Les notions d’idéologie et de théorie sociologique Les idéologies La nature des idéologies On pourrait définir l’idéologie, du point de vue sociologique structurofonctionnaliste, comme un discours conceptuel articulé et cohérent sur une situation ou un problème de société qui se présente comme la solution à ce problème ou à cette situation. Un discours idéologique est un système de croyances qui, se présentant comme la solution à un problème, cherche à amener les groupes sociaux à croire que la solution proposée dans le discours en question est la bonne solution au problème social rencontré. Le discours idéologique est à l’opposé d’un discours scientifique en ce sens qu’ils ont des finalités diamétralement opposées. Un discours scientifique se propose de clarifier pour nous la réalité observée, donc de la décrire et de l’expliquer. Il s’adresse à notre intelligence. Par contre, un discours idéologique, même s'il se donne la forme d’un discours scientifique, ne cherche qu’à nous amener à adhérer à la solution proposée. L’idéologie nous oriente donc dans l’action en nous proposant une direction à suivre. Le discours idéologique est d’autant plus puissant qu’il s’inspire de valeurs auxquelles une partie de la population ou la population est attachée. Ce qui donne aux discours idéologiques un rôle si important dans une société. 1 2 Les notions d’idéologie et de théorie sociologique On pourrait dire que les idéologies constituent le noyau dur de la culture d’une collectivité. C’est comme si, à travers les idéologies, on pouvait saisir l’essentiel des débats qui peuvent animer une collectivité: les valeurs auxquelles les groupes s’accrochent et les actions qu’ils sont prêts à entreprendre. Les idéologies nous révèlent donc l’essence des grandes préoccupations d’une collectivité. Elles cristallisent ce à quoi une population croît, les moyens qu’elle est prête à se donner pour arriver à ses fins et l’orientation qu’elle est prête à prendre. Définition de quelques concepts: théorie (science), idéologie, marxisme, néo-marxisme, social-démocratie, socialisme, capitalisme, communisme Une théorie (ou un discours scientifique) On appelle «théorie» un ensemble de connaissances articulées, cohérentes c'est-à-dire logiques et pertinentes par rapport à la réalité étudiée. La finalité d'une théorie est d'expliquer la réalité étudiée: elle vise à nous faire comprendre la réalité étudiée. On pourrait dire qu'une théorie est scientifique lorsqu'elle implique une démarche de vérification systématique de la réalité étudiée. Une théorie scientifique s'appuie nécessairement sur une démarche empirique. L'esprit scientifique implique de confronter son explication à la réalité afin de découvrir si l'explication proposée est pertinente et réelle. En psychologie, on retrouve des théories psychologiques qui visent à décrire et expliquer le comportement humain (pensez par exemple à la théorie comportementale, la théorie psychanalytique, la théorie interactionniste...); par ailleurs, en sociologie, on trouvera des théories sociologiques qui visent à décrire et expliquer le fonctionnement d'une société (pensons, par exemple, à la théorie systémique ou structuro-fonctionnaliste, la théorie marxiste, la théorie néo-marxiste...). Les notions d’idéologie et de théorie sociologique Une idéologie (ou un discours idéologique) On pourrait dire que l'idéologie un ensemble de connaissances articulées qui définit une situation donnée et qui, inspirée par certaines valeurs, indique aux individus et aux groupes sociaux une direction à suivre et des comportements à adopter. L'idéologie ne cherche pas à prouver la validité scientifique de ses énoncés puisqu'elle cherche à dire aux individus quoi penser et comment agir. La finalité d'une idéologie est de proposer aux individus et aux groupes une direction à suivre et des comportements à adopter. On trouvera autant d'idéologies que de situations à définir. On notera donc des idéologies religieuses, sociales, nationales, politiques ou économiques. Une idéologie sociale définit les relations entre les groupes sociaux, ce qu'elles devraient être. Une idéologie économique définit les relations particulières entre les groupes et les acteurs sociaux engagés dans la production... 3 4 Les notions d’idéologie et de théorie sociologique Le marxisme On appelle «marxisme» un ensemble de connaissances articulées, cohérentes c'est-à-dire logiques et pertinentes, élaborées au XIXe siècle, visant à décrire et expliquer le fonctionnement des sociétés européennes du début XIXe siècle. Le discours marxiste postule qu'une société est une totalité dynamique, en mouvement. La pensée marxiste s'articule autour du postulat selon lequel l'on ne peut décrire et expliquer une société qu'en partant des pratiques réelles des hommes et des femmes de cette société. La pensée marxiste du 19° siècle offrait une explication mécaniciste de la société, une explication linéaire où l'économique constituait le facteur explicatif le plus important en dernière analyse. L'on pensait ainsi que l'économique constituait l'infrastructure de la société et suffisait à lui seul pour expliquer tout ce qui se passait dans la superstructure de la société, c'est-à-dire dans la vie culturelle et politique. Le néomarxisme La pensée néo-marxiste reprend l'hypothèse de travail de la pensée marxiste élaborée au 19° siècle selon lequel l'on ne peut décrire et expliquer une société qu'en partant des pratiques réelles des hommes et des femmes de cette société. La pensée néo-marxiste incorpore dans son discours les connaissances élaborées à la fin du 20° siècle et l'explication proposée du fonctionnement d'une société est moins mécaniciste, moins unilatérale, moins économiste. C'est ce qui fait dire aux théoriciens néo-marxistes que pour décrire et expliquer une société, il faut découvrir 1) ce que ces êtres humains-en-société disent d'eux-mêmes et des autres (c'està-dire comment ils conçoivent le monde), 2) comment ils sont organisés pour assurer leur cohésion (c'est-à-dire l'organisation sociale qu'ils se donnent: le genre d'État et d'institutions sociales et les relations entre ces institutions) et 3) comment ils assurent leur survie matérielle (quel système économique ils développent pour produire les biens et services dont ils ont besoin). Les notions d’idéologie et de théorie sociologique La socialdémocratie On appelle «sociale-démocratie» cet ensemble d'idées sociales attribuant à l'État au sein d'une société de type capitaliste le rôle non seulement d'arbitre social mais de promoteur et de défenseur des plus démunis. La sociale-démocratie vise à modifier l'organisation sociale d'une société capitaliste dans le but d'atténuer les inégalités sociales, d'améliorer le sort des moins nantis. La sociale démocratie propose dont un État bienfaiteur au lieu d'un État ordonnateur comme c'est le cas dans une société capitaliste qui démarre. Le socialisme On appelle «socialisme» l'ensemble des idées définissant la société comme une totalité préoccupée des inégalités sociales et engagée dans un processus de transformation radicale de la société. La pensée socialiste suppose la mise sur pied d'une organisation socio-économique visant à supprimer les inégalités sociales où l'État devient le principal levier de développement. La pensée socialiste propose comme logique de la production le développement de la société alors que le capitalisme proposait une logique d'accumulation et de profit individuel. Le capitalisme On appelle «capitalisme» l'ensemble des idées définissant la société comme un ensemble régi par la propriété privée, la liberté d'entreprise, le prédominance des entreprises privées et la logique de l'accumulation ou du profit individuel. Le communisme On appelle «communisme» l'ensemble des idées définissant la société comme une totalité capable de répondre totalement aux besoins de ses membres. La pensée communiste sous-entend la disparition de l'État au sens où nous le connaissons aujourd'hui au 5 6 Les notions d’idéologie et de théorie sociologique profit des collectivités locales. Une société communiste serait une société immensément riche, sans État, très développée où les individus sont égaux et épanouis culturellement, politiquement et économiquement. L'exploitation des uns par les autres n'existe plus. Les notions d’idéologie et de théorie sociologique Les domaines idéologiques: Le domaine idéologique Les problèmes auxquels l’idéologie propose une solution Le discours idéologique Les valeurs qui inspirent ce discours idéologique: Les idéologies sociales Elles proposent diverses interprétations des rapports sociaux, c’est-à-dire des relations entre les acteurs sociaux comme le patronat, l’État et les citoyens. 1 L’idéologie social-démocrate propose de respecter l’ordre social existant (le capitalisme d’État) mais d’atténuer les conséquences de ce système socio-économique. La social démocratie propose la redistribution des richesses en utilisant l’État Bienfaiteur: l’accès à un minimum de services sociaux et de services de santé et à l’éducation. La justice sociale 2 L’idéologie néo-libérale conteste l’État bienfaiteur et affirme que le seul créateur de richesses est l’entreprise privée. L’État doit donc se désengager de tous les rôles qu’il avait accaparé et laisser l’entreprise privée résoudre ces problèmes. L’individualisme et la liberté d’entreprise 3 L’idéologie socialiste propose le renversement de la logique du capitalisme au profit de la majorité de la population salariée. Pour contrer la logique du profit individuel, l’État devient le propriétaire collectif afin d’assurer une plus grande redistribution de la richesse. L’objectif vise l’avènement du communisme. L’égalité et la justice sociale. 7 8 Les notions d’idéologie et de théorie sociologique Le domaine idéologique Les problèmes auxquels l’idéologie propose une solution Le discours idéologique Les valeurs qui inspirent ce discours idéologique: Les idéologies nationales Elles proposent diverses interprétations de l’État-Nation, c’està-dire de la conception de la Nation et du nationalisme. 1 L’idéologie du fédéralisme centralisé affirme que les grandes orientations nationales doivent résider dans le pouvoir central détenu par le gouvernement fédéral. Les provinces seraient ainsi les maîtres d’oeuvre des politiques nationales. Le nationalisme est universel, antiethnique. L´égalité de droit de tous les citoyens 2 L’idéologie du fédéralisme décentralisé propose la complémentarité des ordres de gouvernement: le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux possèdent des champs de pouvoir qui leur permettent de s’épanouir respectivement. L’égalité des gouvernements central et provinciaux 3 L’idéologie souverainiste ou indépendantiste propose que le gouvernement du Québec soit le seul gouvernement à avoir juridiction sur la population québécoise. La naissance d’un État québécois souverain dans tous les domaines permettrait à la population de s’auto-gouverner et ainsi de protéger sa langue, sa culture et ses institutions propres. Le droit de se gouverner et la protection de la langue et de la culture québécoise Les notions d’idéologie et de théorie sociologique Le domaine idéologique Les problèmes auxquels l’idéologie propose une solution Le discours idéologique Les valeurs qui inspirent ce discours idéologique: Les idéologies syndicales Elles proposent diverses interprétations des rapports sociaux, c’est-à-dire des relations entre les acteurs sociaux comme le patronat, l’État et les citoyens. 1 L’idéologie du syndicalisme de combat met l’accent sur la contestation du système socio-économique existant et les injustices sociales générées par ce système. Ce discours interprète les relations PatronsEmployés en termes conflictuels. Le syndicalisme de combat est un syndicalisme de revendication sociale, qui cherche à arracher le plus possible aux patrons pour améliorer les conditions de travail et de vie de la population salariée. La justice sociale et la redistribution de la richesse 2 L’idéologie du syndicalisme corporatiste privilégie des rapports de collaboration et de bonne entente entre patrons et employés. Ce discours syndical met l’accent sur la protection des acquis des syndiqués sans préoccupations sociales. Ce syndicalisme ne déborde pas du cadre de la négociation collective. La protection des droits acquis. 9 10 Les notions d’idéologie et de théorie sociologique Les idéologies au Québec 1 Monière, Denis, Le développement des idéologies au Québec. Des origines à nos jours. Montréal, Éditions Québec-Amérique, 1977, 381 pages. 2 Bernard, Jean-Paul, Les rouges. Libéralisme, nationalisme et anticléricalisme au milieu du XIXe siècle. Montréal, Les Presses de l’Université du Québec, 1971, 396 pages. 3 Dumond, Fernand, Hamelin, Jean, et Montmigny, Jean-Paul, Idéologies au Canada français, 1940-1976. Tome 1: La presse - La littérature, Québec, Les Presses de l’Université Laval, 1981, 360 pages. Collection: Histoire et sociologie de la culture. Tome 2: Les mouvements sociaux - Les syndicats, Québec, Les Presses de l’Université Laval, 1981, 390 pages. Collection: Histoire et sociologie de la culture. Tome 3: Les partis politiques - L’Église, Québec, Les Presses de l’Université Laval, 1981, 360 pages. Collection: Histoire et sociologie de la culture. 4 Dumond, Fernand, Hamelin, Jean, et Montmigny, Jean-Paul, Idéologies au Canada français, 1850-1900. Québec, Les Presses de l’Université Laval, 1971, 327 pages. Collection: Histoire et sociologie de la culture. 5 Dumond, Fernand, Hamelin, Jean, Harvey, Fernand et Montmigny, JeanPaul, Idéologies au Canada français, 1900-1929. Québec, Les Presses de l’Université Laval, 1974, 377 pages. Collection: Histoire et sociologie de la culture. 6 Bélanger, André-J., L’apolitisme des idéologies québécoises. Le grand tournant de 1934-1936. Québec, Les Presses de l’Université Laval, 1974, 392 pages. Collection: Histoire et sociologie de la culture.