dept de medecine generale / universite paris diderot trace d

DEPT DE MEDECINE GENERALE / UNIVERSITE PARIS DIDEROT
TRACE D’APPRENTISSAGE
Nom et prénom de l’étudiant auteur de la présente trace : DENARIE Aurélien
Nom et prénom du tuteur : BARUCH Dan
Numéro du semestre du DES au cours duquel cette trace a été produite : 4
Date de réalisation de la trace : 18/11/15
Le maître de stage du stage concerné par cette trace a-t-il évalué cette trace ? : Non
COMPETENCES VISEES PAR CETTE TRACE
Compétence 1 : Prendre en charge un problème de santé en soins de premier recours
Compétence 2 : Communiquer de façon efficiente avec le patient et/ou son entourage
Compétence 9 : Se préparer à l'exercice professionnel
Si votre tuteur estime que cette trace mérite d’être publiée sur le site en tant que trace
remarquable, acceptez vous qu’elle le soit : Oui
L’enfant I., un garçon de 8mois, consulte dans la nuit aux urgences pédiatriques pour fièvre
évoluant depuis 5 jours.
Les parents ont vu leur médecin traitant le 2e jour de fièvre : le diagnostic de rhinopharyngite
a été retenu. Il lui a été prescrit du paracétamol et une désobstruction rhinopharyngée au
sérum physiologique.
La fièvre persiste au 5e jour aux alentours de 38°5-39°.
Il ne présente ni diarrhée ni vomissement.
Il ne mange pas bien mais boit bien les biberons d’eau proposés par ses parents. Il n’a pas eu
de frissons. Il ne revient pas de voyage et il n’y a eu pas de contage dans son entourage.
L’examen clinique retrouve un état général conservé, sans signe clinique de déshydratation et
une bonne hémodynamique.
Sa fréquence cardiaque est de 130/min, sa fréquence respiratoire de 35/min, sa saturation en
oxygène est de 98% en air ambiant.
L’auscultation cardio-pulmonaire et la palpation abdominale sont normales. L’enfant est bien
tonique.
Les tympans ne sont pas vus à cause de bouchons mous de cérumen. L’examen de la gorge
retrouve une pharyngite modérée.
Devant l’âge de l’enfant et la fièvre persistante, j’évoque en premier lieu une otite moyenne
aiguë non collectée non objectivable et/ou une pyélonéphrite aiguë.
Je prescris alors un bilan biologique et un examen des urines.
Il retrouve un syndrome inflammatoire modéré avec une CRP à 30mg/L, une PCT à 0,69
microg/L.
La Numération Formule Sanguine est normale.
Le recueil des urines est fait par une poche urinaire. I. touche la poche avec sa main pendant
que l’infirmier lui pose. Ce dernier ne la change pas, ce que le père me fait remarquer par la
suite.
L’examen cyto-bactériolgique des urines (ECBU) retrouve une leucocyturie à 5.10^4/mL et
l’examen direct retrouve de nombreux Bacilles Gram Négatifs.
J’explique alors aux parents mes hypothèses diagnostiques mais les prévient qu’il y a très
probablement une infection urinaire type pyélonéphrite aiguë. Je demande leur accord, que
j’obtiens pour l’injection de Ceftriaxone, qui traitera aussi une otite moyenne aiguë si elle est
présente.
Je leur fais un bon de consultation pour aller voir l’ORL dès le lendemain matin pour
déboucher les conduits auditifs et voir s’il y a une otite et reconvoque l’enfant pour une
deuxième injection d’antibiotiques et réalisation d’une échographie rénale et des voies
urinaires.
Vingt-quatre heures après, je revois l’enfant aux urgences pédiatriques.
Il est apyrétique et toujours en bon état général. Il a réussi à bien manger au domicile.
Le père me tend le compte rendu de consultation de l’ORL : otite moyenne aiguë bilatérale.
Le laboratoire n’a pas encore rendu l’examen direct entier : seul « présence de BGN »
apparaît sur le compte-rendu.
Je l’informe, après avis de ma chef, que vais prescrire une 2e injection de ceftriaxone avec de
l’amikacine.
C’est alors que le père refuse : il pense que son enfant n’a qu’une otite. Deux infections en
même temps lui semblent peu probables. D’autant plus que son fils a mis ses doigts dans la
poche à urines, il craint une contamination du prélèvement urinaire.
Ses explications me perturbent : effectivement, je suis assez d’accord avec sa démarche
diagnostique, je ne m’attendais pas à une telle réaction. Je suis embêté.
Cependant, une contamination des urines me semble peu probable. Nous aurions plutôt une
fausse leucocyturie et plusieurs germes à l’examen direct ne donnant pas d’infection urinaire.
Le père a également peur des effets indésirables des antibiotiques pour son fils.
Il me demande de les lui citer : allergie potentiellement grave pour la ceftriaxone notamment ;
insuffisance rénale aiguë et surdité pour les aminosides ne lui donne pas envie d’accepter.
Je demande renfort à ma chef de nouveau, me sentant impuissant face à cette situation.
Elle réussi à obtenir un compromis : si l’échographie rénale est normale, nous ferons un relais
per os pendant 8 jours d’antibiothérapie, et nous les rappelleront avec les résultats définitifs de
l’ECBU.
L’échographie rénale est normale, le petit sort sous Céfixime per os 8 jours.
Le lendemain, le laboratoire rend le sultat de l’ECBU : présence d’Escherichia Coli à 10^7
UFC/mL. L’antibiogramme montre que le germe est multisensible. J’appelle le père pour lui
confirmer la pyélonéphrite et que l’antibiotique per os marche bien. Il dit culpabiliser d’avoir
refuser l’antibiothérapie parentérale la veille. Je le rassure.
Problématiques
1) Le père, dans cette histoire, joue le rôle de décideur de la santé de son enfant ; il
s’improvise même médecin.
Quelle place les parents ont-ils dans la décision thérapeutique pour leurs enfants ?
Quelles sont les limites de leur pouvoir de décider d’un point de vue légal ?
L’enfant peut-il refuser un soin s’il est en mesure de l’exprimer ?
2) Plus largement, quels sont les avantages et inconvénients au modèle « patient-
décideur » ?
Quel modèle de relation médecin-malade est la référence en France ?
3) Quel est le traitement actuel recommandé des pyélonéphrites chez le nourrisson ?
L’antibio-résistance des germes responsables d’infections urinaires s’est-elle modifiée
ces dernières années ?
1a) Quelle place les parents ont-ils dans la décision thérapeutique pour leurs enfants ?
L’Article 371-1 du Code Civil, modifié par la loi du 4 mars 2002 dit :
« L’autorité parentale est un ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité l’intérêt de
l’enfant. Elle appartient aux père et mère jusqu’à la majorité ou l’émancipation de
l’enfant pour le protéger dans sa curité, sa santé et sa moralité et pour assurer son
éducation, et permettre son développement dans le respect dû à sa personne.
Les parents associent l’enfant aux décisions qui le concerne, selon son âge et son degré de
maturité ».
Les parents donnent donc leur consentement aux soins dans l’intérêt de leur enfant.
Cet article représente un progrès pour le respect de l’enfant et de son intérêt quand il est mal
compris ou ignoré voire bafoué par son entourage.
Les parents divorcés ou séparés exercent en commun l'autorité parentale et ils doivent tous
deux être prévenus et consultés pour une décision grave concernant leur enfant.
L'article 372-2 du Code Civil précise néanmoins « qu'à l'égard des tiers de bonne foi, chacun
des parents est réputé agir avec l'accord de l'autre, quand il fait seul un acte usuel de
l'autorité parentale relativement à la personne de l'enfant ».
On peut conclure que le consentement d’un des deux parents doit être obtenu pour les soins,
sauf dans le cas de soins urgents.
En pratique, l’accord des deux parents est requis pour les soins plus lourds, tels qu’une
chirurgie sous anesthésie générale.
D’après l’article 42 du Code de Déontologie Médicale concernant les soins aux mineurs :
« Un decin appelé à donner des soins à un mineur doit s’efforcer de prévenir ses parents
ou son représentant légal et d’obtenir leur consentement.
En cas d’urgence, même si ceux-ci ne peuvent pas être joints, le médecin doit donner les soins
nécessaires.
Si l’avis de l’intéressé peut être recueilli, le médecin doit en tenir compte, dans toute la
mesure du possible. »
L’article 43 du Code de Déontologie médicale, lui, s’intéresse à la défense de l’intérêt des
enfants.
« Le médecin doit être le défenseur de l’enfant lorsqu’il estime que l’intérêt de sa santé est
mal compris et mal préservé par son entourage. »
Le médecin peut alors prendre la responsabilité de réaliser le soin urgent sans consentement
préalable des parents puis les tenir informé le plus tôt possible.
Le médecin a donc une responsabilité morale tant vis à vis des parents que vis à vis de
l’enfant qui l’invite à dépasser en tant que thérapeute sa simple intervention technique.
Dans ces situations délicates où « l’intérêt de l’enfant est mal compris et mal préservé par son
entourage », le médecin pourra demander l’intervention du ministère public, dont nous
parleront dans le paragraphe suivant.
1b) Quelles sont les limites du pouvoir de décider des parents d’un point de vue légal ?
o Refus de soins des enfants par les parents
Si les parents peuvent refuser des soins pour eux-mêmes au titre de leur liberté individuelle,
ils demeurent les garants de la santé de leur enfant. En cas de maltraitance ou de refus obstiné
de soins face à un enfant blessé ou malade, le médecin peut saisir le Procureur de la
République au titre de la protection de l’enfance en danger (Code civil, article 375).
Le Juge des enfants, saisi en assistance éducative, sera compétent s’il existe un conflit à
propos de la santé du mineur entre les titulaires de l’autorité parentale et le médecin et que ce
conflit met en danger la santé du mineur. Le danger devra pour cela être certain, réel et
sérieux. Dans un premier temps, le Juge tentera de jouer un rôle de médiateur entre le
médecin et les titulaires de l’autorité parentale (Code de procédure civile, article 21).
Une Ordonnance de Placement Provisoire peut être faite pour réaliser les soins nécessaires
à l’enfant pour une période maximale de 6 mois.
En cas d’échec, le Juge des enfants pourra prendre une décision autoritaire portant atteinte à
l’exercice de l’autorité parentale. Plusieurs situations peuvent ainsi justifier le recours à
l’institution judiciaire : pratique de transfusions sanguines nécessaires à la survie de mineurs
malgré l’opposition des parents pour raisons religieuses ; faillance des parents du fait de
leur absence ou de l’impossibilité de pouvoir les contacter dans les délais nécessités par
l’intervention médicale ; carence des parents s’abstenant de prendre position face à la
nécessité d’une intervention médicale ou incompétence des parents en raison de leur propre
état de santé.
Les professionnels de la santé doivent s'adresser au Tribunal avant de donner des soins à un
enfant de moins de 14 ans dans les situations suivantes:
Les parents ou le tuteur refusent sans justification valable de consentir aux soins requis par
l'état de santé de l'enfant.
Les parents ou le tuteur sont dans l'impossibilité de donner leur consentement, par exemple
lorsqu'il y a une situation d'urgence.
Les soins demandés ne sont pas requis par l'état de santé de l'enfant, mais ils représentent un
risque sérieux pour sa santé ou peuvent causer des effets graves et permanents.
o Secret médical
Un mineur peut bénéficier d’un examen médical confidentiel dès lors que le secret n’est pas
susceptible de compromettre gravement sa santé ou sa sécurité. Il peut s’agir de problèmes
liés à l’intimité et à la sexualité de la personne mineure ou de maltraitance physique ou
psychologique.
Pour sauvegarder le secret médical du mineur vis à vis des parents, le médecin peut donc,
dans l’intérêt de l’enfant, ne pas recueillir le consentement des parents, comme le dit l’Article.
L.1111-5 du code de la santé publique : « Le médecin peut se dispenser d'obtenir le
consentement du ou des titulaires de l'autorité parentale sur les décisions médicales à
prendre lorsque le traitement ou l'intervention s'impose pour sauvegarder la santé d'une
personne mineure, dans le cas cette dernière s'oppose expressément à la consultation du
ou des titulaires de l'autorité parentale afin de garder le secret sur son état de santé.
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