Précisions sur la notion de « motifs économiques valables » de l’article 11-1 sous a) de la directive
90/434/CEE permettant d’écarter la présomption de fraude ou d’évasion fiscales
(CJUE, 5e chambre, 10 novembre 2011, aff. C-126/10, Foggia – SGPS)
La directive n° 90/434/CEE
adoptée par le conseil le 23 juillet 1990 institue un régime fiscal
spécial pour les fusions, scissions, apports d’actifs et échanges d’actions intéressant des sociétés
d’Etats membres différents. Cette directive, qui allège les contraintes fiscales liées aux
restructurations européennes des sociétés au sein de l’UE, franchit un pas important dans la mise en
œuvre du principe de liberté d’établissement. Elle permet notamment de parer aux effets
dévastateurs que peut avoir l’application cumulative des différentes législations nationales des
sociétés participantes.
Ainsi, dans ses titres II à IV, la directive organise un régime de neutralité fiscale des
opérations visées qui prend en compte le traitement des plus-values, des provisions, ou encore des
déficits reportables. Sur ce dernier point, l’article 6 de la directive précise notamment que les Etats-
membres qui permettent le transfert des déficits accumulés par la société absorbée à la société
absorbante dans des opérations de fusion de droit interne doivent étendre ce dispositif aux
opérations transfrontalières
. L’article 11, § 1, sous a) de la directive prévoit cependant qu'un « État
membre peut refuser d'appliquer tout ou partie » de ce régime lorsque l'opération « a comme
objectif ou comme un de ses objectifs principaux la fraude ou l'évasion fiscales » et que, « le fait
qu'une [opération] n'est pas effectuée pour des motifs économiques valables, tels que la
restructuration ou la rationalisation des activités des sociétés participant à l'opération, peut
constituer une présomption que cette opération a comme objectif principal ou comme un de ses
objectifs principaux la fraude ou l'évasion fiscales . »
Véritable pierre angulaire de ce dispositif anti-abus, la notion de « motifs économiques
valables » requiert une attention particulière. En effet, l’impossibilité de l’appliquer à une opération
de restructuration internationale conduira à attribuer aux initiateurs de l’opération une volonté
d’évasion fiscale ou de fraude fiscale. Ces derniers ne pourront dès lors plus bénéficier du régime
fiscal de faveur. Le problème de l’interprétation des termes « motifs économiques valables » a
d’ailleurs fait l’objet de différentes questions préjudicielles, dont la dernière a été posée par le
Supremo Tribunal Administrativo (Portugal), et à laquelle la Cour de Justice de l’Union Européenne
(« CJUE ») a répondu dans un arrêt du 10 novembre 2011.
La société Foggia – Sociedade Gestora de Participações Sociais SA (ci-après «Foggia – SGPS»),
dont l’activité était de gérer des participations sociales, a absorbé le 29 septembre 2003 trois autres
sociétés de gestion de participations sociales appartenant au même groupe. A chaque fois, la société
Foggia –SGPS a demandé à l’administration fiscale portugaise le transfert des déficits des sociétés
absorbées. Si cette dernière a fait droit à la demande de la société Foggia - SGPS pour deux des trois
Directive 90/434/CEE du Conseil, du 23 juillet 1990, modifiée par la directive 2011/35/UE
L’article 6 dispose en effet que : « Dans la mesure où les États membres appliquent, lorsque les opérations visées à l'article
1er interviennent entre sociétés de l'État de la société apporteuse, des dispositions permettant la reprise, par la société
bénéficiaire, des pertes de la société apporteuse non encore amorties du point de vue fiscal, ils étendent le bénéfice de ces
dispositions à la reprise, par les établissements stables de la société bénéficiaire situés sur leur territoire, des pertes de la
société apporteuse non encore amorties du point de vue fiscal. »