L’analyse de Durkheim est donc plutôt holiste qu’individualiste, sociologique qu’économique ; ou
encore, pour lui c’est la société qui est déterminante et non as le comportement individuel. Surtout, et par
ailleurs, on doit noter que la solution de Durkheim est, toute proportion gardée, assez proche d’une idée de base
défendue par la théorie économique des coûts de transaction développée par Coase et Williamson. Souvent, les
transactions ont un coûts en temps, en information… et ce coût (la minimisation de coûts) permet d’expliquer ce
que ne parvenait pas à faire la théorie néoclassique, l’apparition d’institutions dans l’économie d’échanges,
notamment l’existence des entreprises avec Coase ou de droit des contrats avec Williamson. Reste que si ces
similitudes existent entre les deux approches (Durkheim vs Coase et Williamson), il y a à l’évidence une
différence marquée qu’il ne faut surtout pas négliger. Dans la théorie des coûts de transaction, les arrangements
institutionnels sont sélectionnés selon un critère de maximisation identique à celui qu’on trouve pour fonder le
comportement de l’Homo oeconomicus. C’est parce que la firme et son organisation minimisent les coûts de
transaction qu’elles apparaissent et remplacent localement le marché en internalisant les relations. De fait, ce
genre d’explications est absent de la sociologie économique durkheimienne. Par exemple, l’institution sociale
qui est le contrat en lui-même, n’est pas le fruit d’un calcul maximisateur, mais le résultat progressif de
l’évolution sociale.
En outre, Durkheim souligne à ce propos combien les représentations que la société se donne de la
justice n’est pas la justice simpliste du marché, au sens où il suffit de respecter les règles marchandes pour que
l’échange soit déclaré juste. La représentation sociale de la justice chez Durkheim est celle qui assure à chaque
groupe une rémunération qui correspond précisément à sa contribution et à son rang social. Du reste, chez
Durkheim, ces représentations sont des institutions. Il en va de même dans la théorie économique moderne chez
un auteur comme Aron qui souligne l’importance de ce qu’il appelle « les institutions invisibles », comme la
confiance ou les principes éthiques et moraux qui accompagnent et soulignent le fonctionnement réel du marché.
En conclusion, on voit donc, pour Durkheim, le marché comme principe de circulation des richesses,
qui fait suite au développement de la division du travail, ne saurait se suffire à lui-même. Autrement dit, des
institutions sont requises pour assurer le bon fonctionnement de la circulation marchande. Reste enfin que la
présence de ces institutions ne s’explique ni ne se justifie par ce seul avantage fonctionnel et matériel. En
définitive, et plus fondamentalement, c’est la cohésion d’ensemble de la société qui est en jeu selon Durkheim.
2) Lien social, formes de solidarité et division du travail social : origine et
fondements sociologiques de la division du travail.
De la Division du Travail Social, thèse centrale que soutient Durkheim. Elle avant tout pour fonction de
produire la solidarité du lien social. Cette affirmation n’est pas neutre dans le contexte intellectuel dans lequel
évolue Durkheim. En effet, prendre une telle position, c’est d’abord s’opposer aux thèses qu’analyse la division
du travail comme un facteur d’éclatement du lien social, de désordre. C’est également prendre le contre-pied des
thèses qui réduisent la division du travail à des sources de progrès économique, ou encore celles qu’analyse cette
division du travail comme un simple moyen pour les hommes de vivre sous contrainte en société, comme c’est le
cas chez Spencer : le lien social se réduit à l’échange économique. Pour Durkheim, les avantages économiques
de la division du travail sont peu de choses à côté de des effets moraux qu’elle produit. Ainsi, la division du
travail engendre, du moins de manière principale, une intégration du corps social, et permet de répondre aux
besoins d’ordre et d’harmonie.
Plus précisément, elle est un facteur promis de cohésion et de solidarité sociale. Pour le démontrer,
Durkheim se fonde sur le phénomène juridique, qui présente l’avantage selon lui de refléter clairement les deux
formes centrales de solidarité sociale. Il distingue deux formes de sanctions :
La sanction répressive : c’est-à-dire la sanction du droit pénal, qui vise à atteindre les
personnes fautives dans leur fortune, leur honneur, ou leur vie.
La sanction restitutive : c’est-à-dire la sanction du droit civil, commercial, ou administratif, qui
n’implique pas une souffrance de la personne, mais la remise en état des choses par un
phénomène correctif.
Durkheim, en partant de cette opposition, deux formes historiques de solidarité sociale :
Sociétés à solidarité mécanique : (à l’époque sociétés « primitives » ou « inférieures »). Dans
ces sociétés, les deux consciences de l’être humain (individuelle et collective) sont étroitement
liées, et les individus sont unis grâce à leur ressemblance. Surtout, dans ces sociétés, dans la
mesure où les états de conscience sont communs à tous les membres, tout écart doit être
sanctionné par le châtiment du transgresseur, ce qui est la logique du droit répressif.
Sociétés à solidarité organique : (sociétés « industrielles », « supérieures »). Dans ces sociétés,
la solidarité qui rattache les deux consciences de l’être humain résulte non plus de la
ressemblance, mais de la différenciation de plus en plus importante entre les individus. Il y a
parcellisation et complémentarité des rôles au sein du système social. Dans ces sociétés, la