Anesthésie de patient à estomac plein
Dr ZERBIB
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Introduction :
L'anesthésie d'un patient à risque d'estomac plein constitue un cadre très particulier puisqu'il intéresse le plus
souvent (mais pas exclusivement) des patients pris en charge en urgence avec un risque d’inhalation.
L'inhalation ne survient pas seulement pendant l'induction anesthésique, mais pendant toute la durée de la
prise en charge.
Il est considéré comme estomac plein tout patient dont le volume du contenu gastrique est > 25 ml (ou >
0,4 ml/kg) et dont le ph est < 2,5.
Facteurs favorisants :
Plusieurs facteurs favorisants concourent à cette situation dite « d'estomac plein », ils sont :
- Soit liés au terrain du patient.
- Soit liés à l'anesthésie
Facteurs favorisants liés au terrain du patient :
Les pathologies digestives : RGO, hernie hiatale, occlusion, gastro parésie
L'obésité : en raison de la prévalence de RGO et de hernie hiatale
La grossesse (la parturiente doit être considérée au-delà de 20 SA et jusqu'à 48 h après accouchement) .
Le diabète
Les patients ASA 3 et 4 ;
Les troubles de la conscience
Le patient admis dans un contexte d'urgence : le stress et la douleur provoquent une stase gastrique
Facteurs favorisants liés à l'anesthésie
La prise de morphinique favorise la stase gastrique et majore l'incidence des nausées-vomissements ;
Les difficultés techniques de contrôle des VAS, notamment dans un contexte de ventilation au masque
difficile, exposant au risque d'insufflation aérique dans l'estomac, entraînant une augmentation de la pression
intra gastrique et majorant le risque de régurgitations passives ;
Une anesthésie trop légère
La position de Trendelenburg, car elle favorise les régurgitations passives ;
L'anesthésie locale résiduelle de la glotte en post-extubation, qui induit une incompétence glottique ;
Le non-respect des règles du jeûne :
o L'ingestion de liquide clair (eau, jus de fruit sans pulpe) au moins 3 h avant l’intervention
o D'ingestion d'aliments solides au moins 6 h avant l'intervention.
Mécanismes :
Deux mécanismes sont en jeu lors de l'inhalation : l'un passif par régurgitation, l'autre actif par vomissement.
Trois conditions sont nécessaires pour conduire à une inhalation :
o La présence d'un RGO
o Un volume gastrique > 0,4 ml/kg et une acidité suffisante pour provoquer une lésion pulmonaire ;
o Une absence de protection des voies aériennes par incompétence glottique sachant que la protection
des voies aériennes se fait par la déglutition, la fermeture de la glotte et la toux
Conséquences :
On note deux grandes conséquences liées à l'inhalation bronchique :
o La pneumopathie d'inhalation
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o L'hypoxémie
Période préopératoire :
Identifier les facteurs de risque (terrains, circonstances, facteurs favorisants)
Vidange par la sonde gastrique : doit être enlevé avant l’induction afin de rétablir la continence du sphincter
du bas œsophage.
Administration de l'anti-H2•
o Ranitidine effervescente 300 mg : 2 comprimés administrés immédiatement avant l'induction
(10mn) dans 30 ml d 'eau
o Tagamet effervescent 2 comprimés à 200 mg
Recherche de critères d'intubation difficile
Installation en position neutre sur une table mobile.
Aspiration de forte puissance vérifiée et placée à la tête du patient
La présence de deux personnes expérimentées
S'assurer de disposer d'une voie veineuse perméable
Protocole anesthésique :
L'AG avec intubation orotrachéale et induction à séquence rapide est la technique de référence dans le
cadre de la prévention du risque d'inhalation chez le patient dit : « estomac plein ».
ALR est préférée tant que possible
Chronologie de l'induction dite à « séquence rapide » :
Pré oxygénation :
Urgence extrême : 4 inspirations mobilisant la capacité vitale,
Hors urgence extrême : 3 min de VS en 02 purs but : Fe02 > 85 %.
La manœuvre de Sellick :
Elle consiste à comprimer l'œsophage contre le rachis cervical (C6), en exerçant une pression cricoïdienne.
Elle prévient théoriquement l'inhalation du contenu gastrique en augmentant la pression du sphincter
supérieur de l'œsophage.
o «Suffisante pour entraîner une douleur si cette pression était appliquée à la base du nez».
o En cas de vomissement actif, la manœuvre doit être interrompue
Contre-indications à la manœuvre de Sellick
Traumatisme laryngé ;
Trauma du rachis cervical et de la moelle cervicale ;
Vomissement actif ;
Corps étranger dans les VAS ;
Trachéostomie ;
La manœuvre est débutée lors de la pré oxygénation avant l'injection de l'hypnotique à une pression de 10
newtons. Elle est maintenue à 30 newtons jusqu'à la certitude de la bonne protection des voies aériennes
Maintenue si l'intubation a échoué.
NE PAS VENTILER LE PATIENT AU MASQUE SAUF :
o Si hypoxémie (ventilation à faible pression).
o Si ventilation au masque impossible, la pression est diminuée voire interrompue pour laisser la
priorité à l'algorithme d'intubation difficile.
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Injection de l'hypnotique intraveineux :
Il dépend du terrain du patient : il convient d'utiliser un hypnotique de délais d'action court (< 45 s)
o Le propofol : 23 mg/kg
o Le thiopental : 57 mg/kg
Les situations hémodynamiques instables :
o L’étomidate : 0,3 mg/kg
o La kétamine : 23 mg/ kg
Curares avec monitorage :
Le curare idéal doit posséder un délai d'action court (1 min) et une durée d'action brève.
o Succinylcholine (1 mg/kg), curare de référence, dont la durée d’action est de 6mn
o Rocuronium (1 mg/kg) chez le patient présentant une contre-indication à la succinylcholine
l'utilisation possible
De son antagoniste spécifique, le Sugammadex ou Bridion® à 16 mg/kg, permet une décurarisation
immédiate en cas de difficultés d'intubation
Réaliser la laryngoscopie et intuber le patient et gonfler le ballonnet de la sonde d'intubation.
Contrôler la position de la sonde d'intubation avec une auscultation pulmonaire symétrique aux bases et aux
sommets, ainsi que l'obtention de 6 courbes de capnogramme d'aspect normal et constant.
Relâcher la manœuvre de Sellick.
Fixer la sonde d'intubation et débuter la ventilation mécanique
Ré auscultation après fixation.
Les morphiniques :
Injection après gonflement de ballonnet
L'utilisation de morphiniques peut être discutée, notamment pour les situations comportant un risque
hémodynamique délétère pour les patients comme dans :
o La chirurgie cardiaque avec un risque de souffrance myocardique ;
o La chirurgie du globe oculaire ouvert avec un risque d'extrusion
o La chirurgie obstétricale dans un contexte d'éclampsie ou toxémie gravidique
o La neurochirurgie avec un risque de rupture d'une malformation artério-veineuse (MAV).
Postopératoire :
La phase de réveil est une période à haut risque d'inhalation
Conditions d'extubation d'un patient estomac plein
1. Assurer la vidange gastrique si une sonde nasogastrique a été mise en place
2. S'assurer des signes de réveil complet
3. S'assurer de la récupération du réflexe de déglutition (le patient peut avaler sa salive)
o Risque d'inhalation en cas de nausées-vomissements
En cas d'inhalation : après deux heures de sureiveillance postopératoire, le patient pourra être transféré en
hospitalisation normale si :
o Absence de signes cliniques (pas de toux, pas de dyspnée).
o Sp02 > 90% à l'air ambiant.
o Absence de signe radiologique.
Si tous ces critères ne sont pas réunis, le patient est gardé en SSPI, voire transféré en réanimation.
Conclusion :
Si la technique de l'anesthésie pour estomac plein est bien définie, sa réalisation pratique reste encore
entachée de quelques erreurs ayant conduit à certaines catastrophes.
Le respect des règles de bonnes pratiques doit permettre de réduire l'incidence de ces accidents.
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