Bien entendu, cet «accord de paix» n’a pas fait l’unanimité dans le mouvement
syndical, parce qu’il prévoyait une clause de maintien de la paix sociale. Autrement dit,
les travailleurs et leurs syndicats devaient renoncer à la grève, tandis que les
employeurs renonçaient aux mesures de lock-out.
Cet accord a marqué une étape très importante sur la voie du partenariat social, tel
qu’il est né et s’est développé dans les nombreuses CCT de l’après-guerre.
Le système de sécurité sociale des travailleurs repose sur deux grands piliers. Ce sont
d’une part les CCT, soit des conventions collectives de branche négociées entre les
associations patronales et les syndicats, et d’autre part la législation sur le travail et la
législation sociale, qui règlent le cadre politique du contrat de travail et le système de
sécurité sociale (prévoyance vieillesse, assurance-chômage, assurance-accidents,
etc.). Cette législation est d’autant plus importante que seule la moitié des travailleurs
en Suisse bénéficient de la couverture d’une CCT.
Les CCT ont pour but de régler par voie contractuelle les intérêts divergents des
employeurs et des travailleurs d’une branche, d’améliorer progressivement leurs
conditions de travail et de régler autant que possible, par la voie de négociations
menées de bonne foi, les éventuels conflits entre les employeurs et le personnel.
Ainsi, le partenariat social et les CCT représentent dans le système suisse un pilier
essentiel au niveau de la réglementation de branche des conditions de travail et des
salaires. Or le bon fonctionnement d’une réglementation ne dépend pas seulement de
la teneur des CCT, mais aussi et surtout de la qualité de leur exécution, soit de la
volonté de faire respecter sur le terrain le contenu des accords. L’exécution commune,
notamment dans le cadre de commissions paritaires communes aux employeurs et aux
syndicats, est un label de qualité d’un partenariat social vécu au quotidien.
Dans le passé, les CCT n’allaient pas de soi pour les employeurs – même si depuis
longtemps, la Suisse est célébrée comme «pays du partenariat social».
Au contraire, les CCT en vigueur aujourd’hui sont le fruit d’une décennie d’âpres luttes.
Nous avons constaté par notre expérience que les employeurs ne nous ont jamais fait
de cadeau, quand il s’agissait d’améliorer la protection collective des salariés. Au
contraire, nous n’avons enregistré des succès que lorsque le mouvement syndical était
suffisamment fort dans les branches et au sein des entreprises. A chaque fois, c’est le
rapport de forces entre les employeurs et les syndicats qui a été déterminant. Le
partenariat social a toujours été et reste un bras de force.
Les relations entre les employeurs ou leurs associations faîtières et les syndicats sont-
elles toujours réglées dans l’esprit de partenariat social qui fait la fierté de la Suisse? Si
vous me posiez la question, je serais bien obligé de vous donner une réponse très
critique, sur la base des expériences de ces 20 dernières années: