Le mythe de l`enfant `sacrifié`

publicité
Le mythe de l’enfant ‘sacrifié’ et par allégorie ‘maltraité’.
Le mot ‘sacrifier’ (XII. Siècle) provient du latin ‘sacrificare’ de sacrum facere
c’est à dire ‘faire un acte sacré’. De la même façon ‘sacrifice’ dérive du latin
‘sacrificium’de ‘sacrificare’ et indique l’offrande rituelle à la divinité, caractérisé par la
destruction (immolation réelle ou symbolique, holocauste) ou l’abandon volontaire de la
chose offert. 1
Le sacrifice éloigne du monde des hommes l’objet, l’être vivant, ou la partie du
corps, concerné, qui passe dans le monde des choses divines, dont les hommes ne doivent
pas toucher et le passage se traduit le plus généralement par une destruction au sens
commun, une dématérialisation, la mort, l’incinération, l’inhumation ou l’envoi sous
l’eau.
Il y a aussi des civilisations qui ont préféré le sacrifice des enfants, êtres
innocents, par excellence. Un exemple typique sont les sacrifices pratiqués par les
Carthaginois qui ont été accusés de cruauté des Romains et des pères de l’Eglise.
Dans la Palestine ancienne, les cultes cananéens pratiquaient le sacrifice des
enfants, adressé à Baal, divinisation du pouvoir politique. Les Phéniciens sacrifiaient
ainsi des enfants au dieu Baal, les carthaginois à Ba´al Hammon et/ ou Tahit pour obtenir
la faveur du dieu ou à Tamit, lors de rites de fécondité.
Le molk désigne dans le monde sémitique et carthaginois le sacrifice sanglant
constitué par l’offrande de nouveaux-nés des troupeaux, des premiers fruits de la récolte
ou de l’enfant premier-né.
Au Moyen Age, surtout pendant les épidémies de peste noire, les Juifs étaient
facilement accusés de sacrifier des enfants chrétiens et souffraient souvent des horribles
accusations.
Le terme "sacrifice" nous fait penser presque inconsciemment au sacrifice
d’Abraham. Dans l’art même il y a une série de tableaux ayant comme thème le sacrifice
d’Abraham. Même le titre indique qu’il s’agit d’un sacrifice du père et non du sacrifice
du fils:
1
Petit Robert, pp. 1748-1749.
1
1. Le sacrifice d’Abraham (Abraham : πατέρας πλήθους, πολλών εθνών) Peinture
flamande -Petrus Paulus Rubens - Peinture sur bois au Musée du Louvre
2. Abraham, Sarah et l’Ange-Jan Provost-1520
3. Le sacrifice d’Abraham -Pieter Pietersz Lastman
4. Paysage avec l’offrande d’Abraham -Frans Francken
5. Paysage boisé avec Abraham et Isaac- Jan Brueghel l’Ancien
Le mot Abraham signifie père des plusieurs hommes, des plusiers nations et
indique que le sacrifice n’est pas seulement d’une question qui se limite à une famille ou
un groupe restreint mais plutôt d’un fait universel. L’événement est décrit dans Génèse:
Genèse 21-22
Après ces événements, Dieu mit Abraham à l'épreuvea. Il l'appela :- Abraham ! Et celui-ci répondit :- Me
voici. - Prends Isaac, ton fils unique, que tu aimes, lui dit Dieu, et va au pays de Morija. Là, tu me l'offriras
en sacrifice sur l'une des collines, celle que je t'indiquerait. Le lendemain, Abraham se leva de grand matin,
sella son âne et emmena deux de ses serviteurs ainsi que son fils Isaac ; il fendit du bois pour l'holocauste,
puis il se mit en route en direction de l'endroit que Dieu lui avait indiqué. Après trois jours de marche,
Abraham, levant les yeux, aperçut le lieu dans le lointain. Alors il dit à ses serviteurs :- Restez ici avec l'âne
; le garçon et moi, nous irons jusque là-bas pour adorer Dieu, puis nous reviendrons vers vous. Abraham
chargea le bois de l'holocauste sur son fils Isaac ; il prit lui-même des braises pour le feu et le couteau, puis
tous deux s'en allèrent ensemble. Isaac s'adressa à son père Abraham et lui dit :- Mon père ! Abraham dit :Qu'y a-t-il, mon fils ?- Voici le feu et le bois, dit-il, mais où est l'agneau pour l'holocauste ? Abraham
répondit :- Mon fils, Dieu pourvoira lui-même à l'agneau pour l'holocauste. Et ils poursuivirent leur chemin
tous deux ensemble. Quand ils furent arrivés à l'endroit que Dieu lui avait indiqué, Abraham construisit un
autel et y disposa les bûches. Puis il ligota son fils Isaac et le mit sur l'autel par-dessus le bois. Alors
Abraham prit en main le couteau pour immoler son fils. À ce moment-là, l'ange de l'Éternel lui cria du haut
du ciel :- Abraham ! Abraham !- Me voici, répondit-il. L'ange reprit :- Ne porte pas la main sur le garçon,
ne lui fais pas de mal, car maintenant je sais que tu révères Dieu puisque tu ne m'as pas refusé ton fils
unique. Alors Abraham aperçut un bélier qui s'étai pris les cornes dans un buisson. Il s'en saisit et l'offrit en
holocauste à la place de son fils. du haut du ciel. je te comblerai de bénédictions, je multiplierai ta
descendance et je la rendrai aussi nombreuse que les étoiles du ciel et que les grains de sable au bord de la
mer. Ta descendance dominera sur ses ennemis. Tous les peuples de la terre seront bénis à travers ta
descendance parce que tu m'as obéi.
Dans ce cas là le sacrifice est un acte de soumission à la volonté du Dieu et
l’enfant jusqu' à la fin il ne connait pas qu’il va être sacrifié. Il est sauvé et au moment du
sacrifice il est remplacé par un bélier.
2
Pourtant il y a d’autres cas où les enfants sont sacrifiés, ou plutôt tués mais on les
présente comme des personnages muets, sécondaires, des victimes qui servent seulement
comme moyen de vengeance pour les adultes. C’est le cas de Médée qui tue ses enfants,
deux fils pour se venger de Jason. C'est la version du mythe lancé par Euripide qu’on voit
ici chez Anouilh:
Un même sang bat dans nos veines. Bêtes de la nuit, étrangleuses, mes soeurs! Μédée est une bête comme
vous! Μédée va jouir et tuer comme vous. Cette lande touche à d’autres landes et ses landes à d' autres
encore jusqu' à la limite de l' ombre, où des millions de bêtes pareilles se prennent et égorgent en même
temps. Bêtes de cette nuit! Μédée est là, débout au milieu de vous, consentante et trahissant sa race. Je
pousse avec vous votre cri obscur. J’accepte comme vous, sans plus vouloir comprendre le noir
commandement. J’écrase du pied, j’éteins la petite lumière. Je fais le geste honteux. Je prends sur moi,
j’assume, je revendique. Bêtes! Je suis vous! Tout ce qui chasse et tue est Médée!
Elle tue les enfants et s’écroule dans les flammes qui redoublent et enveloppent la roulotte. (p. 393)
JASON
Qu’un de vous garde autour du feu jusqu' à ce qu’il n' ait plus que des cendres, jusqu' à ce que le dernier os
de Médée soit brûlé. Venez, vous autres. Retournons au palais. Il faut vivre maintenant, assurer l’ordre,
donner des lois à Corinthe et rebâtir sans illusions un monde à notre mesure pour y attendre de mourir. (p.
398)
La scène de l’enfant sacrifié ou plutôt maltraité est présentée de façon implicite
ou explicite chez Euripide, Sénèque, ou V. Cornaros (dans Sacrifice d' Abraham).
Chez Cornaros, qui reprend la scène de la Bible, par exemple l’enfant demande
d’être sauvé mais le père préfère se soumettre à la volonté de Dieu. Il s’agit du sacrifice à
la signification propre du terme:
Vers 803 (c’est Isaac qui parle)
Isaac:
Et le temps où tu me serrais étroitement dans tes bras
Le temps où vous me nourrissiez dans votre sein
Le temps où vous me cajoliez
Où vous me contempliez m’endormir et me réveiller
Tu m’as élevé pour me faire livrer au feu
Pour me faire couper la tête comme un mouton, comme un chevreau
Abraham: C’est l’ordre du Dieu le Tout Puissant
De faire brûler tes membres tendres
Excuse ton père aigri
3
Ce n’est pas mon ordre, mais celle du maître
Πουν’ τα σφιχταγκαλιάσματα, Κύρη μου; Εδιαβήκαν;
Οι σπλαχνικές ανατροφές ελησμονηθήκαν;
Τα κανακοφιλήματα που μέλλω να τα’ αφήσω;
Που βλέπετε να κοιμηθώ και πάλι να ξυπνήσω.
Για να με δώσεις τση φωτιάς, μ' ανάθρεψες, γονή μου,
Και να κόψης, σαν ριφιού κι ’αρνιού, την κεφαλή μου;
Αβραάμ
Υε μ’, ο παντοκράτορας ορίζει, κ'έτσι θέλει
’ς τον τούτο να καγούν τα τρυφερά σου μέλη.
Συμπάθησε μου καλογυιέ, του πικραμένου κύρη,
Δεν είν’ δικό μου θέλημα, μάναι του νοικοκύρη.
Il y a aussi dans la mythologie grecque une série de cruautés contre les enfants
surtout pour des raisons de succession. Cronos dévore ses enfants dans la mythologie
grecque pour des raisons de succession. C’est l’image des cruautés de Cronos qui dévore
Déméter, Hestia, Hadès, Poséidon.
4
Héra aussi jette Héphaistos dans la mer à cause de son apparence
physique. Mais quand elle voit ses créations lui crée un atelier à Olympe. Mais de
nouveau quand Héphaistos aide Héra, Zeus son père le jette de nouveau
d’Olympe.
Une autre victime est Dionysos. Sémélé, sa mère, aimée de Zeus, meurt au
sixième mois de la grossesse, foudroyée à la vue de son amant divin dans toute sa
gloire: Le dieu arrache l’embryon du sein de Sémélé et le porte cousu dans dans
cuisse, jusqu' à terme.
Pélops aussi: Tantale immole son fils Pélops et en fait un mets qu’il sert aux
dieux. Pour un de ces crimes, son châtiment aux Enfers est exemplaire. Seule
Déméter se trompe et dévore une épaule. Les dieux indignés punissent Tantale et
rendent la vie à Pélops en remplaçant l’épaule dévorée par une épaule artificielle,
faite d’ivoire.
Léto: devient l’une des nombreuses maîtresses de Zeux encourant la colère d'
Héra. Cette dernière interdit à la terre d’accueillir la parturiente, et fait poursuivre
cette dernière par le serpent Python. Léto erre jusqu' à trouver l’île d' Ortygie, qui,
flottant entre la terre et la mer, n’encourt pas la malédiction d' Héra.
5
On examine qui est la cause: les dieux, les hommes, pour des raisons de
vengeance, les parents, l'apparence de l’enfant. Bien sur quand il s’agit de la mythologie
grecque l’explication est facile. Selon Pierre Grimal 2:
‘‘On voit que l’essentiel des légendes théogoniques consiste en une série de
"substitutions" une génération succédant par la violence à celle qui l’avait précédée au
pouvoir sur le monde. Et l' on constate que, par deux fois, c' est le plus jeune des dieux, le
dernier -né de chaque génération qui conquiert la prééminence, Cronos, dernier né des
Titans, Zeus, dernier -né des "Cronides". On s’accorde généralement à retrouver dans ce
fait la trace d’un état social dans lequel la succession appartenait au plus jeune des fils;
mais aucune cité hellène n’en fournit d’exemple attesté sur le plan de l’histoire, et il est
fort vraisemblable que le schéma successoral sur lequel sont construits ces mythes
provient d’un pays non hellène.’’
On retrouve le schéma du sacrifice des enfants dans la tragédie grecque et surtout
à Iphigénie à Aulis et à Iphigénie à Tauride. L’épopée grecque a pour essence de
magnifier les débats des hommes, et par, le mythe, de les élargir aux dimensions de
l’univers.3 Il s’agit d’un sacrifice nécessaire pour que les Grecs puissent partir pour la
guerre de Troie. On voit Iphigénie se révolter et puis se soumettre :
Mais aussi l’enfant (v.1218)4 proteste:
J’ai été la première à t’appeler père, et la première que tu aies
Appelée ta fille.
J’ai été la première sur tes genoux à te donner mon corps,
A te donner de tendres caresses, et à en recevoir.
Tu disais: ‘Est-ce qu’un jour, mon enfant,
Je te verrai, heureuse dans la maison d’un homme,
Vivre et fleurir en me faisant honneur?’
Et moi, je te disais, entourant ton menton,
Que maintenant je prends dans ma main:
‘Ce sera comment, de te revoir? Est-ce que je te recevrai
2
Grimal Pierre (1953) La mythologie grecque, Que sais-je?, Presses Universitaires de France, Paris, p.
26.
3
Ibid, p. 8.
4
Euripide (ed. 1990) Iphigénie à Aulis, Traduit par Jean et Mayotte Bollack, Les Editions de Minuit,
Paris.
6
Quand tu seras vieux,
T’accueillant affectueusement dans ma demeure, père,
Et te rendant une nourriture, qui prendra en charge les soins
Que tu m’as donnés?’’
Je garde la mémoire de ces paroles,
Toi, tu les as oubliées, et tu veux me tuer.
Ne le fais pas, au nom de Pélops et de ton père Atrée,
Et de ma mère, qui est là, qui m’a enfantée dans la douleur,
Et qui vit cette douleur comme un deuxième accouchement.
Qu’ai-je à faire avec les noces d’Alexandre
Et d’Hélène? Qui l’a envoyé pour me perdre, moi, mon père?
Regarde-moi, donne-moi ton visage, donne-moi un baiser.
En mourant j’ai au moins ce tombeau
De toi si tu ne t’es pas laissé persuader par mes paroles.
Frère, tu es un bien petit allié pour tes proches,
Pourtant, pleure avec moi, implore ton père,
Pour qu’il ne tue pas ta sœur. La sensation
Du malheur existe même chez les petits enfants.
Regarde, sans rien dire, il te supplie, père.
Ne me méprise pas, aie pitié de ma vie :
Vers la fin elle change d’attitude et le considère comme d’un acte de gloire (v.1395)
Si Artémis a décidé de s’emparer de moi,
Comment moi, qui suis une mortelle, pourrais- je me mettre en
Travers de la déesse?
Ce n’est pas faisable. Je fais le don de mon corps à la Grèce.
Faites le sacrifice, faites le sac de Troie. C’est là mon tombeau,
Il durera longtemps; Mes enfants son là, mon mariage est là ;
Et la gloire qui m’est propre.
Il est normal que les Grecs commandent aux barbares, mère, et non les barbares, mère, et
Non les barbares
Aux Grecs; L’esclave est d’un côté, les autres sont des gens libres.
Elle arrive même à donner du courage à sa mère (v.1440)
IPH. Non, tu ne m’as pas perdue. Je suis sauvée; à travers moi, tu auras la gloire.
7
CLYT Que dis-tu? Je ne dois pas pleurer sur la perte de ta vie?
IPH. Non. Il n’ y aura pas de tombe amoncelée pour moi.
CLYT Mais mourir, qu’est-ce alors? Ν’ est-ce pas d’ habitude un monument?
IPH. L’autel de la déesse, la fille de Zeus, sera ma stèle.
CLYT Eh bien, je t’obéirai, mon enfant. Tu parles bien.
IPH. J’ai parlé comme une femme qui a de la chance, et comme la bienfaitrice de Grèce.
CLYT. Quel message dois-je apporter à tes sœurs?
IPH. N’ajuste pas sur elle non plus des robes noires.
Il y aussi le cas de l’enfant qui meurt seulement comme victime innocente, par
hasard, pour des raisons de stratégie. C’est le cas d' Apsyrtos. Médée en partant de
Colchide avec Jason emmène le jeune garçon en otage et le met en pièces afin de retarder
la flotte de son père Aétès.
On peut alors dire que les causes des actes sont la volonté des dieux, la
succession, l' apparence physique des enfants, le fait qu' il s' agit d' un enfant naturel,
raisons de vengeance dans le couple ou raisons de stratégie (Apsyrtos).
Les exemples les plus intéressants sont tirés de la littérature grecque moderne
comme par exemple le Péché de ma mère de Vizyinos. La mère tue par hasard son enfant
et puis le fils l’écoute dans l’église dire qu’elle préfère que ses autres enfants meurent au
lieu de la jeune fille;
Μιαν ημέραν την επλησίαση απαρατήρητος, ενώ έκλαιε γονυπετής προς την εικόνα του Σωτήρος.
-Πάρε μου όποιο θέλεις, έλεγε, και άφησε μου το κορίτσι. Το βλέπω πως είναι να γένη. Ενθυμήθηκες την
αμαρτίαν μου και εβάλθηκες να μου πάρης το παιδί, για να με τιμωρήσης. Ευχαριστώ σε Κύριε!
Μετά τινά στιγμάς βαθεία σιγής, καθ’ήν τα δάκρυα της ήκουοντο στάζοντα επί των πλακών
ανεστέναξεν εκ βάθους καρδίας, εδίστασεν ολίγον, και έπειτα επρόσθεσεν
-Σου έφερα δύο παιδιά στα πόδια σου… χάρισε μου το κορίτσι!
Όταν ήκουσα τας λέξεις ταύτας, παγερά φρικιάσις διέτρεξε τα νεύρα μου και ήρχησαν τα αυτιά μου να
βοϊζουν. Δεν ηδυνήθην ν’ ακούσω περιπλέον. Καθ’ ην δε στιγμή είδον, ότι η μήτηρ μου, καταβληθείσα
υπό φοβεράς αγωνίας, έπιπτεν αδρανής; Επί των μαρμάρων, εγώ αντί να δράμω προς βοήθειαν
της,επωφελήθην την ευκαιρία να φύγω εκ της εκκλησίας, τρέχων ως έξαλλος και εκβάλλων κραυγάς, ως
εάν ηπείλει να με συλλάβη αυτός ο Θάνατος.
8
Un jour je l’ai approché inaperçu, pendant qu’elle pleurait agenouillé devant l’icône du Sauveur.
-Tu peux prendre n’ importe quel, mais laisse moi la fille. Je vois que ça va se produire. Tu t’es souvenu de
mon pêché et qui t’es mis à prendre mon enfant pour me punir. Je te remercie mon Dieu.
Après quelques minutes de silence pendant lesquels on écoutait ses larmes dégouliner sur le carrelage
-J’ ai apporté deux enfants…. Donne moi la fille!
Quand j’ai entendu ses paroles, j’ai frémis et mes oreilles bourdonnaient. Je ne pouvais plus écouter. En ce
moment là j’ai vu ma mère tomber inerte. Sur les marbres, et moi au lieu de l’aider, j’ai sauté sur l’occasion
pour quitter l’église et courir délirant et en poussant des cris, comme si je risquais d’ être attrapé par la
mort. (p. 9)5
Le mauvais traitement est double parce que la mort du premier enfant est un sort
de mauvais traitement parce que la mère la tue par hasard et les autres enfants au
deuxième plan, presque maltraités de point de vue psychologique puisque la mère fait des
distinctions.
Pourtant l’image la plus difficile à gérer est la description faite par Kafka dans La
Lettre au père. Il ne s’agit pas d’un oeuvre littéraire mais d’une lettre addressé au père de
l’auteur. Il décrit tous les tourments, ses souffrances:
Tu étais pour moi un énigme comme le sont les tyrans dont le droit ne se base pas sur la pensée mais sur
leur personnes. Au moins, il me semblait comme ça.
Du bekamst fuer mich das Raetselhafte, das alle Tyrannen haben, deren Recht auf ihrer Person, nicht auf
dem Denken begruendet ist. Weningstens schien es mir so.(P.12)6
L’enfant fragile est écrasé par la présence d’un père qui ne peut pas accepter la
fragilité de son caractère.
p.9-10
Je me souviens très bien d’un incident de mon enfance. Peut-être tu te souviens toi aussi. Une
nuite en pleurant je demandais de l’eau, je n’avais pas tellement soif, mais je voulais t’énerver et tuer le
temps. Après avoir lancer des menaces brutales, qui n’ont pas eu de résultat, tu m’a arraché de mon lit et tu
m’as traîné jusqu’ au balcon et tu m’as laissé là, je portais mon chemise de nuit devant la porte fermée. Je
ne prétends pas qu’il agissait d’une faute. Peut être en employant d’autres moyens tu ne pourrais pas
assurer ton repos nocturne. Je parle de cet incident parce que je veux souligner tes méthodes pédagogiques
et leur résultat sur moi. Il est évident, que ce traitement était suffisant pour me faire obéir, en me blessant
5
6
Vizyinos G. Le pêché de ma mère, in Neohellinika Diighimata, Ed. Estia.
Kafka Franz (Auflage 2003) Brief an den Vater, Fischer Taschenbuch Verlag, p. 12.
9
énormément. Selon les traits de mon caractère, je n’ ai jamais pu combiner le fait que je demandais de l’
eau et sans cause- il me paraissait normal- à l’ autre fait, extrêmement terrible, de me mettre à la porte. Le
temps passait et moi je souffrais de l’image d’un père énorme, qui était pour moi l’incarnation de la justice,
de se diriger vers moi et sans aucune cause de mettre au balcon. C’est ainsi qu’il prouvait à quel point
j’étais insignifiant à ses yeux. Ce fait était le début, mais le sentiment d’insignifiance, qui m’envahit
tellement souvent (un sentiment que d’un autre point de vue est noble et fertile) repose sur ton influence.
J’avais besoin d’un peu d’encouragement, d’un peu de finesse. J’avais besoin de me faire ouvrir un peut le
chemin mais toi tu fermais le chemin parce que tu avais la croyance louable qu’il fallait que je prenne un
autre chemin. Moi j’étais incapable de cela. Tu m’encourageais, quand je marchais et saluait prenant un air
avantageux, mais moi je n’étais pas un futur soldat. Tu m’encourageais aussi quand j’arrivais à manger
beaucoup, à boire de la bière et à chanter des chansons que les adultes chantaient et que je comprenais pas
ou quand je rabâchait tes expressions privilégiées. Mais tout ça n’avait aucun rapport à ma vie dans
l’avenir. Il est typique de toi que même aujourd’hui tu m’encourages seulement quand quelque chose te
concerne ou flatte ton égoïsme, l’égoïsme que j’ai humilié (comme par exemple quand je voudrais me
marier), ou quand ton égoïsme est indirectement blessé (quand il Pepa m’ insulte.)
Direkt erinnere ich mich nur einen Vorfall aus den ersten Jahren, Du erinnerst Dich vielleich auch
daran. Ich winselte einmal in der Nacht immerfort um Wasser, gewiss nicht aus Durst, sondern
wahrscheinlich teils un zu aegern, teils um mich zu unterhalten. Nachdem einige starke Drohungen nicht
geholfen hatten, nahst Du mich aus dem Bett, trugst mich aus dem Bett, trugst mich auf die Pawlatsche une
liessest mich dort allein vor der geschlossenen Tuer ein Weilchen im Hemd stehn. Ich will nicht sagen, dass
das unrichtig war, vielleicht war damals die Nachtruhe auf andere Weise wirklich nicht zu verschaffen, ich
will aber damit Deine Erziehungsmittel und ihre Wirkung auf mich charakterisieren. Ich war damals
nachher wohl schon folgsam, aber ich hatte einen innern Schaden davon. Das fuer mich
Selbstverstaendliche des sinnlosen UmsWasser-bittens und das ausseordentlich Schrechliche des
Hinausgetragen-werdens konnte ich meiner Natur nach niemals in die richtige Verbindung bringen. Noch
nach Jahren litt ich unter des quaelenden Vorstellung, dass des riesige Mann, mein Vater, die letzte Instanz
fast ohne Grund kommen und mich in der Nacht aus dem Bett auf die Pawlatsche tragen konnte und dass
ich also ein solches Nichts fuer ihn war.
Das war damals ein kleiner Anfang nur, aber dieses mich oft beherrschende Gefuhl der Nichtigkeit
(ein in anderer Hinsicht allerdings auch edles und fructbares Gefuehl stammt vielfach von Deinem Einfluss.
Ich haette ein wenig Aufmunterung, ein wenig Freundlichkeit, ein wenig Offenhalten meines Wegs
gebraucht, statt dessen verstelltest Du ihn mir, in der guten Absicht freilich, dass ich einen andern Weg
gehen sollte. Aber dazu taugte ich nicht. Du muntertest mich z.B. auf, wenn ich gut salutierte und
marschierte, aber ich war kein kuenftiger Soldat, oder Du muntertest mich auf, wenn ich kraefting essen
10
sogar Bier dazu trinken konnte, oder wenn ich unverstandene Lieder nachsingen oder Deine
Lieblingredensarten Dir nachplappern konnte, aber nichts davon gehoerte zu meiner Zukunft.
L’enfant a besoin du support et de l’aide des parents mais il se trouve écrasé par
l’image d’un père qui veut le transformer à un homme fort, imposant. L’enfant souffre
parce qu’il ne peut pas devenir un homme comme son père. La persévérance du père de
le transformer en soldat, à un homme qui a les mêmes habitudes que son père devient
insupportable. On peut dire même que aux yeux de l’enfant l’égoïsme du père est la
source des problèmes et d’oppression.
Les écrivains présentent les souffrances des enfants à l’arrière plan mais on
constate que les enfants même quand ils deviennent adultes se souviennent les tourments
physiques ou psychologiques imposés par les parents ou les adultes. Dans la mythologie
est une question de succession entre les générations mais dans la littérature moderne les
tourments des enfants montrent le comportement problématique de leurs parents qui
transposent à leurs enfants leur propres problèmes et les troubles de leur propre vie.
Seulement chez Médée de Bost on mêle le mythe de Médée comme présenté par
Euripide aux problèmes de la société grecque moderne. Les enfants sont punis parce
qu’ils mènent une vue dissolue, dans une parodie de la version dit-on classique:
Sonnet
Οι πιο κακοί οι μαθηταί ήταν αυτοί στην τάξη
Γι’ αυτό κ’ η μάνα τους καλά έκανε να τα σφάξη.
Δεν έπαιρναν τα γράμματα πηγαίνοντας σχολείο
Ils étaient les pires élèves
Et leur mère a très bien fait et elle les a égorgés
Ils n’apprenaient pas leurs cours. (p. 67)7
Même dans le cas des tourments des enfants on peut parler des contaminations
mythiques comme le nomme Durand même si les mythes se propagent de façon
souterraine.
7
Bost (1993) Médée, Ed. Theatriki Eteria Stoa, Athènes.
11
BIBLIOGRAPHIE
Ανουίγ Z.(χ.χ) Μήδεια, Ιεζαμπέλ, Μτφ. Φώντας Κονδύλης, Εκδόσεις Δωδώνη, Αθήνα.
Κορνάρος Β. (εκδ.2005) Η θυσία του Αβραάμ, Εκδόσεις Πελεκάνος, Αθήνα.
Μποστ (εκδ.1993) Μήδεια, Θεατρική Εταιρεία Στοά, Αθήνα.
Anouilh J. (1961) Nouvelles pièces noires: Jésabel, Antigone, Roméo et Jeannette,Médée, Les Editions
de La Table Ronde, Paris.
Euripide (ed. 1990) Iphigénie à Aulis, Traduit par Jean et Mayotte Bollack, Les Editions de Minuit,
1990, Paris.
Fo D. e Fr.Rame, (1989) Fo Venticinque monologhi per una donna,Einaudi editore, Torino.
Grimal P.(1953) La mythologie grecque, Que sais-je?, Presses Universitaires de France, Paris.
Kafka Franz (2003) Brief an den Vater, Originalfassung, Fischer Taschenbuch Verlang GmbH,
Frankfurt am Main.
12
Téléchargement