Les_neutrinos,_curiosités_de_la_physique,_2ème_partie

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III – Les neutrinos oscillent !!
Dans le monde bizarre de la mécanique quantique le neutrino n’existe pas en tant
que simple particule. Au contraire, il semble se présenter sous des états différents
entretenant ainsi une existence schizophrénique. La preuve a été apportée que les
neutrinos se transforment spontanément lorsqu’ils se propagent, c'est-à-dire qu’ils
changent de saveur au cours de leur trajet. Ces « oscillations » impliquent que les
neutrinos aient une masse. Celle-ci est infime, mais suffisante pour qu’ils se
transforment d’une saveur à une autre au cours du temps. Les masses respectives
qui sont obligatoirement différentes ne sont pas encore connues précisément mais
on suppose que la masse du plus lourd des neutrinos doit être 1 million de fois
inférieur (10-6) à celle de l’électron. Pour rappel me = 9,1*10-28 g soit mec2 = 0,5 Mev.
Rappelons-nous qu’il existe trois types de neutrino. Le ν dont son état
de saveur est électronique : νe.
Le ν dont son état de saveur est muonique : νμ. Qui interagit comme
suit : νμ + n → μ- + p
Le ν dont son état de saveur est tauique : ντ.
Les neutrinos sont, après les photons, les particules élémentaires les plus
nombreuses de l’Univers. Leurs sources sont multiples (voir figure ci-dessous). Les
neutrinos font partie de la famille des leptons, ils sont électriquement neutres et
interagissent très peu avec la matière. Plus de mille milliards (10 12) de neutrinos
traversent ainsi notre corps à chaque seconde.
1
De toutes les explications possibles pour rendre compte des mesures des déficits des
neutrinos solaires à Homestake, Kamiokande, Gran Sasso, et pour tenir compte des
mesures non déficitaires de Sudbury on a conçu que le flux des νe oscillait d’un état
de saveur à un autre. La figure ci-dessous illustre ce processus dès la production du
νe au coeur du soleil jusqu’à ce qu’il parvienne sur la terre avant de la traverser
comme si il ne la voyait (ressentait) pas.
C’est dans l’arsenal de la mécanique quantique et seulement dans celui-ci que l’on
trouve les concepts et le formalisme qui permettent de rendre compte de
l’observation du phénomène de l’oscillation des neutrinos. (le corpus de la
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mécanique quantique est riche de concepts et d’un formalisme qui sont validés par
leur capacité à « couvrir les situations expérimentales »).
Pour simplifier on considère uniquement l’exemple d’un système de représentation
avec deux états de saveurs : l’électronique et la muonique. Les états de saveurs ne
coïncidant pas avec les états de masse on considère ν1 et ν2 correspondant à deux
états de masse distincts m1 et m2. νe et νμ résultent d’un mélange différent de ces
deux états de masse. Les proportions de ν1 et ν2 dans les mélanges respectifs qui
décrivent νe et νμ évoluent dans le temps tout au long de la trajectoire de vol des
neutrinos. (fig. ci-dessous, in ‘Pour la science’,octobre 2003).
…il y a donc oscillation de la probabilité de détecter l’une ou l’autre des deux
saveurs selon la distance à la source.


e
e
1
1
0
Oscillation de la probabilité de détection de e → νμ
3
Probabilité de détection
e
 
L
1
e
e



e

1
e
A
0
Distance
La longueur d’oscillation Lν = f(Eν/∆m2) avec Eν l’énergie des neutrinos du faisceau
et ∆m2 = ‫׀‬m12-m22‫׀‬. Plus la différence des masses est faible, plus Lν est longue.
L’amplitude de l’oscillation A = f (θ), θ étant l’‘angle de mélange’ de ν1 et ν2. Ce qui
est effectivement observable et mesurable c’est Lν et A. C’est grâce aux mesures de
ces grandeurs qu’il sera possible d’accéder à une connaissance plus complète des
neutrinos. Toutefois nous n’accédons qu’aux différences du carré des masses et il
faut concevoir un autre type d’expérience qui nous permettra d’accéder à la valeur
absolue d’une des masses mi. Il est aussi essentiel que Eν soit connu, mieux encore
donné. Les accélérateurs de particules sont donc des sources mieux contrôlables. De
là on fabrique des faisceaux de neutrinos en direction des détecteurs dont le lieu est
choisi selon les longueurs d’oscillation.
IV – Les trois grands centres de recherche sur les neutrinos – production et
détection – sont actuellement répartis entre le Japon, les Etats-Unis et l’Europe.
La mission première de ces centres est évidemment de déterminer les
paramètres qui caractérisent le comportement des neutrinos.
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Production
Fermilab (Chicago) : νμ, 3Gev.
Depuis 2005 : (92 νμ détectés,
→
735 kms
Soudan (Minnesota) : νμ
détecteur : Minos
150 scientifiques
250kms
Tsukuba : νμ
732 kms
Gran Sasso (Italie) :νe, ντ
détecteur : Opera
170 scientifiques
au lieu des 177 attendus sans oscillation)
Kamioka : νμ
Détection
2003-2004
Cern (Genève) : νμ, 17Gev.
Depuis 2006
Un exemple de relation entre le centre de production et le centre de détection.
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Ci-dessous le dispositif mis en service en 2006 au CERN pour produire un faisceau maîtrisé de νμ,
le CNGS : le CERN Neutrinos to Gran Sasso. On exploite la désintégration π+ → μ+ + νμ
Vers
→Gran
Sasso
A l’arrivée au laboratoire de Gran-Sasso près de Rome, le faisceau est large
d’environ de 1 km.
Quelques indications de résultats :
L’oscillation νμ ↔ ντ correspond à ∆m223 de l’ordre de 2.4*10-3 eV2 et le signe
de cette grandeur n’est pas connu.
L’oscillation νμ ↔ νe correspond à ∆m212 de l’ordre de 8.2*10-5 eV2 et le signe
de cette grandeur n’est pas connu.
Pour obtenir la preuve déterminante de l’oscillation des ν il faudra établir un
rapport direct entre la disparition d’un type de neutrino et l’apparition d’un
autre. Opera est conçu dans ce but il est capable de détecter le ντ.
Actuellement les paramètres attachés aux propriétés d’oscillation des ν, par
exemple les angles de mélange sont évalués à 10-20% de précision et leur masse
respective : 0.01 eV≤ mν ≤ 0.3 eV.
Il faudra au moins une décennie avant de connaître précisément tous les
paramètres qui caractérisent les propriétés des neutrinos, notamment les angles de
mélange. Il semble que les neutrinos ne nous aient pas encore dévoilé tous leurs
secrets.
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Les neutrinos sont abondamment produits dans l’Univers, pas uniquement dans
les étoiles comme nous l’avons vu dans le soleil. Ils sont aussi produits lorsqu’il y a
mort des étoiles massives et qu’elles explosent en Supernova, et encore dans les
quasars ou noyaux actifs de galaxie.
Les neutrinos primordiaux : sont appelés ainsi car ils sont dans l’Univers depuis le
‘Big-Bang’. Comme ils sont si peu interactifs, ils seraient parvenus jusqu’à nous
sans encombre. On estime qu’ils sont en moyenne 300/cm3 et leur température
actuelle de l’ordre de 1.9°K. Comme le ‘fond diffus cosmologique de photons’ nous
donne une image de l’Univers 380000 ans après le ‘Big-Bang’, le fond
cosmologique de neutrinos pourrait nous donner une image de celui-ci, après
seulement quelques secondes. Cette perspective n’aura de sens seulement lorsque
nous aurons une meilleure connaissance de la physique des neutrinos et lorsque
nous disposerons de détecteurs beaucoup plus sensibles à l’interaction faible.
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Bibliographie :
‘Encyclopedia of the Sun’, Kenneth R. Lang, Cambridge University Press.
‘Pour la Science’ N° d’Octobre 2003.
‘Dictionnaire de la Physique : atomes et particules’, Albin Michel.
‘La physique des Neutrinos’ N° de Septembre 2005, Académie des Sciences (C.R.).
‘Cern Courier’ N° de Novembre 2006.
‘Cern Courier’ N° de Mai 2006.
‘la Recherche’ N° de Novembre 2006.
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