chapi tre 3 - fonds pour la recherche en ethique economique

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Chapitre 3. La pensée néo classique. L’échange
1.La pensée néo classique. Unité ?
2. La lignée franco- italienne
3. Aperçu de la pensée anglaise: de Jevons à Alfred Marshall
4. Les écoles "autrichiennes": De Menger et Bohm Bawerk à Hayek.
Si la pensée classique ,dans sa version anglaise notamment, a un sens du point de vue
de l'histoire de la pensée économique, la pensée dite "néo classique" a une représentation
beaucoup plus floue. L'expression est utilisée quelquefois indifféremment pour désigner la
pensée dite dominante ( mainstream) ou encore la pensée formalisée, avec de nombreuses
confusions.
La pensée néo- classique ( La révolution de 1871)
On peut déceler une unité thématique à partir de l'équilibre et du marché; on sera
surpris de la diversité de cette pensée, ne serait ce que dans sa naissance: trois branches, à
savoir la branche anglophone, la branche franco- italienne et enfin la branche autrichienne.
On emploie le terme néo classique pour désigner une pensée qui reprend certains
termes de la pensée classique ( par ex. les rendements décroissants), mais en retire tout ce qui
sort de l'analyse économique. Un certain nombre de variables exogènes seront donc retirées,
notamment les préjugés agronomique ou démographique. Elle englobe la pensée classique en
ayant une vision plus large de l'échange.
La pensée néo classique ne se confond pas avec le marginalisme ( le coeur de la
théorie de l'équilibre est axiomatique), ni avec l'utilitarisme ( qui ne concerne pas des auteurs
tels que les autrichiens ou encore Samuelson), ni encore avec le libéralisme: depuis Walras et
les ingénieurs économistes français jusqu'aux concepteurs du socialisme, la pensée dite néo
classique aura une largeur d'application étonnante.
1. Unité ?
Révolution néo classique ? Ou révolution marginaliste ? cette idée est traitée dans
l'ouvrage de Blaug, chapitre 8. Il s'agit là d'un bon exemple de "découverte multiple" que l'on
peut penser aléatoire ( idée absolutiste) dans la mesure où vers 1870, trois auteurs publient
simultanément: Menger, Jevons, Walras, de façon non coordonnée.
Carl Menger ( 1870): "Fondements de l'économie politique"; Stanley Jevons ( 1871):
"Theory of political economy". Léon Walras ( 1874): "Eléments d'économie politique pure".
Mais Blaug nous met en garde; cette révolution est relative non seulement à une
réaction contre le marxisme ,l' école historique allemande,et surtout contre le positivisme (
Comte) . Elle témoigne surtout d'un changement de méthodologie par incorporation des
mathématiques.
1.1.Quelques repères historiques
Peut on parler d'une "école" ? Souvent plus un raccourci ou une commodité de la
pensée économique, le plus souvent à usage polémique. On comprend donc mieux pourquoi
une telle étiquette est abolie au profit des "classiques" au sens étendu de Keynes.
1
Ainsi quand on évoque des précurseurs à une telle école, on privilégie soit
l'utilitarisme ( Bentham, 1789; Stuart Mill, 1848) soit le calcul à la marge ( Von Thünen,
1824; Heinrich Gossen, 1854, Auguste Cournot, 1861) soit le libéralisme.....( tous les
classiques ?) soit encore la rémunération des services producteurs ( J.B. Say)
1.2. Philosophie générale
On retrouve les principes de la pensée classique, notamment l'utilitarisme sauf dans la
pensée Hayekienne qui s'en démarque. Mais là encore , il faut faire très attention aux
confusions: les courants de l'utilitarisme (cf. les typologies d'A.Sen) sont très nombreux:
conséquentialisme, utilitarisme des règles, utilitarisme par la somme pondérée des utilités.....
Dans certains cas, la philosophie peut être sociale sinon socialiste ( cf. les
économistes/ ingénieurs) ou au contraire libérale ( ex. les économistes libéraux de l'université
française ). Souvent des rapprochements sont faits à propos de Kant, compte tenu de
l'hypothèse de rationalité, mais il s'agit là d'un paradigme beaucoup plus large et que refuse d'
accepter la pensée libertarienne. En fait Kant s'oppose à l'hédonisme simplifié des
économistes , à l' hétéronomie de la personne.
Quelques hypothèses favorisent le raisonnement: hédoniste notamment ou encore
l'idée d'une continuité des biens. Ou encore l'individualisme méthodologique souvent
caricaturé à travers l'homo oeconomicus , le nominalisme (la sociétéest la somme des
comportements individuels), le refus de l'histoire ( par opposition à l'école historique
allemande), le refus de la sociologie ( par opposition à Auguste Comte)....ce qui n'empêche
pas Marshall d'effectuer de larges emprunts à la sociologie organiciste spencérienne.
1.3. Méthode
L'économie ( cf. Walras, distinction entre économie pure, appliquée et sociale)
s'affirme comme une science autonome. Elle s'affirme d'autant plus abstraite qu'elle se veut
générale et neutre. Ainsi la méthode marginaliste sera utilisable autant dans une économie
capitaliste que socialiste. Cette abstraction permet l'économie d'effort ( Cf. le physicien Mach)
et requiert une analyse de plus en plus mathématique. Néanmoins de larges emprunts sont
effectués à la géographie ( carte d'indifférence) ou encore à la logique déductive(
particulièrement après la WW2) et aux mathématiques. L'emprunt le plus contesté étant celui
effectué auprès de la psychologie. Néanmoins, les procédés de raisonnement de Debreu sont
très proches de ceux de Sraffa et l'on comprend mieux que l'on ait ( Hahn, 1984) fait de
Sraffa, un cas particulier de cette économie.
1.4. Une ou des idéologies ?
L'équilibre hors de tout surplus donne à penser que l'on présuppose le meilleur des
mondes en oubliant les problèmes de répartition sinon d'exploitation. Mais la société de
Debreu est composée de..... ménages propriétaires de leurs moyens de production.
En fait, les écoles reflètent les problèmes de l'époque, par ex. les autrichiens ( le
capitalisme rentier), Walras ( négation du profit), Pareto ( conception élitiste,cf...), ( Marshall
le salaire de l'entrepreneur), ( Clark, le risque de l'entrepreneur) etc....
15. Le paradigme reconstruit
Il commence avec l'examen séparé de la demande ( autrichiens, Menger) et de l'Offre (
Jevons) réunis par Marshall ( 1890) dans la problématique de l'équilibre partiel et généralisé
par Walras (1874) avant les prolongements sur l'optimum avec Pareto et le bien être ( Pigou).
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La synthèse est effectuée par Arrow/Debreu/MacKenzie (ADM)en 1954 avant les grandes
critiques ( Sraffa, 1960 et l'autocritique impulsée par Arrow avec les choix collectifs, puis les
reflexions sur le déséquilibre).
Le coeur néo classique…
Le cadre : la séquence valeur-répartition- prix dans une problèmatique d'équilibre de marché (
et non plus des seules conditions de la production).
La finalité de l'économie est l'hédonisme, la recherche du bonheur individuel, l'échange
volontaire dans un contexte de rareté, la non saturation .
La méthode correspond à l'utilité marginale avec ses contraintes ( continuité et substitution) ,
son adéquation au calcul différentiel,
Un double résultat : l'EG équivaut à l'optimum au sein d'un marché concurrentiel. L'équilibre
partiel d'O/D, compte tenu des préférences, des dotations et de la technologie.
Une portée éthique : l'optimum , le bien- être, les compensations et donc la réversibilité.
Des institutions justes: concurrence pure et parfaite et liberté du marché.
La valeur d'un bien est égale à la rareté subjective d' un bien .
Principe d'imputation, la demande d'un facteur dépend de la quantité demandée de biens qu'il
produit.
La dichotomie économie réelle/ monétaire .
16. Quelques grands débats
La fonction macroéconomique de production (Samuelson- Solow, 1956) et l'hypothèse
d'homogénéité du capital.
Les théories du capital et de l'intérêt: Bohm Bawerk, Capital et Intérêt, 1884.
Les débats sur la répartition: Wicksteed ( 1894): l'épuisement du produit; JB. Clark (
1898), the distribution of Wealth.
Le problème logique de la séquence Valeur ----> Répartition----> Prix est également
au centre de cette pensée.
Trois lignes:
- Lignée "autrichienne" de Menger (1871) et Von Wieser ( 1884) à Bohm Bawerk
(1884,) Von Mises en aboutissant à Hayek auxquels on peut adjoindre I Fisher (1930) ou
encore le suédois Wicksell.
- Lignée Franco italienne avec Walras, puis Pareto.....aboutissant à Debreu/ Arrow et
Maurice Allais
- Lignée anglo saxonne avec Jevons, Marshall, puis Pigou....avant le retour des vrais
classiques : Lucas etc..?
2. La lignée franco- italienne
Elle s'inscrit dans un contexte intellectuel français marqué par le positivisme comtien
dont l'anti- économisme est latent et dans une fracture croissante entre les économistesingénieurs travaillant pour l' Etat et les universitaires ultra- libéraux. Elle pose les problèmes
de l'équilibre général avec Walras ( 1874) et Pareto ( 1900) et trouve sa solution logique avec
Debreu ( 1960).
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2.1. Le courant de pensée Walrasien
La pensée d 'Auguste à Léon Walras est restée méconnue à cause de son rejet par l
'école libérale française. Une édition complète des oeuvres de Walras (14 volumes) a été
effectuée par le Centre Walras de l' Université de Lyon II aux éditions Economica.
Une présentation très pédagogique est effectuée par G. Deleplace (1999) dont nous
nous inspirons ici.
Né à Evreux, fils de son père Auguste , lui même professeur d'économie (théoricien de la
rareté), il aura des difficultés à intégrer une école d'ingénieur et deviendra critique d'art avant
de postuler à des postes de professeur d'économie dans les universités française qui lui seront
refusés. De ce fait, il enseignera à Lausanne à partir de 1870 (d'où le nom d'école de
Lausanne)et publiera la première édition des
" Elèments d'économie politique pure et
théorie de la richesse sociale" en 1874 qui , au départ théorie de l'échange, sera complétée en
1877 par une théorie de la production, de la capitalisation et du crédit et enfin en 1900 par une
théorie de l'épargne et de la monnaie. Walras aura peu de chances dans son pays, ainsi que ses
disciples immédiats, et il se consolera en pensant que 50 années seraient nécessaires pour une
future reconnaissance.
Il publiera aussi des Etudes d'économie sociale ( 1896) et Etudes d'économie appliquée (
1899).
Les études d' économie sociale ont trait à la "théorie de la répartition de la richesse sociale".
En fait il effectue de nombreuses propositions, notamment par rapport à la terre. P. 348 , il
propose un impôt unique sur les fermages et s'intitule "néo- physiocrate". Il s'en détache en
proposant une "nationalisation" des terres par rachat sous forme d'obligations auprès des
propriétaires fonciers. Evidemment les professeurs de Paris, conservateurs par définition,
étaient mélinistes .Walras et "son" disciple Aubertin paieront très cher cette conception de la
richesse sociale.
Lettre à " La Revue Socialiste "(1896): "Mon but est de faire dire un jour que j'ai su être
socialiste en restant un libéral".
Il justifie par le monopole naturel l'étatisation des chemins de fer ou des canaux:
"La conclusion des réflexions qui précèdent est assez évidente. L'État peut et doit intervenir
dans l'industrie des chemins de fer, et cela à un double titre:
1° parce que le service des chemins de fer, en ce qui concerne les transports des services ou
produits d'intérêt public, est lui-même un service public;
2° parce que le service des chemins de fer, en ce qui concerne le transport des services ou
produits d'intérêt privé, est un monopole naturel et nécessaire qui, comme monopole privé, ne
serait fondé ni en droit ni en intérêt et qui, par conséquent, doit être érigé en monopole d'État
économique. A ce dernier titre, le monopole des chemins de fer devrait être exercé purement
et simplement, soit par l'État soit pour son compte, au prix de revient. Mais au premier titre,
et vu le caractère particulier de l'industrie des chemins de fer, cette condition doit être
entendue
dans
un
sens
plus
large
qu'il
ne
paraît
au
premier
abord." (L'ÉTAT ET LES CHEMINS DE FER ,mémoire 1875)
A de nombreuses reprises, il est question dans l'oeuvre de Walras, de l 'homme
"personne morale", libre et responsable qu'il différencie de l'individu qui est une abstraction.
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2.1.1. La théorie de l'échange et de la production
- Dans un cadre de concurrence pure et parfaite ( avant d'envisager l'oligopole), Walras
étudie l'équilibre entre quantité d' offre et quantité de demande et les rapports d'échange ou
prix relatifs. Walras n'étudie pas la valeur d'usage, mais la valeur comme combinaison de
l'utilité et de la rareté qui sera " l'utilité du dernier besoin satisfait" ( Cf. Jevons le degré final
d'utilité), les besoins décroissant en fonction des quantités, d'où la loi de l'égalisation des
utilités marginales pondérées aux prix des facteurs. En fait, il traite successivement de la
"détermination mathématique des produits" et de celle du prix des services producteurs.
-Dans une économie d'échange pur, les quantités disponibles des biens sont données et
leurs prix sont proportionnels aux utilités marginales (16 premières leçons).
Les prix ou rapports d'échange sont égaux aux rapports inverses des quantités de
marchandises échangées:
Pa / Pb = Mb/Ma
- Dans une économie de production qu'il introduit ensuite, on examine les services
producteurs qui doivent être distingués des ressources qui les produisent, lesquelles forment le
capital. Il reprend les acquis de Say ( services producteurs) .
- les capitaux fonciers ou terres qui fournissent les services fonciers - par ex. la
fertilité.
- les capitaux personnels ou personnes qui fournissent les services personnels ou
travaux.
- les capitaux mobiliers ou capitaux proprement dit qui fournissent des services
mobiliers.
Ces services producteurs ont un prix qui résulte du marché tel qu'il se déroule entre
possesseurs de capitaux et entrepreneurs qui les consomment pour produire des marchandises.
On retrouve un système de production et un prix de production tel que le prix de vente
de chaque produit est égal à son prix de revient en services producteurs.
2.1.2. L'équilibre général
a. Cadre du raisonnement:
-la concurrence pure et parfaite, impliquant que le profit soit nul .
-une économie statique: l'équilibre général est un équilibre simultané sur tous les
marchés interdépendants.
- le principe de dichotomie: une économie " réelle", en prix relatifs où une
marchandise sera choisie comme numéraire.
- La centralisation des échanges analogue à la Bourse: un processus de tatonnement
avec un crieur tel qu'il n'existe pas d'échange effectif en dehors de l'équilibre, sinon des bons
provisoires.
- En fait, un gigantesque système de troc : tous les biens sont liquides et
immédiatement échangeables.
- Deux postulats : le postulat de nomenclature ( la liste des biens est donnée) et celui
du numéraire ( un bien est choisi pour normer la valeur des autres biens).
b. Objectifs.
On recherche les quantités échangées et les prix d'équilibre tel que les individus
obtiennent le maximum de satisfaction.
- L'équilibre sur chaque marché est double pour ce prix d'équilibre:
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quantité échangée = quantité demandée. quantité échangée= quantité offerte.
- Les prix chez Walras ( cf. la théorie moderne) sont des véhicules d'information.
Loi de Walras : annulation des demandes nettes sur plusieurs marchés ou encore idée
que si n- 1 marchés sont équilibrés, le éniéme l'est également.
c. Méthode
On peut distinguer d'abord deux marchés:
Un marché de n biens de consommation de 1 à n, pour lequel on recherche les
quantités échangées ( Y1,... Yn) et les prix ( P1,...,Pn) et de m services producteurs de 1 à m
avec des quantités échangées (X1 ,..., Xm) avec des prix ( V1,..,Vm). Avec pour chaque
marché, les identités:
quantité échangée = quantité demandée.
quantité échangée= quantité offerte.
Le système d'échange est donc de 2m + 2n équations et inconnues.
En fait, 2m + 2n - 1 inconnues, une marchandise servant de numéraire et autant
d'équations (toutes n'étant pas indépendantes, on en retire une puisque le respect des
contraintes budgétaires individuelles nous donne la contrainte générale par sommation).
Les paramètres sont les fonctions de préférence associées aux marchés:( f1,..fn et
g1,..,gm) d'une part et les coefficients de fabrication aij (quantités du service i nécessaire pour
produire j) d'autre part.
A ces deux marchés, on peut adjoindre le marché des k capitaux neufs qui dépend de
l'épargne , e tel que:
- épargne réalisée = épargne offerte.
- épargne réalisée = demande de biens capitaux neufs.
Le système d'échange contient :
(2m + 2n - 1) + ( 2k + 2) équations indépendantes.
(2m + 2n - 1) + ( 2k + 2) inconnues
compte tenu du montant de l'épargne E et du taux de revenu net r.
avec m + n + k - 1 prix en termes de numéraire.
Le revenu net est la différence entre prix du service producteur vi et le montant des
primes, proportionnel au prix du capital.
La construction de Walras pose deux problèmes:
- celui de l'existence d'un équilibre général unique.
- celui de sa stabilité.
Walras pose le problème plus qu'il ne le résout. En effet, l'existence de l'équilibre
général ne se limite pas au fait qu'il y ait autant d'équations que d'inconnues. En effet ( Blaug,
p. 682), on sait qu' un système de ce type:
- peut avoir des points d'équilibre multiple si les courbes se coupent plusieurs fois et il
faut que les prix soient finis et non négatifs. Des prix négatifs impliquant des "biens libres " ,
par ex. surabondants ( les travailleurs paient leurs patrons pour être embauchés) sinon des
nuisances.
Un tel système peut donc ne pas comporter de solution unique. Walras pose donc deux
problèmes: existence et stabilité d'un EG unique . Le premier problème sera résolu par
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Debreu. Les problèmes de la stabilité donnent lieu à de nombreuse controverses ( Lyapunov,
Kolmogorov) en fonction des procédures utilisées.
Enfin, Walras étudie la monnaie de façon originale, comme "encaisse désirée", elle est
une forme du capital et permet une allocation intertemporelle de la consommation et de la
richesse. Elle doit figurer dans la fonction d'utilité du consommateur avec
U = U(x, m) where m = M/P
La théorie de Walras sera corrigée par les monétaristes, notamment Don Patinkin
(1956).
2.2. V.Pareto continuateur de Walras ? Mieux découper
Schumpeter relate que le marquis Pareto et la "middle class" ne s' appréciaient pas (
Schumpeter, p. 859) ...sauf dans la théorie pure. Pareto est pluridisciplinaire et écrit un
"Trattato di sociologia generale" en 1916 avec un propos ultra libéral sur les cercles des
élites...face à l'Etat. Il remplace à 45 ans Walras à Lausanne et se retire très vite à Céligny.
Schumpeter note sévérement que le Cours d'économie politique (1896-7) n'est qu'un traité
Walrasien et que les élèments originaux (courbes d'indifférence, problème de
l'ophélimité/optimum) se trouvent dans le Manuale di economia politica ( 1906). En fait,
Pareto pose le problème de l'optimalité dans des termes obscurs( cf. la colline du plaisir),
l'essentiel étant contenu dans l'appendice mathématique.
« On a, au dessus de celui-ci, une sorte de colline sur laquelle se meut un point, qui
représente l'état de la personnne considérée. Plus le point s'élève, et plus la personne a de
bien-être. Le sommet de la colline est en G. »
Schumpeter relate que le marquis Pareto et la "middle class" ne s'appréciaient pas
(Schumpeter, p. 859) ...sauf dans la théorie pure. Pareto est pluridisciplinaire et écrit un
"Trattato di sociologia generale" en 1916 avec un propos ultra libéral sur les cercles des
élites...face à l'Etat. Il remplace à 45 ans Walras à Lausanne et se retire très vite à Céligny.
Schumpeter note sévérement que le Cours d'économie politique (1896-7) n'est qu'un traité
Walrasien et que les élèments originaux (courbes d'indifférence, problème de
l'ophélimité/optimum) se trouvent dans le Manuale di economia politica ( 1906). En fait,
Pareto pose le problème de l'optimalité dans des termes obscurs ( cf. la colline du plaisir),
l'essentiel étant contenu dans l'appendice mathématique.
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Son élève, Pasquale Boninsegni clarifie la nouvelle théorie paretienne du
consommateur, fondée sur le concept empirique des courbes d'indifférence.
Extrait de sa biographie: "Pour Pareto, l'étude de l'économie devient de cette manière
similaire à l'étude de la conduite logique dont l'objet est l'"ophélimite", terme qu'il tire de la
racine grecque ophelimos, désirant ainsi s'éloigner de la notion traditionnelle d'utilité et qu'il
définit comme étant une relation de commodité occasionnée afin qu'un besoin ou un désir,
légitime ou non, soit satisfait. En d'autres termes, il s'agit de l'étude d'une "quantité"
entièrement subjective. De fait, il doit s'appuyer sur l'existence d'un homo economicus, lequel
est un individu abstrait qui peut échanger des biens pour d'autres, en les produisant ou en les
modifiant selon leur usage, dans le but d'atteindre le profit individuel le plus élevé possible.
Après avoir opéré la distinction entre capital personnel, mobile (monnaie et épargne) et
financier, Pareto décrit les liens principaux de l'évolution sociale, à savoir la production,
l'échange, les crises économiques, la distribution et la consommation.
Le modèle d'équilibre général auquel il parvient est exprimé à l'aide d'un système
d'équations simultanées, dont certaines se réfèrent à la contrainte budgétaire de l'individu liant
le revenu et les dépenses et d'autres à l'activité des entreprises qui créent des produits et des
biens capital.
Un chapitre important du Cours traite de la distribution du revenu. Pareto y montre
que la stratification imposée par la distribution de la richesse dans la société a relativement
peu évolué dans le temps. Pour lui, une distribution différente de la richesse ne résoudrait pas
les problèmes généraux de la division sociale de l'époque et n'améliorerait en rien les
conditions de mobilité entre classes sociales. Ce phénomène est connu sous le nom de "Loi de
Pareto".
Cependant, l'originalité du Cours tient avant tout à sa méthodologie, soit à la
découverte d'une interrelation entre phénomènes économiques et sociaux, de leurs
interdépendances réciproques à l'intérieur d'un système où la relation entre les parties et
l'ensemble produit des effets autonomes, appelés aujourd'hui effets structurels. Implicitement,
le Cours propose une philosophie sociale: l'histoire est une séquence mécanique
d'événements, un événement suivant l'autre d'une manière monotone car l'homme reste le
même. Des répétitions et des récurrences cycliques sont de fait inévitables. Contrairement à
ses contemporains positivistes, Pareto ne croit pas au progrès, à l'évolution ou à la science. En
pratique, il rompt même avec le libéralisme. Il croit que la structure atomistique et statique de
la société, laquelle est un tenant de base de la doctrine du libéralisme, implique logiquement
la prédominance dans une société civilisée d'individus qui sont à l'opposé de l'homo
economicus théorique rationnel."
Distinction utilité /ophélimité
( Pareto, 1896: Cours d'économie politique; 1909: Manuel d'économie politique.)
Deux distinctions importantes; l'une du vivant de Pareto: ophélimité/utilité; l'autre postérieure:
situation d'optimum et critère de Pareto unanimité. La première est dynamique en faisant
référence à un état de repos dans les mouvements des substitution possibles; l'autre est
axiomatique et instantanée. Le concept d'ophélimité est strictement économique, défini par
quatre conditions:
- Il désigne les satisfactions que l'individu retire de ses consommations en biens et
services physiques.
- Les préférences individuelles sont supposées indépendantes, tirées des propres
consommations de l'individu, égoïstement.
- Les préférences s'expriment sur un marché.
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- Les préférences sont supposées données. L'utilité est sociale
L'utilité est sociologique... et concerne tous les types de satisfactions au delà de
l'économie. Elles dépendent ( au moins pour l'"utilité indirecte" qu'évoque Pareto) des autres
individus. L'utilité peut se révéler par d'autres moyens que le marché, par exemple le vote. Les
préférences ne sont pas données et de façon interactive, se modifient.
On retrouve derrière ce couple ophélimité/ utilité le sophisme (selon Kolm, La bonne
économie, 1984) selon lequel l'agent serait à la fois égoïste et altruiste.
L'idée d'une mécanique interindividuelle se trouve aussi chez Pareto, certes sur des
bases différentes.
La valeur chez Pareto est individuelle.
Dans le cas d'une utilité individuelle, l'"ophélimité", selon Pareto, l'individu est seul
juge de la question de savoir si cette utilité subjective existe ou non... de l'intensité de cette
utilité".
Malheureusement, Pareto, distingue une utilité objective d'une utilité subjective, sans
voir que même l'utilité "sociale" passe par une représentation individuelle Chaque personne
est seule juge, elle perçoit sa responsabilité, arbitre d'elle même entre les contraintes
matérielles et sociales. Pareto oppose de façon dualiste, actions logiques et actions non
logiques, individuel et social....il juxtapose économie pure et sociologie mais ne prend pas en
compte l'anthropologie philosophique. Comme le souligne Raymond Aron, il "brocarde" les
moralistes et les philosophes au profit d'une pensée logico expérimentale:
" ...Pareto se refuse à entrer dans l'univers intellectuel de la philosophie. Qu'il s'agisse
de Platon, de Kant ou de Hegel, " il fait l'idiot", il cite telle ou telle phrase obscure pour le
commun des mortels de la Phénomenologie ou de la Logique ( il n'a que l'embarras du
choix)."
L'oeuvre de Pareto est un bel exemple de "non- philosophie". La dimension
philosophique de la question anthropologique ne peut l'intéresser.... Pour Pareto (1916, 1968
), la sociologie "vise à étudier la société humaine en général"; l'anthropologie étudie l'homme
du point de vue de la théorie économique.
L'économie appliquée se superpose à l'économie pure sans s'y substituer ( Pareto, p.
16) sinon l'on va mélanger phraséologie et analyse mathématique de la mutelle dépendance.
D'où l'apostrophe au sociologue ou au psychologue qui voudrait mélanger les genres :
" Eh brave homme, l'économie mathématique arrive au moins à nous faire connaître en
gros comment s'opère la mutelle dépendance des phénomènes économiques tandique ton
galimatias ne nous apprend rien du tout !" ( Pareto, 1916, p. 16).
Faisant ainsi, Pareto oublie toute réflexion sur le sujet de l'activité économique. A quoi
sert un discours sur la "mutuelle dépendance" si l'on ne sait pas ce qu' elle relie ? D' autre part,
comment peut- il croire à des limites d'application de la méthode économique ? Pour affirmer
l'économie pure, il faut en prouver la spécifité matérielle. Enfin, Pareto définit l'économie
pure par sa logique déductive extraordinaire mais sait-il ce qu'il y a dans cette science. Si
l'économie pure est une pure logique déductive, alors depuis un siècle, cette exigence ne s'est
manifestée que pour un nombre très restreint de théories ( Cf. Mahieu 1989), publiées sous
forme définitive dans les années 1960 : la théorie du Social Choice, les axiomatiques de la
valeur de Debreu et Sraffa.
Pareto rejoint Veblen en affirmant que l'élargissement de l'économie pure commence
par les instincts; "les résidus correspondent à certains instincts de l'homme". Ces résidus se
manifestent par des légendes et des superstitions à propos des nombres , souvent pittoresques
qu'expose longuement Pareto. Les résidus sont la partie "constante" des phénomènes, les
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dérivées leur partie variable. Ainsi la "flagellation ascétique a été un phénomène très répandu
dans l'espace et le temps", mais elle connaît des aspects variables : certaines croyances lui
attribuent le pouvoir d'éloigner les démons ( p. 637) , d'autres de transmettre la force et la
vitalité des choses employées pour flageller, d' autres encore une façon de faire pénitence.
Un tel schéma peut être transposé au domaine scientifique. Ainsi ( p. 740), il y a un
résidu continu de "pseudo- science" qui veut transformer les actions non logiques en actions
logiques dont il existe de multiples dérivées ! par exemple, (p. 1483), "en étendant les
conceptions de l'économie pure aux besoins sociaux des hommes".
Cette épistémologie parétienne a été oubliée et l'histoire retient des concepts et des lois
de Pareto très modernisés. La Pareto- Unanimité est ainsi très éloignée du maximum
d'ophélimité et de la colline du plaisir !
Les lois de Pareto
1)La loi de répartition du revenu:
"Tout le monde a entendu parler de la pyramide sociale. Les pauvres en forment la
base, les riches, le sommet. Eh bien! en réalité, en disposant les hommes selon leurs revenus,
on n'obtient pas la forme d'une pyramide, mais on a plutót la forme d'une flèche, dont
la pointe est très aigué et la base fort large. "
avec N le nombre d'agents qui ont un revenu supérieur à x ; A et m étant des constantes.
log N = log A + m log x
2) Loi de Pareto :
elle exprime que dans une société donnée et pour période donnée, le nombre N de
contribuables de revenu r est une fonction puissance décroissante de ce revenu. C'est dire qu'il
existe deux réels strictement positifs a et k tels que :
N = k/ ra
3) La loi "80/20" (Cours, 1907) :
quand le revenu moyen des pauvres augmente, l'inégalité augmente:
" 80 % des résultats proviennent de 20 % des efforts. "
2.3. La théorie de la valeur de Debreu. Mieux découper
Natif de Calais, Gérard Debreu, prix Nobel d'économie, est peu connu dans sa région
d'origine. Son éloignement (il a fait toute sa carrière universitaire aux Etats Unis) et la très
grande abstraction qui préside à ses travaux scientifiques ont largement contribué à cette
méconnaissance. La présentation synthétique que nous tentons ici tente de reconstituer, sous
l'angle simplificateur de la logique déductive, le raisonnement de l'auteur.
Si l'économie politique commence quelquefois par des "robinsonnades" ou par une
scène de la création du type "Adam et Eve", la théorie économique moderne commence par
l'analyse des situations de survie. Ce cas, très universel, permet de mieux comprendre
comment la personne économique internalise des contraintes dans ses choix afin de se
procurer le minimum vital. Survivre, c'est trouver par une stratégie donnée le mininum vital.
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Tout dépend de la dotation initiale. Il se peut qu'aucune stratégie ne permette de s'en sortir.
Soit une marchandise, un lieu et deux dates dans la théorie de Debreu ( 1960) et revenons sur
son hypothèse de de non survivance en nous aidant de la figure V-1. Figure V-1, une
marchandise, un lieu, deux dates.
Considérons sur un système d'axe un input alimentaire qui ,au temps 1, doit permettre
d'obtenir un même input alimentaire au temps 2. Ce même input au temps 2 peut être
considéré comme une seconde marchandise. Une situation classique est celle où l'input de la
première marchandise est inférieur ou égal au minimum [OO'] associé à un sous ensemble du
quadrant fermé 1, O', 2'. Cette association ne forme pas en général un ensemble convexe. Il
faut alors introduire l'hypothèse que le consommateur peut se débarasser librement des deux
marchandises à l'intérieur de l'ensemble 1,0,2 qui ,lui, est convexe. Dans ce cas, le
consommateur consomme xi1 de la première marchandise et dispose ( par libre substitution)
de xi2 de la seconde marchandise mais n'en consommera effectivement rien. Par son "choix"
dans l'ensemble de consommation Xi, le consommateur détermine sa durée de vie..... Cette
hypothèse forte permet de rétablir l'hypothèse de convexité sans laquelle une bonne partie de
la microéconomie (l'idée d'un taux marginal de substitution par ex.) aura des difficultés à
fonder ses démonstrations. Le choix entre deux dates est un taux d'actualisation subjectif. Dès
que l'on passe à 2 dates t1 et t2 avec t1 > t2, on peut définir un taux d'intérêt qui permette de
comprendre la différence de valeur entre t1 et t2. Ce taux d'actualisation prend en compte les
caractéristiques de l' agent ( altruisme, bienveillance, aversion pour le risque, préférence pour
le présent).
La "Théorie de la Valeur" de Gérard Debreu (1966) déduit de propriétés préétablies
des ensembles de production et de consommation deux théorèmes fondamentaux :
-Le théorème d'existence d'un équilibre général par rapport à un système de prix au
sein d'une économie de propriété privèe.
-L'équivalence entre l'équilibre pour un système de prix et l'optimum dans le cadre
d'une économie simplifièe.
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Le cadre et le raisonnement correspondants sont inhabituels: faisant explicitement
référence à l'axiomatique, dans quelle mesure font-ils appel à la logique déductive ? Cette
question fait l'objet de cette présentation de la théorie de la valeur de Debreu.
Les applications de la logique déductive sont rares dans une science économique,
plutôt plutôt disposèe à la logique inductive. Deux théories très particulières peuvent être
citèes à ce titre:
- la théorie économique des choix collectifs (depuis Arrow, 1951) dont la
formalisation est empruntèe à la logique déductive ( Tarski).
- la théorie des prix de production (Sraffa, 1960), dont le rapport à la logique, en
particulier à Wittgenstein reste une énigme.
Elles témoignent, toutes les deux des difficultés à appliquer les deux conditions de la
formalisation logique, l'homogénéité et l'atemporalité du raisonnement.
Ces conditions lièes à la logique sont examinèes ici à travers le cadre général de
raisonnement de Debreu que l'on rappelle initialement. Ce cadre se compose de conditions
économiques et systémiques que nousprésenterons successivement:
- Les conditions économiques tiennent aux conventions de la théorie micro
économique à propos du comportement du producteur et du consommateur.
- Les conditions systèmiques ont trait à l'appareil démonstratif utilisé. Les deux
principaux théorèmes sont démontrés à l'aide de deux propriétés de la topologie : le théorème
du point fixe de Brouwer-Kakutani et le théorème de séparation de Minkowski.
Enfin, sous ces conditions complexes, Debreu démontre l'existence d'un équilibre
général de marché sous des hypothèses fortes dans le cadre d'une économie de propriété
privèe . Cela lui permet ensuite de déduire l'équivalence entre optimum et équilibre simplifié
de marché.
Cette équivalence logique, parmi d'autres, incite à comparer le raisonnement de
Debreu avec celui utilisé par Sraffa (1960). En effet ces deux auteurs utilisent une méthode de
raisonnement équivalente: démontrer sous des conditions fortes , un théorème d'existence,
puis en faire un résultat intermédiaire permettant d'établir des équivalences logiques dans un
cadre simplifié.
- " Analyse axiomatique de l'équilibre économique" et formalisation logique.
La démarche axiomatique est assimilèe, de façon un peu vague, à un processus
d'abstraction tel que "la théorie au sens strict est complétement disjointe de ses
interprétations."(Debreu,1966, p.VIII). La démarche mathématique (topologique
essentiellement) est confondue avec la logique d'exposition; en d'autres termes le processus de
démonstration mathématique des théorèmes d'existence tend à masquer la logique enchainant
les principaux résultats.
La base logique la plus évidente du raisonnement se trouve dans le système des
préfèrences du consommateur; à la limite, la théorie de Debreu pourrait apparaitre comme une
simple extension de la théorie des choix collectifs. Selon Malinvaud (1982),dans cette
présentation "moderne","la notion d'utilité ou de satisfaction n'y est même pas nécessairement
mentionnèe". La logique des préférences n'est qu'un point de départ dans la démonstration de
Debreu. Celle-çi s'appuie sur les mathématiques ensemblistes,essentiellement la
topologie.Fondèe initialement sur la logique déductive de la quantification, la validité
axiomatique du raisonnement de Debreu subit par la suite toute la faiblesse axiomatique
(inconsistance, incomplétude, indécidabilité) de ce type de mathématique. Néanmoins,toutes
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les conditions de l'analyse déductive sont réunies dans cette présentation; notamment les deux
conditions d'homogénéité et d'atemporalité.
L'homogénéité réside dans le fait que les quelques concepts utilisés sont propres à
l'analyse économique.Le cadre général du raisonnement ne nécessite que des
agents(consommateurs et producteurs),des marchandises (inputs,outputs,ressources),des
prix.Pour caractériser les plans d'action des agents et leur condition d'équilibre la théorie ne
nécessite selon Debreu(ibid,p.32) que les "deux concepts généraux et abstraits de marchandise
et de prix". Libre au lecteur d'introduire une hétérogénéité de l'espace, par exemple en voulant
étudier le commerce international ou le change. Les interprétations particulières qui seront
ainsi introduites,n'ont ,rappelle Debreu, aucun rapport avec le développement logique de la
théorie.
Le cadre socio-économique n'est que peu spécifié. On recherche un équilibre de
marché,mais ni le marché,ni le cadre d'une quelconque concurrence pure et parfaite ne
donnent lieu à précision. On sait seulement que l'économie "se compose d'un certain nombre
d'agents(ibid p.40),que les producteurs sont price-takers et que l'horizon est certain (sauf dans
le dernier chapitre). L'hypothèse d'une "économie de propriété privèe" signifie que les
consommateurs possèdent les ressources et contrôlent les producteurs;de telle sorte que le
producteur maximise le profit afin de le distribuer aux consommateurs actionnaires. En fait
cette économie idéale ne correspond pas à la réalité du capitalisme,ni bien sûr à celle des
économies socialistes. Elle constitue cependant l'utopie économique par excellence d'un
capitalisme ou d'un socialisme parfait.
L'atemporalité du raisonnement se manifeste de plusieurs façons. Le temps historique
ne joue absolument pas,l'utopie d'une économie multipropriétaire n'ayant pas d'application
précise. Le temps chronologique n'intervient pas dans le cas général. Si des changements de
date interviennent,on pourra faire apparaitre des théories particulières telles que les théories
de l'épargne, de l'investissement,du capital,et de l'intérêt. L'atemporalité se manifeste encore
par l'idèe que l'ensemble de production obéit à la loi des rendements constants (ibid p.45),dite
hypothèse d'homogénéité;l'ensemble de production étant un cône de sommet 0.
Enfin le temps analogique,essentiel au raisonnement marginaliste,est expulsé du
raisonnement. En aucun cas,la démonstration ne fait intervenir le calcul différentiel. De ce
fait,le processus de tâtonnement à la Walras n'intervient pas dans la théorie de l'équilibre
général; de même ne peuvent intervenir ni les phénomènes d'oscillation ou de réaction autour
d'un équilibre,ni la comparaison entre des situations d'optimum.
Le prix est un pur nombre attaché à une marchandise. Il appartient à un système de
prix qui sera déterminé par la détermination topologique de l'équilibre. Ainsi la monnaie
n'intervient pas dans les échanges et l'hypothèse Walrasienne du numéraire(un bien déterminé
servant de moyen d'échange) est abandonnèe. On retrouve ici l'idèe d'une théorie de la valeur
fondèe sur un pur nombre sans signification concrète. A la différence du pur nombre à la
Sraffa (1960),celui-çi résulte non seulement des contraintes de la production, mais aussi des
contraintes de la consommation.
La démonstration de l'équilibre général a pour but de montrer que les plans d'action
des consommateurs et des producteurs au sein d'une économie peuvent être conciliés avec les
ressources disponibles pour des prix donnés sous certaines conditions.
Cet équilibre est démontré initialement sous des conditions "fortes" dans le cadre d'une
économie de propriété privèe (soit un e équilibre). Dans cette situation, chaque producteur
maximise son profit qu'il distribue aux consommateurs actionnaires.Ces derniers possèdent en
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effet les ressources et contrôlent les producteurs. Si ce cadre de propriété privé est
abandonné,on aura sous des conditions plus faibles,un E-équilibre dans une économie
simplifièe.
Les démonstrations de l'équilibre font intervenir deux types de conditions :
-Des conditions économiques : les concepts et les lois retenus répondent aux
conventions de la théorie économique.
-Des conditions systémiques qui permettent à ce schéma économique d'obéir aux
propriétés mathématiques utilisèes dans la démonstration.
Les conditions systèmiques tiennent à l'appareil démonstratif utilisé.
Les deux principaux théorèmes sont démontrés à l'aide de deux propriétés de la
topologie : le théorème du point fixe de Brouwer-Kakutani et le théorème de séparation de
Minkowski.
-
Les équivalences logiques dans le système de Debreu.
Le processus de raisonnement de Debreu (1966) peut être décomposé en cinq
propositions principales que nous symboliserons successivement par A,B,C,D,E.
Proposition A : Soient des ensembles de production et de consommation qui sont
admissibles du point de vue de la théorie économique et intégrables dans le système de
résolution de l'équilibre général. En d'autres termes,ces conditions économiques et
systèmiques déterminent un "système économique viable" .
Proposition B : Soient des états réalisables de l'économie E tels que s'il existe une
consommation d'équilibre possible pour un consommateur et une production d'équilibre pour
un producteur, un équilibre de marché soit possible (la demande nette doit égaler les
ressources totales).
Proposition C : Il existe un équilibre général dans une économie de propriété privèe :
soit un e équilibre. Plus précisément, il existe un e système de prix d'équilibre, p*, tel que
l'excès de demande soit º 0 .
Proposition D : Soit pour tout équilibre général de marché un E- équilibre
correspondant qui est un équilibre simple par rapport à un système de prix.
Proposition E : Soit un optimum d'une économie E tel qu'il soit un état réalisable
auquel n'est préféré aucun autre état réalisable.
Le processus déductif de la théorie de la valeur peut alors être écrit comme suit :
(1) (A . B) implique C et (D est équivalent à E)
Du fait de l'équivalence entre D et E, il est possible d'écrire
(2) (A . B) implique (E implique D)
En d'autres termes, il est possible de déduire de l'optimum un E équilibre avec des
conditions beaucoup plus faibles que celles exigèes pour l' équilibre initial.
La démonstration de l'existence d'un équilibre général de marché sous des hypothèses
fortes dans le cadre d'une économie de propriété privèe permet de déduire l'équivalence entre
optimum et équilibre simplifié de marché. Une fois cette déduction admise,il est donc possible
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de déduire de n'importe quel optimum un équilibre simplifié de marché sans avoir à spécifier
la distribution des ressources.
Le schéma déductif de Debreu(1966) incite à la comparaison avec celui établi par
Sraffa(1960). Dans les deux cas,la démonstration principale a trait à un théorème d'existence.
Existence d'un équilibre général de marché dans une économie de propriété privèe
chez Debreu,la distribution des ressources étant spécifièe.
Existence d'un étalon des valeurs chez Sraffa dont on peut spécifier la composition.
Ce théorème d'existence joue un rôle intermédiaire. Il autorise à des équivalences qui
permettent de s'en débarasser par la suite. Ainsi, il est possible dans la théorie de Debreu
d'analyser directement l'optimum et l'équilibre de marché qui lui correspond en abandonnant
les contraintes et les spécifications de l'économie de propriété privèe. De même chez Sraffa, la
spécification de l'étalon peut être abandonnée. Le salaire n'est plus qu'un pur nombre (de
même que le prix à la Debreu) et l'on peut raisonner directement sur une quantité de travail.
La déduction et ses propriétés (implication,équivalence) permettent ainsi de présupposer le
réél (l'économie de propriété privèe, la composition d'un étalon) afin de mieux établir le
processus abstractif.
Une telle théorie n'est pas faite de prédictions vérifiables pouvant être réfutèes à partir
du monde réel, comme le souhaite Mark Blaug (1982), sinspirant de la méthode de Karl
Popper. L'analyse du réél y est effectuèe au moyen de quelques conventions largement
acceptèes de la théorie économique et n'a qu'une valeur intermédiaire.
De ce fait, Blaug pense que la maitrise de l'Equilibre Général (Blaug, 1982, p. 220 )
est du "temps perdu" pour l'économiste empirique de même que l'étude de la théorie "peu
réaliste" (Blaug, 1981, p.780) d'un Sraffa. Autant de motifs, peu raisonnables, de la
méconnaissance de la théorie de Debreu, dans son propre milieu.
3. Aperçu de la pensée néo-classique anglaise: de Jevons à Alfred Marshall.
Cette pensée s'inscrit dans le cadre d'une économie anglaise très ricardienne (cf. supra.
le passage consacré à Stuart Mill) . On parle encore de néo classicisme cambridgien ou encore
Marshallien. Leur conception est plus "positive" et pragmatique que celle du continent.
Les principaux auteurs sont: Arthur Cecil Pigou, 1877-1959, Sir Dennis H.
Robertson, 1890- 1963, John Maynard Keynes, 1883-1946, Ralph G. Hawtrey, 1879-1971,
Joan Robinson, 1903-1983.
3.1. Deux fondateurs : Jevons et Edgeworth
3.1.1. Jevons
William Stanley Jevons (1835- 1882) passionné au départ par les problèmes de
météorologie sinon d'astronomie ( les tâches solaires ), s'intéresse aux Railway economics
comme nombre de ses contemporains ( par ex. Lardner). Il trouve que la théorie ricardienne
s'applique mal au problème de la tarification ferroviaire.
Sur le plan de la méthode, il apporte beaucoup à la méthode inductive des économistes
(Pure Logic, 1863) et de façon plus générale à la logique (Studies in Deductive Logic, 1880).
Il propose un piano logique à la Royal Society en 1870.
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Il en arrive à publier sa " Theory of political economy" en 1871 dans laquelle il expose
sa nouvelle théorie de la valeur. Celle ci repose sur le degré final d'utilité. Deux marchandises
ont ainsi des degrés finals d'utilité proportionnels aux prix en vertu de la loi d' égalisation des
utilités marginales pondérées par les prix. Il appuie cette loi sur la loi psychologique de
Jennings ( la force d'une réaction aux stimulations décroît en fonction de leur
répétition...) ; tentative que l'on trouve chez Edgeworth ( Mathematical psychologics).
"L'utilité de la dernière portion d'un objet décroît, donc, habituellement, dans
une proportion déterminée ou suivant une fonction de la quantité totale reçue.
Cette variation existant théoriquement même pour les quantités les plus petites,
nous devons avoir recours aux infiniment petits et ce que nous appellerons
coefficient d'utilité est le rapport entre le dernier incrément ou fourniture infiniment petite
de l'objet, et l'incrément de plaisir dont il est la cause, tous deux, bien entendu, évalués dans
leurs unités appropriées. 9° Le coefficient d'utilité est donc quelque fonction généralement
décroissante de la quantité totale de l'objet consommé. C'est ici la loi la plus importante de
toute la théorie."
Il raisonne en "coefficient d'utilité":
" The coefficient of utility, is the ratio between the last increment or infinitely small
supply of the object, and the increment of pleasure which it occasions, both, of course,
estimated in their appropriate units.
The coefficient of utility is, then, some generally diminishing function of the whole
quantity of the object consumed. Here is the most important law of the whole theory ."
" Le travail détermine l'offre et l'offre détermine le degré d'utilité qui gouverne la
valeur ou le rapport d'échange" (Theory...p. 160).
Le travail ne saurait donc être assimilé à la valeur, il détermine la valeur à travers
l'offre et le degré final d'utilité.
"... l'on fournira du travail à la fois en intensité et en durée jusqu'à ce que la pénibilité
de l'incrément ultérieur soit plus grande que le plaisir de l'incrément de produit qu'il a permis
d'obtenir. Le travail s'arrêtera alors, mais jusqu'à ce point il aura toujours été accompagné
d'un excès de plaisir. Il est évident que la limite.. du travail dépendra du taux final d'utilité de
l'objet produit."
"..le capital n'est pas autre chose que l'entretien des travailleurs.".
Jevons fournit aussi une théorie de la répartition en précisant le "taux final de
rendement du capital" qui deviendra la "productivité marginale du capital". Plus précisément,
la quantité de travail employée par une entreprise est déterminée par l'égalité du produit
marginal du capital au taux de l'intérêt.Dans un ouvrage ultérieur, " The State in relation to
labour" (1882), il développe ses idées contre le socialisme et l'idée associée que le salaire soit
inversement proportionnel au profit.Le salaire est déterminé par la productivité du travail (
nette de la rente, des impôts et de l'intérêt du capital) et donc....
" Le conflit que l'on suppose entre le travail et le capital est imaginaire...le conflit réel
est entre producteurs et consommateurs."
- Le monopole bilatéral
Jevons pense étudier l' échange en partant d'un échange isolé ( troc de deux biens entre
deux individus) et généraliser avec un ensemble d'acheteurs et de vendeurs avec des utilités
collectives marginales. En fait, l'échange isolé est particulier et ne saurait être assimilé à un
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échange concurrentiel. Edgeworth montrera que le monopole bilatéral (Vendredi façe à
Crusoë) ne conduit pas à des prix relatifs uniques mais à une courbe de contrat.
- La désutilité du travail
Admettons que l'effort soit relié à l'ennui ( désutilité) de telle sorte qu'il fasse diminuer
d'abord l'ennui avant de le faire augmenter, le travailleur peut ainsi faire coïncider ce coût (
variable) avec les gains dont l'utilité va en décroissant. Chaque travailleur pourrait ainsi en
équilibrant ses efforts et ses gains déterminer le prix des biens.
L'apport de la rationalité adaptative
"If an event can be produced by any one of a certain number of different causes, all
equally probable a priori, the probabilities of the existence of these causes as inferred from the
event, are proportional to the probabilities of the event as derived from these causes. (Jevons,
1874: p. 242-243).
La méthode de Jevons applique le théorème de Bayes (1763) et les probabilités a
posteriori
Admettons P(x | A) = p, P(x | B) = q and P(x | C) = r sont les probabilités
conditionnelles des conséquences x des causes hypothétiques A,B et C.
Alors nous pouvons évaluer les hypothèses en calculant : P(A | x) = p/(p + q + r), P(B |
x) = q/(p+q+r) et P(C | x) = r/(p+q+r) en choisissant celle qui a la plus grande probabilité.
3.1.2. Francis Ysidro Edgeworth, 1845-1926.
Une carrière contrariée, une oeuvre considérable dont les meilleures idées sont pillées,
notamment par Marshall dans ses Principes de 1890 où il est cité marginalement. Il est le
fondateur de l'Economic Journal.
Selon Amartya Sen (Rational Fools, 1976), Edgeworth énonce dans Mathematical
Psychics (1881), que le premier principe en économie est que chaque agent est mu par son
seul intérêt. Ce qui ne l'empêche pas de s'intéresser à l'égoïsme impur qui intègre de la
sympathie pour l'autre, un "utilitariste mixte".
Edgeworth peut être considéré comme le principal fondateur de la méthode
marginaliste en économie dans son projet d'un utilitarisme exact. Dans son premier ouvrage,,,
New and Old Methods of Ethics (1877), Edgeworth applique les multiplicateurs de Lagrange
au calcul utilitaire , mais , en même temps pose le problème de l'égale capacité à éprouver du
plaisir et d'une justice future Il est connu par ses Mathematical Psychics (1881) et l'idée d'une
courbe de contrat avec une indétermination d'autant plus forte que le nombre des contractants
est faible ; il dessine les premières courbes d'indifférence qu'il appliquera ultérieurement au
commerce international.En 1897, il énonce de façon paradoxale que la taxation d'une
marchandise se traduit par une baisse de son prix, paradoxe repris par Hotelling en 1932.
Enfin, il est réputé pour sa théorie du duopole, soulignant l'indétermination d'une concurrence
par les prix entre deux firmes sous certaines conditions.
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3.2. Alfred Marshall (1842-1924)
D'origine modeste, il gravit les échelons universitaires jusqu'à devenir Professeur à
l'Université de Cambridge. Il apporte des contributions décisives à la théorie de la firme et
une théorie synthétique de l'équilibre partiel. Il développe encore la dimension temporelle de
l'analyse néo- classique, branche qui deviendra dominante par rapport à l'analyse axiomatique
des choix. Son principal ouvrage est "Principles of economics, an introductory volume"
(1890) qui connaîtra huit rééditions du vivant de l'auteur. John Meynard Keynes sera son
élève et son principal critique.
" The great master who was also a masterful man - to some pontifical - made almost
the whole of the rising generations of English economists, his pupils and followers". (
Schumpeter, HEA, p. 833).
Il est particulièrement utile de lire la préface à la première édition (absente des
traductions françaises) qui traite du principe de continuité et de l'appendice C où il rend
hommage à la sociologie de l'époque ( Auguste Comte et surtout Herbert Spencer). L' oeuvre
de Marshall est ainsi déterminée par une conception de la société, largement influencée par
l'organicisme social, d'où son influence sur l'anthropologie ( Herskovits) et son rejet partiel
par des auteurs tels que Samuelson.
"La majeure partie de l'oeuvre de Marshall correspond au chapitre V des Principes et
donc à l'étude des relations générales entre demande, offre et valeur"
Néamoins, il a publié " Money, Credit and Commerce", 1923, ouvrage où on lui
attribue, selon Friedman (1956), l'équation de Cambridge avec M =kpY.
3.2.1. Conception générale de la société et de l'économie.
Une citation est apposée sur la couverture des Principles: "Natura non facit saltum"
que l'on trouve dèja chez Petty et antérieurement chez Bacon. Ce naturalisme social est
caractéristique de son projet. La société Marshallienne est comprise comme un organisme
social où l'adaptation ( fitness) à la compétition ( struggle for life) est le principal problème.
Cette organisation industrielle sociobiologique donne lieu à plusieurs chapitres du Livre IV (
VIII à XII) des Principes.
" The Mecca of the economics lies in economic biology rather than in economic
dynamics " ( préface à la 8° édition).
Marshall peut -il éviter de réduire la société humaine à une collection d' individus de
l'espèce humaine ? La même question doit être posée pour les auteurs de l'époque, Marx ou
Marshall tant la lecture de l'Origine des Espèces de Charles Darwin peut être effectuée sur
plusieurs registres. Apparemment, Darwin qui traite surtout des animaux et des espèces
domestiques n'évite pas ce piège:
"Dans un pays bien peuplé, la sélection naturelle agissant principalement par la concurrence
des habitants ne peut déterminer leur degré de perfection que relativement aux types du pays.
Aussi, les habitants d'une région plus petite disparaissent généralement devant ceux d'une
région plus grande. Dans cette dernière, en effet, il y a plus d'individus ayant des formes
diverses, la concurrence est plus active et, par conséquent, le type de perfection est plus élevé.
La sélection naturelle ne produit pas nécessairement la perfection absolue, état que, autant que
nous en pouvons juger, on ne peut s'attendre à trouver nulle part. " ( Darwin, "L'origine des
espèces", Chapitre 6, résumé)
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Le principe de substitution est proche du celui de sélection naturelle , étant ''a special
and limited application of the law of survival of the fittest' (1920, p. 597).
Le principe de continuité
Une certaine morale semble accompagner les propos de Marshall qui fut radical au
début avant de se convertir au libéralisme à la suite d'un voyage aux US: "L'économiste,
comme tout autre doit se préocupper des fins dernières de l'homme".
" Ethical forces are among those of which the economist has to to take account" (
préface à la 1° édition).
Les tentatives pour isoler un "homme économique" sans influence éthique ont été
infructueuses. En effet, comment tracer une différence entre les actions morales et toutes les
actions à motivation altruistique. Il faut donc trouver entre les actions une certaine continuité,
laquelle aura une dimension temporelle. On peut donc passer d'une action à une autre dans le
temps ( " itself absolutely continuous"). Cette continuité pourrait être interprétée dans les
termes de la sociobiologie de Spencer et trouve son fondement dans les Principes de la théorie
mathématique de la Richesse de Cournot : " I was led attach great importance to the fact that
our observations of nature, in the moral as in the physical world relate not so much to
aggregate quantities , as to the increments of quantities... is a continuous function".
Le calcul en termes d'utilité marginale ( expression reprise de Von Thünen, 1826,
l'Etat isolé) est préféré au degré final d' utilité.
- Au delà du principe de continuité ( cf. l'axiome IV dans Malinvaud, comme
possiblité de paser du calcul axiomatique des choix au calcul différentiele) , la reflexion
Marhallienne sur le temps est surtout connue comme reflexion sur la période.
Temps analytique/ temps historique .
-La différence première a trait à la différence entre temps analytique et temps
historique.
-Le temps analytique est conçu, à la manière d' Alfred Marshall (1890) en fonction de
l'analyse de l'équilibre. Ainsi les périodes n'ont pas de valeur réelle et sont conçues pour l'
analyse d'équilibres fictifs .
Ainsi, Marshall distingue:
-La période ultra- courte dite période du marché : le montant de l'offre est fixe.
- La "courte période",les quantités de production peuvent varier, mais la capacité de
production est fixe.
- La "longue période", la capacité de production peut varier, mais le montant des
ressources disponibles pour la branche est fixe, ainsi que l'état des techiques.
- La très longue période: les techniques varient et avec elles, la capacité de production.
Ces périodes n'ont pas de signification concrète. Il en est ainsi des "fictions"
chronologiques utilisées par les théoriciens: jour (Robertson), semaine ( Hicks), année (
Sraffa).L'exemple le plus connu est la "semaine" de John Hicks permettant l'équilibre
temporaire: le premier jour (Lundi) se forment les prix capables d'égaliser la demande et
l'offre de marchandises à délivrer dans la semaine.
Il ne sera pas ainsi paradoxal que la courte période ( par variation attendue des
rendements) soit plus longue que la "longue" période ( mise en oeuvre des investissements).
D'autre part, selon Blaug (ibid) Marshall réussit une" combinaison propre de la
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microéconomie statique avec des lambeaux de la théorie classique du développement
économique".
Une ambiguïté à propos de la définition de l'économie politique.
Selon Marshall ( I,1): " "L'Economie politique ou l'Economique est une étude de
l'humanité dans l'activité ordinaire de la vie. Elle étudie ce qui dans l'individu ou l'action
sociale est relié à la recherche et à l'utilisation des moyens matériels nécessités par le bien
être"
"Political economy or economics is a study of mankind in the ordinary business of
life; it examines that part of individual and social action which is most closely connected with
the attainment and with the use of the material requisites of wellbeing."
Cette définition semble réaliste d'autant plus qu'il n'étudie pas un homme économique
mais "un homme fait de chair et de sang. (ibid p. 22), un homme égoïste, mais qui peut se
sacrifier pour sa famille.Cela donnera lieu à une interprétation "réaliste" de la définition de
Marshall, notamment de la part de Herskovits lors de la querelle entre économistes et
anthropologues des années 1940. La suite de l'ouvrage montre aisément que l'auteur utilise
non une économie réelle mais un cadre hypothètique.Ex: Vol VI,I,5 l'étude des cas
hypothétiques de l'action de la demande.
3.2.2. Analyse de la valeur et de la répartition.
L'analyse de l'équilibre partiel permet une synthèse sur la valeur d'un part et la théorie
de la firme d'autre part. Néanmoins si Marshall relie les salaires à la productivité marginale du
travail, sa contribution au lien entre taux d'intérêt et capital est moins évidente. Il manque
ainsi ( Blaug, P. 669) une théorie générale du prix des facteurs.
La valeur et les prix
"All wealth consists of desirable things" ( I,Ch 2)..."Utility is taken to be correlative to
Desire and Want" (I, Ch. 3).
Comment trancher entre le principe du coût de production ( offre) et l 'utilité finale
(demande)?
They " are undoubtely component parts of the one ruling law of supply and demand;
each may be compared to one blade of a pair of scissors. When one blade is helds still, and the
cutting is effected by moving the other, we mays say with careless brevity that the cutting is
done by the second".
Marshall effectue une théorie symétrique de la valeur et des prix. Le prix est déterminé
par le coût plutôt en longue période et par l'utilité surtout en courte période. On peut ainsi
étudier l'interaction de l'offre/ la demande par rapport à un marché, indépendamment des
autres marchés en utilisant la clause "ceteris paribus".
20
La courbe en U
Les fonctions de demande et d'offre déterminent les courbes de demande et d'offre. La
courbe en U des coûts de production est ce qui sera le plus critiqué ( Sraffa, 1925- 1926 dans
son oeuvre. Cette courbe permet de "réunir" la firme: en effet,
- Si le rendement était décroissant sans limite, la taille de la firme deviendrait
infiniment petite.
- Si le rendement était croissant sans limite, la taille de la firme deviendrait infiniment
grande.
Il faut donc que le rendement soit décroissant- croissant pour qu'il y ait équilibre dans
la firme. D'où la courbe en U reliant coût marginal à la quantité produite.
L'association des deux phases ( baisse du Cm et donc rendement croissant) et (hausse
du Cm et donc rendement décroissant).
- Le rendement décroissant est lié à la hausse du degré d' utilisation d'un facteur ( les
autres facteurs restant constants).
- Le rendement croissant est lié aux conditions générales de la production , par ex.
transports et communications; c'est à dire à la variation de tous les facteurs.
Un tel rendement croissant est de deux types:
- interne à la firme.
- externe à la firme ( et joue alors sur l'ensemble des prix relatifs).
D'où la proposition de Marshall que le rendement croissant soit externe à la firme et
interne à l'industrie. Sraffa note qu'il y a presque rien dans cette classe.
Prix d'équilibre
"Quand la demande et l' offre sont en équilibre, le montant de la marchandise qui est
produite par unité de temps peut être appelée le montant d'équilibre, et le prix où il est vendu
le prix d'équilibre. Un tel équilibre est stable.. " ( II, 3) .L'équilibre "normal" en concurrence
pure et parfaite est une situation de référence mais Marshall s'interroge sur les cas du marché
local et sur les imperfections de la concurrence. La méthode abstraite consiste à prendre un
cas de référence puis à le compliquer par tous les cas d'exception possibles.
21
3.2.3. Eléments d'économie du bien être: surplus, rentes et externalités.
Marshall avance les idées de surplus du consommateur et du producteur.
- Le surplus ( équivalant à une rente dans la I° édition des Principes) du consommateur
( Blaug, p. 420) vient de ce qu'il a payé moins que ce qu'il était disposé :
"The excess of the price which he would be willing to pay rather than go without the
thing, over that which he actually does pay, is the economic measure of this surplus
satisfaction. It may be called consumer's surplus."
Il peut se transformer en surplus des consommateurs en négligeant les problèmes
d'agrégation. On peut représenter cette rente au moyen d'une figure reliant les prix ( ordonnée)
aux quantités ( abcisse) en postulant une droite de demande décroissante. Si le consommateur
profite d'un point A au lieu du point B, il bénéficie d'une quantité supplémentaire du bien pour
un prix moindre à celui qu'il escomptait; il existe ainsi un triangle de rente ABC.
- Le surplus des producteurs est lié (Blaug, p. 453), au fait que certaines firmes, en
courte période, peuvent obtenir des coûts plus bas que la firme marginale de la branche (cf. la
rente différentielle de Ricardo) On peut admettre dans le court terme que cela soit lié à un
emplacement favorable ou à une gestion supérieure à la moyenne ou encore à des services
particuliers.
Marshall utilise le terme de quasi-rente (due aux prix) pour la distinguer de la rente
due à la bonté de la nature. Une quasi- rente particulière se forme quand l'entrepreneur
continue d'utiliser des matériels déjà amortis.
Les économies externes sont liées aux utilités et désutilités que les firmes se rendent
entre elles. Par exemple, elles peuvent profiter d 'un même bassin régional de main d'oeuvre
ou encore d'un journal professionnel. L'analyse de ces économies externes ainsi que des rentes
de producteurs conduit à envisager le rôle de la fiscalité ( cf.plus tard Pigou). L'Etat peut ainsi
accroitre le bien- être en taxant les branches à coût croissant et en subventionnant les branches
à coût décroissant; cette proposition est contestée par Blaug.
Le profit normal
Il rémunère le "business power in command of capital" et comport trois élèments: 'the
supply of capital, the supply of the business power to manage it, and the supply of the
organization by which the two are brought together and made effective for production'
(Principes p. 596).
22
3.2.4. Importance de l'oeuvre de Marshall.
En définitive, l'importance de l'oeuvre de Marshall se mesure surtout aux propositions
classiques de la statique microéconomique; statique qui contredit la référence évolutionnaire
de son cadre de société.
Son oeuvre sera prolongée de nombreuses façons, en particulier par Wicksteed ( 18441927) et son "Common sense of Political Economy" ... notamment avec la règle de
l'épuisement du produit et l'instauration d'une fonction de production; de même, l'information
certaine à propos du revenu marginal net...et l'idée que son utilité étant décroissante, un pari
social soit possible ( Friedman/ Savage).
La difficulté reste à connaître le mécanismes de répartition en fonction de la
productivité marginale en valeur, ce qui conduit aux règles bien connues de l'épuisement du
produit et aux fonctions de production homogènes de degré un.
Wicksteed ( Essays on the coordination of the Laws of Distribution, 1894) s'y attela en
vain et la solution sera apportée par Enrico Barone ( recension des Essays non publiée en
1895) et officiellement par Knut Wicksell ( Suédois, 1851- 1926) ( Essay on the coordination
of the Laws of distribution). Avec ces auteurs , finit de s' élaborer la problématique théorique
de la valeur et de la répartition: en particulier le problème du lien entre la nature du capital et
la productivité marginale en valeur donnera lieu à la grande controverse entre les deux
"Cambridge". Les conditions de la fondation de l'école suédoise ( Wicksell ne trouvera de
poste de professeur que deux ans avant sa retraite) pourraient être comparées à celles de
l'école marginaliste américaine avec John Bates Clark. Avec ce dernier s'élabore une nouvelle
théorie de l'entrepreneur, lui reconnaissant une rémunération spécifique, liée à sa capacité à
maîtriser le risque.
4. Les écoles « autrichiennes » : De Menger et Bohm Bawerk à Hayek.
Ouvrage de référence en français: " Hayek et l'école autrichienne", par S. Longuet, Circa,
Nathan, 1998.
Cf. "Austrian Economics", Edit: W. Grassl & Barry Smith, New York U press, 1994,
Blaug HOAE, ch 12 et aussi....Boukharine, " l'économie politique du rentier", Paris, Maspéro
(1919/ 1966).
Site WEB de référence: AHTEA
Ces écoles sont marquées par la suprématie intellectuelle de Vienne jusqu'à l'
Anschluss et à une réaction aux totalitarismes ( la plupart des auteurs se réfugieront) . Dans le
contexte austro- allemand une opposition méthodologique ( Methodenstreit) est désormais
célèbre face aux écoles historiques allemandes qui regarderont avec dédain cette "école"
fondée sur un socle philosophique aristotélicien et scolastique, loin des hauteurs de la pensée
kantienne et hégélienne. Sans prendre conscience que le Cercle de Vienne ( cf. Wittgenstein)
et le positivisme logique ou encore les travaux de Freud formeront les grandes interrogations
du XX° siècle.
Cette pensée , très isolée au cours de la suprématie keynésienne, a été ( avec les
économistes ultra - libéraux des premières chaires en économie: Leroy- Beaulieu, Gide,
Landry, Colson) très bien accueillie en France.....et détermine le retour d'une pensée antisolidariste ( ex. Laurent, "Solidaire si je le veux) dans le contexte Français des annèes 1980 et
aux USA ( Friedman junior, Rothbard etc...).
23
Le succès notamment philosophique de la pensée autrichienne tient à sa largeur de
vue, au fait qu'elle exprime un point de vue de l'homme sinon une éthique, sur un terrain
laissé vide par le débat entre macroéconomistes et socioéconomistes. L'anthropologie
économique est inévitablement hyper libérale dans la mesure où les autrichiens sont les seuls
à relier praxéologie et théorie économique, à vouloir rédiger une " science de l' homme"
appliquée aux questions économiques.
On peut donc distinguer deux générations dans la pensée autrichienne:
- Les cofondateurs qui ont travaillé à Vienne sur les problèmes de la valeur et du
capital: Karl Menger (1871), Von Wieser ( 1851- 1926), Böhm Bawerk ( 1851- 1914)
- Une seconde génération dont la plupart des auteurs ont émigré et qui développe outre
la tradition autrichienne, une philosophie ultra libérale : Ludwig Von Mises ( 1881- 1973) et
Friederich Von Hayek ( 1899- ) mais aussi M. Rothbard, L.Lachmann et Israel Kirzner.
4.1. La première génération.
Carl Menger dans les " Fondements de l'économie politique" (1871) rappelle que les
phénomènes économique sont avant tout des phénomènes humains et que la science
économique est une science ( cf. Aristote) a priori. Il faut connaître préalablement la nature
humaine des phénomènes économiques avant d' étudier les relations quantitatives.
"1. The Nature of Goods.
(1.i.1) All Things are subject to the law of cause and effect.
(1.i.2) It is impossible to conceive of a change of one's person from one state to another in any
way other than one subject to the law of causality. If, therefore, one passes from a state of
need to a state in which the need is satisfied, sufficient causes for this change must exist.
Les biens doivent avant tout satisfaire des besoins et on les distinguera selon leur
économicité ( rareté). D'où l' erreur de Ricardo et Marx qui veulent fonder la valeur des biens
sur le travail. La valeur des biens repose pour Menger sur la combinaison de l'économicité et
de l' utilité. La valeur d'usage dépend de l'utilisation indiivudelle : cf. la table de Menger. La
valeur d'échange dépend de l'importance attachée par chaque co- contractant et donc de leur
situation: échange isolé, monopole simple, concurrence pure et parfaite.
On peut ainsi classer les biens selon un ordre; un bien de second ordre peut ainsi
dépendre de l'aptitude à satisfaire les besoins d'un bien de premier ordre etc... En plus de
l'économicité, le temps joue un rôle important ; par exemple la productivité du capital est due
à l'allongement du processus de production.
Ce temps fait intervenir l'incertain:
(Principes 1.iv.11) "The greater or less degree of certainty in predicting the quality and
quantity of a product that men will have at their disposal due to their possession of the goods
of higher order required for its production, depends upon the greater or less degree of
completeness of their knowledge of the elements of the causal process of production, and
upon the greater or less degree of control they can exercise over these elements...Human
uncertainty about the quantity and quality of the product (corresponding goods of first order)
of the whole causal process is greater the larger the number of elements involved in any way
in the production of consumption goods... - that is, the larger the number of elements that do
not have goods-character".
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Menger a deux disciples de très grande valeur ( Schumpeter, p. 844): Wieser et Böhm
Bawerk.
Friedrich Von Wieser ( 1851- 1926)
Professeur à Prague puis à Vienne, publie, entre autres: Natural Value ( 1889), Social
Economics (1914).
Il approfondit les théories de la valeur d'usage , lui aussi par une table montrant la
relation entre l'utilité marginale , l'utilité totale et la valeur totale. La valeur d 'échange est
fonction de la valeur d'usage de la marchandise et du pouvoir d'achat, en particulier pour ce
dernier de sa très inégale distribution.
Il développe encore la théorie de l'imputation; celle ci met en cause l'idée de
susbstitution de facteurs dans un branche et assume que coefficients de production sont fixes
dans une branche ; ainsi la productivité marginale en valeur d'un facteur de production n'a pas
de sens dans la production mais correspond aux satisfactions tirées par le consommateur de
cette production par rapport à un accroissement fini de ce facteur.
Ainsi la valeur correspond moins à un coût de production qu'à un coût alternatif.
En définitive, l'Etat doit se donner pour but l'utilité sociale.
Böhm Bawerk. ( 1851- 1914).
Haut fonctionnaire, il sera plusieurs fois ministre des finances en Autriche. Il
enseignera très peu, à Innsbruk et à Vienne. Ses principaux écrits sont Capital et intérêt (1884)
et Théorie positive du capital (1889). On y retrouve les convictions sujectivistes, sinon
microéconomiques de la nouvelle école qui doit "réinstaurer la méthode exacte, atomistique".
" Les lois sociales que l'économie politique a pour tâche de découvrir reposent sur des
actes concordants des individus"
La valeur au sens subjectif et objectif.
"La valeur au sens subjectif est l'importance que revêt un bien ou un complexe de
biens pour le bien être d'un sujet."
" La valeur au sens objectif, par contre, est le pouvoir ou l'aptitude d'un bien à
engendrer un résultat objectif quelconque."
Il apporte de nombreuses contributions à la théorie autrichienne du capital et de
l'intérêt d'une part et sa critique théorique à la théorie du Capital de Marx.
- Capital et intérêt.
" La capital n'est autre chose que l'ensemble des produits intermédiaires qui se forment
aux différentes étapes de ce long détour".
Les méthodes détournées donnent de meilleurs résultats que les méthodes immédiates.
Elles accroissent le produit total à un taux qui diminue avec l'allongement de la période de
production. D'où le rôle primordial du taux de l'intérêt et de la période de production comme
variable dont la relation est la suivante:
L'allongement le plus rentable de la période de production est une fonction du taux de
l'intérêt. L'auteur passe en revue les raisons qui conduisent à préférer le présent pour le futur:
comportement de cigale, myopie, valeur plus importante des biens présents.Mais, son
raisonnement ne devient intéressant qu'en transponsant le problème du taux de l'intérêt à
25
l'échange de travail contre des biens de consommation. Ainsi les travailleurs déprécient le
futur à la différence des capitalistes.
Cette reflexion sur la période de production amène ( cf. le cours de dyna) à de grandes
difficultés reconnaîtra Hicks , notamment dès que l'on veut connaître la période optimale et
dès qu'il y a plusieurs techniques de production. Le problème théorique le plus intéressant est
celui de la relation entre le taux d'intérêt et les techniques de production. On constate qu'il
n'existe pas de relation certaine entre taux d'intérêt et système ( techniques) de production et
qu'un technique peut alternativement plus ou moins rentable, d'où l'idée d'un double aiguillage
( double reswitching).
- Le problème de la transformation dans l'analyse de Marx.
BB montre que la théorie du capital de Marx souffre du fait qu'elle s'appuie sur la
transformation de données historiques en variables économique: par ex/ la valeur ( quantum
de travail social) en prix ou de la plus value ( exploitation historique) en profit....or les
secondes sont présupposées par les premières.
En définitive, BB a donné les grandes lignes d'une des plus grandes autocritiques de la
théorie économique qui sera d'ailleurs poursuivie et peaufinée par le Cambridge Anglais (
Sraffa, Robinson) contre le Cambridge USA ( Samuelson).
4.2. La seconde génération: Ludwig Von Mises et F. Von Hayek.
"Les fondateurs de l'école autrichienne d'économie politique - Carl Menger, Böhm-Bawerk
et Wieser - ne se sont pas intéressés au problème des fluctuations des conjonctures. L'analyse
de ce problème devait être la tâche de la seconde génération d'économistes autrichiens."
(Ludwig von Mises, 1936).
4.2.1.Ludwig Von Mises (1881- 1973)
Il enseigne à l'Université de Vienne de 1913 à 1938 puis se réfugie à Genève et enfin
aux USA. Il écrit de nombreux ouvrages dont certains très polémiques: "Le Chaos du
planisme", "l'Etat omnipotent". Dans l'"action humaine", rédigée en 1940, il défend la
praxéologie qui "s'occupe des actions des hommes en tant qu'individus". L'individualisme
méthodologique y est défendu comme opposition entre individus et unités collectives.Il
critique le holisme comme façon de partir du tout et non de l'individu ..et avec le holisme, le
collectivisme ou la psychologie structuraliste. Il faut laisser place aux systèmes qui défendent
l'individualisme, le libéralisme et la démocratie.
L'utilitarisme est critiqué comme façon artificielle de rechercher les fondements
ultimes des choix et des actions. " Ce qui compte c'est le comportement total de l'individu",
observable par la praxéologie, notamment par les préférences révélées dans l'action.
L'individu choisit dans le temps (avec une préférence pour le présent) avec des
problèmes d'incertitude , d'anticipation, d'information limitée mais que les mathématiques ne
peuvent résoudre. D'où l'impossibilité d'établir une planification centralisée qui ne peut
remplacer des entrepreneurs libres et des propriétaires de capitaux avec de vrais signaux
comme la faillite. Au lieu de cela, on tombe dans la bureaucratie et adopte le point de vue de
l'employé subalterne.
On comprend mieux son rejet à la fois de l'équilibre général et du socialisme.
26
Sa théorie des cycles exprime un point de vue doctrinal:
"La suggestion a été faite fréquemment de "stimuler" l'activité économique, et
d'amener un "démarrage" en recourant à une nouvelle extension du crédit, qui permettrait de
mettre fin à la dépression et d'amener une reprise, ou à tout le moins le retour à des conditions
normales ; les partisans de cette méthode oublient toutefois que si elle permettait peut-être de
surmonter les difficultés de l'heure, elle aboutirait, à coup sûr, à une situation plus grave
encore dans un avenir point trop éloigné.
Il faudra bien qu'on comprenne finalement que les tentatives d'abaisser
artificiellement, par l'extension du crédit, le taux de l'intérêt qui se forme librement sur le
marché, ne peuvent aboutir qu'à des résultats provisoires, et que la reprise des affaires qui
intervient au début sera forcément suivie d'une rechute plus profonde, qui se traduira par une
stagnation complète de l'activité industrielle et commerciale. L'économie
4.2.2. Friedrich Von Hayek
Professeur à Vienne puis, après l'exil, à la London School of Economics, aux USA
avant son retour en Europe en 1962. Il obtient le prix Nobel en 1974, en même temps que
Gunnar Myrdal. Auteur hyper libéral dans la tradition autrichienne, et dont la philosophie ,
très polémique, s'exprime dans les trois tomes Droit , Législation et Liberté (1973, 1976,
1979, réedition Quadrige PUF, 1995) aux titres évocateurs:
- 1. Règles et ordre.
- 2. Le mirage de la justice sociale.
- 3. L'ordre politique d'un peuple libre.
Mais , on ne saurait oublier que Hayek est un grand théoricien de l'économie,
notamment du Capital , par exemple dans son ouvrage: Théorie pure du Capital, 1941.
L'étudiant francophone peut prendre connaissance des idées de Hayek par l'intermédiaire de
deux ouvrages en collection de poche (Agora) : " Scientisme et sciences sociales " ( à
rapprocher de Misère de l'historicisme de Popper) et " Prix et production" ( où il retrouvera le
concertina effect).
Les principaux thèmes de la pensée hayékienne seront évoqués ici.
a. L’épistémologie des sciences sociales: étudier l'action consciente de homme.
Si l'homme peut être étudié d'un point de vue mécanique et objectif par les sciences
naturelles, tel n'est pas le cas des sciences sociales qui "" sciences morales" concernent
l'action consciente ou réfléchie de l'homme...", et sont subjectives. On ne parle pas des choses
matérielles en économie en termes physique ( ex. les"petits disques ronds" qu'on appelle
monnaie), mais selon les catégories de la connaissance humaine. On retrouvera cette
conception subjective selon Hayek dans l'anthropologie linguistique de Sapir ( Scientismes et
sciences sociales, note 1, p. 41).
Les progrès de la science économique ont été liés au subjectivisme: par exemple la
prise en compte des anticipations ( ibid. p. 46); cette subjectivité a été développé par la théorie
économique "beaucoup plus clairement que la plupart des autres sciences sociales" ( ibid. p.
41).
"Avant de poursuivre l'examen des effets du scientisme sur les sciences sociales, il
convient d'examiner brièvement leur objet spécifique et leurs méthodes. Elles ne traitent pas
des relations entre les choses, mais des relations entre les hommes et les choses ou des
relations d'homme à homme. Elles ont pour objet les actions de l'homme et leur but est
27
d'expliquer les résultats de l'action humaine qui ne sont ni voulus, ni préparés." (Chapitre III
du livre Scientisme et Sciences Sociales ).
Les polémiques engagées contre le totalisme et l'historicisme ( ibid. chaptires VI et VII) sont
similaires à celles de Popper et de l'école autrichienne en général. La complexité des relations
humaines est trop élevée pour permettre le planisme. ( Ch. X). Plus généralement le calcul
économique efficace est impossible dans une économie planifiée, car la liberté est nécessaire
au système économique.
L'Etat ne doit s'occuper que de trois principes: la paix, la justice et la liberté; principes
supérieurs à toute législation.
Propositions économiques.
La déréglementation économique et monétaire.
Les prix et les salaires ne rétribuent pas les individus pour ce qu'ils ont fait que pour
leur dire ce qu'ils devraient faire ( règles de conduite). De toutes façons les actions des
individus ( différents par leurs burs, talents, connaissances) sont imprévisibles, les résultats du
jeu interindividuel sont imprévisibles "il serait absurde de demander que les résultats pour
chaque joueur soient justes".
Il faut donc éviter les entraves au libre fonctionnement du marché du travail et à une
bonne allocation des ressources.Plus généralement ( A Tiger by the tail, a 40 years running
commentary on Keynesianism, 1972), la flexibilité des prix de tous les facteurs doit être
encouragée. Il faut diminuer la réglementation monétaire quitte à privatiser la monnaie et à
rétablir la concurrence entre les monnaies. D'où la fameuse idée de la concurrence entre les
monnaies.
La structure de production
Hayek reprend les idées de BB sur le circuit temporel de production et l'importance du
détour de production, sauf sur la possiblité de calcul de la période moyenne de production,
chaque période étant incommensurable en termes purement techniques( Théorie pure du
Capital).
La structure de production est flexible et dépend seulement des anticipations des
entrepreneurs. Sur ce point, il rejoint Keynes avec qui il a entretenu des relations complexes:
en effet, après une période difficile où Hayek critique durement Keynes à propos de son
Traité sur la Monnaie, les deux auteurs se rejoignent dans une proposition de réforme
monétaire au Président Roosevelt en 1934.
Epargne et crises.
La consommation doit reposer sur une épargne préalable ( ex ante) ; à l'inverse un
supplément d'épargne par création monétaire ( ouverture de crédits aux consommateurs) ne
fera qu'augmenter les prix. Dès lors l'inflation provoquera un sacrifice involontaire de la
consommation, transgressant les préférences des consommateurs.
Cette injection monétaire diminue le taux d'intérêt en dessous du taux d'équilibre et
incite les entreprises à augmenter leurs crédits et leur production. Le problème vient de ce que
les dépenses porteront initialement sur les biens de consommation ce qui dévalorisera
relativement les biens d'investissement d'une part et favorisera les circuits courts de
production; d'où une crise de surinvestissement correspondant au conertina effect ou effet
d'accordéon.
28
L'effet accordéon
La problématique typiquement autrichienne de la période de production la plus
rentable et plus généralement du cycle, par Hayek en 1942. En période de boom, selon Hayek,
les salaires réels baissent ( le prix des marchandises s'élève plus vite que les salaires
nominaux) et les entrepreneurs ont intérêt à utiliser des méthodes de travail plus brèves et
moins "détournées". Ils substituent du travail au capital et donc la demande de machines
diminue. Globalement, il se produit un "aplatissement du capital", la longueur de la période de
production baisse. En période de dépression, les salaires réels s'élèvent et la demande de
machines reprend . Globalement l'investissement en machines ( détours de production plus
longs) et donc la longueur de la période de production augmentent. Cette démonstration
entend montrer que l'investissement ne réagit pas à des mesures incitatives du type de celles
proposées par Keynes . Mais, sorti de ce débat, on constate ( Blaug, Ch. 12) que l'"effet
Ricardo porte un nom trompeur", dans la mesure où Hayek sort des hypothèses ricardiennes.
Supposant ainsi une modification des prix relatifs des machines et du travail, il veut montrer
que la hausse des salaires entraîne une substitution du capital au travail et réciproquement,
compte tenu des variations du taux de l'intérêt. Plus globalement, la politique monétaire par
ses phases délibérées d'expansion et decontraction crée les crises, telle la crise de 1929. Cette
explication monétaire de la crise de 1929 implique que la monnaie soit neutre. La monnaie ne
saurait combler les erreurs de décision des agents économiques. Si des capacités de
production ne sont pas utilisées, cela veut dire que les agents ont effectué des erreurs
d'anticipation, le plus souvent à cause de la politique monétaire elle même.
b. Les Raisons d'un rejet.
La théorie autrichienne rejette une part majeure de la pratique des économistes: le
calcul économique et la prévision. D'autre part, elle n'est pas une théorie anthropologique.
Enfin elle mélange analyse et doctrine politique.
- 1- La largeur de vue fait passer la théorie de l'homme à une conception normative de
la société. l'indépendance politique du savant n'est plus respectée.
Il reste peu de règles a priori et morale publique dans ce système...au moins Stuart
Mill admettait un principe de non ingérence dans un strict domaine privé ( des affaires
personnelles), mais recommandait l'éducation, l' obéissance aux règles dès que les autres sont
concernés. La sanction est donnée a posteriori par le marché des actions individuelles....mais
la sanction ne sera pas la même compte tenu des handicaps de départ ( sexe, revenu, famille
d'origine, etc....) et donc aucune justice n'est admissible en matière de calcul économique.
La littérature passe de la polémique scientifique à la polémique politique: Le Chaos du
planisme, l'Etat omnipotent. Dans l'"action humaine", rédigée en 1940, il défend la
praxéologie qui "s'occupe des actions des hommes en tant qu'individus". L'individualisme
méthodologique y est défendu comme opposition entre individus et unités collectives.Il
critique le holisme comme façon de partir du tout et non de l'individu ..et avec le holisme, le
collectivisme ou la psychologie structuraliste. Il faut laisser place aux systèmes qui défendent
l'individualisme, le libéralisme et la démocratie.
L'utilitarisme est critiqué comme façon artificielle de rechercher les fondements
ultimes des choix et des actions. " Ce qui compte c'est le comportement total de l'individu",
observable par la praxéologie,notamment par les préférences révélées dans l'action.L'individu
choisit dans le temps ( avec une préférence pour le présent) avec des problèmes d'incertitude ,
d'anticipation, d'information limitée mais que les mathématiques ne peuvent résoudre. D'où
l'impossibilité d'établir une planification centralisée qui ne peut remplacer des entrepreneurs
29
libres et des propriétaires de capitaux avec de vrais signaux comme la faillite.Au lieu de cela,
on tombe dans la bureaucratie et adopte le point de vue de l'employé subalterne.
On comprend mieux son rejet à la fois de l'équilibre général et du socialisme.
Les polémiques engagées contre le totalisme et l'historicisme ( ibid. chapitres VI et
VII) sont similaires à celles de Popper et de l'école autrichienne en général. La complexité des
relations humaines est trop élevée pour permettre le planisme ( Ch. X). Plus généralement le
calcul économique efficace est impossible dans une économie planifiée, car la liberté est
nécessaire au système économique. L'Etat ne doit s'occuper que de trois principes: la paix, la
justice et la liberté; principes supérieurs à toute législation.
- 2- Un excès d'universalité.
Murray Rothbard affirme que Von Mises travaille dans un cadre kantien. L'action
humaine , selon Von Mises est universelle. Elle peut différer en contenu ( cf. Lévy Bruhl)
d'une société primitive d'une société moderne, mais la " structure formelle et la logique "
restent les mêmes:
" La structure logique de la pensée est uniforme, avec les hommes de toute race, âge,
et de tous pays."
De ce point de vue, Von Mises reste fidèle à sa critique du "polylogisme". Mais on
s'étonne de le voir confondre les impératifs hypothètiques ( comme moyens d'arriver à des
fins), typiques de l'altérité et les impératifs catégoriques ( le devoir de survivre). S il existe des
impératifs catégoriques, les moyens d'y arriver et donc la forme logique différeront. Tel est le
sens des modalités des préférences. Un système lexicographique fort diffère logiquement d'un
système de liberté à l'indifférence.
Le traumatisme causé par le Methodenstreit semble avoir déformé la pensée
autrichienne , notamment la pensée de Von Mises. Ainsi, si la rationalité ( et de façon
générale) est universelle, les formes de cette logique peuvent se modifier, spécialement dans
l'ordre économique, selon les sociétés. Sans remettre en cause l'universalité, celle- ci ne prend
toute sa valeur qu'en mettant en valeur la richesse des alterités.
- 3- Une foi naïve dans le marché et la catallaxie..
Les problèmes: l'anthropologie n'est pas forcément libertarienne.
La pensée autrichienne sombre dans l'idéologie libertarienne, sinon dans la jungle
d'une société biologique aux "règles a posteriori". Il ne suffit pas de dire que la société est un
jeu prévisible, il faut en mesurer les conséquences, notamment les situations de violence. Le
contexte de la menace totalitaire semble trop prégnant et les circonstances actuelles de fin de
siècle sont différentes avec le triomphe du marché depuis l'écroulement du socialisme. La
guerre n'est elle pas un aboutissement du marché, le totalitarisme et ne peut on que regretter ?
La question d'un marché triomphant est que les conséquences de son règne sont
connues ( chômage, triomphe du financier/ économique, exclusion) et que le problème résulte
d'un manque de règles a priori. Le sommet du libertarianisme semble atteint avec l'idée que la
société humaine est complexe ( catallaxie) et ne saurait se réduire à des mécanismes; d'où un
certain anarchisme scientifique dans la conception de la micro- économie. Comment dés lors
en déduire des lois ou des conclusions libertariennes ?.
Une société de nature ?
Les prix et les salaires ne rétribuent pas les individus pour ce qu'ils ont fait que pour
leur dire ce qu'ils devraient faire ( règles de conduite). De toute façon les actions des individus
( différents par leurs buts, talents, connaissances) sont imprévisibles, les résultats du jeu
interindividuel sont aléatoires "il serait absurde de demander que les résultats pour chaque
joueur soient justes". La monnaie ne saurait combler les erreurs de décision des agents
économiques. Si des capacités de production ne sont pas utilisées, cela veut dire que les
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agents ont effectué des erreurs d'anticipation, le plus souvent à cause de la politique monétaire
elle même.
La sanction est le prix à payer pour l'usage de notre liberté, mais cela présuppose la
liberté de nos comportements. La sanction pourra porter sur les parties déterminées de notre
comportement : sexe, origine familiale, race, etc....
- Une théorie qui n'est pas anthropologique. Et pourtant... la théorie autrichienne fait
référence à l'anthropologie soit à Lévi Bruhl ( Von Mises, 1949), soit à Sapir ( Hayek). Mais,
elle n'est pas anthropologique ni au sens d'une interrogation sur l'homme par son a priorisme (
l'action de l'homme est rationnelle et révèle ses préférences) , ni au sens d'une interrogation
sur la condition humaine en niant toute altérité. Enfin, le plus surprenant tient dans le fait que
la pensée autrichienne et la pensée institutionnaliste se rejoignent explicitement ( Samuels,
1995) dans l'auto- organisation et la complexité, dans l'appel à une conception a- posteriori
des normes. Mais, comment en conclure que la liberté étant sortie de cet ordre ,elle est le
meilleur des ordres ? La prémisse n'est pas forcément vraie; assiste t-on à la réussite de la
liberté ? est- elle le meilleur des ordres et de quelle liberté s'agit -t-il ? Enfin on peut critiquer
la méthode hypothétique des économistes, dite "constructiviste", mais peut on inférer d'un
ordre réel des conclusions rélles, par quel miracle Hayek a t- il rencontré une réalité
économique ou sociale à opposer aux inévitables hypothèses de la démarche scientifique. On
retrouve là les mêmes errements dénoncés chez leurs adversaires, marxistes ou freudiens, un
appel non dissimulé à l'objectivité des structures économiques ou mentales.
Conclusion
Avec le programme de l'équilibre général de l’équilibre général/ optimum, on peut
considérer que la théorie néo classique atteint son apogée. Ce programme ne saurait résumer
la diversité des approches. L'approche philosophique des autrichiens tend à se développer
actuellement sur des bases différentes de l'utilitarisme et ne se retrouve pas dans l 'équilibre
général, particulièrement dans ses utilisations planificatrices.
Les grandes critiques sont venues à la fois de la théorie classique et de l'intérieur de la
théorie néo classique.
- La première a trait à la séquence valeur --> répartition --> prix, notamment à la
liaison entre la productivite marginale en valeur et la valeur du capital. De ce point de vue les
débats sur la théorie du capital, liés à son hétérogénéité, n'ont pas perdu en intensité.
- La seconde est venue des autrichiens avec le théorème du double reswitching et l'idée
que la liaison entre le taux de profit ( interêt) et le classement des techniques ne peut être
établi.
- Le problème de la constance des rendements, en faisant admettre l'idée d'une courbe
d'offre plate ( infiniment élastique) ( Sraffa, 1925/ 1926), remet en cause la loi symétrique de
l'offre et la demande de Marshall ( 1890).
- La courbe en U, enfin, symbole de l'unité de la firme, est elle même sujette à caution
si l'on remet en cause la possibilité de faire concorder les deux phases ( rendement croissant et
rendement décroissant).
- La dernière critique, enfin, est venue des théoriciens du choix collectif. L'échange n'a
de sens que si l'on présuppose que le marché permet d'agréger les préférences; le théorème
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d'impossiblité générale permet de voir qu'il n'en est rien, sous les normes conventionnelles (
UPID) de la théorie économique.
La théorie néo classique reste puissante si elle respecte ses règles d'asbtraction: un
cadre de concurrence pure et parfaite, microéconomique, statique, réel (neutralité de la
monnaie), fermé. Le fait de lever une de ces contraintes du raisonnement en supposant soit
une fonction subrogée de production macro (Samuelson) , soit en rétablissant une politique
monétaire (Friedman) ou encore en voulant intégrer le développement en économie ouvert,e
fragilise le raisonnement en voulant le rendre plus réaliste.
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