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LE MINEUR ET SON DOSSIER MEDICAL
Dans toute l’Europe, le mineur est la personne qui n’a pas atteint l’âge de dix huit ans.
Les décisions et responsabilités le concernant sont exercées par ses parents ou un tuteur.
Les parents représentent le mineur dans le cadre de l’autorité parentale et cette autorité est
conjointe.
Les parents prennent donc, entre autres, les décisions médicales, tant celle de consulter et
donc de choisir le patricien que celle d’accepter un traitement voir une intervention
chirurgicale.
Ce sont les parents qui reçoivent, au nom de leur enfant mineur, les informations
nécessaires qui détermineront leur consentement éclairé.
Ce qui se conçoit facilement quand le mineur est un enfant devient cependant moins évident
quand ce mineur est adolescent, et donc capable de comprendre ce qui lui arrive et d’avoir
une opinion tant sur le choix du patricien que sur la décision ou type de traitement et à fortiori
sur une décision chirurgicale.
Comment la loi sur le droit des patients a-t-elle résolu ce problème ?
1. La loi applicable
La loi applicable aux droits du patient du 22 août 2002 prévoit que le patient a droit, de la
part du praticien professionnel, à toutes les informations qui le concernent et peuvent lui être
nécessaires pour comprendre son état de santé et son évolution probable.
Concernant le mineur en particulier, les droits fixés par la loi sont exercés par les parents
exerçant l’autorité sur le mineur ou par son tuteur (article 12, § 1).
Mais : « suivant son âge et sa maturité, le patient est associé à l’exercice de ses droits. Les
droits énumérés dans cette loi peuvent être exercés de manière autonome par le patient
mineur qui peut être estimé apte à apprécier raisonnablement ses intérêts ». (article 12, § 2).
C’est par l’analyse des travaux parlementaires que l’on peut comprendre la notion de
« patient mineur qui peut être estimé apte à apprécier raisonnablement ses intérêts ».
2. Les travaux préliminaires sur la question spécifique des droits du mineur
1) Prémices du projet de loi :
Au départ, le texte proposé au Conseil des Ministres par le Ministre COLLA fixant à 14 ans
l’âge à partir duquel les mineurs auraient eu les mêmes droits que les majeurs.
En deçà, les droits des mineurs auraient été exercés conjointement par les deux parents.
2) L’exposé des motifs du projet de loi :
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Par contre, l’exposé des motifs du projet de loi (DOC 50 1642/001, p. 40) ne mentionne
aucun critère d’âge et précise que :
« Conformément au droit commun (article 372 et suivants du Code Civil), l’article 12 § 1er,
dispose que les droits d’un patient mineur sont exercés par les parents exerçant l’autorité sur
le mineur ou, le cas échéant, par le tuteur, si le mineur n’a pas de parents exerçant l’autorité
sur lui.
De manière générale, on admet que le patient mineur ne peut pas être totalement mis sur la
touche mais qu’en fonction de son âge, de son degré de maturité, il doit être associé à
l’exercice de ses droits, conformément à l’article 12 § 2. Cela signifie que le patricien
professionnel détermine au cas par cas, dans le cadre de ses contacts avec le mineur, s’il
est opportun d’associer le patient mineur à l’exercice de ses droits et, le cas échéant, suivant
quelles modalités. Suivant l’âge et le degré de maturité du mineur, il est possible que le
patricien professionnel constate que le mineur, en dépit du fait qu’il ne dispose pas de la
capacité civile pleine et entière au sens juridique, soit quand même capable dexercer lui-
même ses droits en matière de santé. Dans ce cas, le mineur exerce ses droits (individuels)
en matière de santé sans l’intervention de ses parents ou, le cas échéant, de son tuteur ».
Il faut remarquer que l’avant-projet et le projet de loi sont sensiblement différent du texte
actuel de la loi puisqu’il était prévu que :
« Suivant son âge et sa maturité, le patient est associé à l’exercice de ses droits. S’il s’avère
apte à exercer ses droits lui-même, il peut le faire sans l’intervention de ses parents ou de
son tuteur ».
L’amendement a été adopté (Rapport, Doc 50 1642/012, p. 97).
3) Autres propositions de loi :
Plusieurs propositions de loi relatives au droit du patient faisaient une distinction entre les
mineurs de plus ou de moins de 14 ans (Rapport, Doc 50 1642 /012).
Elles n’ont pas été adoptées.
4) Propositions d’amendement au projet de loi :
MM Luc Paque et Jean-Jacques Viseur ont déposé l’amendement 17 (Doc 50 1642/5)
tendant à préciser que le mineur âgé de 14 ans et plus est associé à l’exercice de ses droits.
Dans les cas strictement énumérés par la loi, ce mineur exerce seul ses droits.
En cas de conflit entre le mineur et ses représentants légaux et le patricien, c’est le juge de
la jeunesse ou le président du tribunal de première instance qui est compétent ;l
M. Paque est d’avis que l’article 12 est rédigé de manière trop vague. De quelle manière le
patricien va-t-il apprécier l’aptitude du patient mineur ? La disposition ne précise d’ailleurs
nullement qu’il lui appartient d’apprécier cette maturité. Qu’en sera-t-il en cas de conflit
entre les parents et le patricien sur l’appréciation de la maturité de l’enfant ?
Mme Magda De Meyer (SP.A) donne raison à M. Paque lorsqu’il fait remarquer que le texte
de l’article ne précise pas qu’il appartient au patricien de juger de la maturité de son patient
(Rapport, p.95).
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5) Réponse de la ministre et solution adoptée : appréciation du patricien (Rapport,
pp.95-96).
Au cours du débat devant la commission sur l’article 12, et en réponse aux propositions
d’amendement précitées, la ministre confirme qu’il appartient au patricien de juger de la
maturité de son jeune patient. Elle signale que le Traiinternational sur les droits de
l’enfant, que la Belgique a ratifié, interdit la fixation d’une limite d’âge.
En cas de conflit entre les parents et le pratricien, on pourra d’abord faire appel à la fonction
de médiation et si aucune solution n’intervient, il faudra s’adresser aux autorités judiciaires.
En règle générale, si le patient est mineur, ce sont ses parents qui décident (§1er). Toutefois,
si le patricien l’en juge capable, le mineur peut exercer lui-même ses droits (§2).
Mme Yolande Avontroodt (VLD) attire l’attention de la commission sur le fait qu’un médecin
peut être très conservateur dans son jugement sur la maturité de son patient.
M. Hubert Brouns (CD&V) estime qu’il y a lieu de préciser un âge dans cet article mais qu’il
faut donner des indications au médecin afin qu’il puisse tenir compte de la maturité du
patient qui peut varier selon l’âge.
Il demande si un patient âgé de 16 ans peut refuser un traitement que lui proposent ses
parents en revendiquant son âge ?
L’âge de 16 ans n’est pris en compte qu’en ce qui concerne le droit à entretenir des relations
sexuelles.
Le ministre répond qu’étant donné que le projet se fonde principalement sur les relations
entre le patient et le patricien, il va de soi que c’est le patricien qui jugera de l’aptitude du
patient mineur à exercer ses droits.
* * *
En conclusion, selon l’esprit de la loi, il appartient au patricien d’apprécier si le mineur est
« apte » à exercer seul ses droits, sans être limité ou tenu par un critère d’âge.
* * *
Très clairement, la norme de droit renvoie à l’appréciation du médecin, seul maître à bord.
Le médecin peut donc, en âme et conscience, décider de donner au mineur l’information
claire, complète qui permettra au mineur d’apprécier le traitement ou l’intervention envisagée
au regard de données que le médecin lui expliquera.
Le médecin peut décider seul de proposer au mineur une intervention et lui expliquera les
thérapies alternatives, les risques encourus, et le bénéfice escompté.
Le médecin peut décider (sous la réserve de contre-indication thérapeutique) d’aborder avec
son jeune patient ou patiente la question de la douleur, des séquelles éventuelles.
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Il semble bien que dans ce cadre strictement médical, la relation de confiance patient-
médecin l’emporte sur la notion d’autorité parentale.
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La loi n’a pas prévu, que du contraire, une hiérarchie d’autorité qui ferait en sorte que les
parents pourraient s’opposer à la décision du médecin d’informer directement le mineur de
sa situation de santé.
Dans le cadre de l’information, la solution légale en application combinée des articles 12/2 et
7 relative à l’accès au dossier médical, est bien d’accorder au mineur dont le médecin a pu
apprécier la maturité, un droit d’accès à son dossier médical, dans les mêmes conditions
qu’un adulte.
Hormis la question de l’information, les questions sensibles ne sont pas résolues pour autant
et nous allons examiner plusieurs hypothèses qui démontrent les limites de l’autonomie
relative du mineur.
Le texte de la loi contient une contradiction interne puisque l’article 12 § 2 dit à la fois que
dans certains cas le patient est associé à l’exercice de ses droits et que ces droits peuvent
être exercés de manière autonome.
Associé suppose effectivement que l’information lui soit donnée mais en accord avec les
parents et que la décision soit en quelque sorte collégiale.
Autonome ouvre un tout autre champ de discussion et nous amène à la question de conflit
possible entre des décisions.
Conflit entre père et mère ;
Conflit entre mineur et parent ;
Conflit entre mineur et médecin ;
Conflit entre père et mère ; ce conflit se règle dans le cadre de l’autorité parentale.
Article 373 et 374 (RTDF, 3/1995, p. 436 et 437).
Article 373 :
« Lorsqu’ils vivent ensemble, les père et mère exercent conjointement leur autorité sur la
personne de l’enfant.
A l’égard de tiers de bonne foi, chacun des père et mère est réputé agir avec l’accord de
l’autre quand il accomplit seul un acte de cette autorité sous réserve des exceptions prévues
par la loi.
A défaut d’accord, le père ou la mère peut saisir le tribunal de la jeunesse.
Le tribunal peut autoriser le père ou la mère à agir seul pour un ou plusieurs actes
déterminés. »
Article 374 :
Lorsque les pères et mère ne vivent pas ensemble, l’exercice de l’autorité parentale reste
conjoint et la présomption prévue à l’article 373, alinéa 2, s’applique.
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Voir en ce sens ‘Actualités de Droit de la Jeunesse, Larcier 2005, CVP, 10/2005, page 194).
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A défaut d’accord sur lorganisation de lhébergement de l’enfant, sur les décisions
importantes concernant sa santé, son éducation, sa formation, ses loisirs et sur l’orientation
religieuse ou philosophique ou si cet accord lui paraît contraire à lintérêt de l’enfant, le juge
compétent peut confier l’exercice exclusif de l’autorité parentale à l’un des père et mère.
Il peut aussi fixer les décisions d’éducation qui ne pourraient être prises que moyennant le
consentement des père et mère.
Il fixe les modalités selon lesquelles celui qui n’exerce pas l’autorité parentale maintient des
relations personnelles avec l’enfant. Ces relations ne peuvent être refusées que pour des
motifs très graves. Celui qui n’exerce pas l’autorité conserve le droit de surveiller l’éducation
de l’enfant. Il pourra obtenir, de l’autre parent ou tiers, toutes informations utiles à cet égard
et s’adresser au tribunal de la jeunesse dans l’intérêt de l’enfant.
Dans tous les cas, le juge détermine les modalités d’hébergement de l’enfant et le lieu il
est inscrit à titre principal dans les registres de la population. »
L’autorité parentale conjointe, système légal qui s’applique par défaut à l’ensemble des
parents quelque soit leur état (marié, divorcé, séparé, célibataire) est un système de co-
responsabilité appelé également co-parentalité.
Les décisions importantes concernant l’éducation de l’enfant et donc sa santé doivent être
prises de commun accord et :
« Le principe légal de l’exercice conjoint de l’autorité parentale par le père et la mère de
l’enfant sapplique en principe dans toute situation juridique quelconque ». (J.L. Renchon,
RTDF, 1995, p…).
Mais, comme le souligne l’auteur, le domaine des initiatives ou des décisions qui ne peuvent
être prises par une des parents sans le consentement préalable de l’autre parent parce
qu’elles entraveraient l’exercice des prorogatives de ce parent, est relativement restreint.
Il s’agit du choix d’une école, d’un mouvement de jeunesse, le recours à un traitement
médical particulier.
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Mais le médecin, lui en face d’un seul parent, peut se considérer comme le tiers de bonne foi
et se contenter de l’autorisation d’un seul des parents du mineur.
Sa bonne foi sera peut être ébranlée parce qu’il apprend au cours des entretiens avec le
mineur et/ou le parent. La évocation d’un conflit potentiel doit l’amener à s’abstenir de toute
décision sauf urgence (JLR-RTDF 1995, p.385).
Il faut ici introduire une nuance importante.
Autant le cadre de l’autorité parentale fait en sorte que chaque parent à un droit égal à faire
valoir son point de vue en cas de conflit portant sur une décision médicale importante (droit
français), autant il est aberrant de soumettre à la censure d’un tribunal, le droit d’accès des
parents au dossier médical de leur enfant.
Chacun des deux parents doit savoir comment évolue la santé de son enfant et il a le droit
d’une information complète via l’accès au dossier médical.
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Et donc pas la simple consultation du pédiatre ou du généraliste.
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