RESUME COMPLEXE DE SITUATION AUTHENTIQUE n° 3
1. Résumé
Durant mon passage dans l'aile de rhumatologie du service de médecine interne
rhumatologie à la Croix Saint Simon, j'ai fait la connaissance de madame G, 80 ans,
transférée des urgences de l'hôpital pour suite de la prise en charge d'une lombosciatique
aigue droite canique. Son médecin traitant l'y avait adressé pour persistance de la
symptomatologie avec résistance au traitement antalgique de palier 2 comprenant des anti-
inflammatoires non-stéroidiens. L'urgentiste qui l'a prise en charge a relayé le traitement par
des anti-inflammatoires non stéroidiens par voie intraveineuse, ce qui n'a pas apporté de
bénéfice sur sa symptomatologie douloureuse. Par contre la patiente est arrivée dans le
service avec une poussée tensionnelle à 180/90. Son traitement de fond comprenait un ARA2
pour une HTA essentielle non compliquée.
Il s'agissait d'une patiente d'origine espagnole, parlant mal le français, veuve, avec 2 enfants
présents. Elle était jusqu'alors autonome au domicile et marchait avec une canne. Depuis le
début de l'épisode douloureux, la patiente était constamment alitée. Ses enfants passaient
matin et soir lui porter les repas.
Parmi ses antécédents notables, il existait une HTA, une fracture vertébrale post-
ostéoporotique, des "troubles de la personnalité" et une maladie de Parkinson. Son
traitement quotidien comprenait en plus de l’ARA2: Seroplex, Actonel en prise
hebdomadaire, Zyprexa et Parkinane. Pour la douleur, le traitement comprenait de la
Lamaline. Elle ne prenait ni antiagrégant plaquettaire ni anticoagulant.
Depuis une semaine et demi, la patiente présentait une impotence totale à la marche avec
un confinement au lit. L'interrogatoire n'était pas facile notamment à cause de la barrière de
la langue et de l’hypoacousie. Le trajet de la douleur n'était pas typique, la patiente ne
montrait pas précisément avec le doigt le trajet de celle-ci. Alternativement, elle montrait le
pli de l'aine et la face antérieure de cuisse puis le dos et la face postérieure de jambe droite.
L'examen clinique restera marquant tant pour ma chef de clinique qui l'avait vu aux urgences
que pour moi. En premier lieu le plus frappant était la raideur importante de la patiente. Lors
du debrieffing avec ma chef, celle-ci m'a raconté sa difficulté à l'examiner sur le brancard des
urgences et sa difficulté à la verticaliser sans aide. A l'examen, la raideur était majeure et très
invalidante. Elle ne touche pas uniquement le tronc et le rachis lombaire mais aussi les
membres. La patiente tremblait de façon plutôt symétrique mais surtout de la mâchoire ce
qui m'a fait reconsidérer le diagnostic de maladie de Parkinson. Elle boitait lorsque je la
faisais marcher et elle manquait de tomber. La marche était à petits pas, peu assurée. Aucun
déficit sensitivo-moteur n'a été mis en évidence. La patiente était penchée en avant. Le reste
de l'examen retrouvait une raideur à l'examen des hanches avec une flexion de hanche quasi
impossible des deux côtés! Il n'existait pas de signe de Lasègue, ni de signe de la sonnette.
Quant à l'anesthésie en selle, aucun moyen de le savoir mais d'après le fils qui traduisait
simultanément mon discours, elle continuait tant bien que mal à aller aux toilettes, sans
perte d'urine ni de selle. Cette patiente de 88ans avait les yeux grands ouverts, à l'afflux de
chaque information qu'elle pourrait comprendre, se tournant régulièrement vers son fils
pour la traduction. Elle acquiesçait volontiers aux paroles de son fils. Pourtant elle paraissait
inquiète et confinée au fond de son lit. J'ai expliqué à son fils l'objectif de l'hospitalisation:
trouver la cause de la douleur, traiter sa douleur et anticiper un retour à domicile.
Un avantage indéniable de cet hôpital est la tenue irréprochable du dossier médical, avec en
charge de cette tâche la plus "punchy" et souriante des personnes: Toumya. A l'unanimité
Toumya représente une tornade de joie de vivre. Impossible de ne pas l'entendre quand elle
arrive, que vous soyez dans le service ou encore dans la chambre de garde. Et elle commence
tôt le matin, tous les internes de garde peuvent en témoigner. Pour revenir au dossier
médical, Toumya met du cœur à ce qu'il soit impeccablement tenu. Chaque dossier
comprend l'intégralité des informations ayant trait au patient dans l'hôpital: chaque
spécialité y est représentée, chaque compte-rendu y est bien classé. La médecine interne
rhumatologie est représentée par la couleur bleue. Et quand je étais de garde aux urgences
et qu'un patient connu de l'hôpital venait en consultation, je n'étais pas mécontente de
trouver rapidement un compte-rendu d'hospitalisation du service de médecine
interne/rhumatologie pour avancer dans ma démarche diagnostique! J'ai ainsi appris que ma
patiente avait déjà consulté une rhumatologue attachée au service, qu'il existait déjà deux
ans plus tot un canal lombaire rétréci sur arthrose lombaire étagée et surtout qu'elle avait
présenté une intolérance au traitement par Risperdal relayé par du Zyprexa. J'ai retrouvé
aussi le nom du médecin traitant et du psychiatre dans les correspondants. Je me suis noté
de les contacter dès le lendemain.
Le lendemain matin, aux transmissions, la tension s'était normalisée avec l'arrêt des anti-
inflammatoires et la nuit avait été calme. Le contact téléphonique avec le généraliste m'a
appris que la prescription de Zyprexa était ancienne. Elle m'a conseillé de me référer au
psychiatre en vue d'une modification du traitement neuroleptique. Celui-ci a confirmé
l'existence d'un syndrome parkinsonien pour lequel il avait instauré le Parkinane, mais sans
grand effet. Nous avons décidé d'un commun accord entre le psychiatre et les médecins du
service de réaliser un test thérapeutique en arrêtant le Zyprexa et Parkinane devant la
raideur invalidante occasionnée et de surveiller la régression de la raideur et la réapparition
des idées de persécution. Le bilan complémentaire a confirmé l'aggravation du canal
lombaire rétréci et la présence d'une coxarthrose bilatérale évoluée prédominant à droite. La
raideur de la patiente était multifactorielle. Dans ce contexte nous avons pris la décision de
traiter chaque composante de la raideur: la iatrogénie, le canal lombaire rétréci et la
coxarthrose droite. La patiente a bénéficié d'une infiltration épidurale et d'une infiltration
de hanche droite, sous scopie. Nous avons vu l'amélioration progressive de la patiente avec
une nette disparition de sa raideur globale, une disparition partielle des lombalgies et une
reprise de la marche quasiment sans boiterie et sans canne! Elle est finalement rentrée au
domicile avec une majoration des aides, organisée par l'assistante sociale de notre service.
2. Investigations et décision du sujet présenté
Le choix du sujet pour le RSCA de ce semestre s’est décidé assez tard. Après avoir passé trois
mois dans l’aile de médecine interne, j’ai changé d’aile pour la rhumatologie. Le chef du
service possède les deux spécialités: interniste et rhumatologue. Son service est un peu
atypique et comprend trois ailes bien distinctes formées de médecine interne, aval des
urgences, rhumatologie et d’une aile très spécialisée dans les infections ostéo-articulaires. Il
s’agit même du centre de référence des infections ostéo-articulaires. Durant les trois mois de
médecine interne, les pathologies principales comprenaient la prise en charge des patients
atteints d’un cancer: thomboemboliques, infectieuses, fin de vie (les patients étant suivis
dans le service d’oncologie des Diaconesses, rattac à la Croix Saint Simon), mais aussi
pneumopathie, infections urinaires, bilan d’anémie. Malgré que le recrutement était en
grande partie via les urgences de l’hôpital, je ne trouvais pas de réel sujet pouvant
correspondre à un RSCA et me faire progresser dans ma prise en charge. En rhumatologie, le
recrutement est très différent. Il s’agit principalement d’admissions programmées pour
infiltrations de hanche, épidurales, intradurales. Les patients sont en bon état général, en
témoigne l’ordonnance médicamenteuse qui ne comprend la plupart du temps que peu de
médicaments! Les patients restent en moyenne trois à quatre jours et contrairement aux
patients de médecine interne, en peu de temps les patients sont améliorés de leurs
symptômes. Pour le cas de la patiente présentée, hormis le fait qu’elle était admise via les
urgences, il s’agissait d’une prise en charge globale, centrée sur la patiente. Il n’existe que
peu de stage de spécialité tel la rhumatologie ouverts aux internes de médecine générale.
Les trois mois passés en rhumatologie m’ont permis d’envisager une meilleure prise en
charge des affections rhumatologiques en pratique de ville.
3- Questions soulevées dans le récit
Le dossier de Mme G m’a semblé un dossier approprié pour la rédaction d’un RSCA tant la
prise en charge a été multidisciplinaire et centrée sur le patient. Je me suis demandée
comment aurait été ma prise en charge si j’avais reçu cette patiente en ville. J’ai décidé de
discuter autour de trois axes:
le premier: la prise en charge de l’arthrose. Il s’agit d’une maladie à prévalence
élevée dans le monde entier, tout groupe ethnique confondu. Selon l'âge, la prévalence varie
entre 9% pour les moins de 20ans, à 90% chez les plus de 65ans.
1
Aux USA, des auteurs ont
estimé la prévalence de l'arthrose du genou à 44% chez les sujets de plus de 80ans.
2
En
France, l'arthrose est l'affection rhumatismale la plus fréquente avec environ dix millions de
personnes atteintes et 4,6millions de personnes symptomatiques.
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,
4
Il s'agit d'un motif
fréquent de consultation chez le généraliste et d’un facteur majeur sur le retentissement et
la qualité de vie.
5
Le diagnostic d’arthrose est aisé. Son traitement comporte plusieurs
modalités: pharmacologiques et non pharmacologiques, fondées sur les recommandations
de l'OARSI (Osteoarthritis Research Society International).
6
,
7
Le traitement médical du
rhumatisme arthrosique comprend des antalgiques de palier progressivement croissant, des
infiltrations, des anti-arthrosiques symptomatiques d’action lente mais aussi des exercices
physiques, une éducation thérapeutique et des aides techniques. A travers le cas de la
patiente et deux articles sur la prise en charge en rhumatologie publiés dans la revue du
praticien, l'objectif était de faire une mise au point sur les divers traitements à proposer à la
patiente.
le deuxième axe développera la prise en charge de l’ostéoporose. L’ostéoporose est
une cause de morbidité chez le sujet âgé et de mortalité avec 30% de mortalité à 1 an pour
les fractures du col fémoral.
8
Il s’agit d’une maladie sous-diagnostiquée, sous-traitée et dont
le traitement est peu suivi par les patients. Le sujet de l'ostéoporose est particulièrement
intéressant tant les pratiques en médecine générale divergent des recommandations. Lors
d'une séance de tutorat, l'un des participants a développé le sujet de l'ostéoporose puis a
suivi un débat avec les autres participants et les généralistes intervenants. Il était frappant de
voir la différence entre les pratiques réalisées en ville et les pratiques d'un service de
rhumatologie tel que le mien. Nous verrons à travers notre patiente, à priori traitée au long
cours par Actonel, comment optimiser ce traitement.
Enfin le troisième axe s’orientera sur les démarches sociales et administratives pour
un retour au domicile réussi. Chez les plus de 80 ans, l’hospitalisation représente un haut
risque de décompensation de pathologies et de grabatisation.
9
Au delà de huit jours
d’hospitalisation, le risque de complication suite à l’hospitalisation est majeur: chute,
infection nosocomiale. Au delà des statistiques de durée moyenne de séjour hospitalier, il est
crucial d’organiser au plus vite un retour au domicile en toute sécurité pour éviter de revoir
consulter les patients le week-end aux urgences de l'hôpital. Il s’agit du rôle de l’assistante
sociale attachée au service. Chez notre patiente de 88ans, nous avons préféré jugé de
l'évolution de la symptomatologie douloureuse et de la raideur avant d'envisager un soin de
suite et de réadaptation (SSR) ou un retour à domicile. Après réalisation des différentes
infiltrations et modifications thérapeutiques, la raideur a diminué de façon significative ainsi
que la douleur permettant une reprise de la marche. Nous avons préféré un retour à
domicile avec majoration des aides à domicile plutôt d'un SSR.
4- Comment et où trouver des pistes de réponses
Pour répondre à ces trois axes, les pistes d'acquisition des connaissances ont été diverses.
D'abord, les différents praticiens de mon service: rhumatologues, internistes, spécialiste en
soins de support. Je me suis rendue à une soirée sur les actualités de l'ostéoporose organisée
par mon service. Mes recherches sur internet se sont concentrées sur Pub Med
10
, Cofer
11
, les
différents services publics pour les personnes âgées
12
. Enfin je suis abonnée à la revue du
praticien médecine générale qui a publié récemment deux articles sur les actualités
thérapeutiques en rhumatologie.
13
Mais je dirai que la majorité de l'acquisition des
connaissances s'est faite par l'échange des informations entre personnes compétentes au gré
de leur expériences dans les différents services.
5- Quelles acquisitions ?
Concernant le sujet de l'arthrose, il s'agit d'un sujet très vaste, notamment à cause des
diverses localisations: rachidienne, épaule, poignet, arthrose digitale, coxarthrose,
gonarthrose. L'arthrose de cheville est elle plus rare et toujours secondaire, le plus souvent
post-traumatique. Dans la situation présentée, la patiente avait plusieurs localisations
d'arthrose avec une coxarthrose bilatérale prédominant à droite et une lombarthrose
responsable d'un canal lombaire rétréci symptomatique. Nous avions donc une cause
retrouvée à cette raideur de hanche droite avec quasi aucune rotation de hanche possible.
L'examen du rachis a été réitéré après arrêt du Zyprexa et du Parkinane. L'examen du rachis
a montré une raideur moindre du rachis mais une attitude antalgique en antéflexion et une
recrudescence de la douleur lombaire et de la radiculalgie droite en hyperextension du
rachis. Le traitement proposé à la patiente comportait une infiltration de hanche droite par
une ampoule d'Altim© sous scopie et une infiltration épidurale au lit de la patiente avec
une ampoule d'Hydrocortancyl. Ces thérapies reposent sur des études ayant prouvé leur
efficacité dans ces deux pathologies. Pour les infiltrations épidurales, des études ont
prouvées leur efficacité dans le traitement des lombalgies et des sciatiques depuis les
années 1990.
14
,
15
,
16
,
17
,
18
Nous avons remis à la patiente et expliqué en présence de la famille
d'objectif de l'infiltration et de consulter de nouveau leur rhumatologue dans un délai de
trois semaines pour juger de l'efficacité. Les autres modalités du traitement
pharmacologique et non pharmacologique, d'après les recommandations citées au dessus
étaient l'économie articulaire, les traitements médicamenteux. L'analyse de deux articles
publiés dans la revue du praticien médecine générale n'apportait que peu d'aide au
traitement de la patiente. Le premier article discutait l'intérêt d'une classe médicamenteuse
particulière: les anti-arthrosiques symptomatiques d'action lente.
19
Malgré le fait qu'ils
soient cités dans les recommandations européennes (EULAR) dans le traitement de la
gonarthrose et coxarthrose, ils ne semblent montrer qu'un effet thérapeutique modéré sur
la douleur et la gêne fonctionnelle.
20
Une récente méta-analyse révisait encore à la baisse
l'effet thérapeutique des ces molécules avec un effet thérapeutique à 0.17 et n'encourageait
pas leur prescription.
21
Nous n'avons donc pas retenu la prescription de cette classe
thérapeutique chez une patiente. L'avis des rhumatologues du service était unanime: pas
d'indication formelle à la prescription de cette classe thérapeutique mais une prescription
seulement en cas de demande du patient symptomatique avec une faible destruction
articulaire. Le deuxième article aussi paru dans la revue du praticien médecine générale
développait le thème de l'éducation thérapeutique en rhumatologie.
22
Après avoir rappelé
que l'éducation thérapeutique est inscrite dans le code de santé publique, l'auteur
développe l'éducation thérapeutique dans l'arthrose. elle cite les recommandations de
l'OARSI.
23
Mais les études sur l'éducation thérapeutique n' ont démontré qu'une efficacité
modérée sur la douleur, l'incapacité fonctionnelle et le bien-être. Après avoir rappelé les
différents objectifs thérapeutiques et pédagogiques dans l'arthrose qui sont l'adhésion au
traitement, la gestion des antalgiques, l'activité physique et la perte de poids si nécessaire,
l'auteur constate le faible nombre de programme d'éducation, qu'elle justifie par l'absence
de prise en charge au titre d'affection longue durée (ALD) de l'arthrose. Elle termine le
paragraphe concernant l'arthrose en se tournant vers les généralistes "qui pourraient
assurer une partie de l'éducation thérapeutique, en adoptant une posture éducative". Chez
notre patiente, l'éducation thérapeutique semble bien compromise tant par la barrière de la
langue que l'hypoacousie et les troubles de la personnalité débutants.
Le deuxième axe traite de l'ostéoporose. Notre patiente présentait une ostéoporose
fracturaire avec une fracture vertébrale ostéoporotique. Son traitement actuel comprenant
un bisphosphonate per os en prise hebdomadaire: Actonel 35. Aucune supplémentation
vitamino-calcique n'y était associée. L'interrogatoire de la patiente et de sa famille ne nous a
pas permis de certifier une bonne observance du traitement anti-ostéoporotique. Ce sujet
m'a paru intéressant dans la mesure il concerne à la fois les rhumatologues mais aussi les
généralistes et de constater combien les prises en charge diffèrent. La réunion de tutorat du
mois de mars a mis en exergue les difficultés rencontrées par les généralistes et leur prise
en charge de cette pathologie. Avec l'assistante en rhumatologie de mon service, nous avons
décidé de faire passer des messages clairs au travers des questions fréquentes que peuvent
se poser des généralistes. La première question concernant la consommation de calcium:
consommons-nous assez de calcium par jour et comment l'évaluer? Pour illustrer son
propos, elle s'est appuyée sur une estimation validée des apports calciques.
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