le trajet qui mène au « niveau » où nous en sommes arrivés, nous autres les pays industrialisés et donc
développés, ils sont, eux engagés sur un chemin ou une pente qui n’est qu’un ou deux premiers pas vers « le
développement ». (…) Désormais, cependant, l’enjeu véritable n’est pas tant de « dépasser » le développement
que de prendre acte de tout ce qui le rend précisément durable ni soutenable sous peine de catastrophe collective.
Et cette prise conscience commence bien entendu par une réflexion critique sur l’impérialisme de la notion de
progrès en termes vulgairement scientifique, en particulier sur les limites des comparaisons que fonde la mesure
du PIB.
Source : Jean-Paul Deléage in « Croissance, emploi et développement. Vol.I », La découverte, 2007, p.107
Document 2
La crise des années 1930, puis le contexte économique et politique de l’après-guerre, ont engendré des réflexions
sur la capacité de tous les pays du monde à atteindre les niveaux de vie occidentaux, qui ont débouché sur la
constitution d’une économie du développement. Cette dernière notion se différencie de celle de croissance : elle
désigne un processus plus qualitatif qui implique des transformations à la fois économiques, sociales et
politiques. Pour François Perroux l’un des économistes français les plus influents de l’après-guerre, tandis que la
croissance est « l’augmentation soutenue, pendant une ou plusieurs périodes longues d’un indicateur de
dimension, le développement est la combinaison des changements mentaux et sociaux qui rendent la notion apte
à faire croître, cumulativement et durablement, son produit global réel » (Perroux, 1961). Dès 1949, Harry
Truman distingue les pays « développés » des pays « sous-développés ». Sous l’impulsion des Etats-Unis, des
programmes d’aide au développement sont élaborés, afin qu’à long terme, les pays pauvres puissent « rattraper »
les pays riches. Il s’agit de mettre en place dans les pays du Sud, avec l’aide du Nord, des infrastructures
productives « modernes », à savoir des pôles industriels. (…) Tout au long des trente glorieuses, le
développement est essentiellement pensé dans les pays occidentaux comme un processus linéaire et déterministe,
dans lequel ces derniers bénéficieraient d’une longueur d’avance. Telle est la vision – très controversée par la
suite – se dégageant des travaux de W.W.Rostow (1963) qui décrivent le développement comme un
enchaînement de cinq étapes et analysent la pauvreté de certains pays comme un « retard ». (…) Dès la fin des
années 1960, le programme de travail des économistes va être confronté au maintien des écarts de
développement, à la crise de l’environnement, et à l’émergence de nouvelles valeurs et préoccupations (les
valeurs « post-industrielles »). Dans le monde des idées, on peut déceler à la fin des années 1960 un
basculement, se traduisant en l’occurrence par une critique de la croissance économique et du développement qui
apparaissent comme des vecteurs de domination de l’Occident sur le tiers-monde. (…) Hors du champ de la
science économique, des critiques émanent de la philosophie et de la sociologie, avec l’analyse des ressorts de la
société de consommation. La science économique va également être en butte aux résultats d’autres sciences
sociales, en particulier de l’anthropologie, qui étudie les sociétés non occidentales. Marshall Sahlins (1972) a
montré que, là l’où on voyait grossièrement, depuis l’Occident, malnutrition et pauvreté, il existait en fait des
« sociétés d’abondance ». La redistribution l’emporte comme principe d’organisation sociale sur l’accumulation,
ce qui procure une croissance économique faible ou nulle au sens des économistes, mais crée néanmoins du
bien-être. Dans le même temps, les préoccupations environnementales deviennent l’objet des mobilisations
politiques.
Source : Christophe Demazière in « Développement et environnement », Cahiers Français n°337, 2007, p. 5-8
Questions sur les documents 1 et 2 :
1) qu’est-ce que l’ethnocentrisme ?
2) que cherche à décrire la notion de développement chez F.Perroux ?
3) pourquoi associer développement et progrès ?
4) quelle est la particularité des pays sous-développés par rapport aux pays développés ?
5) quelle critique peut-on faire à la notion de développement ?
Document 3 : les caractéristiques du sous-développement
Même si on a pu assister à une divergence forte entre PED au cours des quarante dernières années, certains
caractéristiques sont propres au sous-développement. Ces pays sont en premier lieu composés de populations
pauvres. (…) même si la pauvreté est une caractéristique importante du sous-développement, les inégalités sont
également fortes dans ces pays. Une partie des ressources a souvent été accaparée par une élite au détriment de la
majorité de la population. c’est le cas de la propriété terrienne dans un pays émergent comme le Brésil où les
latifundia (propriétés de 1000 hectares et plus) représentent plus de 40% des surfaces cultivées pour moins de
1% des exploitations agricoles. (…) Par ailleurs, les PED présentent une structure dualiste de leur économie
opposant un secteur traditionnel et un secteur moderne. La tradition, en particulier dans le monde rural, conduit à
une activité économique « encastrée » au sens où il s’agit d’une économie de subsistance ne visant pas
l’accumulation du capital et qui reste organisée de manière artisanale. Inversement, le secteur moderne s’inscrit
dans une dynamique d’accumulation capitaliste. Et si ces deux secteurs coexistent, leur rencontre a pu donner
naissance à un secteur informel important. Celui-ci correspond aux activités économiques peu capitalistiques,