
les recherches en cours sur la computation massivement parallèle, ou le multi-tâche complexe, de 
nouvelles analogies sont possibles, qui permettent une approche modélisante de certains processus 
cognitifs à l’œuvre dans certaines situations. Ce thème est l’une des possibilités de thème de mon 
mémoire (du moins mon mémoire pourra-t-il donner une « amorce » à un travail dans cette direction). 
Une approche anthropo-informatique est possible par exemple, pour étudier les processus à l’œuvre 
pendant  une  phase  de  rédaction,  pendant  une  phase  de  programmation  ou  de  conception,  dans 
laquelle  conceptualisation,  pensée  du  modèle,  perceptions  des  informations  produites  (sur  une 
application, un outil de conception), actions pour contrôler ou composer ces informations, mais aussi, 
évaluation  de  l’effort,  mesure  de  l’utilité,  positionnement  de  l’action  par  rapport  à  un  « plan 
stratégique »,  résolution  des  contraintes,  traitement  des  erreurs  concourent  ensemble  à  un 
« accomplissement pratique » au sens de l’éthnométhodologie.  Toutes ces manipulations mentales 
sont des « accounts ». Elles sont descriptibles, transmissibles comme « façon de penser », « façons 
d’utiliser », « façons de produire », et de ce fait, potentiellement objet d’étude éthnométhodologique. 
Un point de convergence : le cyber-matérialisme 
Ces deux approches, opposées dans leur point de départ, leur « sujet », convergent cependant 
vers  une  vision  commune,  une  « limite »  comme  diraient  les  mathématiciens,  dans  laquelle 
l’intelligence artificielle et l’intelligence humaine peuvent se confondre (ou du moins être confondues). 
La  conception  cyber-matérialiste  qui  en  ressort  élimine  toute  forme  d’origine  métaphysique  ou 
mystique à l’intelligence. Le cerveau brasse des systèmes de signes aussi froidement que le silicium 
des  puces,  échangeant  « quelques  ions  calcium  et  potassium »  là  ou  un  cerveau  informatique 
échangera  des  électrons.  Le  cerveau  de  notre  ordinateur  ne  connaît  strictement  rien  à 
l’éthnométhodologie,  mais il détient de l’information qui encode mon lexique sur le sujet. L’ordinateur 
ne sait absolument pas ce qu’il encode. Encore une fois, il ne « sait pas », il ne « rien du tout ». De la 
même manière, lorsque notre fournisseur d’accès nous donnait des suites de chiffres à rentrer dans 
certaines « cases » (Adresse IP : 193.123.54.3 : Passerelle par défaut : 193.123.45.1, métrique : 1 
etc. ) la plupart d’entre nous réagissent pareil. Nous stockons ces informations, les « indexons » sur 
un bout de papier (parce qu’on nous a dit qu’elles étaient importantes), mais elles n’ont strictement 
aucune signification pour nous. L’ordinateur, lui, peut s’en « servir » (il est difficile de ne pas tomber 
dans une sémantique anthropocentrique). « Savons » nous beaucoup plus qu’une machine ?  
Quelques écueils du cyber-matérialisme  
Dans  le  débat  et  la  démonstration  audacieuse  de  Jean-François,  quelques  thèmes  ont 
soigneusement  été  évités.  Le  problème  de  l’auto-production-de-soi,  qui  confère  au  vivant  des 
« impératifs » biologiques particulier, et qui fondent l’évolutionnisme chrétien
 de Theillard de Chardin. 
Un autre problème particulier est celui de l’intentionnalité, dont l’expression la plus  « humaine » est 
cette « pulsion de curiosité » (je n’arrive pas à retrouver la référence) commune au monde animal, et 
qui pousse à la découverte du monde « autre », de l’altérité, le désir de connaissance, et enfin, la 
novation,  comme  stade  ultime  de  l’innovation,  laquelle  est  souvent  une  nouvelle  émergence  d’un 
système  assemblé  au  hasard  (il  n’est  pas  rare  de  définir  l’innovation  comme  l’émergence  d’une 
« forme », au sens de la Gestalt, issue de la réunion de deux concepts, idées ou objets que personne 
n’avait  eu  l’occasion  d’assembler  avant.  L’innovation  ou  « l’invention »  au  sens  Lépine  est  alors 
soumise à une pression fondamentalement génétique dont dépendra son succès, sa survie, et sa 
généralisation ou au contraire son oubli). La dernière qui me vient à l’esprit (et là je me fais, si je peux 
m’exprimer ainsi, l’avocat du diable) est celle de l’idée même de transcendance, dont je ne vois pas 
comment, pour l’instant, une machine cybernétique pourrait faire émerger le concept à moins qu’elle 
ne le fasse comme la plupart des autres significations : sans conscience des signes qu’elle manipule. 
L’intelligence et la conscience ne sont donc qu’une apparence… 
Je vous laisse là dessus.  
 
 
 P. Theillard de Chardin, Le phénomène humain, Seuil Ppints, 1955