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CONSEQUENCES NERVEUSES, VASCULAIRES ET CUTANEES LIEES A LA POSTURE
M. DERRIER *(hôpital de la Croix-Rousse, Lyon.)
Les points essentiels
La fréquence actuelle des complications nerveuses, vasculaires et cutanées liées à la posture chirurgicale est mat
connue. Les paralysies nerveuses posturales représentent 8 à 15% des dossiers médico-légaux d'accidents
anesthésiques.
Les lésions nerveuses posturales sont dues à l'étirement ou à la compression des plexus ou des troncs nerveux. Les
nerfs sont d'autant plus exposés que leur trajet est long et superficiel, et leurs rapports avec les reliefs osseux étroits.
Les compressions vasculaires touchent principalement certains troncs artériels et la micro circulation. L'atteinte de
celle-ci est responsable des rhabdomyolyses et des complications cutanées.
Les complications cutanées posturales sont essentiellement représentées par les escarres, la nécrose des seins ou du
cartilage de l'oreille, et les alopécies. Les brûlures, non liées à la posture, ne seront pas traitées ici.
Les facteurs de risque sont liés au terrain (obésité, dénutrition, éthylisme, artériopathie, neuropathie,...) à la chirurgie
(durée, position "acrobatique"), et à la conduite de l'anesthésie (hypotension, hypothermie).
Les complications liées à une installation défectueuse engagent la responsabilité de l'anesthésiste autant que celle du
chirurgien. Celles-ci étant évitables pour la plupart, un soin tout particulier doit être apporté à leur prévention :
reconnaissance des facteurs favorisants, installation et surveillance minutieuses, anesthésie "exemplaire", dépistage
précoce des complications en cas de situation à risque.
INTRODUCTION
Le retentissement physiopathologique de nombreuses postures chirurgicales est grevé d'une
morbidité non négligeable. A coté des altérations hémodynamiques et ventilatoires, ces différentes
postures non physiologiques imposées à des patients anesthésiés peuvent entraîner des
complications nerveuses, musculaires, vasculaires et cutanées de gravité variable. L'intérêt apporté
à l'amélioration de la sécurité en anesthésie nous amène donc à faire le point sur les conséquences
des compressions nerveuses, musculaires, vasculaires et cutanées liées à la posture de l'opéré, afin
de mieux les prévenir.
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EPIDEMIOLOGIE
La fréquence de ces complications est difficile à apprécier en l'absence de données statistiques valables.
1. Complications nerveuses
Les mieux reconnues, depuis longtemps, sont les paralysies nerveuses posturales peropératoires.
Deux études rétrospectives anciennes et une étude prospective plus récente donnent une idée de leur fréquence.
Leurs résultats sont résumés dans le tableau ci dessous.
Auteurs
Nombre d'anesthésies
Complications nerveuses
DHUNE (SUEDE) 1940-1945 (rétrospective) [1]
30 000
31 (1,03%)
PARKS (USA) 1957-1969 (rétrospective) [1]
50 000
72 (1,44%)
I.N.S.E.R.M. (FRANCE) 1978-1982 (prospective) [2]
200 000
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( Tab.1, fréquence des paralysies posturales peropératoires)
En étudiant 91 paralysies périphériques posturales de 1964 à 1975, ZACHARIE a découvert que 17 d'entre elles
étaient d'origine peropératoire.
La part de ces complications nerveuses posturales dans les dossiers médico-légaux a été bien documentée par des
études récentes, dont les résultats figurent dans le tableau ci-dessous. 3
SOURCES
Accidents déclarés
Accidents d'anesthésies
Lésions nerveuse
ASA Closed claims study 1989
1541
227 (=15%)
Sou médical MASCF 1991
2676
234
19 (=8,11%)
( Tab. II, Part des paralysies nerveuses posturales dans les dossiers médico-légaux)
2 Rhabdomyolyses
6 cas ont été relevés dans la littérature française des 10 dernières années ; ils concernaient des accidents inhabituels
par leur gravité et/ou leurs circonstances de survenue.
Une seule étude prospective, menée sur 15 patients opérés en position génu-peetorale, avait montré que 6 patients
sur 15 présentaient une rhabdomyolyse infra-clinique postopératoire.
3 Complications vasculaires
Elles sont très peu documentées. I cas d'ischémie coronarienne par plicature de pontage aorto-coronarien
a été rapporté.
4 Complications cutanées
Elles sont également très peu documentées. Seules des brûlures ont été recensées. Des cas isolés d'alopécies ont
également été rapportés.
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LES LESIONS
1. Les lésions nerveuses
1.1 Siège
nerfs
%
Cubital
33
Plexus brachial
23
Racines lombo-sacrées
16
Moelle épinière
6
Sciatique
5
Médian
4
Radial
3
Fémoral
3
Autres (optique, facial, phrénique, honteux, …(fréquence < 1%)
7
total
100
( Tab. III répartition des lésions nerveuses selon le siège. )
1.2 Circonstances d'apparition :
Dans l'étude de KROLL, les plaintes pour lésions nerveuses étaient enregistrées dans les mêmes proportions dans les
deux sexes. Cependant, les paralysies cubitales étaient notées plus souvent chez l'homme, alors que les lésions du
plexus brachial et des racines lombo-sacrées l'étalent plus souvent chez la femme.
En ce qui concerne la technique d'anesthésie, on retrouve plus souvent l'anesthésie générale (61% des plaintes) que
l'anesthésie loco-régionale (36% des plaintes).
Le délai d'apparition est variable, du réveil de l'anesthésie à un mois après l'intervention.
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1.3 Mécanisme d'apparition :
Il n'apparaît pas toujours de manière évidente dans les dossiers médico-légaux. Certaines paralysies
(notamment cubitales) surviennent parfois sans cause apparente, malgré une prise en charge anesthésique
sans reproche. D'une manière générale, deux mécanismes peuvent être à l'origine des lésions nerveuses :
1.3.1 L'étirement :
Il concerne surtout les racines et les plexus.
Plexus cervical : il peut être étiré par une rotation forcée de la tête en décubitus ventral ou par une
hyperextension de celle-ci en décubitus dorsal de tout type.
Plexus brachial : il peut être étiré :
en décubitus ventral, lors de l'installation (rotation forcée de la tête),
par la mise du bras en abduction-extension et rotation externe,
par la chute accidentelle du membre supérieur hors du repose-bras ou
lors du déplacement du patient encore endormi.
Nerf sus-scapulaire : il peut être étiré lors de la rotation du patient et lors du passage du bras en position
ventrale, entraînant des douleurs scapulaires postopératoires.
1.3.2 La compression
Elle concerne les plexus et les troncs nerveux et survient surtout dans les territoires ou le trajet
du nerf est long et superficiel, et ses rapports avec les reliefs osseux étroits. Le nerf lui-même peut être atteint ou les
vasa-nervorum, réalisant ainsi le "bloc ischémique" de SEDDON.
Plexus brachial : il peut être comprimé :
par les épaulières placées trop près de la base du cou. La compression peut être majorée en position
déclive, le poids du corps tendant à abaisser exagérément les épaules
Nerf cubital : il est le plus souvent lésé dans sa partie la plus vulnérable : la gouttière épitrochléo-olécranienne,
Si le bras est placé le long du corps en pronation, le bord interne du coude appuyant sur la table.
Nerf radial : il peut être lésé en décubitus dorsal par compression entre la face latéro-externe et postérieure de
l'humérus et le rebord du cadre métallique fixé à la table d'opération ou, plus rarement. par la mesure trop
rapprochée de la pression artérielle automatique.
Nerf médian : il est rarement atteint. Il peut être comprimé par un lien trop serré à la partie antérieure de l'avant
bras, celui-ci reposant en supination.
Nerf sciatique poplité externe : il peut être comprimé entre le col du péroné et le système de Contention des
membres inférieurs (genouillères ou étriers pour la position gynécologique).
Nerfs crural et obturateur Us peuvent être lésés par l'hyperflexion de la cuisse sur le bassin, surtout chez l'obèse.
Nerfs honteux : ils peuvent être lésés par la compression du périnée lors de l'utilisation de la table orthopédique.
Nerf optique et nerf facial, ils peuvent être comprimés lors de la position en décubitus ventral.
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