C'est dans ce cadre d'analyse que des chercheurs proposent de tarifer temporellement l'accès à certaines
zones congestionnées de la ville. Il semble que d'un point de vue théorique cette solution soit la meilleure en
comparaison avec les péages de stationnement en centre-ville et avec les taxes sur les carburants. Dans le
premier cas, on taxe l'automobile lorsqu'elle est à l'arrêt et, de fait, on incite les automobilistes à ne pas stationner
longtemps. Les taxes sont injustes dans la mesure où les automobilistes non responsables des encombrements
doivent payer. Elles sont en outre inefficaces puisque la demande de carburants est très captive ; par
conséquent, une augmentation de la TIPP ne modifiera pas – ou peu – le comportement des usagers.
Avant Londres, la ville de Singapour a mis en place le même type de tarification pour accéder au centre des
affaires, encombré durant les périodes de pointe. Avec une forte activité économique, un espace restreint et une
population croissante, la demande de voirie à Singapour a fortement augmenté. En parallèle avec des mesures
restrictives sur l'utilisation de la voiture, les autorités ont instauré, en septembre 1975, un péage urbain. L'objectif
était alors de décongestionner cette zone en y donnant un droit d'accès pour la journée moyennant l'achat d'une
vignette. En 1998, le péage a évolué ; il est devenu électronique et variable dans le temps en fonction de
l'intensité des encombrements.
Le péage électronique a eu des effets positifs sur la congestion. Le volume du trafic automobile dans le
centre des affaires de Singapour a diminué significativement pendant les périodes de pointe (8 heures-9 heures).
Il y a un report de certains automobilistes vers les périodes moins coûteuses (7 h 30-8 heures et 9 heures-
9 h 30). Entre 1975 et 1991, la circulation a diminué de 45 % dans la zone délimitée ; la vitesse moyenne aux
heures de pointe a doublé, passant à 36 km/h. Le trafic a encore diminué de 10 % à 15% dans le centre des
affaires depuis la mise en place du nouveau système. Ce changement de comportement correspond au fait que
les automobilistes sont contraints de payer à chaque passage. Ceux qui avaient l'habitude de faire de multiples
déplacements, et donc de multiples entrées-sorties dans la zone à péage, ont significativement modifié l'usage de
leur automobile.
Une des réussites de la tarification de Singapour est la centralisation de la gestion des politiques de
transport. Le même organisme (Land Transport Authority) coordonne le management du péage urbain et celui
des transports collectifs, avec pour objectif d'inciter les automobilistes à s'orienter vers d'autres moyens de
déplacement. De fait, le péage électronique est très bien accepté par la majeure partie de la population, car le
transport collectif est attrayant (bon marché, confortable et omniprésent). L'idée même de la tarification de la
congestion est comprise par les usagers, puisque la visée de cette politique n'est pas de prélever des fonds mais
d'appliquer stricto sensu le principe pigovien du pollueur-payeur. Sur ce point, il semble que M. Livingstone, maire
de Londres, ait été clair, mais qu'une partie de la population demeure encore septique.
(Source : Mathias Reymond, Le Monde, 21 Février 2003)
Q1 – Quels sont les différents moyens pour limiter la circulation automobile ? (2 pts)
Q2 – À quelles conditions le péage urbain est-il le plus efficace ? (2 pts)
Q3 – Une hausse de 20% du prix du péage entraîne une baisse de 45% du trafic. Calculez l’élasticité-
prix du péage. Que signifie votre résultat ? (2 pts)
c) – Le marché des droits à polluer
1 – Depuis le 1er janvier 2005, les entreprises peuvent théoriquement négocier leurs "permis de polluer" au
niveau européen. Pour les professionnels de la finance, c'est un nouveau marché qui se crée.
La caisse des dépôts et consignations (CDC), Euronext, la Bourse paneuropéenne (fédérant les places de Paris,
Bruxelles, Amsterdam et Lisbonne), et Powernext, la Bourse française de l'électricité, ont annoncé, jeudi 6
janvier, leur intention de lancer une plate-forme électronique de transaction des quotas d'émission de CO2. Les
trois partenaires précisent, dans un communiqué, que leur Bourse du CO2 garantira « la transparence des prix et
leur mode de fixation » et « l'accès non discriminatoire et l'anonymat des intervenants ». Ils espèrent être prêts
pour mars.
En France, environ 1 400 sites très pollueurs (raffineries, cimenteries, papeteries, sidérurgistes, etc.) ou
possédant une installation de combustion (chaudière, générateur d'énergie) d'au moins 20 mégawatts devront,
cette année, se partager 156,5 millions de tonnes de CO2 à émettre au maximum. Les sites en manque de droits
à polluer pourront les racheter sur le marché européen auprès d'entreprises ayant émis moins que permis. S'ils
n'en acquièrent pas suffisamment, ils seront pénalisés de 40 euros par tonne de CO2 dépassée, ce qui ne les
exemptera pas d'en racheter par ailleurs sur le marché. Ceux qui, en raison d'une baisse d'activité ou d'efforts
entrepris pour réduire leurs émissions, resteront excédentaires en quotas pourront symétriquement les revendre.
Le prix du quota dépendra de l'offre et de la demande.
Bruxelles n'a imposé aucune plate-forme de transaction particulière. Les Bourses de l'électricité se sont
manifestées en premier. La concurrence des courtiers londoniens sera rude. Ces professionnels, reconnus pour
leur savoir-faire en matière de transactions sur l'énergie (pétrole, électricité), pourraient bien capter l'essentiel des
quelque 2 milliards de tonnes de CO2 alloués en permis d'émissions au niveau européen cette année.
(Source : Laetitia Clavreul et Cécile Ducourtieux, Le Monde du 7 janvier 2005)
2 – « Les pays pauvres vont-ils devenir les femmes de ménage que les pays riches paieront pour balayer
leurs pollutions ? ». Cette réflexion d’un diplomate bon connaisseur du dossier résume de façon à peine
caricaturale l’une des principales propositions des États-Unis : la création d’un marché international de “permis de
polluer” pouvant être négocié à l’échelle planétaire.
L’effet de serre étant un phénomène global (peu importe, en principe, que les réductions de gaz carbonique