Fouchet
(1962).
Face à cette conception, en surgit une 2e : une Europe supra-nationale. L’Europe jouirait
d’une personnalité propre. Elle ne serait pas seulement que l’addition des éléments qui la
composent. Elle disposerait d’une personnalité juridique cherchant l’intérêt commun des
peuples européens y compris en contraignant certains gouvernements réticents. L’Europe se
tient donc au dessus des états : elle est dite supranationale. C’est la conception qu’épouse
Jean Monnet à partir de ses projets comme la CECA et son comité d’action pour les Etats-
Unis d’Europe (1955/1975).
Problématique : comment rendre compte du renouveau de l’idée et de la
construction européenne à partir de 1945 ? Quelles en sont les formes et les
limites ?
I LES FACTEURS FAVORABLES A L’IDEE ET A LA CONSTRUCTION
EUROPEENNE
L’année 1945 représente en effet en toute analyse une accélération dans la prise de
conscience de la nécessité d’une construction européenne. En fait il s’agit d’une résurgence.
En effet les mêmes moteurs de l’européisme des années 1920 vont à nouveau jouer à plein
après 1945.
A tel point que Robert Frank parle de « second âge d’or » du sentiment européen.
Ces moteurs sont les suivants : aspiration à une paix durable / poids des pressions des forces
extérieures à l’Europe / sentiment de décadence des puissances européennes / nécessité de la
reconstruction et de la croissance économique.
A L’EUROPE : UNE SORTIE DE LA GUERRE
La construction européenne est « enfant de la guerre ». Les peuples qui en sortent sont
convaincus de la nocivité des protectionnismes et des nationalismes.
CHRUCHILL l’évoque dans son discours de Zurich (1946). L’Europe doit être le tombeau des
nationalismes. Elle doit rendre impossible tout retour au conflit sur le continent européen.
Cette paix ne peut passer que la fin des haines franco-allemandes. Les allemands depuis 1815
ont occupé 5 fois le territoire national. Par leur victoire, chacune annonçait la guerre
suivante. D’où l’importance de la réconciliation franco-allemande.
Cette nécessité de la réconciliation, gage de paix, domine les débats autour du projet de la
CECA (1951) et de la CEE (1957).
C’est l’un des aspects de la CECA : la mise en commun des ressources sidérurgiques et
charbonnières entre la France et l’Allemagne rendrait toute guerre entre les deux impossibles
puisqu’ils seraient dessaisies des moyens de la faire.
L’Europe n’est pas seulement que le moyen de mettre la guerre hors la loi. Le pacifisme est
un pacifisme révolutionnaire comme celui de Briand dans les années 20/30 (J. Bariéty) : il
s’agit d’une rupture historique avec le passé. L’Europe sera fondée sur ce silence qui consiste
à exorciser son passé. Amnésie qui peut aboutir à modifier le sens de dates et de lieux
(Verdun) et qui produira régulièrement des retours du refoulé.
B LE JEU DES PRESSIONS EXTERIEURES
La construction européenne est aussi accélérée, catalysée par l’influence de pressions
extérieures.
La peur de l’URSS est une autre pression extérieure jouant en faveur de la construction
européenne.
Churchill avait incité les européens à se regrouper pour mettre en échec les projets
soviétiques d’influence et de développement.
Plusieurs caricatures évoquent cette peur en incarnant l’URSS en ours. Elément symbolique
fort en Occident, symbolique de la sauvagerie et de l’Asie barbare entrainé par des chars.
Allusion à la force de l’Armée rouge en Europe. Le différentiel est en effet en 1947 éclatant :
14 divisions occidentales contre 100 divisions de l’Armée Rouge. Un rapport de force de 12
contre 1. Face à cette frontière infranchissable (le rideau de fer) les différences entre
occidentaux devenaient mesquines, accessoires, inutiles.
Cette peur incite les européens à se protéger sous la protection américaine : le parapluie
atomique (Otan en Avril 1949).
Au-delà la politique américaine est elle-même une autre source d’influence, autre pression
extérieure.
Elle cherche à accélérer le redressement de l’Europe dans le cadre du containment afin
d’empêcher l’expansion du communisme. Le Plan Marshall mis en place (1948) incite les
européens à prendre en charge les produits distribués par les Etats-Unis. C’est la création
d’une première forme d’Europe économique : l’OECE (1948). L’europe est d’abord une
création américaine
C LE SENTIMENT DE LA DECADENCE EUROPEENNE
Chaque pays sent l’abaissement de sa position et de son influence dans le monde. Comme en
1919, les années 1945 développent une vision pessimiste des puissances européennes qui
auraient vu leur force s’épuisaient à s’affronter mutuellement. 1945 comme 1918 aurait été le
suicide de l’Europe. C’est tout le sens du libre de G. Riou : « S’unir ou mourir » pendant
l’entre 2 guerres.
Les difficultés de la reconstruction et les contestations dans les colonies mettent fin aux
empires et aux rêves de grandeur. Les puissances européennes ne sont plus des
superpuissances mais des puissances secondaires. L’année 1945 révèle cette faiblesse. G.
Kennan écrit : « il y a en Europe trop peu de tout. L’Europe paraît passer dans un âge
glaciaire. « A jamais finis les matins clairs et confiants » écrit un dirigeant anglais en 1946. La
prospérité ne peut venir que de la coopération européenne. Elle exige d’après J. Monnet la
constitution d’une entité européenne.
D L’EUROPE : LE CADRE APPROPRIE POUR LA RECONSTRUCTION SUR
DES BASES POLITIQUES ET ECONOMIQUES LIBERALES
L’Europe apparaît aussi comme le cadre approprié pour permettre la reconstruction sur les
bases du libéralisme et du libre-échange.
L’administration américaine rooseveltienne voit dans le maintien des barrières
protectionnistes et de l’autarcie les germes de la faim et du communisme.
L’Europe apparait donc comme une étape dans l’ouverture économique des frontières et donc
dans le développement du libre échange, condition primordiale au retour de la prospérité.
Les pays européens intègrent le GATT qui postule l’ouverture des frontières et la réduction
graduelle des droits de douane permettant le retour du commerce entre pays européens.
Le Plan Marshall lui-même est occasion de cette prise de conscience que l’économie a besoin
de se penser à une échelle plus grande que les états pour fonctionner. A l’échelle
continentale : du continent européen. Les Français qui possèderont le siège de l’OECE chargé
de répartir les aides apprirent alors à regarder au-delà des frontières, raisonner dans une
perspective plus vaste, se plier aux règles de la concurrence dans un marché à l’échelle
européenne.
L’ensemble de ces facteurs favorisant ou de ces catalyseurs provoquent donc la mise sur pied
d’organisations européennes à partir de 1948-1949
II LES ORGANISATIONS EUROPEENNES DE 1948 A 1957
A LES PREMIERES FORMES D’ORGANISATION DE L’EUROPE (1948-1950)
Les premières formes de construction sont marquées par deux caractères : elles sont souvent
imposées de l’extérieur. Elles sont souvent limitées dans leur réalisation et leur ampleur.
Elles sont d’abord imposées de l’extérieur.
Il n’est pas indifférent de noter que la 1e forme est économique : L’OECE (1948). Organisation
Européenne de Coopération économique. Elle est le produit du PRE ou Plan Marshall. Les
américains avaient fait de cet embryon de construction européenne, un préalable à leur aide.
Cette OECE permettra ensuite une libéralisation des échanges entre pays membres.
2e organisation impulsée de l’extérieur de l’Europe : l’OTAN (1950). Pour les Etats-Unis il
s’agissait d’élaborer un moyen d’aider les européens à leur propre défense. En réalité les
européens s’en accomodèrent fort bien : les Etats-Unis prenant en charge les dépenses liées à
la défense du continent. R. ARON parle de « esclavage consenti ».
Deux autres formes d’organisation européenne sont fort limitées dans leur fonctionnement
ou leur ambition.
La première est le Conseil de l’Europe. Il fait suite à la création de plusieurs mouvements
d’opinions européistes comme le Mouvement pour l’Unité européenne » que lance Churchill
en 1947 relayé par de nombreux courants fédéralistes européens. Cette effervescence aboutit
à la réunion de plusieurs nations autour des Etats-Généraux de l’Europe à La Haye (1948).
Etats Généraux qui fondent le Conseil de l’Europe réunissant 15 gouvernements et qui
s’installe à Strasbourg. Ville symbole : cette ville que l’Allemagne et la France s’était tant de
fois disputé devenait le lieu de leur réconciliation. Première forme de construction politique,
vite anéantie par les décisions des états qui créèrent une Assemblée sans compétence
chaque décision prise peut faire l’objet d’un veto par l’une des nations. Le Conseil de l’Europe
devient donc un forum de négociation entre pays européens.
Limitée également est l’UEO : Union de l’Europe Occidentale. Créée comme nous l’avons dit
à la suite du Coup de Prague (Mars 1948), l’UEO réunit la France, la GB et les pays du
Benelux. Les 5 pays se promettent solidarité et réponse atomique contre toute puissance tiers
agressive. L’UEO dans les faits, du point de vue de la diplomatie française est tout autant
dirigée contre l’URSS que contre l’Allemagne renaissante.
Toutefois la création est limitée par le poids des réalités : que peuvent 9 divisions contre 100
divisions soviétiques. Les membres de l’UEO n’ont qu’une solution : se tourner vers
Washington et demander sa protection : ce sera l’OTAN.
Ces formes montrent que l’organisation vient d’abord de stimulations externes soit de
projets venant de pays européens mais fort limités. Toutefois les uns et les autres préparent la
prise de conscience des européens eux-mêmes sur la nécessité de faire une construction
européenne par eux-mêmes et pour eux-mêmes.
B UNE CONSTRUCTION EUROPEENNE EN GESINE (1951-1954)
Nous entrons à partir des années 1950 dans une nouvelle étape : celle du dépassement des
projets externes et limités. Pour atteindre non une organisation mais une construction, J.
Monnet développe une stratégie : conserver la grande ambition d’une fédération européenne
(annoncée deux fois dans le plan Schuman) mais en commençant par un domaine très limité,
essentiellement économique. C’est la stratégie des « petits pas ».
La figure de Jean Monnet permet d’abord de s’interroger sur les Pères fondateurs de
l’Europe.
1 Les pères fondateurs de l’Europe.
De fortes individualités ont incarné ce besoin et cette envie d’Europe.
3 personnalités dominent dont la biographie mérite l’examen. J’en ajouterai un 4e.
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