Circuits courts: climatiquement désavantageux, socialement payant

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Circuits courts: climatiquement
désavantageux, socialement payant
Le 04 avril 2013 par Marine Jobert
Sites & Sols, Energie, Politique & Société, Consommation d'énergie, Santé publique,
Biodiversité, Transport
Les circuits courts et la vente directe représentent environ 20% des exploitations agricoles en
France.
DR
Quand on mange local, est-ce qu’on émet moins de CO2 qu’en se ravitaillant avec des
produits venus d’on ne sait où? Non, répond le Commissariat général au développement
durable (CGEDD). Mais le moindre usage d’intrants, l’assujettissement à une
réglementation nationale souvent plus contraignante ou une meilleure rémunération des
producteurs peuvent toutefois plaider en faveur des circuits courts. Une note qui
s’inscrit dans le plan d'action du ministère de l'agriculture et de l'alimentation pour
développer les circuits courts, lancé en 2009, et mis en œuvre dans le cadre du
programme national pour l’alimentation.
Intitulée «Consommer local, les avantages ne sont pas toujours ceux que l’on croit», cette
note du CGED liste les impacts tant environnementaux que sociaux des circuits courts. Signe
particulier: ne passer que par un seul intermédiaire entre le producteur et le consommateur,
voire le supprimer dans le cas des ventes directes à la ferme. Plus répandus dans les
exploitations de petite taille (hors secteur viticole) et pour les secteurs du miel et des légumes,
les circuits courts et en vente directe concernaient 21% des exploitations agricoles (ruches,
fruits, légumes, vignes, produits animaux) en 2010.
Ce sont les phases de production des aliments –élevage comme agriculture- qui génèrent 57%
des émissions de gaz à effet de serre de la chaîne alimentaire. Que la production soit menée en
conventionnel ou en agriculture biologique, les bilans carbone varient très peu, note le
CGEDD, à cause des différentiels de rendement à l’hectare. Les phases de transport comptent
pour 17% du bilan carbone de la chaîne alimentaire. Les circuits courts sont alors
désavantagés. Car si le maraîcher, sur 2 hectares, qui distribue ses produits dans le village
voisin parcourt moins de kilomètres que les fournisseurs des grandes surfaces, les modes de
transport utilisés et la logistique le plus souvent mis en œuvre n’assurent pas un bon bilan
carbone. «Le mode de transport le plus utilisé en circuits courts et de proximité est le
transport routier», rappelle le CGEDD, qui compare les émissions de CO2 d’un véhicule
utilitaire léger -en moyenne 1.068 grammes de CO2 par tonne/kilomètre- avec un ensemble
articulé de 40 t transportant des marchandises diverses sur une longue distance -84g de
CO2/t/km. Sans compter les quantités transportées et les taux de remplissage: «Le retour à
vide du point de vente reste une pratique courante en circuit court». Et de donner l’exemple
des consommations d’énergie liées au transport et à la distribution pour un agneau élevé en
Nouvelle-Zélande et commercialisé en Allemagne et pour un agneau élevé en Allemagne et
commercialisé localement en vente directe: «Ils sont plutôt comparables [...] malgré de
grandes différences dans les distances de transport, car les transports massifiés que sont les
poids lourds et les cargos réduisent considérablement les émissions par kg transporté[1]».
Les modes de déplacement des consommateurs ont également un rôle dans le bilan carbone
des circuits courts. Car, comme l’écrit le CGEDD, «la fabrication d’1 kg de pain à domicile
ou par une boulangerie artisanale consomment respectivement 2 fois plus et 1,5 fois plus
d’énergie que celle par une boulangerie industrielle». Mais il suffit que le consommateur
aille en voiture dans un supermarché situé à plus d’1,5 km de chez lui pour que le pain maison
ou artisanal soit climatiquement plus soutenable.
Les bienfaits des circuits courts sont surtout visibles pour la collectivité. Souvent moins
consommateurs d’engrais et de pesticides, les producteurs qui ont opté pour les circuits courts
participent d’un renforcement de la cohésion sociale. «Les circuits courts permettent en effet
une meilleure compréhension par les producteurs et les consommateurs de leurs mondes
respectifs. Les consommateurs sont rassurés par la connaissance des conditions de
production des produits et comprennent mieux les contraintes du métier d'agriculteur.» Le
prix payé peut être plus élevé que celui consenti par la grande distribution. Et la législation à
laquelle le producteur est assujetti plus exigeante. «La commercialisation de produits locaux
permet une relocalisation des impacts (…), la production est alors soumise aux exigences
réglementaires locales, souvent plus fortes en France et en Europe en matière
environnementale.»
En guise de conclusion, le CGEDD admet que les circuits courts «peuvent constituer un des
éléments de réponse au défi de l’alimentation durable», mais qu’ils ne permettent pas «de
répondre à lui seul à l’ensemble des enjeux de durabilité de l’alimentation». Il recommande
donc aux villes de conserver «une diversité de leurs sources d’approvisionnement
alimentaires», à la fois pour limiter les risques de pénurie, pour ne pas investir dans une
filière dont les impacts environnementaux ne seraient pas nécessairement moindres et pour
des raisons évidentes de manque de terres agricoles pour des agglomérations comme l’Ile-deFrance.
[1] Dans cette étude, l’agneau néo-zélandais est transporté par bateau réfrigéré sur 20.000 km
(le bateau retourne ensuite en Nouvelle-Zélande à plein), puis par poids lourds avec
conteneurs réfrigérés sur 400 km (retour à vide). L’agneau allemand est, lui, transporté en
camionnette par le producteur sur 100 km (retour à vide).
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