2. Le projet de Thiers
Thiers (1797-1877) rassure et paraît irremplaçable. Son côté bourgeois, dont on lui fera grief par la suite, lui vaut
confiance et popularité parmi les divers milieux bourgeois. La République est pour lui « le régime qui nous divise
le moins ». Il veut éviter une restauration monarchique, qui serait sans lendemain et nuisible à la nation. Mais
pour l’heure, il doit compter avec une assemblée inexpérimentée où les républicains sont minoritaires : il la
ménage avec le « Pacte de Bordeaux » du 10 mars 1871, qui met en suspend la question du régime :
« Monarchistes, Républicains, ni les uns ni les autres, vous ne serez trompés ». En attendant la « constitution
Rivet » du 31 août qui le fait Président de la République, Thiers est « chef du pouvoir exécutif de la République
française ».
Thiers entame la réorganisation du pays, tout en accélérant le paiement de l’indemnité de guerre. de son armée,
tout d’abord : revue du 29 juin à Longchamp. Les cadres institutionnels du régime commencent à être définis :
Thiers, bien que plutôt favorable à la centralisation, prolonge la loi de 1866 par une loi (10 août) qui institue une
« commission départementale », exécutif du conseil général. G. Sautel : « stabilisation de la décentralisation
modérée ». En ce qui concerne la fiscalité, peu de changement : conservation des « Quatre vieilles »
(contribution foncière, contribution foncière et mobilière, patente, contribution des portes et fenêtres), relèvement
des droits de douane, de circulation et de consommation. Thiers est hostile à l’impôt sur le revenu, considéré
comme un pas vers le socialisme, mais un impôt de 3% sur le revenu des valeurs mobilières est cependant
instauré.
Aux élections partielles du 27 avril 1873, Rémusat est largement devancé par le radical Barodet : Les ennemis de
Thiers peuvent accuser celui-ci de mener au triomphe du radicalisme. C’est le duc de Broglie qui conduit
l’offensive. Thiers répond : « Dans les masses, ne vous y trompez pas, la République a une immense majorité. »
Mais il démissionne et le légitimiste Mac-Mahon est élu à sa place : le « 24 mai » est consommé.
3. Le comte de Chambord refuse la monarchie parlementaire
La voie semble libre pour une restauration, qui cependant échoue, à cause de l’intransigeance du comte de
Chambord, notamment sur la question du drapeau blanc. En effet, lui qui veut gouverner et non pas seulement
régner, refuse de commencer « un règne réparateur et fort » par un « acte de faiblesse ».
« Tout ça pour une serviette » aurait dit Pie IX, qui attendait beaucoup de cette restauration pour récupérer
Rome. Mais ce n’est plus à l’ordre du jour, le pouvoir étant aux orléanistes, peu disposés à une politique
extérieure « catholique ».
Pour l’heure, Broglie entreprend l’édification d’une République conservatrice qui doit permettre une restauration
orléaniste. Il fait voter le septennat
4. L’Ordre Moral : l’échec du libéralisme conservateur
La « restauration de l’Ordre moral » que propose Broglie aux Chambres est la mise en échec du radicalisme et
l’encouragement de l’influence de l’Eglise catholique comme facteur d’ordre social. Son gouvernement, de mai
1873 à mai 1874, est marqué par un cléricalisme certain : des députés au pèlerinage de Chartres, à La Salette, à
Lourdes, et la décision est prise d’ériger le Sacré-Cœur à Montmartre. Les enterrements civils sont interdits. Le
gouvernement retrouve le droit de nommer les maires : signe de la crise d’un libéralisme conservateur que l’on
aurait pu croire décentralisateur. Les légitimistes, pratiquant la politique du pire, contribuent à faire chuter Broglie
en 1874.
5. Les lois constitutionnelles de 1875
Malgré une situation politique confuse, le péril bonapartiste renaissant (élection du baron de Bourgoing élu dans
la Nièvre le 24 mai 74) pousse l’Assemblée à se ressaisir. Elle adopte le 30 janvier 1875 l’amendement Wallon :
« Le Président de la République est élu à la majorité des suffrages par le Sénat et la Chambre des Députés
réunis en Assemblée Nationale. Il est élu pour sept ans. Il est rééligible. » La loi du 24 février règle la question du
Sénat à la suite du ralliement de Gambetta à l’idée d’une seconde chambre. La loi du 25 février, relative à
l’organisation des pouvoirs publics, met en place un exécutif fort. Enfin une troisième loi constitutionnelle, votée le
16 juillet, règle les rapports entre les pouvoirs publics.
6. La crise du 16 mai 1877 et la « République des républicains »
Les élections de 1876 donnent 339 sièges aux républicains, contre 153 aux monarchistes. Pour l’heure, fort de la
division des républicains, Mac-Mahon choisi de cohabiter avec cette chambre. Il appelle Dufaure, puis Jules
Simon, au titre de Président du Conseil. Mais le compromis butte sur la question cléricale.
Pie IX a en effet demandé aux fidèles, lors du consistoire de mars 1877, d’agir auprès de leurs gouvernements
pour l’indépendance pontificale. Une pétition circule en France, que Jules Simon interdit.
4 mai 1877 : discours de Gambetta contre le cléricalisme : « Le cléricalisme, voilà l’ennemi ! »
16 mai : Jules Simon doit démissionner, et est remplacé par Broglie
20 mai : manifeste des 363, rédigé par Spuller
Broglie dissout la Chambre le 25 juin, et patronne une politique de restriction des libertés et d’épuration