CM Théorie de l’apprentissage Université Jean MONNET
Licence 3 UFR-STAPS Saint Etienne
Année universitaire 2003-2004 Jocelyne CAUMEIL
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Courants et méthodes
Définitions de Pinon dans Apprendre et enseigner, 1981,Amicale EPS numéro spécial de la
revue hyper :
L’apprentissage : « c’est l’activité mise en jeu par le sujet qui lui permet d’acquérir certains
savoirs et savoir-faire. »
L’enseignement : « c’est l’activité de l’enseignant c’est à dire l’ensemble des interventions
visant à faciliter l’apprentissage de l’élève. »
L’enseignant agit toujours en fonction des conceptions qu’il a de la manière dont les élèves
apprennent.
Les exemples donnés dans les dissertations doivent être en adéquation avec le discours proposé.
Les conceptions sont très nombreuses (multiréférentialité) et chacune contribue à comprendre
le mystère par lequel le sujet se construit en construisant des objets.
Michel Develay, De l’apprentissage à l’enseignement, Paris ESF 1992 : « Ce processus, qui
nous fait exister parce que nous faisons exister le monde, se nomme apprentissage. »
Reuchlin, 1983, Psychologie : « Il y a apprentissage lorsqu’un organisme placé plusieurs fois
dans la même situation modifie sa conduite de façon systématique et durable. »
Schmidt, 1993, Apprentissage moteur et performance, « L’apprentissage est un ensemble
d’opérations internes associées à la pratique ou à l’exercice et qui conduisent à un gain
relativement permanent de la capacité d’apprendre. »
En anglais, il existe 2 verbes pour désigner le verbe apprendre : learning (apprendre pour soi) et
teatching (instruire, apprendre à quelqu’un d’autre)
On peut dissocier apprendre que …, c’est le niveau déclaratif de l’apprentissage et qui est la
forme inférieure de l’acte d’apprendre et le apprendre à … (informations du lycée) qui est le
niveau procédural, le niveau du pouvoir agir. C’est donc évoquer une conduite, une méthode
et c’est un pouvoir transférable en partie.
Mais apprendre signifie également comprendre donc oblige à des mises en relation, c’est la
forme la plus élaborée de l’apprentissage.
Olivier Reboul, Qu’est ce qu’apprendre, PUF, 1980
Pour lui, il y a compréhension lorsque nous arrivons à donner du sens au monde à partir des
structures cognitives que nous possédons. Ces dimensions cognitives ont un développement
dans le temps et arrivent à maturation vers l’âge de 20 ans.
Cette dimension cognitive doit être reliée à la dimension affective. L’apprentissage implique
pour le sujet la capacité d’affronter le non maîtrisé donc l’inconnu pour aller à la rencontre du
possible (pour certains c’est une prise de risque, pour d’autre c’est une recherche qui doit être
reliée à la confiance en soi).
Une situation d’apprentissage existe chaque fois que notre structure cognitive montre son
incapacité ou sa limite à donner du sens au monde. L’individu recherche alors à réduire
l’incertitude ce qui aura pour conséquence une modification de la structure initiale.
Il doit y avoir un décalage entre ce que sait faire l’enfant et ce qu’on lui propose. Piaget appelle
cela « le déséquilibre majorant ».
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Synthèse :
L’apprentissage est un processus interne qui se traduit par une conduite observable qui
comporte un niveau déclaratif et un niveau procédural qui associe sans fin un cycle action-
compréhension sur fond d’affectivité et qui correspond pour l’apprenant a un changement
relativement stable et durable.
Toutes les personnes qui ont travaillé sur l’apprentissage étaient au départ des philosophes
grecs. Ils ont donné 2 voies explicatives de l’apprentissage.
1. Théorie 1 : de Platon à la gestalt
Pour Platon, la connaissance vient de l’intérieur d’un individu. A la naissance, l’homme a en
lui toutes les connaissances dont il a besoin. Il justifie ce postulat par le concept de
réminiscence (le corps meurt, l’âme s’envole et réincarne un nouveau corps).
Apprendre, pour ce courant, c’est révéler des connaissances que l’on a en soi. Pour faire
apparaître ces connaissances, Platon propose comme point de départ, la confrontation à des
problèmes qui doivent faire violence à l’élève afin que ses propres pensées lui enseignent
d’elles-mêmes la vérité.
L’enfant est le premier déterminant de son apprentissage ce qui renvoie à une pédagogie du
sujet, à une théorie de l’endogène.
Le maître a une fonction d’accoucheur pour Develay.
Dans la même lignée, on retrouve les psychologues de la gestalt (théorie de la forme) qui sont
contemporains au behaviourisme. Ils recherchent à leur tour à identifier les formes et les
structures que notre perception identifie prioritairement et qui nous permettent de penser le
monde. Ces psychologues valorisent l’insight qui correspond à la découverte, à l’invention, à
l’étincelle et ils développent l’importance de la pensée créatrice en accordant une place
importante aux idées innées.
Synthèse :
Avec cette filiation de Platon à la gestalt, nous sommes en présence d’une première tradition
qui considère que la connaissance nous vient d’idées et de principes innés qui constituent la
structure même de l’esprit.
Conséquences pédagogiques :
Il faut favoriser l’insight et la pensée créatrice en confrontant l’élève à des problèmes
complexes.
2. Théorie 2 : d’Aristote au behaviourisme
Aristote est le chef de file de cette seconde tradition psychologique de l’apprentissage.
Pour lui, la connaissance nous vient du monde extérieur par l’intermédiaire des sens.
Pour lui, une pensée est une « tabula rasa » (table rase). L’esprit est une tablette sur laquelle
rien n’est inscrit à la naissance. L’âme est une pâte molle sur laquelle viennent s’inscrire nos
expériences.
La connaissance nous vient de l’extérieur.
Aristote renvoie à la psychologie de l’objet et non à une psychologie du sujet.
Le maître n’a pas une fonction d’accoucheur mais une fonction d’organisateur des
expériences. C’est la théorie de l’exogène en référence à Michel Develay.
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Le behaviourisme se situe dans le prolongement de cette tradition aristotélicienne.
L’expérience est le fondement de toutes nos connaissances. Watson, par exemple, affirme que
si on lui confie une personne, il peut conditionner ses expériences pour en faire un individu
donné.
Synthèse :
La connaissance vient du monde extérieur, par l’expérience.
Conséquences pédagogiques :
Il faut donc favoriser et organiser cette expérience dans un milieu aménagé.
Ces 2 théories se sont affrontées sur la place que l’on pouvait accorder au sujet et à l’objet
(l’environnement).
3. Théorie 3 : Piaget et le constructivisme
Piaget est né à la fin du 19ème siècle, période électrique entre les 2 premiers courants. Le
constructivisme est une synthèse des 2 points de vue.
Pour lui, ce sont les expériences qui induisent les apprentissages en même temps que ces
expériences prennent appui et modifient des schèmes innés.
Le schème de Piaget peut être comparé à la forme de la théorie de la gestalt. C’est une structure
dynamique, évolutive qui cherche à s’adapter (théorie de l’équilibration). Cette théorie de
l’équilibration est une résultante des processus d’accommodation et d’assimilation.
Piaget opère une distinction entre apprentissage et développement. Il se situe donc à mi-chemin
entre les 2 théories (gestalt et behaviourisme). Il prend position pour une dialectique du sujet
et de l’objet. Pour lui, le sujet se construit en construisant ses objets.
Ce n’est pas une théorie unilatérale mais une théorie dialectique que Develay qualifie
« d’enxogène ». Le maître n’a plus une fonction d’accoucheur ou d’organisateur mais une
fonction d’entraîneur.
Synthèse en EPS :
Si on est sur une théorie de la gestalt, il faut jouer pour apprendre. L’expérience faite dans le
jeu révèle ce qui préexiste chez un individu.
Dans une logique behaviouriste, il faut apprendre pour jouer.
Dans une logique constructiviste, il faut apprendre en jouant.
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Relation apprentissage et développement
1. Définitions
Le développement renvoie à l’évolution structurale et fonctionnelle d’un système. Pour Piaget,
ce développement se fait par stades.
On parle d’ontogenèse pour le développement de l’individu et de phylogenèse pour le
développement des espèces.
L’influence réciproque de l’inné et de l’acquis, de la nature et de la culture est ici centrale et
très contre versée.
La notion de maturation est très liée à la notion de développement. Pour certains, ce mot
désigne l’ensemble des facteurs endogènes du développement. Pour d’autres, ces facteurs ne
sont pas seulement endogènes mais correspondent à une évolution à laquelle participent des
facteurs d’expérience et environnementaux.
2. Rapport entre apprentissage et développement
Il existe 3 conceptions qu’il nous faudra partager pour choisir notre propre conception
dans la relation entre apprentissage et développement.
1ère conception :
Le développement est la somme des apprentissages.
James
2ème conception :
L’apprentissage doit précéder le développement
docteur Kaffka
3ème conception :
Les 2 systèmes sont indépendants mais dialoguent. L’apprentissage doit suivre le
développement.
Piaget
Synthèse de ces 3 conceptions proposée par Vygotsky (socio-constructiviste) :
Il a développé la notion de zone proximale de développement (ou zone de développement
potentiel).
Il a introduit l’idée de la nécessité d’une médiation pour permettre le développement.
Vygotsky part de l’hypothèse que chaque fonction psychique supérieure apparaît 2 fois au
cours du développement de l’enfant, une première fois comme activité collective, sociale
(fonction inter psychique) et une seconde fois toute seule (fonction intra psychique).
Pour lui, cette zone proximale de développement se situe entre le niveau de résolution d’un
problème seul et le niveau de résolution d’un problème avec l’adulte.
Pour Vygotsky, l’apprentissage active le développement.
Conséquences pédagogiques :
La 1ère phase doit être un test de départ avec ce que l’enfant réalise seul. Ensuite dans une 2ème
phase, il y aura aide de l’adulte et construction des outils permettant l’apprentissage.
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On peut relever une analogie entre cette notion de zone proximale de développement et la
notion de conflits sociaux cognitifs des psychosociologues comme Anne-Nelly Perret-
Clermont.
3. Vers une théorie empirique de l’apprentissage (Michel Develay)
Bachelard, dans Le rationalisme appliqué, Paris PUF, 1975 : « La construction d’une science
exacte conduit à un double mouvement de négation et de rupture en même temps qu’elle
s’accompagne de la création d’une école, d’une cité scientifique en marge de la cité sociale. »
Chaque théorie cherche toujours à exclure les autres.
Develay prône une théorie empirique de l’apprentissage. Sa proposition est empirique parce
qu’elle relève de l’expérience et qu’elle relève d’emprunts à des courants divers.
Toutes les théories présentent un caractère explicatif et prédictif très utile aux enseignants mais
elles ouvrent la question du rapport entre réel et construit.
Toute réflexion à propos de l’apprentissage doit se poser la question épistémologique du statut
de l’individu.
Une théorie est toujours réductrice face à la complexité du réel et a toujours une durée de vie
très restreinte.
Develay propose donc de parler de principes ou d’hypothèses d’apprentissage plutôt que
de théories.
Il a identifié 3 principes :
- Tout apprentissage est porteur de sens
Il est nécessaire de rester proche, au départ, d’une situation réussie précédemment (Linda
Allal, notion de décalage optimal)
Il faut relier cet apprentissage à une pratique sociale de référence.
Il faut relier les apprentissages aux projets personnels de l’enfant.
- Tout apprentissage est le résultat d’une mise en œuvre par l’apprenant, à partir de
son système de représentation, d’une habileté cognitive.
Il faut identifier le problème ou l’obstacle rencontré.
Il faut relier l’obstacle rencontré à d’autres problèmes ainsi qu’à la dimension affective
(motivation, estime de soi, …).
- Seule l’activité de transfert permet de s’assurer que l’on a appris.
Il faut construire des compétences transversales, transférables par nature pour vérifier le
réinvestissement des acquis c’est à dire s’assurer que l’élève est passé au stade de
généralisation qui est la phase autonome de l’apprentissage.
Concernant l’apprentissage, 4 verbes clés sont à retenir :
faire / comprendre / modifier / généraliser
Conclusion :
Une réflexion sur l’apprentissage exige de traiter des relations qui unissent de l’intérieur le sujet
connaissant au savoir qu’il produit.
La théorie d’un sujet apprenant est donc possible mais une théorie des sujets apprenant
semblera toujours approximative. Chaque sujet procède différemment dans ses apprentissages.
L’ordre des 4 verbes clés peut changer selon les individus.
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