A propos des neutrinos Le neutrino est la quantité de réel la plus ténue jamais imaginée par un être humain. (F. Reines) Neutrino physics is largely an art of learning a great deal by observing nothing. (Haim Harari) Voir l’Annexe I : ‘Historique des neutrinos’. Dans cette annexe est indiqué comment et pourquoi l’invention du neutrino s’est imposée dans le paysage de la physique des particules élémentaires. Cette invention provient de la validité affirmée des principes de la conservation de l’énergie et de la quantité de mouvement exprimée dans le cadre de la relativité restreinte et de la conservation du moment cinétique. Les ‘preuves’ premières de la soi-disant existence des neutrinos ne sont en aucun cas des ‘preuves’ directes mais par inférence. Dans le chapitre 9 : ‘A propos de e/me’ nous avons émis l’hypothèse que la masse de l’électron pouvait apparaître comme un symptôme, comme un effet moyen. Les travaux engagés par F. Lurçat et J.Y. Grandpeix offrent une consistance certaine à cette hypothèse. Quid des particules sans charge électrique comme les neutrinos ? C’est exactement le propos de ce chapitre. Avant tout rappelons qu’en ayant concentré toute notre attention sur l’électron l’an passé nous nous sommes concentré sur l’essentiel car tous les leptons chargés, in fine, se désintègrent en électron ou positron avec les neutrinos associés. Quant aux quarks on ne peut pas les considérer comme des particules chargées au sens strict du terme, loin de là, et nous aurons probablement l’occasion d’aborder ce sujet cette année ou l’année prochaine. μ+ → e+ + νe μ- → e- + ν τ- → eτ+ → e+ + νe e μ e + νμ + ντ mais aussi τ- → μ- + mais aussi τ+ → μ + + νμ + τ μ + ντ τ Nous ne pouvons pas raisonner comme si les neutrinos étaient des particules à part entière simplement par le fait qu’ils n’ont pas d’identité propre, autonome, puisqu’on attache à chacun d’eux une saveur qui les caractérise et les différencie. Chacune de ces saveurs rappelle le lien avec leur origine soit électronique, soit muonique, soit encore tauique. La saveur constitue une donnée 1 empirique, une donnée aval que nous attachons au neutrino. (Aval car c’est une donnée qui s’impose de fait, qui ne peut être théoriquement justifiée après coup, et encore moins ne peut être prédite, elle est purement phénoménologique. Dans le corpus théorique disponible, de la physique des particules élémentaires, rien ne permet de l’annoncer.) Je ne veux pas dire pour autant qu’il y aurait des paramètres cachés qui seraient vecteurs de moyens de caractériser les neutrinos d’une façon plus complète. Il se trouve que les neutrinos ne sont sensibles qu’à l’interaction faible (ceci expliquerait pourquoi on ne peut pas capturer directement la masse des neutrinos car ce serait une donnée non lisible dans le cadre de l’interaction faible pure) et celle-ci doit être considérée comme une source de spécification limitée alors que, par exemple, l’interaction électromagnétique nous permet d’accéder directement à la masse des particules qui y sont sensibles. Les constructions théoriques qui autorisent une représentation mathématique des phénomènes les plus probables concernant les neutrinos (notamment la propriété de l’oscillation) prennent appui sur la déclaration suivante : ‘Les états de masse ne coïncident pas avec les états de saveur.’ Ce qui est observable directement c’est la saveur. Il se trouve que la mécanique quantique offre des moyens de traitement à ce genre de bizarrerie et nous savons si peu sur les valeurs propres de ces états de masse que nous devons surtout éviter de considérer que les saveurs différentes oscillent (réellement) de l’une à l’autre. Dans le respect des hypothèses avancées jusqu’à présent dans ce séminaire et en toute logique il faut assumer de réfuter la déclaration : ‘les états de masse ne coïncident pas avec les états de saveur’, parce que dans le nouveau contexte proposé, le concept d’ ‘état de masse’ n’a pas de sens en ce qui concerne les neutrinos puisque sensibles uniquement aux interactions faibles. Ce qu’il faut entendre c’est que la notion de masse est hors sujet à propos des neutrinos. Rappelons-nous que pendant longtemps à partir de 1930 il a été entendu que les neutrinos avaient une masse nulle mais évidemment m=0 et ‘m : hors sujet’, sont des affirmations qualitativement totalement différentes. Enfin lorsque l’on a commencé à formuler l’hypothèse que les ν avaient une masse et que l’on a commencé à l’évaluer c’est toujours en creux (ou par défaut) que l’on a fait des estimations (voir Annexe I). A travers ce que l’on appelle la saveur quelle est cette part de source origine indélébile qu’emporte avec lui le neutrino ? Est-ce que ceci pourrait être considéré comme un zeste ‘d’intrication’ ? Parmi les particules élémentaires du modèle standard, identifiées aujourd’hui, on constate que les neutrinos ont un statut à part. En conséquence dans la phase primordiale de l’Univers ceux-ci ne peuvent pas surgir concomitamment avec les autres, en effet ils doivent être précédés par ceux qui 2 signent leur saveur respective. Par exemple qu’en est-il de γ → νx x? A cette question, on peut prendre en considération comme réponse partielle voire provisoire le commentaire de CohenTannoudji, p. 319-320, « pendant le règne de l’interaction électrofaible (10-11–10-35s) la valeur moyenne du champ de Higgs est nulle. Cette nullité rend les bosons intermédiaires W, Z sans masse comme le photon. Le Z0 et le γ deviennent totalement indiscernables. Au cours de cette période d’autres particules se mettent à participer aux ébats : les neutrinos. Ceux-ci sont copieusement produits dans les interactions faibles. Ainsi l’annihilation e+e- peut aussi bien donner des photons que des paires de neutrinos-antineutrinos. » Concernant le développement de l’hypothèse de l’oscillation des neutrinos je me réfère au cours qui se trouve sur Claroline 51PH2QP4 ‘Questions ouvertes de la physique contemporaine’ et particulièrement au chapitre ‘Les neutrinos, curiosités de la physique depuis 1930 jusqu’aujourd’hui’. En complément voir annexe II : oscillation des neutrinos 1 et 2 (in ‘Dictionnaire de la physique’, Encyclopédie Universalis, édit. Albin Michel, p.229-230) et je vous conseille la lecture des deux articles suivants : ‘Neutrino physicists get together down under’ in Cern Courier septembre 2008, p.27, ainsi que ‘Borexino homes in on neutrino oscillations’ in Cern courier juin 2009, p.13 respectivement annexés en III & IV. Dans 51PH2QP4, je ne traite pas le problème de l’oscillation des neutrinos en milieu matériel plus ou moins dense, je ne suis donc pas exhaustif sur ce sujet1. L’hypothèse de l’oscillation des neutrinos impose, dans le cadre du modèle standard qu’ils aient une masse très petite, si petite, qu’on est conduit à concevoir des mécanismes spécifiques pour justifier cette particularité. Certains théoriciens ont invoqué l’existence de deux types de neutrinos pour chaque saveur : les uns seraient de masse nulle, les autres super massifs seraient décrits par une théorie qui engloberait le Modèle Standard mais décrirait des phénomènes survenant à des énergies beaucoup plus élevées et actuellement inaccessibles expérimentalement. Ces différents types de neutrinos interagiraient les uns avec les autres, ce qui conduit à un résultat peu intuitif : les neutrinos de masse nulle se verraient dotés d’une masse très petite, inversement proportionnelle à l’échelle de masse des neutrinos super massifs. Ainsi, plus le neutrino lourd est massif, plus le neutrino léger correspondant est léger. Cette idée originale, ad hoc, qui relie des masses très différentes est surnommée ‘mécanisme de bascule’, ‘seesaw mechanism’. Ce mécanisme n’est toutefois possible que si le neutrino est sa propre antiparticule, c'est-à-dire une particule de Majorana. Si cette hypothèse était vérifiée, il resterait 1 Ceux qui veulent approfondir ce sujet de la physique des neutrinos, je conseille le Dossier : Physique des neutrinos, septembre 2005, Académie des sciences, Paris. Editeur : Elsevier. 3 à comprendre d’où viennent ces neutrinos super massifs et comment leur présence pourrait être détectée autrement que par leur contribution aux masses des neutrinos légers ! Dans le monde particulaire, on distingue 3 types de symétrie. La symétrie du miroir ou parité (opérateur P) qui fait que l’image d’une particule réelle dans un miroir est aussi une particule réelle. La symétrie de charge (conjugaison de charge, opérateur C) qui associe deux particules identiques de charges électriques opposées, comme l’électron et le positron. Enfin la symétrie de temps ou renversement du temps, selon laquelle un processus physique observé en remontant le temps vers le passé est identique à un autre processus observé normalement (opérateur T). Les physiciens savent depuis l’expérience de Mme Wu en 1956 (voir dans le cours cité 51PH2QP4: dernier chapitre ‘Symétries : Invariances, Brisures de Symétries’) que la nature est asymétrique. Pasteur l’avait déjà énoncé quand il découvrit que deux molécules miroir se différenciaient sous l’effet de la fermentation : ‘L’asymétrie c’est la vie’. Voir la molécule d’ADN qui a toujours la forme d’une hélice tournant à gauche. L’expérience de Mme Wu conduisit à une théorie dans laquelle le neutrino n’a qu’une seule orientation de spin, toujours dans la direction opposée à son mouvement : il est gauche et donc la conservation de cette hélicité se traduit par une violation maximale de la parité de l’interaction faible. La largeur de désintégration du Z° a été mesurée avec une grande précision en considérant le canal de désintégration de Breit et Wigner e+e-. Le Z° se désintègre de manière très dominante en n’importe quel quark ou lepton, c'est-à-dire en des paires particule-antiparticule de masse inférieure à MZ/2 incluant les paires neutrinos-antineutrinos dont seule la composante gauche apparaît. La conclusion est qu’il n’y a pas plus de trois types de neutrinos légers. Le modèle standard basique ne comprend pas de neutrino droit (νr) right-handed ni d’antineutrino gauche ( l) left-handed. L’hypothèse qui est faite pour retrouver la symétrie droite- gauche consiste à considérer que le neutrino right-handed existe pour chacun de la famille mais qu’il est indétectable aux niveaux d’énergie que nous pouvons atteindre actuellement. Lu, chez Derendinger, p.312, « comme le neutrino de chiralité droite est lui-même invariant de jauge, il n’y a pas d’interaction de jauge : il ne peut être directement détecté par un processus d’interaction faible, forte ou électromagnétique. » Le modèle standard basique nous dit que si on introduit des neutrinos droits cela conduit naturellement à des neutrinos gauches massifs ; par contre l’absence des neutrinos droits implique l’absence de masse des neutrinos gauches2. In Derendinger. ‘Théorie quantique des champs’, Presses polytechniques et universitaires romandes. P. 312, « le mécanisme de Higgs qui produira la masse de W +- et Z° générera également la masse des fermions. » P. 315, « l’interaction de Yukawa est à l’origine des masses des fermions lorsque le doublet H prend sa valeur moyenne dans le vide ‹H›. P. 319, « Pour que les neutrinos deviennent massifs, il suffit, sic, d’ajouter les champs ψnNc des neutrinos droits et d’ajouter les 2 4 Avertissement I : A ce stade de la réflexion si on juxtapose les deux hypothèses retenues comme dignes d’intérêt à savoir que l’interaction électromagnétique engendrerait ce que l’on évalue comme la masse d’inertie (chapitre 9) et que dans le cadre de l’interaction faible la notion de masse est hors sujet on est à la limite de s’engager dans un schisme. En effet sans se placer en dehors des raisonnements de la mécanique quantique et de la TQC on accorde un rôle primordial et déterminant à l’interaction. C’est la nature de l’interaction qui donne du sens ou non à une grandeur comme la masse qui donc n’est plus strictement un attribut intrinsèque de la particule en question. Comme je viens de l’indiquer on reste dans le cadre de la mécanique quantique (relire les déclarations de Bohr souvent réitérées, à propos de la mesure quantique, qui édictent qu’on ne peut attribuer ni à l’objet quantique ni à l’instrument de mesure qui provoque l’interaction, une « réalité physique autonome ».), mais on gomme sérieusement l’idée qu’il y aurait des objets quantiques qui seraient les vecteurs de valeurs permanentes. D’une certaine façon c’est le postulat 5 de la mécanique quantique (réduction de la fonction d’onde : état propre reste immuable après la mesure si non perturbé) qui entretiendrait cette pensée (croyance) de l’objet quantique dotée d’attributs qui lui seraient propres. Avertissement II. Un certain nombre de difficultés irrésolues sont laissées provisoirement en suspens et non des moindres. Par exemple comment traiter dans ce nouveau contexte la désintégration n → p + e- e puisque dans celui-ci, E = mc2 n’est pas remis en cause pour le neutron, le proton, l’électron. Comment assumer la non conservation de l’énergie sous sa forme E = mc2 dans cette désintégration ? D’un autre côté en persistant avec mes hypothèses il faut revisiter certaines théories et tenter d’entrevoir les nouvelles perspectives qui seraient envisageables. Par exemple : la loi de la relativité générale a été établie sur la base d’un principe d’invariance générale des lois de la physique et elle fait intervenir dans le tenseur matière-énergie toute la matière – et il me semble exclusivement – qui obéit au principe d’équivalence E = mc2. Si on fait l’hypothèse que l’on ne doit pas inclure les neutrinos dans ce cadre, on est pour le moins obligé de considérer un sérieux réajustement de la R. G. et de toutes ses implications cosmologiques avec entre autres les équations de Friedmann. Ce réajustement prendrait encore plus d’ampleur en incluant, au même titre que les neutrinos, la matière noire. Nous devons conserver Ω = 1 car évalué d’une façon indépendante de ces considérations. Quid de l’interdépendance Matière- Espace-Energie lorsqu’il s’agit des neutrinos (et de la matière noire) ? Quelles sont les propriétés qui s’opposent a priori à ce réajustement ? termes… », « La matrice de masse des neutrinos implique ainsi à la fois les masses de Majorana des neutrinos droits. Clairement cette modification du Modèle standard minimal permet l’introduction de masses des neutrinos, sans aucune prédiction ou contrainte sur celles-ci. » 5 a – L’effet lentille gravitationnelle ? b – Propriétés décelées d’interaction gravitationnelle de la matière noire ; Quelles sont les apories qui pourraient être levées ? a – Problématique de la matière noire (de l’ordre de 23%), (indécelable de façon directe par ses ‘composants élémentaires’) et de l’énergie sombre (de l’ordre de 73%). Pistes nouvelles. Si on prend en compte les canaux de désintégration des leptons ci-dessous : μ+ → e+ + νe μ- → e- τ- → eτ+ e → e+ + νe μ e + νμ + ντ mais aussi τ- → μ- + mais aussi τ+ → μ + + νμ τ μ + ντ τ on est encore confronté au problème de la conservation de l’énergie sous sa forme E = mc2 mais à cause de l’introduction d’une loi de conservation de nombres leptoniques dans le deuxième membre est associé à νx un y. En conséquence je propose d’attribuer (en creux) au couple (νx- y) cette propriété d’exprimer le paquet d’énergie qu’ils constituent sous la forme E = mc2. Cette approche permettrait peut-être de mieux comprendre le problème de ‘l’oscillation’ des neutrinos s’il s’avérait que c’est sous la forme de couple que nous pouvons les appréhender. Cela supposerait aussi que le neutrino ne se distinguerait pas de son antineutrino (hypothèse ouverte à l’heure actuelle au sein de la communauté scientifique). Dans le prolongement immédiat de ce raisonnement le fait de pointer que cela ne vaut pas pour la désintégration β ni pour les désintégrations des mésons suivants : Π+ - → μ+ - + νμ ( μ) ou encore K+ - → Π0 + e+ - + νe ( e) ; K0 → Π+ - + e- + + (νe) ; peut, a priori, conduire à abandonner le raisonnement de privilégier le couple (νx- y) e mais souvenez-vous qu’au début de ce chapitre j’avais indiqué d’emblée qu’en ce qui concerne la désintégration des quarks (constituants élémentaires ?) nous aborderons ce sujet plus tard et que le neutron, le proton, les mésons, sont des particules composites, cela permet de sauvegarder, en tous les cas provisoirement, l’intérêt particulier que j’attache au couple neutrinos dans les désintégrations leptoniques pures. Je rappelle n → u + 2 d ; p → 2u + d ; Π+ - → ud*, du* ; K+ - → us*, su* ; K0 → ds* ; Perspectives : 6 En prolongeant l’idée que ce serait le couple de neutrinos qui satisferait la propriété de E = mc2, en tant que valeur résultante, il s’ensuivrait alors l’idée que les composants de ce couple échapperaient aux lois habituelles que nous avons exploitées jusqu’à présent. D’où le caractère inapproprié de vouloir évoquer et cerner chacun des neutrinos répertoriés comme des entités ayant des caractéristiques propres et indépendantes. 7