Les implantations cochléaires

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Les implantations cochléaires de l’enfant sourd
Les implantations cochléaires
chez l’enfant sourd
Benoît Virole
Psychologue. Docteur en Psychologie (PhD), Docteur en Sciences du Langage(PhD) .
Hôpital Robert-Debré, Consultation d’Audiophonologie, Paris, France
Introduction
Une implantation cochléaire consiste dans
l’application
chez des sujets sourds
profonds d’une prothèse auditive interne
au travers d’une opération chirurgicale
demandant
quelques
jours
d’hospitalisation. Cette prothèse délivre des
signaux électriques destinés à activer le nerf
cochléaire et à générer des sensations sur
lesquelles l’enfant sourd congénital peut
construire des perceptions puis des gnosies
auditives. Pour les enfants sourds pré
linguaux, les implants sont sensés
permettre
le
développement
d’une
perception auditive qui pourra être aussi
utilisée dans la construction du langage
oral.
L’ensemble
du
processus
d’implantation cochléaire implique une
modification des rapports de l’enfant au
monde externe ainsi qu’à son propre corps.
Il implique des bouleversements dans la vie
quotidienne
des
familles
et
des
transformations dans les attentes des uns et
des autres. Tous ces points sont susceptibles
de générer un impact majeur sur le
développement psychologique de l’enfant
sourd
et ceci dans au moins trois
dimensions différentes.
1) Dans le développement psychologique
général de l'enfant, soit de façon positive
par une amélioration des relations
psychoaffectives et une ouverture à la
communication, soit de façon négative par
un effet post traumatique et un renferment
de l’enfant.
2) Dans l'adaptation neuro-cognitive du
sujet à sa surdité. L’apport d’informations
sensorielles nouvelles, qui ne sont pas
forcément congruentes avec les processus
psychologiques de construction perceptive,
peut enrichir la cognition générale comme
elle peut l’altérer en modifiant des
équilibres constitués dans
la prise de
signification sur le monde.
3) Dans les aspects psychopathologiques et
dans leur rapport à la dimension
identitaire. La pose d’un implant amène
l’enfant sourd à être à la fois sourd,
puisqu’il
n’entend
toujours
pas
normalement, mais aussi entendant car il
entendra mieux et différemment que les
sourds profonds appareillés de façon
conventionnelle. De plus, l’imaginaire
parental, mais aussi de certains enfants,
associé à l’implantation est parfois celui
d’une annulation de la surdité ce qui ne
correspond pas à la réalité. Enfin, on sait
que la surdité est aussi un fait social,
culturel, et identitaire qui peut êtrte
remanié fortement par les implantations
cochléaires. L’étude du devenir des enfants
implantés implique ainsi une vigilance sur
le plan psychopathologique et identitaire.
Le problème psychologique associé aux
implantations cochléaires
Si les indications d'implantions cochléaires
pour les enfants présentant des surdités
acquises post-linguales rentrent bien dans
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Les implantations cochléaires de l’enfant sourd
le cadre des tentatives de réhabilitation
fonctionnelle, il ne peut en être de même
pour les surdités profondes congénitales
pré linguales. Au moment où l'indication de
l'implant est discutée, l'enfant est déjà
engagé
dans
un
processus
de
développement cognitif et affectif qui sera
modifié ou infléchi par l'implantation et la
rééducation. L'intérêt réel de cette tentative
de modification ne fait pas l'objet d'un
consensus chez les professionnels de la
surdité. Il est mis en question en regard des
connaissances
acquises
dans
le
développement psychologique de l'enfant
sourd. Si l'implantation devient une source
de perturbations pour le développement
cognitif et psychoaffectif de l'enfant, elle
devient alors contre indiquée. Or, les
parents,
comme
beaucoup
de
professionnels médicaux, ont parfois
tendance à banaliser cette perturbation et à
préconiser l'implant pour des bénéfices
futurs. Cependant, en aucune façon, le
développement psychologique ne peut être
perturbé sous ce prétexte. Par exemple, le
développement
de
la
relation
psychologique entre l'enfant et ses parents,
et donc celui de la communication, ne peut
souffrir de retard sans un préjudice grave
pour l'enfant.
On ne peut donc attendre les bénéfices
supposés de l'implantation à l'horizon
d'une, deux voire plusieurs années qu’à la
condition que ce délai ne perturbe pas le
développement de l’enfant. Or, une
communication entière, immédiate, totale
est nécessaire pour le bon développement
de l'enfant. Ce point fondamental amène à
devoir inclure les éventuels projets
d'implants dans une perspective globale
d'éducation de l'enfant sourd qui inclut de
façon précoce la langue des signes, seule
façon de permettre cette communication
immédiate, rapide et entière. Ce choix ne
préjuge pas de la capacité de l’enfant à
apprendre
secondairement
ou
simultanément à utiliser la communication
vocale et le langage oral. De très
nombreuses observations sont en faveur du
caractère de facilitation de l’utilisation
précoce de la langue des signes pour la
construction du langage, y compris du
langage oral. La nécessité pour l’enfant
sourd profond congénital de posséder
rapidement un langage intérieur permettant
la construction de représentations mentales
structurées
et
génératives
impose
l’utilisation précoce de la langue des signes.
Le retard d’acquisitions linguistiques pour
des raisons de délai de la rééducation de la
parole peut entraîner des séquelles
cognitives et psychoaffectives, voire dans
certains cas psychopathologiques. C’est un
fait clinique démontré par nombre
d’observations d’enfants sourds présentant
des difficultés psychologiques.
En effet, un enfant sourd ne se réduit pas à
une cochlée déficiente ou à une fonction
auditive déficiente qu'il conviendrait à tout
prix de restaurer. C'est un être entier en
développement doué d'une capacité autoadaptative à son environnement perceptif et
qui privilégie, de façon biologiquement
fondée,
les
modalités
perceptives
susceptibles de supporter les formes ayant
une signification et une utilité directe pour
lui. Les compétences symboliques innées
utilisent la modalité sensorielle la plus
adaptée compte tenu des circonstances de
développement. Ainsi le développement
préférentiel de la modalité visuellegestuelle du langage chez la grande
majorité des enfants sourds profonds
congénitaux est un fait d'observation. Sur le
plan cognitif, les raisons de ce choix
préférentiel tiennent à la contingence des
vecteurs perceptifs de la symbolisation, aux
caractères génériques des signifiants
iconiques (ils sont couplées avec les
processus cognitifs profonds) et à la
plasticité neuronale.
Évaluation de la demande parentale
Les parents d'enfants sourds désirent le
mieux pour leur enfant afin de lui donner le
maximum de chances dans la vie et
cherchent ainsi à atténuer leur propre
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Les implantations cochléaires de l’enfant sourd
douleur. Ils se tournent ainsi naturellement
vers la médecine pour trouver une solution.
L'offre médicale d'implant se couple ainsi
avec la demande parentale. D'un point de
vue psychologique, la réponse en terme
d'implantation est correcte à certaines
conditions énumérées ci-dessous :
Les parents ont une vision réaliste de
l'apport de l'implant et de ses limites et n'en
attendent
pas
un
effet
miracle
fantasmatique dont l'absence viendrait
renforcer la douleur et la culpabilité et dont
l'enfant en porterait finalement le préjudice.
Ce point impose aux cliniciens proposant
l'implant de faire attention au discours tenu
aux parents. En particulier, tout discours
faisant mention d'un appauvrissement du
monde de l'enfant, voire d'une atrophie des
zones corticales en cas de non implantation,
est éthiquement douteux et dangereux dans
la mesure où il suggère l'existence d'une
pathologie déficitaire centrale chez les
sourds. Si les aires corticales primaires sont
effectivement dédiées à telle ou telle
modalité, ce n'est pas le cas du reste des
aires secondaires et associatives où
l'épigenèse neuronale et l'auto-plasticité
corticale montrent l'existence de l'autoadaptation
biologique,
phénomène
constructif non déficitaire.
Les parents ont une connaissance réelle de
l'ensemble des alternatives dans l'éducation
de l'enfant sourd et dans les choix de
communication possibles. Ceci impose au
clinicien, d'une part d'avoir lui-même une
bonne connaissance du milieu sourd dans
toutes ses facettes, y compris culturelles et
linguistiques, et d'autre part de pouvoir luimême comprendre la relativité de l'apport
de l'implant dans la complexité du devenir
d'un enfant sourd.
La demande d'implant fait par les parents
ne se fait pas en fonction de lointains et
hypothétiques objectifs d'intégration sociale
ou professionnelle mais en fonction des
besoins et des ressources de l'enfant actuel
dans la situation réelle d'aujourd'hui. Sinon,
l’acte d’implantation se fait en fonction de
la représentation imaginaire des parents.
Cette représentation est souvent construite
sur le déni de la surdité et constitue une
défense parentale contre l’angoisse et la
culpabilité d’avoir donner jour à un enfant
« anormal », ou qui est devenu « anormal ».
Si ces éléments ne sont pas parlés et
symbolisés par le travail psychologique
préparatoire à l’implantation, alors celle-ci
et potentiellement traumatique pour
l’enfant. L’élaboration du deuil de l’enfant
entendant est nécessaire à la réussite d’une
implantation cochléaire. Sinon, l’implant
est perçu inconsciemment par l’enfant
comme un objet intrusif porteur du
fantasme parental. Plusieurs situations
cliniques désastreuses ayant entraîné des
explantations
ont malheureusement
démontré ce fait.
Le projet d'implant doit être cliniquement
cohérent compte tenu des dimensions
cliniques et sociales de la famille. En
particulier, la qualité de la communication
entre l'enfant et les parents, l'équilibre
familial, la situation sociale et géographique
(etc.) doivent permettre que l'implantation
ne perturbe ni le développement de
l'enfant, ni la qualité de la vie familiale.
Enfin, le projet d'implant ne doit pas cliver
en positions antagonistes les professionnels,
orthophonistes, éducateurs, professeurs,
animateurs, s'occupant de l'enfant dans les
centres et les institutions. Rappelons que
tout conflit institutionnel se réalise toujours
au détriment des enfants.
Si toutes ces conditions sont remplies,
l'implantation cochléaire devient un acte
permettant à l'enfant d'enrichir son monde
perceptif
et
de
l'aider
dans
le
développement
global
de
sa
communication. Il devient alors légitime sur
le plan du développement psychologique.
Sur le plan audiophonologique, il offre à
l’enfant les conditions potentielles d’une
construction éventuelle du langage oral,
tout en respectant son orientation possible
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Les implantations cochléaires de l’enfant sourd
vers une modalité de symbolisation visuogestuelle.
Analyse typologique de la demande
parentale
A partir de l'expérience clinique des
consultations psychologiques de parents
d'enfants
sourds
préalables
aux
implantations cochléaires, il est possible de
décrire les processus psychologiques types
chez ces parents en distinguant les
situations de surdité congénitale précoce et
les surdités acquises. Bien que de
nombreuses différences liées aux niveaux
d'informations des parents, à leur
compréhension intellectuelle des apports
réels des
implants, à des éléments
biographiques
individuels
spécifiques
marquent ces processus, il ressort une
grande unité marquée par le sentiment du
devoir parental d'apporter ce qu'ils pensent
être le meilleur à leur enfant. Les
représentations sous-jacentes dénotent la
souffrance narcissique intense des parents à
avoir un enfant sourd et la culpabilité liée
au sentiment inconscient d'être responsable
de la surdité et ceci quelle que soit la réalité
effective de l'étiologie.
L’analyse des données cliniques recueillies
permet de construire une typologie des
modes de représentation autour de
l’implantation. Elle comporte trois grands
types:
L’épreuve de réalité, c.a.d. l’acceptation de
la réalité de la surdité passe des moments
spécifiques identifiables correspondant à
des
moments
logiques
du
travail
psychologique de « deuil ». Ces moments
sont contrôlés par une oscillation intérieure
entre une position marquée par un
processus de clivage et une position
marquée par des sentiments dépressifs. La
sortie de cette oscillation correspond à un
moment clef d’acceptation de la réalité et de
désir de transformation de cette réalité.
La bonne information des parents, et leur
prise de conscience, en matière de
possibilité de communication précoce avec
la
langue
des
signes
modifie
qualitativement les attentes en direction de
l’implantation en les faisant évoluer d’une
représentation
d’attente
réparatrice
idéalisée vers une représentation réaliste
d’enrichissement global du monde de
l’enfant.
Le type I. Il correspond à un mode de
représentation
héroïque
de
type
« sauvetage de l’enfant » malgré les
obstacles mis devant l’implantation. Les
informations rationnelles sur l’implant ne
sont généralement pas entendues. Les
parents engagent en combat pour sauver
leur enfant de la surdité et ne retiennent
que les informations qui vont dans le sens
de l’alliance avec leur combat. Le
chirurgien,
ou
l’orthophoniste,
est
généralement idéalisé alors que d’autres
professionnels sont décriés, dénotant ainsi
le processus sous-jacent de clivage et donc
la détermination fantasmatique, irréaliste,
de ces représentations. L’énoncé sous-jacent
est : « Mon enfant n’est pas normal, il a une
surdité, mais la surdité sera vaincue grâce
aux progrès de la médecine et/ou à
l’habileté de mon chirurgien, et ceci malgré
les obstacles. En combattant l’adversité,
grâce à l’alliance avec des sauveurs
également héroïques et la haine pour mes
ennemis, j’évite l’angoisse et la culpabilité
et parvient à conserver une image de moi
comme parent juste et secourable pour mon
enfant.».
Type II. Ce type correspond à des
représentations abandonniques de type
dépressif (« de toutes façons, le médecin a
dit… »). Les buts d’implantation sont vécus
comme un palliatif à une situation déjà
fixée et sans espoir réel. Les parents vivent
la surdité de l’enfant comme une
catastrophe irrémédiable et rien de pourra
les aider. Ils vivent une sorte de mort
symbolique de l’enfant dans leur monde
intérieur. Devant ce type de position
parentale,
les
médecins
(ou
les
orthophonistes) sont emmenés pour se
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Les implantations cochléaires de l’enfant sourd
protéger
eux-mêmes
de
l’angoisse
dépressive à pousser ces parents à faire
implanter leur enfant. Ceux-ci acceptent
souvent pour des raisons qui tiennent d’une
part à leur incapacité de construire euxmême un projet personnel pour leur enfant,
et d’autre part à des fantasmes ayant trait à
l’opération à l’intérieur du corps de leur
enfant. L’analyse de ces fantasmes montre
que l’implantation de leur enfant vise
souvent à tenter de faire revivre l’enfant
perdu de leur monde intérieur.
Type III.
Ce type correspond à des
représentations créatrices à partir d’un
constat réaliste et d’un travail de deuil
accompli ou en cours d’élaboration.
L’implantation est considérée sur un double
mode à la fois réparateur et prospectif.
L’enfant est perçu par les parents dans sa
réalité actuelle et dans ses besoins actuelles
de communication (ce qui les emmène à
utiliser sans trop de difficultés la
communication gestuelle) et en même
temps, les parents veulent lui offrir le
maximum de chances pour le futur. On ne
dénote pas de clivage, ni d’idéalisation
excessive des professionnels, l’implantation
n’est pas vécue comme urgente, ni
impérative. Elle n’est pas associée
strictement à la question de l’apprentissage
du langage oral. Les parents construisent
eux mêmes leur partenariat de travail avec
les équipes d’implantations et les équipes
éducatives.
Ces différents types se retrouvent bien sûr
dans des proportions variables dans tous
les cas. Ils peuvent être présents de façon
différente chez chacun des parents et
peuvent évoluer de façon dynamique au
cours du temps. Ces types correspondent à
des positions subjectives jouant le rôle
d’attracteurs
dans
l’espace
des
représentations mentales et du vécu
subjectif. A notre sens, l’implantation est
indiquée sur le plan psychologique lorsque
les parents ont pu élaborer la surdité de
l’enfant et se stabiliser dans une position
subjective correspondant au type III.
Analyse du profil socio-affectif
enfants sourds implantés
des
L’impact des implantations cochléaires chez
l’enfant sourd sur le développement
psychologique a pu être appréhendé à
partir d’une mesure du profil socio-affectif
(PSA) réalisée tous les 6 mois après
l’implantation sur un groupe de 47 enfants
sourds profonds prélinguaux suivis dans
quatre sites hospitaliers français1. Les
résultats globaux attestent de résultats
normaux
comparativement
à
une
population d’enfants entendants ainsi
qu’une amélioration de l’adaptation socioaffective générale de la majorité des enfants
sourds au fil du temps après la pose de leur
implant cochléaire. L’amélioration concerne
surtout
l’humeur
et
les
capacités
d’intégration avec les autres enfants. Sur
l’ensemble du groupe, 6 cas sont nettement
déviants sur l’échelle adaptative globale
après
l’implantation cochléaire sans
toutefois
que
celle-ci
puisse
être
directement incriminée. Au fil du temps, un
seul montre une anomalie persistante du
développement socio-affectif général. Enfin,
il semble que la précocité de l’implantation
soit bien corrélée, mais faiblement, avec la
qualité de l’adaptation socio-affective
ultérieure.
La faible corrélation entre la précocité de
l’implantation et l’adaptation socio-affective
peut surprendre car il a été beaucoup dit
Le profil socio-affectif (PSA) permet
l’évaluation des compétences sociales et des
difficultés d’adaptation des enfants de 2 ans ½ à
6 ans (Jean E. Dumas, Peter J. Lafreniere, France
Capuano, Paul Durnig). Cet outil d'évaluation
est composé de 80 questions simples posées à
une personne de l'entourage direct de l'enfant
(professionnel et/ou parent). Il est étalonné sur
de larges populations de référence d’enfants
entendants de langue française. Il permet de
suivre longitudinalement le développement
d’un enfant au travers de la qualité de ses
interactions avec son entourage ainsi qu’avec les
autres enfants.
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Les implantations cochléaires de l’enfant sourd
qu’il fallait mieux implanté le plus possible
pour obtenir des bons résultats. Ceci est
probablement vrai sur le plan de la
réhabilitation audiophonologique et neurocognitive,
mais
sur
le
plan
du
déeloppement
psychologique,
cette
recommandation se heurte à la réalité des
stades du développement de l’enfant. Un
enfant de 2 ans et demi n’est pas dans la
même situation relationnelle et socioaffective qu’un enfant de 4 ans et réagit
différemment sur le plan psychologique à
une implantation cochléaire. Il n’est donc
pas évident, sur le plan du développement
des aptitudes socio-affectives, que la
précocité d’implantation soit toujours un
atout. Inversement, il est cliniquement
constatable que plus les enfants sont jeunes
plus ils récupèrent bien de l’opération et de
la période d’hospitalisation. Le faible taux
de corrélation constatée dans cette étude
reflète probablement l’interaction de ces
facteurs antagonistes. Cette étude montre
en conclusion que les implantations
cochléaires réalisées chez les enfants sourds
profonds prélinguaux ne soient pas
associées
à
de
dégradations
des
compétences socio-affectives et ceci pour
l’ensemble des enfants des différents sites
cliniques dans lesquels les implantations
ont été réalisées. La dangerosité supposée
des implantations cochléaires sur le
développement
de
l’enfant
après
l’opération n’est pas constatée.
Conclusions
D'un
point
de
vue
strictement
psychologique, il est maintenant bien
étabnli que les implantations cochléaires,
lorsque l’indication a été bien posée,
permettent d’aider bénéfiquement les
enfants sourds. Cependant, ce bénéfice ne
se situe pas toujours sur le plan
linguisitique par l’acquisition facilitée du
langage oral mais plutôt sur le plan
perceptif. L’enfant sourd profond implanté
réagit mieux aux bruits faibles et présente
ainsi une interactivité naturelle avec son
environnement. Les parents s’en rendent
compte et il s’en suit une dynamique
positive sur le plan psychologique tant pour
les enfants que pour les parents. Toutefois,
il convient
de respecter l'orientation
spontanée de certains enfants sourds
profonds vers la communication visuelle
gestuelle
et
de
l'enrichir
pour
l'établissement
d'une
communication
familiale rapide et directe, répondant aux
besoins cognitifs et affectifs immédiats de
l'enfant. Ce développement n'est pas en soi
incompatible avec l'apport d'informations
acoustiques venant d'un implant à partir du
moment où l'on considère cet apport
comme un enrichissement du monde
perceptif de l'enfant et non comme une
tentative
de
réorientation
de
son
développement
spontané
vers
un
développement artificiel de la parole.
Dans d’autres cas, il est incontestable que
les implants fournissent un apport
informationnel de grande qualité, y compris
sur le plan de la catégorisation
phonologique
permettant
alors
une
générativité du langage oral. Ces enfants
peuvent alors être insérés dans des
programmes strictement oralistes à la
condition que ceux-ci ne pèsent pas sur les
autres aspects de leur développement.
Si l’implant est préconisé dans le cadre
d’un projet éducatif global centré sur
l’enrichissement du monde de l’enfant et le
respect de son orientation vers telle ou telle
modalité du langage oral ou gestuel, il
devient aussi légitime et thérapeutique
dans la mesure où il offre au parents la
possibilité de donner le maximum de
chances et d’ouverture à leur enfant sourd.
Il atténue ainsi la douleur et la culpabilité
d’avoir un enfant sourd et devient chez les
parents source d’une forme de restauration
interne et ceci d’autant plus qu’il s’agit
d’une opération médicale sur le corps de
l’enfant. L’implantation peut alors être
vécue comme une forme de restauration et
devient un facteur positif dans le travail
d’acceptation de la surdité de leur enfant,
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Les implantations cochléaires de l’enfant sourd
au sens où ils ont le sentiment d’avoir tout
fait, et le mieux, pour leur enfant.
Enfin, dans pratiquement tous les cas, les
implants favorisent une naturalité des
interactions familiales qui contribuent
positivement à l’amélioration du climat
familial. Les réactions auditives de l’enfant
implanté contribuent à donner aux parents
le sentiment que leur enfant appartient bien
au même monde perceptif qu’eux et
partage ainsi avec eux une même
expérience vitale.
Bibliographie
Dumas J. E., LaFrenière P. J., Capuano, F.
Durning P. Profil socio-affectif (PSA)
Evaluation des compétences sociales et des
difficultés d’adaptation des enfants de 2 ans
½ à 6 ans, Les Editions du Centre de
Psychologie Appliquée, 1997.
Lane H., Bahan B. – Ethics of cochlear
implantation in young children : A review
and reply from a Deaf-World perspective,
Otolaryngology-Head and Neck Surgery,
October 1998, volume 119, Number 4.
Virole B. et col. - Psychologie de la surdité,
Deboeck Université, Deuxième édition,
2000.
Benoît Virole – [email protected] www.benoitvirole.com
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