chapi tre 3 - fonds pour la recherche en ethique economique

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Chapitre 3. La pensée néo classique. L’échange
1.La pensée néo classique. Unité ?
2. La lignée franco- italienne
3. Aperçu de la pensée anglaise: de Jevons à Alfred Marshall
4. Les écoles "autrichiennes": De Menger et Bohm Bawerk à Hayek.
Si la pensée classique ,dans sa version anglaise notamment, a un sens du point de vue
de l'histoire de la pensée économique, la pensée dite "néo classique" a une représentation
beaucoup plus floue. L'expression est utilisée quelquefois indifféremment pour désigner la
pensée dite dominante ( mainstream) ou encore la pensée formalisée, avec de nombreuses
confusions.
La pensée néo- classique ( La révolution de 1871)
On peut déceler une unité thématique à partir de l'équilibre et du marché; on sera
surpris de la diversité de cette pensée, ne serait ce que dans sa naissance: trois branches, à
savoir la branche anglophone, la branche franco- italienne et enfin la branche autrichienne.
On emploie le terme néo classique pour désigner une pensée qui reprend certains
termes de la pensée classique ( par ex. les rendements décroissants), mais en retire tout ce qui
sort de l'analyse économique. Un certain nombre de variables exogènes seront donc retirées,
notamment les préjugés agronomique ou démographique. Elle englobe la pensée classique en
ayant une vision plus large de l'échange.
La pensée néo classique ne se confond pas avec le marginalisme ( le coeur de la
théorie de l'équilibre est axiomatique), ni avec l'utilitarisme ( qui ne concerne pas des auteurs
tels que les autrichiens ou encore Samuelson), ni encore avec le libéralisme: depuis Walras et
les ingénieurs économistes français jusqu'aux concepteurs du socialisme, la pensée dite néo
classique aura une largeur d'application étonnante.
1. Unité ?
Révolution néo classique ? Ou révolution marginaliste ? cette idée est traitée dans
l'ouvrage de Blaug, chapitre 8. Il s'agit d'un bon exemple de "découverte multiple" que l'on
peut penser aléatoire ( idée absolutiste) dans la mesure vers 1870, trois auteurs publient
simultanément: Menger, Jevons, Walras, de façon non coordonnée.
Carl Menger ( 1870): "Fondements de l'économie politique"; Stanley Jevons ( 1871):
"Theory of political economy". Léon Walras ( 1874): "Eléments d'économie politique pure".
Mais Blaug nous met en garde; cette révolution est relative non seulement à une
réaction contre le marxisme ,l' école historique allemande,et surtout contre le positivisme (
Comte) . Elle témoigne surtout d'un changement de méthodologie par incorporation des
mathématiques.
1.1.Quelques repères historiques
Peut on parler d'une "école" ? Souvent plus un raccourci ou une commodité de la
pensée économique, le plus souvent à usage polémique. On comprend donc mieux pourquoi
une telle étiquette est abolie au profit des "classiques" au sens étendu de Keynes.
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Ainsi quand on évoque des précurseurs à une telle école, on privilégie soit
l'utilitarisme ( Bentham, 1789; Stuart Mill, 1848) soit le calcul à la marge ( Von Thünen,
1824; Heinrich Gossen, 1854, Auguste Cournot, 1861) soit le libéralisme.....( tous les
classiques ?) soit encore la rémunération des services producteurs ( J.B. Say)
1.2. Philosophie générale
On retrouve les principes de la pensée classique, notamment l'utilitarisme sauf dans la
pensée Hayekienne qui s'en démarque. Mais encore , il faut faire très attention aux
confusions: les courants de l'utilitarisme (cf. les typologies d'A.Sen) sont très nombreux:
conséquentialisme, utilitarisme des règles, utilitarisme par la somme pondérée des utilités.....
Dans certains cas, la philosophie peut être sociale sinon socialiste ( cf. les
économistes/ ingénieurs) ou au contraire libérale ( ex. les économistes libéraux de l'université
française ). Souvent des rapprochements sont faits à propos de Kant, compte tenu de
l'hypothèse de rationalité, mais il s'agit là d'un paradigme beaucoup plus large et que refuse d'
accepter la pensée libertarienne. En fait Kant s'oppose à l'hédonisme simplifié des
économistes , à l' hétéronomie de la personne.
Quelques hypothèses favorisent le raisonnement: hédoniste notamment ou encore
l'idée d'une continuité des biens. Ou encore l'individualisme méthodologique souvent
caricaturé à travers l'homo oeconomicus , le nominalisme (la sociétéest la somme des
comportements individuels), le refus de l'histoire ( par opposition à l'école historique
allemande), le refus de la sociologie ( par opposition à Auguste Comte)....ce qui n'empêche
pas Marshall d'effectuer de larges emprunts à la sociologie organiciste spencérienne.
1.3. Méthode
L'économie ( cf. Walras, distinction entre économie pure, appliquée et sociale)
s'affirme comme une science autonome. Elle s'affirme d'autant plus abstraite qu'elle se veut
générale et neutre. Ainsi la méthode marginaliste sera utilisable autant dans une économie
capitaliste que socialiste. Cette abstraction permet l'économie d'effort ( Cf. le physicien Mach)
et requiert une analyse de plus en plus mathématique. Néanmoins de larges emprunts sont
effectués à la ographie ( carte d'indifférence) ou encore à la logique déductive(
particulièrement après la WW2) et aux mathématiques. L'emprunt le plus contesté étant celui
effectué auprès de la psychologie. Néanmoins, les procédés de raisonnement de Debreu sont
très proches de ceux de Sraffa et l'on comprend mieux que l'on ait ( Hahn, 1984) fait de
Sraffa, un cas particulier de cette économie.
1.4. Une ou des idéologies ?
L'équilibre hors de tout surplus donne à penser que l'on présuppose le meilleur des
mondes en oubliant les problèmes de répartition sinon d'exploitation. Mais la société de
Debreu est composée de..... ménages propriétaires de leurs moyens de production.
En fait, les écoles reflètent les problèmes de l'époque, par ex. les autrichiens ( le
capitalisme rentier), Walras ( négation du profit), Pareto ( conception élitiste,cf...), ( Marshall
le salaire de l'entrepreneur), ( Clark, le risque de l'entrepreneur) etc....
15. Le paradigme reconstruit
Il commence avec l'examen séparé de la demande ( autrichiens, Menger) et de l'Offre (
Jevons) réunis par Marshall ( 1890) dans la problématique de l'équilibre partiel et généralisé
par Walras (1874) avant les prolongements sur l'optimum avec Pareto et le bien être ( Pigou).
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La synthèse est effectuée par Arrow/Debreu/MacKenzie (ADM)en 1954 avant les grandes
critiques ( Sraffa, 1960 et l'autocritique impulsée par Arrow avec les choix collectifs, puis les
reflexions sur le déséquilibre).
Le coeur néo classique…
Le cadre : la séquence valeur-répartition- prix dans une problèmatique d'équilibre de marché (
et non plus des seules conditions de la production).
La finalité de l'économie est l'hédonisme, la recherche du bonheur individuel, l'échange
volontaire dans un contexte de rareté, la non saturation .
La méthode correspond à l'utilité marginale avec ses contraintes ( continuité et substitution) ,
son adéquation au calcul différentiel,
Un double résultat : l'EG équivaut à l'optimum au sein d'un marché concurrentiel. L'équilibre
partiel d'O/D, compte tenu des préférences, des dotations et de la technologie.
Une portée éthique : l'optimum , le bien- être, les compensations et donc la réversibilité.
Des institutions justes: concurrence pure et parfaite et liberté du marché.
La valeur d'un bien est égale à la rareté subjective d' un bien .
Principe d'imputation, la demande d'un facteur dépend de la quantité demandée de biens qu'il
produit.
La dichotomie économie réelle/ monétaire .
16. Quelques grands débats
La fonction macroéconomique de production (Samuelson- Solow, 1956) et l'hypothèse
d'homogénéité du capital.
Les théories du capital et de l'intérêt: Bohm Bawerk, Capital et Intérêt, 1884.
Les débats sur la répartition: Wicksteed ( 1894): l'épuisement du produit; JB. Clark (
1898), the distribution of Wealth.
Le problème logique de la séquence Valeur ----> Répartition----> Prix est également
au centre de cette pensée.
Trois lignes:
- Lignée "autrichienne" de Menger (1871) et Von Wieser ( 1884) à Bohm Bawerk
(1884,) Von Mises en aboutissant à Hayek auxquels on peut adjoindre I Fisher (1930) ou
encore le suédois Wicksell.
- Lignée Franco italienne avec Walras, puis Pareto.....aboutissant à Debreu/ Arrow et
Maurice Allais
- Lignée anglo saxonne avec Jevons, Marshall, puis Pigou....avant le retour des vrais
classiques : Lucas etc..?
2. La lignée franco- italienne
Elle s'inscrit dans un contexte intellectuel français marqué par le positivisme comtien
dont l'anti- économisme est latent et dans une fracture croissante entre les économistes-
ingénieurs travaillant pour l' Etat et les universitaires ultra- libéraux. Elle pose les problèmes
de l'équilibre général avec Walras ( 1874) et Pareto ( 1900) et trouve sa solution logique avec
Debreu ( 1960).
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2.1. Le courant de pensée Walrasien
La pensée d 'Auguste à Léon Walras est restée méconnue à cause de son rejet par l
'école libérale française. Une édition complète des oeuvres de Walras (14 volumes) a été
effectuée par le Centre Walras de l' Université de Lyon II aux éditions Economica.
Une présentation très pédagogique est effectuée par G. Deleplace (1999) dont nous
nous inspirons ici.
à Evreux, fils de son père Auguste , lui même professeur d'économie (théoricien de la
rareté), il aura des difficultés à intégrer une école d'ingénieur et deviendra critique d'art avant
de postuler à des postes de professeur d'économie dans les universités française qui lui seront
refusés. De ce fait, il enseignera à Lausanne à partir de 1870 (d'où le nom d'école de
Lausanne)et publiera la première édition des " Elèments d'économie politique pure et
théorie de la richesse sociale" en 1874 qui , au part théorie de l'échange, sera complétée en
1877 par une théorie de la production, de la capitalisation et du crédit et enfin en 1900 par une
théorie de l'épargne et de la monnaie. Walras aura peu de chances dans son pays, ainsi que ses
disciples immédiats, et il se consolera en pensant que 50 années seraient nécessaires pour une
future reconnaissance.
Il publiera aussi des Etudes d'économie sociale ( 1896) et Etudes d'économie appliquée (
1899).
Les études d' économie sociale ont trait à la "théorie de la répartition de la richesse sociale".
En fait il effectue de nombreuses propositions, notamment par rapport à la terre. P. 348 , il
propose un impôt unique sur les fermages et s'intitule "néo- physiocrate". Il s'en détache en
proposant une "nationalisation" des terres par rachat sous forme d'obligations auprès des
propriétaires fonciers. Evidemment les professeurs de Paris, conservateurs par définition,
étaient mélinistes .Walras et "son" disciple Aubertin paieront très cher cette conception de la
richesse sociale.
Lettre à " La Revue Socialiste "(1896): "Mon but est de faire dire un jour que j'ai su être
socialiste en restant un libéral".
Il justifie par le monopole naturel l'étatisation des chemins de fer ou des canaux:
"La conclusion des réflexions qui précèdent est assez évidente. L'État peut et doit intervenir
dans l'industrie des chemins de fer, et cela à un double titre:
parce que le service des chemins de fer, en ce qui concerne les transports des services ou
produits d'intérêt public, est lui-même un service public;
parce que le service des chemins de fer, en ce qui concerne le transport des services ou
produits d'intérêt privé, est un monopole naturel et nécessaire qui, comme monopole privé, ne
serait fondé ni en droit ni en intérêt et qui, par conséquent, doit être érigé en monopole d'État
économique. A ce dernier titre, le monopole des chemins de fer devrait être exercé purement
et simplement, soit par l'État soit pour son compte, au prix de revient. Mais au premier titre,
et vu le caractère particulier de l'industrie des chemins de fer, cette condition doit être
entendue dans un sens plus large qu'il ne paraît au premier
abord." (L'ÉTAT ET LES CHEMINS DE FER ,mémoire 1875)
A de nombreuses reprises, il est question dans l'oeuvre de Walras, de l 'homme
"personne morale", libre et responsable qu'il différencie de l'individu qui est une abstraction.
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2.1.1. La théorie de l'échange et de la production
- Dans un cadre de concurrence pure et parfaite ( avant d'envisager l'oligopole), Walras
étudie l'équilibre entre quantité d' offre et quantité de demande et les rapports d'échange ou
prix relatifs. Walras n'étudie pas la valeur d'usage, mais la valeur comme combinaison de
l'utilité et de la rareté qui sera " l'utilité du dernier besoin satisfait" ( Cf. Jevons le degré final
d'utilité), les besoins décroissant en fonction des quantités, d'où la loi de l'égalisation des
utilités marginales pondérées aux prix des facteurs. En fait, il traite successivement de la
"détermination mathématique des produits" et de celle du prix des services producteurs.
-Dans une économie d'échange pur, les quantités disponibles des biens sont données et
leurs prix sont proportionnels aux utilités marginales (16 premières leçons).
Les prix ou rapports d'échange sont égaux aux rapports inverses des quantités de
marchandises échangées:
Pa / Pb = Mb/Ma
- Dans une économie de production qu'il introduit ensuite, on examine les services
producteurs qui doivent être distingués des ressources qui les produisent, lesquelles forment le
capital. Il reprend les acquis de Say ( services producteurs) .
- les capitaux fonciers ou terres qui fournissent les services fonciers - par ex. la
fertilité.
- les capitaux personnels ou personnes qui fournissent les services personnels ou
travaux.
- les capitaux mobiliers ou capitaux proprement dit qui fournissent des services
mobiliers.
Ces services producteurs ont un prix qui résulte du marché tel qu'il se déroule entre
possesseurs de capitaux et entrepreneurs qui les consomment pour produire des marchandises.
On retrouve un système de production et un prix de production tel que le prix de vente
de chaque produit est égal à son prix de revient en services producteurs.
2.1.2. L'équilibre général
a. Cadre du raisonnement:
-la concurrence pure et parfaite, impliquant que le profit soit nul .
-une économie statique: l'équilibre général est un équilibre simultané sur tous les
marchés interdépendants.
- le principe de dichotomie: une économie " réelle", en prix relatifs une
marchandise sera choisie comme numéraire.
- La centralisation des échanges analogue à la Bourse: un processus de tatonnement
avec un crieur tel qu'il n'existe pas d'échange effectif en dehors de l'équilibre, sinon des bons
provisoires.
- En fait, un gigantesque système de troc : tous les biens sont liquides et
immédiatement échangeables.
- Deux postulats : le postulat de nomenclature ( la liste des biens est donnée) et celui
du numéraire ( un bien est choisi pour normer la valeur des autres biens).
b. Objectifs.
On recherche les quantités échangées et les prix d'équilibre tel que les individus
obtiennent le maximum de satisfaction.
- L'équilibre sur chaque marché est double pour ce prix d'équilibre:
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