Introduction: conflit social et mouvement social : quelques définitions
Mai 68 est il un conflit social ou un mouvement social ? Et la marche des chômeurs ?
Les grèves de cheminot ? Les contre-sommets du G8 ? Bien que ces deux termes
apparaissent inextricablement liés, il est possible de les organiser afin de les rendre
plus intelligible et éviter ainsi toute confusion.
1. Le conflit social dispose de deux définitions selon qu’on l’utilise au singulier ou
au pluriel. Le conflit social désigne de façon générale l’affrontement entre les acteurs
sociaux sur le fonctionnement et les buts de l’organisation sociale, la répartition des
revenus, l’organisation des institutions, les orientations politiques, etc... A l’inverse
les conflits sociaux désignent tout un ensemble de conflits secondaires qui forment
autant de clivages dont est constituée la société : conflits religieux, ethniques,
linguistiques. Ainsi bien que les conflits sociaux se raccrochent à de nombreux
phénomènes quotidiens (grèves, manifestation, boycott, etc.), le conflit social est
avant tout une « prénotion » telle que la définit Emile Durkheim dans Les règles de la
méthode sociologique (1895), c'est-à-dire une idée spontanée sur la réalité sociale
souvent fausse demandant à être remplacée par un « fait construit » susceptible
d’expliquer convenablement un phénomène social. L’expression de « conflit social »
comporte de nombreux sous-entendus politiques et notamment à l’analyse marxiste
en termes de lutte de classes. Le conflit doit être distingué de la concurrence, de la
sélection ou de la compétition.
2. La notion de mouvement social constitue à la fois une spécification et une
extension de la notion de conflit social. Spécification car elle désigne certains conflits
particuliers et extension car qualifie des mobilisations dotée d’une ampleur telle
qu’elles sont susceptibles de remettre en cause l’ordre social. C’est ainsi qu’on parle
de « mouvement social » à propos de mai 68 ou encore de décembre 95. Ce terme
apparaît en revanche impropre pour qualifier la grève de cheminots ou d’infirmières
demandant la revalorisation de leur statut. C’est ainsi non seulement l’ampleur du
mouvement (nombre de personnes concernées) mais aussi l’ampleur des
revendications qui permet de qualifier un conflit comme étant un « mouvement
social ». Un mouvement social s’accompagne en effet le plus souvent de la
revendication de droits (droit au travail, à la santé, etc.) dotés d’une portée
universelle. Bien qu’initialement centrés sur le monde du travail, les mouvements
sociaux (et a fortiori les conflits sociaux) se sont élargis à de nouveaux objets, d’où
l’appellation de « nouveaux mouvements sociaux ».
3. Enjeux du sujet : Interroger les conflits sociaux permet d’analyser des
phénomènes variés à partir duquel s’établit la réalité sociale et politique (réformes,
etc.). Mais de façon plus générale à travers la question des conflits sociaux, c’est la
question du changement social qu’il est possible d’interroger. En étudiant une
mobilisation, aussi concrète et particulière soit elle, on est conduit à mener une
réflexion d’ensemble sur l’ordre social et son changement. On oppose ainsi
généralement les théories de l’intégration qui perçoit le conflit comme le révélateur
d’un dysfonctionnement d’une société perçue comme harmonieuse (c’est le cas de
Durkheim et plus généralement du « fonctionnalisme ») et les théories du conflit qui
mettent l’accent sur les processus de domination et sur l’opposition irréductible entre
les groupes (sociologie marxiste et sociologie critique de Pierre Bourdieu).
4. On englobe les conflits sociaux et les mouvements sociaux dans l’expression
plus générale d’action collective que l’on distingue d’une « action sociale ». L’action
collective se distingue par trois caractéristiques.