La distinction entre les raisons déductives et inductives et les paradoxes logiques (Leçon de 3 heures dans le cadre du séminaire sur les raisons) Résumé Nous admettons traditionnellement que: (i) une croyance peut être justifiée argumentativement de deux façons alternatives, c'est-à-dire, par des raisons déductives ou inductives; (ii) il y a une différence très aiguë entre elles, car la première façon consiste essentiellement à offrir un argument déductif avec la proposition crue comme conclusion, alors que l'autre consiste à offrir un argument inductif. Un argument déductif utilise seulement des lois (axiomes ou règles) déductives, qui sont caractérisées comme (D1) exemplifiées par des arguments déductifs paradigmatiques comme: tous les hommes sont mortels, Pierre est un homme, donc Pierre est mortel; (D2) tels qu'elles préservent la vérité (verité-préservants, truth-preserving) et (D3) monotones. Un argument inductif utilise seulement des lois inductives, c'est-à-dire (I1) exemplifiées par arguments inductifs paradigmatiques comme: la rougeole cause des taches rouges, Pierre a des taches rouges, donc Pierre a la rougeole; (I2) non nécessairement verité-préservants; (I3) nonmonotones. Clairement, des arguments employant des lois sujettes à (I2) et (I3), qui sont crus corrects (valides et avec des prémisses vraies) et qui entraînent la conclusion C, peuvent être bloqués par d'autres arguments (qui se basent sur une évidence nouvelle) qui entraînent la conclusion opposée non-C. En conséquence, nous acceptons (environ): (PRI) s'il est important d'avoir une opinion sur quelle proposition parmi C et non-C est vraie, et s'il y a un argument inductif correct A, avec des prémisses crues, entraînant la conclusion C, alors on doit croire C, à condition qu'on ne connaisse pas un autre argument A', , avec des prémisses crues, au moins aussi correct que A, tel que A entraîne la conclusion opposée non-C. Une fois que (D2) et (D3) sont acceptés, il semble juste que nous admettons aussi: (PRD) si nous connaissons un argument déductif correct avec la conclusion C, nous devons croire C. Mais les paradoxes logiques (du menteur, de Curry, de Russell, etc.) posent le problème suivant: ils peuvent être utilisés pour construire des arguments déductivement corrects (au moins prima facie) avec une conclusion quelconque, par exemple, la conclusion que la lune est faite en fromage brie. Cependant, nous ne croyons pas que la lune soit faite en fromage brie. Il semble que nous avons une raison (a priori) pour le croire, mais nous ne le croyons pas, comme il est juste. Pourquoi? Les réponses traditionnelles prétendent que les arguments qui engendrent les paradoxes ne sont pas déductivement valides, parce qu'ils emploient des règles grammaticales incorrectes (option 1) ou des lois d'inférence qui ne sont pas vraiment déductives (option 2). L'option 1 est trop peu plausible. Par rapport à l'option 2, aucune raisonne vraiment convaincante pour rejeter une certaine loi d'inférence en particulier n'a jamais été données et probablement il est impossible de la trouver, car toutes les lois qui sont utilisées dans les paradoxes sont employées aussi dans les arguments paradigmatiques de (D1). En fait, en dépit de notre connaissance des paradoxes, nous employons dans nos raisonnements quotidiens (en mathématiques et dans les sciences empiriques aussi) toutes ces lois. Et donc je propose une approche différente: nous devons rejeter (D2), (D3) et (PRD) et généraliser (PRI) aux arguments déductifs. Selon ce point de vue, la distinction entre les raisons a priori et celles a posteriori est moins aiguë qu'il semble (indépendamment des arguments à la Quine et Putnam). La référence singulière Séminaire en trois parties Résumé général La référence singulière est la relation qui relie un terme singulier (description définie, nom propre ou indexical) à son référent. Cette relation a une importance philosophique très grande, parce qu'elle permette à notre esprit de se rapporter par le langage aux objets du monde hors de l'esprit. Selon le descriptivisme, qui a dominé, grâce à Frege et dans un certain sens à Russell, jusqu'aux années 60 du siècle dernier, chaque terme singulier (en dehors de quelques exceptions que nous pouvons négliger) se réfère à son référent, habituellement un objet ordinaire (du monde) comme une table, un chien ou une personne, par la médiation d'un contenu descriptif qui constitue le sens (signifié) du terme et qui détermine le référent en question. Selon le référentialisme, qui est la théorie dominante depuis le déclin du descriptivisme jusqu'à aujourd'hui, la position descriptiviste est correcte au maximum dans le cas des descriptions définies, mais les noms et les indexicaux se réfèrent directement à leurs référents, dans le sens, environ, que leurs signifiés et leurs référents sont la même chose. Je présenterai les arguments principaux en faveur des deux approches et essaierai à démontrer que, en dépit du point de vue dominant, le descriptivisme est meilleur que son rival. En fait, le descriptivisme semble insurmontable quand nous considérons un sujet où la philosophie de l'esprit et la philosophie du langage interagissent: les attitudes propositionnelles. Et d'autre part, il est possible de répliquer aux objections référentialistes contre le descriptivisme. Partie I - Le background Résumé La référence singulière est la relation qui relie un terme singulier a son référent. En discutant de ce sujet, j'assume la méthodologie typique de la philosophie analytique et un background d'ontologie et de philosophie du langage accepté habituellement par les deux théories principaux en jeu, le descriptivisme et le référentialisme. C'est-à-dire, j'accepte qu'il y ait des objets (particuliers, individus), des propriétés et des relations et que ces entités puissent se combiner entre elles pour générer des propositions. Les propriétés, relations et propositions en question appartiennent à l'ordre conceptuel et peuvent être sens (signifiés) des phrases (ou énoncés) et prédicats. Comme tels, ils ne doivent pas être confondus avec les propriétés, les relations et les états des choses (ou faits) qui constituent l'ordre causal du monde. Les sens peuvent être sémantiques (assignés aux expressions linguistiques type par le dictionnaire) ou pragmatiques (assignés aux expressions linguistiques réplique (tokens) dans un contexte). L'attention ici est sur le sens (et donc sur la référence) pragmatique. En suivant Frege, nous acceptons le principe que le sens détermine le référent et donc si deux termes singuliers (répliques), t1 et t2, ont deux référents différents, ils doivent avoir deux sens différents. Selon le référentialisme (Kripke, Kaplan), la référence singulière peut être directe: il y a des propositions singulières qui ont comme constituants des objets du monde, comme chats, tables, etc. et une telle proposition, P(x), peut être le sens d’un énoncé, E(t), contenant un token t d’un nom propre ou indexical, qui correspond à l’objet du monde x (a x comme sens, se réfère directement à x). Selon le descriptivisme (Frege, Russell), aucune proposition de ce type peut être le sens d’un énoncé et donc la proposition exprimée par un tel énoncé E(t) contient, par rapport à t, un contenu descriptif, [LE F], en vertu duquel t se réfère indirectement à x, si x est le seul objet avec la propriété F. Une proposition peut être un contenu, par exemple, une croyance, d’une attitude propositionnelle (croire, désirer, etc.) d’un sujet S. Tel contenu est considéré étroit, s'il est identifié sur la base de ce qui se passe dans l’esprit de S, et ample, s'il est identifié sur la base de ce qui se passe aussi dans le monde autour du sujet S. S entretient x (intuitivement, x est dans l'esprit pour S) quand x est un (constituant d’un) contenu étroit de S. Une proposition peut être un contenu étroit, même s'il a comme constituants des particuliers, à condition qu'ils soient mentaux, comme les token-images qui présentent dans l’esprit d’une personne une réplique linguistique qui existe objectivement dans le monde. Les propositions singulières du référentialisme ne sont pas entretenables (intuitivement, les objets ordinaires qu'elles contiennent sont trop gros pour cela) et donc cette doctrine, contrairement au descriptivisme, est incompatible avec la thèse EMC (Entertainable Meaning Constraint), défendu par Frege et Russell. Selon EMC, tous les sens sont entretenables. Il est avantageux pour nos buts de représenter d'une façon formelle très simple les propositions qui contiennent des contenus descriptifs (ou d'autres sens des syntagmes nominaux comme «chaque homme» et «une femme»). Si une proposition les contient, pour ainsi dire, en essayant de parler sur des objets correspondants, elle contient tels sens ou contenus descriptifs comme actifs, et une telle proposition est représenté selon ce modèle: le président aime la plus belle femme du monde = AIMER(sujet: [LE P], objet: [LE PBF]). Quand tels contenus ne sont pas actifs, nous suivons ce modèle: ‘Le président’ est un concept = CONCEPT(sujet:[LE P]). Le rôle thématique «sujet» est souligné pour signifier que le contenu descriptif [LE P] n'est pas actif. Dans ce cas, la proposition parle, pour ainsi dire, sur le concept [LE P], en affirmant qu'il est un concept et non sur un objet qui correspond au concept [LE P]. Semblablement, ROUGE(sujet: x) est une proposition qui parle sur l'objet x et elle dit sur lui qu'il est rouge. Partie II - Une théorie descriptiviste Résumé Le problème de la co-référentialitè se présente de la même façon avec les descriptions, les noms propres et les indexicaux et il pose la difficulté d'expliquer pourquoi deux énoncés coréférentiellement différents, c'est-à-dire, qui sont différents seulement par deux termes coréférentiels, peuvent être rationnellement associés à deux contenus étroits différents crus par le même sujet (comme dans le cas classique des étoiles du soir et du matin). De même, le problème du réfèrent absent se présente d'une façon semblable avec les descriptions, les noms propres et les indexicaux et il pose la difficulté d'expliquer pourquoi un énoncé non-référential, c'est-à-dire, avec un terme singulier sans référent (comme «le cheval ailé») peut être rationnellement associé à un contenu étroit cru par un sujet. Un descriptivisme qui accepte EMC peut résoudre ces problèmes, en soutenant que les contenus étroits sont associés a les énoncés en mesure qu'ils sont leurs sens, que deux énoncés co-référentiellement différents ont deux sens différents et qu'un énoncé nonréférentiel peut avoir un sens. Au contraire, le référentialisme, qui, par son analyse des noms et • indexicaux, ne peut pas accepter EMC, doit trouver une explication différent, probablement plus compliquée, au moins dans le cas des noms et des descriptions (Perry, Recanati). Les descriptivismes classiques de Frege et Russell vont dans la direction correcte, mais ils ne sont pas plausibles dans leurs analyses des noms et indexicaux. Pour améliorer l'approche descriptiviste, nous devons considérer la distinction sémantique/pragmatique et voir les noms et les indexicaux comme des descriptions et autres syntagmes nominaux incomplets d'un point de vue sémantique (comme «le table»). En suivant Kent Bach et d'autres philosophes et linguistes, ces syntagmes sont complétés dans un contexte («la table du président de la France») de façon q'ils peuvent avoir des sens (pragmatiques) complets, plus spécifiques que leurs sens sémantiques. Il y a trois objections principales à cette approche aux syntagmes incomplets: le problème du choix, le problème de l'erreur et le problème de l'ignorance. Il est possible de répliquer à eux-tous, à condition que nous rejetions des préjugés très courants concernant les notions de communication et de sens pragmatique. J'accepte donc l'approche aux syntagmes incomplets à la Bach et je propose une forme de descriptivisme avec EMC (que j'appelle SPEED), qui soutient que (i) un nome «N» a un sens sémantique [LE N], où N est (environ) la propriété être appelé «N» , et (habituellement) plusieurs sens complets du type [LE N&P], où P est une propriété déterminée contextuellement; (ii) un indexical, par exemple «je», a un sens sémantique, [LE JE], où JE est une relation qui peut relier un individu à un token linguistique (de «je», dans le cas du français), et (habituellement) plusieurs sens complets du type [LE JE_PAR_RAPPORT_A_g], où JE_PAR_RAPPORT_A_g est une propriété qui identifie un objet (par exemple, le parleur) sur la base du fait que g est un particulier mental (token-image). Ce particulier représente dans l’esprit d’une (inter)locuteur donné le token indexical utilisé par le parleur. Il y a eu un célèbre correspondance entre Frege et Russell, dans lequel le premier niait et l'autre affirmait que des particuliers puissent être contenus dans les propositions. Mon descriptivisme se range du côté de Russell pour des raisons discutées dans la partie III. Partie III- Une réponse descriptiviste aux objections référentialistes Résumé Il y a des objections très fortes contre le descriptivisme. L'idée descriptiviste que les indexicaux sont de quelque façon comme des descriptions semble incompatible avec les faits, soulignés par Castañeda, que les indexicaux peuvent être essentiels (dans la terminologie de Perry) et qu'ils ne peuvent avoir, contrairement aux descriptions, une sphère étroite (narrow scope) dans une phrase. En outre, Kaplan a construit une expérience mentale, le cas des jumeaux mentalement indiscernables, Castor et Pollux, qui donne l'impression qu'une analyse référentialiste des indexicaux est préférable à la descriptiviste. D'autre part, l'idée descriptiviste que les noms propres sont de quelque façon comme des descriptions a été critiqué fortement par Kripke, spécialement avec deux arguments, dits, respectivement, modal et épistémologique. Mais il est possible de répondre à toutes ces objections, à condition que, par rapport aux indexicaux, on reconnaisse, avec Russell, que des particuliers (mentaux) peuvent être contenus dans une proposition.