15-Auteurs

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Chapitre 15. LES GRANDES FIGURES DE LA PENSEE NEOCLASSIQUE
La théorie néoclassique (parfois nommée théorie marginaliste) est apparue dans les années
1870. Le terme « néoclassique » fut employé pour la première fois par Veblen en 1900.
La théorie néoclassique (TNC) est aujourd’hui dominante. Elle correspond à ce qu’on
enseigne sous le nom de « microéconomie ». Une partie de l’analyse macroéconomique
repose aussi sur la TNC (ce qu’on appelle le modèle « classique » en macroéconomie et les
développements qu’il a connus avec le monétarisme ou les anticipations rationnelles).
1. Les fondateurs
La TNC a été simultanément fondée de façon indépendante par trois auteurs : Jevons, Menger
et Walras.
Carl Menger (1840-1921) est autrichien. Il fait des études de droit et de sciences politiques. Il
commence sa vie professionnelle comme journaliste, puis devient à partir de 1873 professeur
d’université.
Il publie en 1871 Principes d’économie (à 31 ans). Il écrira en 1875 un second livre Méthode
des sciences sociales appliquée en particulier à l’économie, où il tente de défendre son
approche contre les critiques de l’école historique allemande.
Menger est cependant moins représentatif que Jevons et Walras de ce que va devenir la TNC.
Ce n’est pas un scientifique, il n’utilise pas les mathématiques. Il n’étudie pas les échanges et
la formation des prix. Mais c’est un auteur important pour le développement de la théorie
subjective de la valeur et de l’utilité.
William Stanley Jevons (1835-1882) est anglais. Il fait des études de chimie et
mathématiques. Il commence sa carrière comme ingénieur (en Australie), puis devient
journaliste à son retour en Angleterre. Il devient professeur (de logique, de philosophie
mentale et morale) en 1866 à Cobden College (Manchester) puis professeur d’économie à
Londres (University College) à partir de 1876.
Jevons a beaucoup écrit et dans des domaines très divers : sur la logique, sur la méthode
scientifique, sur l’économie Dans le domaine économique ses contributions sont nombreuses :
- Sur des questions d’économie appliquée (la question du charbon en Angleterre, sur le prix
de l’or, sur les relations de travail...)
- Sur la théorie du cycle (1878) : les taches solaires.
Son ouvrage principal (celui au titre duquel il est reconnu comme fondateur de l’école
marginaliste) est Theory of Political Economy (1871)
Léon Walras (1834-1910) est français. Il suit des études d’ingénieur (externe à l’École des
mines après un échec à polytechnique) où il n’excelle pas. Son père était lui-même
économiste.
Après ses études il se découvre un véritable intérêt pour les sciences sociales. Il est journaliste
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de 1859 à 1862, notamment au Journal des économistes. Il donne ensuite des conférences sur
diverses questions sociales, notamment dans le milieu coopératif. En 1865 il est co-fondateur
d’une banque coopérative dont il est directeur jusqu’à sa faillite en 1868. Il devient alors
employé d’une banque privée. Il tente en vain d’obtenir une chaire d’économie en France. En
1870, il est recruté comme professeur d’économie par l’université de Lausanne. Il consacre
dès lors sa vie à l’enseignement et la recherche.
Son livre le plus connu : Eléments d’économie politique pure. Première édition 1874, révisé
au cours des éditions successives (1877, 1889, 1902). Il a écrit aussi divers articles ainsi que :
- Etudes d’économie sociale (1896)
- Etudes d’économie appliquée (1898).
2. Les précurseurs
Augustin Cournot (1801-1877). Peut-être un fondateur plus qu’un simple précurseur.
Formation scientifique. Carrière de recteur dans deux académies. Auteur de divers ouvrages
dont le plus connu est Recherches sur les principes mathématiques de la théorie des richesses
(1838) qui n’aura aucun succès et qu’il tentera de reformuler sous forme littéraire en 1863
dans Principes de la théorie des richesses. Il construit une fonction de demande (loi du débit)
et propose une théorie formalisée de la formation des prix, dont la particularité par rapport
aux néoclassiques ultérieurs réside dans le fait qu’il étudie le monopole puis le duopole et en
dernier lieu seulement la concurrence. Sa théorie du duopole est encore enseignée
aujourd’hui.
(Walras a lu Cournot).
Arsène Jules Dupuit (1804-1866), un ingénieur économiste de l’école des ponts et chaussées.
Son métier l’amène à traiter des questions de choix des investissements publics. Il s’interroge
à cette occasion sur les critères des choix publics et des choix des consommateurs. Il introduit
dans ce cadre le concept d’utilité variable selon les consommateurs et variable selon les
quantités consommées. On trouve aussi dans ses travaux ce que Marshall appellera le surplus
du consommateur. Ces concepts figurent dans des écrits d’économie appliquée :
1844 : De la mesure de l’utilité des travaux publics
1849 : De l’influence des péages sur l’utilité des voies de communication.
Remarque. On compte en réalité plusieurs « ingénieurs économistes » issus de l’école des
Ponts et Chaussés qui innovent pour résoudre des problèmes d’économie appliquée
concernant les décisions publiques de création d’infrastructures (canauxx, routes…) parmi
lesquels Joseph Minard et Henri Navier.
Hermann Heinrich Gossen (1811-1858). Allemand. Dans un ouvrage publié en 1854, il
développe le thème de l’utilité marginale décroissante et l’idée que le consommateur cherche
à maximiser son bien-être à travers l’échange.
Heinrich von Thünen (1783-1826). Allemand. Publie L’Etat isolé (premier tome paru en
1826). Précurseur de l’analyse marginaliste de la production et de la répartition. On devine
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dans ses écrit le rapport entre la rémunération des facteurs de production et leur productivité
marginale.
3. Quelques grands auteurs du développement de la pensée néoclassique jusqu’au milieu
du XXe siècle
On peut (un peu artificiellement) distinguer trois tendances. Ces tendances sont liées à des
noms de pays, mais certains économistes se rattachent à une tendance sans être de la
nationalité de son fondateur.
3.1. L’école de Cambridge
Elle va être dominée jusqu’à l’entre-deux guerres par la figure d’Alfred Marshall (18421924), titulaire de la chaire d’économie à Cambridge. Ses Principes d’économie dont la
première édition date de 1890 seront la bible de la formation des étudiants anglais jusqu’à
Keynes. Caractéristiques :
- Approche d’équilibre partiel : on étudie l’équilibre sur un marché, ou les décisions d’un
consommateur, d’une entreprise ou d’une branche sous la condition « ceteris paribus ».
- Une vision de l’évolution de la science économique qui privilégie l’idée de continuité
(Marshall ne rejette pas tout l’héritage classique).
- Un intérêt pour les questions appliquées (le cycle, la monnaie, la redistribution). Mais pas de
traitement systématique (le projet d’étude des formes de concurrence oligopolistique ou du
monopole restera embryonnaire).
- Un style autant littéraire que mathématique.
Arthur Cecil Pigou (1877-1959) succède à Marshall à la chaire d’économie politique de
Cambridge et prolonge l’oeuvre du maître. Il reste célèbre aujourd’hui pour deux
contributions :
- une formulation de la théorie quantitative de la monnaie
- sa contribution à l’économie du bien-être (économie publique). L’école anglaise reconnaît
certaines défaillances du marché ou la divergence possible entre intérêt privé et intérêt social
(notamment à cause des externalités) et étudie les techniques permettant d’y remédier.
On peut citer aussi Francis Edgeworth (1845-1925) qui bien que travaillant en équilibre
partiel introduira des outils repris dans la mouvance de l’équilibre général.
3.2. L’école de Lausanne (les héritiers de Walras).
Caractéristiques
- Approche en terme d’équilibre général (prise en compte simultanée de tous les agents et tous
les marchés)
- Branche la plus abstraite et la plus formalisée de la théorie néoclassique.
Nombreux représentants. Les successeurs immédiats de Walras :
Vilfredo Pareto (1848-1923), italien qui hérite de la chaire d’économie politique à Lausanne.
Théorie de l’efficacité (optimum de Pareto).
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Knut Wicksell (1851-1826). Maîtrise bien l’équilibre général, mais a des liens aussi avec
l’école autrichienne et s’intéresse comme les Anglais à l’économie publique. Hétérodoxe par
certains de ses écrits. Fondateur de l’école suédoise.
Plus tard :
John Hicks (1904-1989) qui sera un des premiers Anglais à prolonger l’analyse en termes
d’équilibre dès les années 30 (Value and Capital 1939). Auteur inclassable par ailleurs du fait
de son éclectisme en matière d’inspiration théorique.
La formulation moderne de la théorie de l’équilibre général est due à Kenneth John Arrow et
Gérard Debreu (articles écrits séparément ou ensemble dans les années 50).
3.3. L’école autrichienne
Quelques noms parmi d’autres :
Eugen von Böhm-Bawerk (1850-1914)
Ludwig von Mises (1881-1973)
Friedrich Hayek (1899- 1992)
A partir des années 1930, cette école devient dissidente par rapport au courant néoclassique
central, à tel point qu’il vaut peut-être mieux la considérer comme un courant spécifique,
distinct de ce que l’on entend habituellement par « école néoclassique ».
=> Elle se distingue sur le plan de la méthode avec un discours de plus en plus critique sur
l’utilisation des mathématiques et sur la transposition aux sciences sociales des méthodes des
sciences physiques (en particulier critique de la prédominance donnée à la notion d’équilibre)
=> C’est une école qui soutient le libéralisme le plus extrême alors qu’on trouve sur cette
question un éventail de positions variées chez les autres NC.
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Pour une brève introduction à la pensée néoclassique, on peut consulter notamment les
chapitres 6 et 7 de Alexandre Fernandez, Des classiques aux néoclassiques, Ellipses, 1997.
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