Luxembourg, le 23 mars 2009. La catastrophe financière et

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Luxembourg, le 23 mars 2009.
La catastrophe financière et boursière de ces derniers mois, ainsi que la gravissime crise
économique qui en a découlé a conduit nombre de commentateurs aux Etats-Unis, voire
d’ailleurs, à comparer ce qui est arrivé à l’économie US à un véritable Pearl Harbour
économique. Mais comme on le sait, Pearl Harbour fut un événement isolé avec l’attaque
surprise par l’aviation japonaise le 7 décembre 1941 de la flotte du Pacifique de l’US Navy.
Ici, l’encerclement de toutes parts de l’économie américaine, avec l’effondrement successif
des plus grands fleurons de la finance US et mondiale, le plongeon du PIB de -6,20% en
rythme annuel en T4 2008 aux Etats-Unis, la destruction phénoménale d’emplois aux US,
avec la remontée du chômage à 8,10% de la population active, la récession économique la
plus terrible depuis les années 30, le nihilisme des ménages US dans leurs dépenses,
notamment en biens durables avec la quasi-disparition des commandes de nouvelles voitures,
etc...conduisaient bien à un retour inéluctable à la Grande Dépression des années 30. Du
moins, comme l’ont annoncé les docteurs « Doom and Gloom », en citant les fameux
« imbalances » de l’économie US : endettement vertigineux des ménages, spéculations
effrénées sur l’immobilier, inflation de la valeur des actifs financiers, déficits budgétaires et
de la balance commerciale records, etc…etc…
Bref, la chronologie des événements depuis le quatrième trimestre 2007, marquant le haut des
marchés aux Etats-Unis, avec ce côté, non de soudaine attaque, mais d’effondrement de toutes
les lignes de défense, nonobstant les mille milliards de $ déversés par la Fed et les autres
banques centrales dans le monde entier nous fait penser en termes militaires, non à Pearl
Harbour, mais à l’opération Barbarossa à partir du 22 juin 1941 qui a amené la Wehrmacht
jusqu’à Stalingrad à la fin de l’été 1942.
Les pires prédictions allaient se réaliser. Le « fameux » groupe de réflexion GEAB ( Global
European Anticipation Bulletin) n’a-t-il pas prévenu que le monde allait rentrer dans une
phase de « dislocation géopolitique globale » (!), avec des troubles sociaux tellement
importants dans des zones à risques que nous verrions immanquablement des déplacements de
populations des zones où les armes à feu circulent en abondance, comme l’Amérique du Nord
vers l’Europe ? que les Etats-Unis allaient connaître une Très Grande Dépression et que
l’Europe subira une récession d’une ampleur inconnue ? De fait, on peut constater que les
fabricants d’armes de poing aux USA comme Smith and Wesson ont vu leur cours de bourse
pratiquement quadrupler ( !) depuis octobre.
Face à la violence de l’effondrement boursier, un sentiment de panique extrême s’est emparé
des investisseurs, reflété par une multitude d’indicateurs. Ainsi le fameux AAII survey
(American Association of Individual Investors) qui reflète chaque semaine le sentiment
Kriegswende ?
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positif ou négatif des investisseurs individuels aux Etat-Unis a atteint un pic de pessimisme
jamais observé depuis la création de cette enquête hebdomadaire, avec un pourcentage record
de plus de 70% de personnes interrogées qui étaient pessimistes, contre seulement 18%
d’optimistes sur les perspectives d’évolution des marchés pour les mois à venir, ce
pourcentage ayant été atteint début mars. Immanquablement, dès lors que nous avons pris
connaissance de ce sondage, nous est venu à l’esprit qu’en mars 2000, un sondage similaire
fait par CNN et mentionné par le présentateur Lou Dobbs faisait état que les investisseurs US
s’attendaient à un return moyen de leurs investissements en bourse d’au moins 30% par an
pendant les 5 prochaines années !
Donc, pendant les deux premiers mois de cette année, jusqu’au 9 mars, avec l’avalanche
quotidienne de mauvaises nouvelles sur le front économique, a-t-on pu constater que l’indice
Eurostoxx 50 E avait baissé de -32 % ( !) entre le 6 janvier et le 9 mars, aux Etats-Unis,
l’indice S&P 500 a enfoncé tous les supports pour chuter dans le même laps de temps
d’environ -29%. Rien ne pouvait donc arrêter cette marche inéluctable vers l’abîme.
Et pourtant encore, il y a eu un précédent similaire, puisqu’entre début 2003 et le 12 mars
2003, l’Eurostoxx 50 avait baissé d’environ -27%. Mais lorsque nous évoquions le passé
pour remettre dans leur contexte les événements récents, on nous répondait invariablement :
« This time is different » !. Face à cette remarque, nous nous référons tout aussi
invariablement à la phrase de l’historien Marcel Bloch : « L’incompréhension du présent naît
fatalement de l’ignorance du passé. ».
La messe était donc dite : plus rien ne pouvait arrêter la chute des bourses et l’effondrement
de l’économie mondiale !... la chute de Stalingrad était inéluctable, comme le pensèrent alors
les généraux de la Wehrmacht.
Et pourtant : de-ci, delà, quelques timides bourgeons semblaient émerger de cet hiver d’un
bear market destructeur. Voilà que les statistiques de ventes au détail aux US ont montré
qu’en janvier, la consommation des ménages a été révisée à la hausse de +1,8% vs. 1%
auparavant, en février, celle-ci n’a reculé que de -0,1% vs. -0,50% attendus. Les ventes
d’écrans LCD ont progressé fortement en février 2009 et les professionnels s’attendent à une
hausse supplémentaire des ventes en mars. En France et encore plus en Allemagne, grâce à la
généreuse « Abwrackprämie » de 2.500 du gouvernement Merkel, il y a eu une « ruée » sur
les concessions automobiles en janvier et février. De même, tout à coup, les banques
responsables de leur propre ruine, par la voie de leurs CEO, se mettaient à déclarer que les
résultats de T1 2009 allaient être positifs, comparables même à leur niveau de T1 2007 pour
Citigroup, dixit son PDG. Les CEO de Bank of America et JP Morgan ne furent pas en reste
pour exprimer le même optimisme. Warren Buffett a confirmé leurs propos en estimant que
les institutions financières, où il détient des participations importantes, comme US Bancorp et
Wells Fargo seront fortement bénéficiaires d’ici trois à cinq ans.
Le président de la Fed, Mr Bernanke, fortement critiqué de toutes parts, a déclaré
« timidement » qu’il estimait que l’économie américaine pourrait redémarrer fin 2009 ou en
2010, mais évidemment, aucun des docteurs « Doom and Gloom » n’accordait le moindre
crédit à ses déclarations. Et pourtant : le plan tant décrié du secrétaire au Trésor, Mr Geithner
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concocté avec la Fed pour faire naître une « super BadBank » destinée à reprendre les actifs
pourris des banques US avec la participation de capitaux privés sera bien mis en oeuvre. Le
Trésor US a décidé de mettre le paquet avec un trillion de $ sur la table dans cette entité pour
nettoyer les bilans des banques, afin qu’elles puissent reprendre leur activité d’intermédiation
et éliminer la suspicion qui pèse encore sur leur bilans. En outre, le président de la Fed a
décidé de faire acheter par la Fed pour 300 milliards de $ les bons du Trésor US afin de
maintenir les taux longs à des niveaux faibles et a déclaré tranquillement lors d’une de ses
rares interviews que la Fed allait faire fonctionner la planche à billets (!), pour ne pas faire
porter la charge de l’effort gigantesque en faveur du système financier US sur le seul dos des
contribuables américains. Avec une inflation estimée nettement inférieure au trend
« souhaité » à long terme, la Fed a de la marge de manœuvre. Comme le dit Warren Buffet
toujours, les remèdes qui ont été administrés dans le passé avec une cuillère le sont
désormais par baril entier ! L’une des conséquences fâcheuses, pour lui, « down the road »
sera une résurgence de l’inflation. De fait, avec l’injection de trillions de $ dans les rouages de
l’économie, avec des plans de relance mis en oeuvre dans chaque pays important de l’OCDE,
nous avons le plus grand mal à adhérer au scénario de la flation des années 30, telle que
formulée par les doctes analystes qui ont une fâcheuse tendance à énoncer les scénarios les
plus noirs au plus bas des marchés, en prolongeant la tendance récente, sachant que ce sont les
mêmes, peu ou prou, qui ont annoncé les lendemains qui chantent, lorsque les indices
tutoyaient les sommets. Quand les autorités monétaires US sont aussi déterminées, cela nous
rappelle l’énergique Paul Volcker qui au début des années 80 a réussi à casser l’inflation
galopante aux Etats-Unis. Le prix à payer fut alors une sévère récession mais la récompense
fut le plus gigantesque bull market de tous les temps entre 1982 et 2000. Don’t fight the Fed
est la devise qui nous semble appropriée.
Pour agrémenter cette note d’analyse de quelques graphiques, nous faisons ci-après une
synthèse de ce que nous avons déjà écrit dans nos notes hebdomadaires sur la gestion de la
sicav-fis proposée aux clients institutionnels, professionnels ou avertis.
1) En ce qui concerne les PE ratios des marchés US, les docteurs Bear des marchés ont
clamé qu’il faille attendre que le PE ratio sur le S&P 500 atteigne un niveau de 8, avec
un rendement de 6% environ, avant que le marché puisse avoir atteint son point bas.
Multiple madness
Price-to-earnings ratio of
S&P 500 companies slips
below levels seen
in past recessions (though
some were marked by high
inflation).
2)
Recession
P/E at stock-
market bottom
2007-
10.6
4
2001
19
1990-1991*
13
1981-1982*
8
1980*
7
1973-1975*
7.5
1969-1970
14
1960-1961
16
1957-1958
12
1937-1938
11
1929-1933
15
1907-1908
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3) *Periods when inflation touched 6% or more
Data: NBER, Morgan Keegan, FactSet, Thomson Reuters, Robert Shiller's
"Irrational Exuberance
4) Or, un point majeur qu’il faut garder à l’esprit : dans les années 70 et au début des
années 80, l’inflation était très forte, nettement au-dessus de 6% l’an. En conséquence,
les bénéfices des sociétés pouvaient être plus élevés en nominal. Une forte baisse des
cours, mais bien moindre que celle observée depuis 17 mois aux US, conjuguée à des
earnings gonflés par l’inflation explique le faible PE ratios des points bas des cycles
baissiers de cette période.
5) En prenant les périodes les plus baissières de bear market des années 30 (1929-1932
et 1937-1938) on s’aperçoit que les PE ratios actuels sont en ligne, voire inférieurs aux
PE des points bas de l’époque.
6) L’analyse des marchés uniquement basée sur « l’obligation » d’atteindre des PE
nettement inférieurs à 10 est donc fortement sujette à caution.
En Europe, nous observons simplement que depuis le top du 20 juin 2007 marquant la fin du
cycle de rebond haussier datant de mars 2003, l’indice Eurostoxx 50 E ainsi perdu plus de
61% ! en moins de deux ans. Les adeptes des nombres de Fibonacci y verront le signal de la
fin de la baisse, une correction de 62% étant considérée en principe comme le maximum
envisageable dans un cycle haussier de très long terme. Quoi qu’il en soit, notre expérience
nous enseigne que si les arbres ne montent pas jusqu’au ciel, les indices ne tombent pas non
plus à zéro ! le phénomène de « reversal to the mean » s’applique toujours dans le temps.
Un simple calcul basique sur le CAC 40 nous incite à être confiants pour le cycle à venir :
Comme on le sait, le CAC 40 a été créé le 31 décembre 1987 avec une base à 1.000. En
prenant le point bas atteint le 9 mars à 2.465 points et sans tenir compte des dividendes
réinvestis, on aboutit à une progression en intérêts composés sur 21 ans et un peu plus de deux
mois de seulement +4,35% par an ! ce qui n’a objectivement rien d’exagéré surtout si on tient
compte de l’inflation sous-jacente sur la période. On aboutit alors à une progression très faible
en termes réels, très loin de la rémunération « normalisée » d’une classe d’actifs risquée.
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Maintenant, en distinguant la sous-période qui a amené le CAC 40 jusqu’au point culminant
de 6.945 points (!) le 4 septembre 2000, on s’aperçoit que sur cette période de moins de 13
ans, le CAC 40 avait progressé alors de +16,50% par an !. On peut donc « intuitivement »
réaliser qu’après une période « d’abnormal positive returns », on ait connu une période
inverse « d’abnormal negative returns ». Donc la période de 2000 à 2009 a largement corrigé
les excès de la période précédente. De nombreuses études ont démontré la réalité du
phénomène de « reversal to the mean », l’article récent sur les primes de risque publié par
Bertrand Jacquillat du cabinet Associés en Finance allant dans ce sens.
Cette analyse sommaire peut être complétée par le graphique suivant de l’évolution de la
bourse américaine depuis 1825 (!), repris du cabinet GFI et dont la source est Yale
University.
On constate clairement que 2008 a constitué une sorte « d’outlier » en termes statistiques et
que l’année dernière a été exceptionnelle dans la baisse, puisque seulement en 1931, on a
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