Installation et ancrage de la République 1870 - 1898

Installation et ancrage de la République 1870 - 1898 :
cadre institutionnel et tradition républicaine
crises de jeunesse
I. De la défaite à l’examen de conscience national
1. Aux origines d’une défaite
La France est entrée en guerre sur un motif mince : pallier la candidature d’un Hohenzollern, Léopold, au trône
d’Espagne. Son retrait ayant été obtenu, le ministre des Affaires Etrangères, le duc de Gramont, exige une
renonciation définitive à toute candidature espagnole dans l’avenir.
Dépêche d’Ems, de Guillaume Ier à Bismarck.
Une guerre contre la France représente pour le chancelier de fer l’assurance que les Etats allemands les plus
réticents à une unification sous tutelle prussienne, comme la Bavière, feront bloc. La France, qui veut en finir
avec le péril prussien, fait le pari inverse → il y a très peu d’opposants à la déclaration de guerre (Thiers, Favre,
votent les crédits par patriotisme).
Impréparation militaire, erreurs de commandement, de logistique et d’organisation.
2 septembre 1870 : Désastre de Sedan
2. Le 4 septembre 1870
Une foule non violente, où se mêlent badauds et militants républicains, envahit l’Assemblée où Gambetta (avril
1838-décembre 1882), avocat républicain en vue depuis le procès Baudin (1868), proclame la déchéance du
régime. Pour assurer une légitimité au nouveau gouvernement, on le constitue avec des députés de Parsi (ou du
moins élus dans la capitale) : Arago, Favre, Ferry, Crémieux, Gambetta, Simon, Picard.
Trois directions : recherche d’alliances ; redressement de la situation militaire ; consolidation du régime.
3. Les tentatives diplomatiques
10 septembre : Thiers, à la demande de Favre, se lance dans une grande tournée diplomatique destinée à
trouver des soutiens → échec : le RU n’a pas les moyens, l’Autriche est paralysée par ses dissensions internes et
la crainte d’un engagement russe, l’Italie vient juste d’achever son unification.
Favre décide de rencontrer Bismarck, pour obtenir un armistice qui permettrait l’organisation d’élections. Mais sa
volonté de ne céder « ni un pouce de nos territoires, ni une pierre de nos forteresses », l’empêche d’accepter les
conditions de Bismarck. G. Hanotaux : « Les hommes du 4 septembre avaient reçu de la nation une sorte de
mandat de désespoir. Ils ne pouvaient justifier leur existence que par la guerre à outrance. »
4. La guerre à outrance
9 septembre : Gambetta quitte Paris assiégé en Montgolfière et gagne Tours, où il tente d’organiser la défense
nationale avec l’aide du jeune Freycinet. Leader charismatique et pragmatique, il lève 600000 hommes, fournit
des cartes et des armes. Mais il ne parvient à sauver que l’honneur
5. Etablir le régime
Pas de résistance bonapartiste, mais un affrontement entre partisans de la négociation et ceux de la guerre :
Favre, Simon, les républicains libéraux, Thiers (il traite Gambetta de « fou furieux ») jugent que Gambetta
poursuit une guerre sans espoir pour asseoir son pouvoir personnel.
28 janvier 1871 : armistice négocié par Favre et Bismarck à Versailles. La délégation se replie à Bordeaux.
Gambetta s’incline et démissionne.
Le gouvernement provisoire paraît bien vite vulnérable. Ferry, chargé de l’approvisionnement de Paris, est
surnommé « Ferry-famine ». Le 31 octobre 1870, à la tête de gardes nationaux des quartiers populaires, Blanqui
et Flourens s’emparent de l’Hôtel de Ville. Tentative sans lendemain, mais le gouvernement doit rasseoir son
autorité par un plébiscite le 22 novembre. Le cri de « vive la Commune » prend bientôt consistance.
6. La Commune de Paris - 18 mars - 28 mai 1871
a) Eléments déclencheurs
- Paupérisation et mouvement ouvrier : la section française de l’Internationale est crée en 1865, mais malgré son
influence syndicale, elle reste minoritaire. L’influence dominante est celle de Proudhon → coopératives de
productions libres et indépendantes de l’Etat + idée d’une France de communes autonomes.
- Conséquences de l’haussmannisation : le peuple aspire à reconquérir le cœur de la ville dont ils ont été
indirectement expulsés (hausse des loyers). A nuancer cependant : selon Rougerie les ouvriers et artisans ne
sont absents d’aucun arrondissement en 1872.
- Défaite et menaces sur la République : double-choc de la capitulation et de l’élection d’une assemblée
monarchiste (8 février). De plus, en s’installant à Versailles, l’Assemblée « décapitalise » Paris et semble
provoquer les Parisiens.
→ Formation spontanée d’une fédération de bataillons de la Garde Nationale en février, qui élit le Comité Central
des XX arrondissements.
b) Déroulement
18 mars : Thiers échoue à récupérer les canons de la butte Montmartre ; deux généraux exécutés.
26 mars : élections (230000 votants)
19 avril : « Déclaration au peuple français »
21 mai : entrée des Versaillais dans Paris
28 mai : fin de la Semaine Sanglante : 20000 morts.
c) Programme et action
Pas d’unité de pensée, mais deux camps qui se distinguent :
- les « majoritaires », révolutionnaires partisans d’une lutte avant tout politique : jacobins (Delescluze),
blanquistes, etc.
- les « minoritaires », fédéralistes plus soucieux de la question sociale : proudhoniens, bakouninistes,
internationaux, etc.
Durant 54 jours de pouvoir effectif, les communards s’inspirent du programme de Belleville de 1869 :
- moratoire sur les échéances des commerçants
- annulation des quittances de loyer
- réquisition des logements vacants
- restitution gratuite des objets du Mont-de-piété
- abolition de la conscription et des armées permanentes
- instruction laïque, obligatoire et gratuite
- coopératives, interdiction des amendes et retenues sur salaire, du travail de nuit pour les boulangers…
d) Conséquences
Pour les républicains, qui ont majoritairement désapprouvé la Commune, c’est bel et bien une rupture avec l’idée
révolutionnaire. L’écrasement a montré qu’il n’était pas besoin d’un souverain pour assurer l’ordre social. Cf. E.
Schérer, rédacteur en chef du Temps, en juillet 1871 : « La république aujourd’hui, c’est l’ordre, c’est la stabilité,
c’est la fin de la révolution. »
Expression d’une nouvelle peur sociale → loi Dufaure du 14 mars 1872 (interdiction de l’Internationale)
e) Analyses
W. Serman : « L’acteur principal est le petit peuple de Paris, poussé à l’insurrection par la misère et par les
souffrances du siège, par l’ardeur d’un patriotisme déçu et par la vigueur de traditions révolutionnaires presque
séculaires, par la politique intransigeante d’une assemblée réactionnaire […] que demandaient-ils au fond ? La
République et la victoire sur l’envahisseur, du pain et un toit pour tous, la justice et la solidarité sociales, la
reconnaissance de leurs droits et de leur dignité, et, couronnant le tout, la liberté. »
J. Rougerie :: « La Commune n’est que la dernière révolution du XIXe siècle, point ultime et final de la geste
révolutionnaire française du XIXe siècle. Crépuscule, et non pas aurore. »
7. Négociations de paix : le traité de Francfort
4 mai : entrée de Favre et Pouyer-Quertier (ministre des Finances) dans les négociations.
Perte de l’Alsace (sauf Belfort) et de la Moselle : Bismarck sait que cette annexion rend à long terme la paix
impossible : il veut retarder le plus possible le relèvement et la Revanche de la France. Les Alsaciens- Lorrains
ont jusqu’en octobre 1872 pour opter pour la nationalité française.
Indemnité de guerre de 4 milliards de francs-or (Thiers l’ayant fait rabattre d’un milliard) dont le paiement précoce,
avec l’aide de la banque Rothschild, permettra la libération du territoire six mois plus tôt que prévu (1873). Mais
ce sont les « provinces perdues » qui focalisent l’attention : les députés des régions concernées démissionnent et
quittent ‘Assemblée. Deux conceptions de la nation s’opposent alors : celle de Strauss, qui justifie l’annexion par
des considérations culturelles ; et celle de Renan, plus volontariste, pour qui la nation repose sur l’adhésion et la
volonté de vivre ensemble.
8. La « crise allemande de la pensée française » (C. Digeon)
« Je ne pensais pas qu’on pouvais souffrir autant pour son pays », écrit Taine. Le pacifisme d’Hugo n’est plus de
mise : les républicains se rallient à l’idée d’une armée de métier à côté de la conscription. Il faudra attendre la
remontée du socialisme et l’affaire Dreyfus pour que l’anti-militarisme sorte des cercles étroits où il se trouve
confiné. En outre, les Eglises insistent sur la nécessité d’expiation et de fraternité sociale (version catholique) ou
d’évangélisation (version protestante) du pays. En réaction, montée du dilettantisme à la fin des années 1880.
II. Le suicide des conservateurs
1. L’assemblée de 1871
Déception de la défense nationale : rétraction du vote républicain dans les villes où il constitue déjà une culture,
et vote rural massif en faveur des conservateurs. Résultat des élections du 8 février : 182 légitimistes, 292
libéraux conservateurs (orléanistes + centre gauche), 152 républicains (modérés + radicaux). Thiers est élu dans
26 départements, contre 10 pour Gambetta.
2. Le projet de Thiers
Thiers (1797-1877) rassure et paraît irremplaçable. Son côté bourgeois, dont on lui fera grief par la suite, lui vaut
confiance et popularité parmi les divers milieux bourgeois. La République est pour lui « le régime qui nous divise
le moins ». Il veut éviter une restauration monarchique, qui serait sans lendemain et nuisible à la nation. Mais
pour l’heure, il doit compter avec une assemblée inexpérimentée où les républicains sont minoritaires : il la
ménage avec le « Pacte de Bordeaux » du 10 mars 1871, qui met en suspend la question du régime :
« Monarchistes, Républicains, ni les uns ni les autres, vous ne serez trompés ». En attendant la « constitution
Rivet » du 31 août qui le fait Président de la République, Thiers est « chef du pouvoir exécutif de la République
française ».
Thiers entame la réorganisation du pays, tout en accélérant le paiement de l’indemnité de guerre. de son armée,
tout d’abord : revue du 29 juin à Longchamp. Les cadres institutionnels du régime commencent à être définis :
Thiers, bien que plutôt favorable à la centralisation, prolonge la loi de 1866 par une loi (10 août) qui institue une
« commission départementale », exécutif du conseil général. G. Sautel : « stabilisation de la décentralisation
modérée ». En ce qui concerne la fiscalité, peu de changement : conservation des « Quatre vieilles »
(contribution foncière, contribution foncière et mobilière, patente, contribution des portes et fenêtres), relèvement
des droits de douane, de circulation et de consommation. Thiers est hostile à l’impôt sur le revenu, considéré
comme un pas vers le socialisme, mais un impôt de 3% sur le revenu des valeurs mobilières est cependant
instauré.
Aux élections partielles du 27 avril 1873, Rémusat est largement devancé par le radical Barodet : Les ennemis de
Thiers peuvent accuser celui-ci de mener au triomphe du radicalisme. C’est le duc de Broglie qui conduit
l’offensive. Thiers répond : « Dans les masses, ne vous y trompez pas, la République a une immense majorité. »
Mais il démissionne et le légitimiste Mac-Mahon est élu à sa place : le « 24 mai » est consommé.
3. Le comte de Chambord refuse la monarchie parlementaire
La voie semble libre pour une restauration, qui cependant échoue, à cause de l’intransigeance du comte de
Chambord, notamment sur la question du drapeau blanc. En effet, lui qui veut gouverner et non pas seulement
régner, refuse de commencer « un règne réparateur et fort » par un « acte de faiblesse ».
« Tout ça pour une serviette » aurait dit Pie IX, qui attendait beaucoup de cette restauration pour récupérer
Rome. Mais ce n’est plus à l’ordre du jour, le pouvoir étant aux orléanistes, peu disposés à une politique
extérieure « catholique ».
Pour l’heure, Broglie entreprend l’édification d’une République conservatrice qui doit permettre une restauration
orléaniste. Il fait voter le septennat
4. L’Ordre Moral : l’échec du libéralisme conservateur
La « restauration de l’Ordre moral » que propose Broglie aux Chambres est la mise en échec du radicalisme et
l’encouragement de l’influence de l’Eglise catholique comme facteur d’ordre social. Son gouvernement, de mai
1873 à mai 1874, est marqué par un cléricalisme certain : des députés au pèlerinage de Chartres, à La Salette, à
Lourdes, et la décision est prise d’ériger le Sacré-Cœur à Montmartre. Les enterrements civils sont interdits. Le
gouvernement retrouve le droit de nommer les maires : signe de la crise d’un libéralisme conservateur que l’on
aurait pu croire décentralisateur. Les légitimistes, pratiquant la politique du pire, contribuent à faire chuter Broglie
en 1874.
5. Les lois constitutionnelles de 1875
Malgré une situation politique confuse, le péril bonapartiste renaissant (élection du baron de Bourgoing élu dans
la Nièvre le 24 mai 74) pousse l’Assemblée à se ressaisir. Elle adopte le 30 janvier 1875 l’amendement Wallon :
« Le Président de la République est élu à la majorité des suffrages par le Sénat et la Chambre des Députés
réunis en Assemblée Nationale. Il est élu pour sept ans. Il est rééligible. » La loi du 24 février règle la question du
Sénat à la suite du ralliement de Gambetta à l’idée d’une seconde chambre. La loi du 25 février, relative à
l’organisation des pouvoirs publics, met en place un exécutif fort. Enfin une troisième loi constitutionnelle, votée le
16 juillet, règle les rapports entre les pouvoirs publics.
6. La crise du 16 mai 1877 et la « République des républicains »
Les élections de 1876 donnent 339 sièges aux républicains, contre 153 aux monarchistes. Pour l’heure, fort de la
division des républicains, Mac-Mahon choisi de cohabiter avec cette chambre. Il appelle Dufaure, puis Jules
Simon, au titre de Président du Conseil. Mais le compromis butte sur la question cléricale.
Pie IX a en effet demandé aux fidèles, lors du consistoire de mars 1877, d’agir auprès de leurs gouvernements
pour l’indépendance pontificale. Une pétition circule en France, que Jules Simon interdit.
4 mai 1877 : discours de Gambetta contre le cléricalisme : « Le cléricalisme, voilà l’ennemi ! »
16 mai : Jules Simon doit démissionner, et est remplacé par Broglie
20 mai : manifeste des 363, rédigé par Spuller
Broglie dissout la Chambre le 25 juin, et patronne une politique de restriction des libertés et d’épuration
administrative. Les gauches se ressoudent → les conservateurs sont battus sans rappel aux élections législatives
d’octobre. Une République des républicains semble effrayer de moins en moins.
III. Cadres et figures du nouveau régime
1. Les symboles de la victoire républicaine
Mac-Mahon se résout à démissionner le 30 janvier 1879 : Jules Grévy est élu Président de la République. Au
bout de quelques jours, il fait savoir qu’il n’entrera « jamais en lutte contre la volonté nationale exprimée par ses
organes constitutionnels » : c’est la « constitution Grévy ».
Les républicains ont désormais pour eux les trois institutions. Les symboles se multiplient : retour de la Chambre
à Paris, adoption de La Marseillaise (chantée notamment aux obsèques de Thiers) comme hymne national et du
14 juillet comme fête. La réconciliation républicaine est scellée par la loi d’amnistie du 11 juillet 1880. Marianne,
coiffée du bonnet phrygien, apparaît comme la reproduction dans le cadre politique du culte marial alors en plein
essor → émergence d’un sacré politique.
mai 1885 : obsèques civiles de Victor Hugo, mené au Panthéon par une foule immense.
2. Les grandes lois libérales
30 juin 1881 : loi sur les réunions publiques, qui’ n’ont plus besoin que d’une simple déclaration préalable pour
avoir lieu.
29 juillet : loi sur la presse qui supprime le cautionnement et les demandes d’autorisation pour les journaux.
L’affichage, même politique, est libre. Restriction du délit d’opinion. Il faudra attendre les « lois scélérates » de
1893 contre l’anarchisme pour voir resurgir de sérieuses entraves à la liberté de la presse.
mars 1882 : loi municipale qui donne à toutes les communes le droit d’élire un maire.
Seul le droit d’association n’est pas accordé, victime de la lutte entre cléricaux et anti-cléricaux.
21 mars 1884 : loi Waldeck-Rousseau autorisant les syndicats
3. La laïcité républicaine : ses fondements
P. Barral : « Opportunistes et radicaux se retrouvaient pleinement d’accord et ils ne cessèrent pas de proclamer
que, pour être pleinement national, le système d’éducation devait être totalement laïque. »
A la montée du catholicisme intransigeant, et surtout au Syllabus de 1864 par lequel Pie IX accentuait la lutte
contre le monde moderne, correspond un rejet croissant de la religion chez une bonne part des élites où l’essor
du progrès technique a initié une mentalité marquée par le « scientisme » et le « positivisme ». Affadies ou
déformées, les idées positivistes entrent aussi dans la Vulgate du républicain moyen → constitution d’une
orthodoxie républicaine.
Cependant Ferry (1832-1893), persuadé que les religions révélées sont condamnées à disparaître d’elles-
mêmes, veut préserver la concorde civile : d’où une grande fermeté pour laïciser l’enseignement, et une grande
souplesse dans la pratique de cet enseignement laïque.
4. La laïcité en lois
15 mars 1879 : loi interdisant aux membres de congrégations non autorisées (jésuites, maristes, dominicains)
d’enseigner. Par les décrets du 29 mars 1880, les jésuites sont expulsés par la force publique.
Ferry veut poser par sa politique scolaire les bases d’une démocratie laïque, permettant à long terme
d’« organiser l’humanité sans Dieu et sans roi ». Dans cette perspective, l’un des enjeux fondamentaux est
l’éducation des filles, futures mères et éducatrices. Ferry : « Il faut que la femme appartienne à la science, ou
qu’elle appartienne à l’Eglise. » → 21 décembre 1880 : loi Camille Sée (enseignement secondaire féminin).
Ferry commence par réformer le Conseil supérieur de l’instruction publique, permettant au corps enseignat d’y
élire ses représentants.
16 juin 1881 : gratuité de l’enseignement primaire
28 mars 1882 : instruction obligatoire et laïque
Ce n’est qu’en 1886 que la loi Goblet laïcisera le personnel enseignant.
L’école « sans Dieu » est l’objet d’attaques de la part de la presse catholique (La Croix notamment) ; cependant
dans la pratique, la laïcité prend et de nombreux catholiques envoient leurs enfants à l’école publique. Ferry,
dans sa « Lettre aux instituteurs » de 1883, les incite à respecter « un sentiment religieux dont vous n’êtes pas
juges ».
5. Quelle France enseigne-t-on ?
La République oscille entre un modèle fédérateur et un refus des particularismes. L’influence de l’école
républicaine, creuset de l’identité nationale, est en réalité à replacer dans un processus général de
désenclavement des campagnes qui a commencé bien avant l’école laïque. Cf. le célébrissime Tour de France
par deux enfants : utiliser les cultures régionales comme moyen d’insertion dans la communauté nationale.
En outre, l’enseignement est le lieu par excellence de la promotion d’une lecture de l’histoire de France destinée
à enraciner le régime : manuels scolaires d’Ernest Lavisse, qui a trouvé un point de vue consensuel. « Il ne faut
jamais oublier en lisant l’histoire de la Révolution que tous les esprits en France étaient troublés par les dangers
de la patrie. Les auteurs des crimes révolutionnaires sont de grands coupables, mais ce sont de grands
coupables aussi que les émigrés et les insurgés de Vendée : car ils ont trahi la France. » Cependant, à partir de
1895, la valorisation de la révolution se fait plus profonde.
La culture scolaire de la IIIe république recueille l’héritage grec et romain, celui du XVIIe siècle, auquel elle joint
une sorte de sagesse des nations, morale laïque que J. Baubérot voit comme le substitut d’une religion civile.
6. L’échec de Gambetta et de Ferry.
Gambetta, encore jeune, mûrit un projet pour la République : celui de mettre en place un véritable régime
parlementaire, avec deux grands partis, l’un progressiste et l’autre conservateur, dont le leader exercerait le
pouvoir, appuyé sur une majorité. Mais il se heurte à trois écueils : la division des droites françaises, la méfiance
invincible envers toute autorité personnelle, et les rancunes accumulées contre Gambetta. Cet échec apparaît
avec l’épisode du « Grand ministère » en novembre 1881 : Gambetta ne parvient ni à inscrire le scrutin de liste
dans la constitution (26 janvier 1882), ni à réviser le système des concessions de chemin de fer (cf. plan
Freycinet de 1878 et lignes « d’intérêt local » : on redoutait qu’il ne veuille étatiser le réseau).
Gambetta démissionne et décède quelques mois après. C’est Ferry qui lui succède le 18 février 1883. Il accomplit
la réforme du droit syndical, mène à bien la révision constitutionnelle de 1884 qui sauvegarde le Sénat tout en
supprimant les sénateurs inamovibles. Loi Naquet sur le divorce (27 juillet).
Cependant il suffit d’une revers au Tonkin pour faire chuter Jules Ferry le 30 mars 1885.
IV. Puissance et isolement
1. Relèvement militaire et fortifications
J. Doise : La période 1871-1882 « est marquée par le rétablissement progressif des forces militaires terrestres de
la France. »
Deux ministres de la Guerre ont un rôle important : les généraux de Cissey (71-76) et du Barail (73-74).
27 juillet 1872 : loi qui rend obligatoire un service militaire de 1 ou 5 ans selon tirage au sort ou paiement de 1500
francs → désamorcer habilement l’anti-militarisme des élites et ménager la bourgeoisie.
Fortification de la Lorraine et de la frontière Nord par le général Séré de Rivières.
Création de l’Ecole de Guerre. Adoption du fusil Lebel.
2. La politique bismarckienne et les crises de 1875 et de 1887
Isoler diplomatiquement la France → 6 mai 1873 : alliance défensive germano-russe ; 6 juin : convention austro-
russe. En 1875, le chancelier de fer fait bruire les journaux dont il dispose de l’imminence d’une nouvelle guerre
contre la France. Mais la France bénéficie du soutien anglais et des réticences russes : échec de Bismarck qui ne
parvient pas à entraver le réarmement français.
Bismarck décide alors d’inciter la France à se lancer dans l’entreprise coloniale, persuadé qu’elle se heurtera ce
faisant à la Grande-Bretagne. Mais à l’issue du Congrès de Berlin de 1878, la Russie frustrée d’une partie de son
influence dans les Balkans par Autriche-Hongrie prend un temps ses distances. Bismarck renforce alors son
alliance avec l’Autriche (Duplice) qui devient Triple Alliance le 20 mai 1882 avec l’entrée de l’Italie. La Grande-
Bretagne semble rejoindre le système du chancelier par un accord secret en 1887 avec l’Italie sur la
Méditerranée. Cependant les rivalité austro-russes se réveillent : Bismarck offre secrètement son appui à la
Russie en échange d’une neutralité russe dans un conflit franco-allemand : c’est le traité de « contre-assurance »
de 1887, dont les clauses sont inconciliables avec les autres engagements allemands → rupture entre Guillaume
II et Bismarck, qui démissionne.
3. Vers l’alliance franco-russe
La puissance financière de la France lui permet une coopération avec la Russie, désormais disponible. Une
alliance défensive contre la Triplice est signée le 18 août 1892. Soulagement de l’opinion.
4. L’aventure coloniale
5. La « grande dépression » et les forces économiques en République
Considérée dans sa globalité, la période 1873-1896 constitue pour les pays industrialisés une période de crise.
La France, déjà en retard sur le plan industriel, est particulièrement touchée : le fléchissement de la croissance
est plus précoce qu’ailleurs (dès les 1860s) et s’accompagne d’un recul relatif dans la hiérarchie des puissances
économiques. La décennie 1880-90 voit l’industrie française dépassée par celle de l’Allemagne. Parmi les causes
de cette exception française, il faut insister sur ce fait que la France agricole n’était pas prête pour la politique de
libre-échange initiée sous l’Empire. Ses structures petites et archaïques rendent lente sa réaction à la stimulation
de la concurrence. Les prix agricoles toujours en baisse contribuent à maintenir un grand nombre de petites
exploitations au voisinage du seuil de survie et les empêche de se moderniser. Le pouvoir d’achat de la
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