Quand l'ordinateur inquiète les médecins
Les longues années d'études médicales pourraient se révéler inutiles face aux progrès rapides de
l'informatique, estiment certains professionnels de santé.
«Les médecins sont un peu circonspects face à l'approche des géants de l'Internet comme Google
qui semblent chercher à les court-circuiter, pour soigner les gens avec des approches disruptives
et par des techniques d'intelligence artificielle», témoigne un médecin.
Les longues années d'études médicales vont-elles se révéler inutiles face aux progrès rapides de
l'informatique? C'est en tout cas ce qu'annonce le très polémique Dr Laurent Alexandre,
président de l'entreprise DNAvision dans la revue What's up Doc: «Le médecin sera l'infirmière
de 2030: subordonné à l'algorithme, comme l'infirmière l'est aujourd'hui au médecin.»
«De tels propos quelque peu inquiétants, de même que l'intitulé du livre du Pr Guy Vallancien, La
médecine sans médecin?, ne font rien pour aider les médecins à voir d'un bon œil l'intérêt des
logiciels d'aide à la décision», analyse le Dr Jacques Lucas, vice-président du Conseil national de
l'ordre des médecins, qui travaille sur un livre blanc sur la médecine, les banques de données et
l'intelligence artificielle.
«L'intelligence artificielle ne cherche pas à remplacer l'expertise clinique d'un médecin, rassure
Philippe Cinquin, médecin et mathématicien, directeur d'une unité de recherche sur les
applications de l'informatique à la médecine à Grenoble (CNRS Université Joseph Fourier). On
n'en est pas là, même si on a pu penser un moment dans les années 1980 que les systèmes experts
allaient être capables de faire des diagnostics et de proposer des traitements tout seuls.»
Trouver la meilleure stratégie thérapeutique
Les solutions de Google et IBM n'arrivent pas sur un territoire vierge: d'autres acteurs
commercialisent déjà des logiciels pour aider les professionnels de santé à donner à leurs patients
les meilleurs traitements possible.
«Les systèmes d'aide à la décision que nous avons vendus à cinq CHU en France servent tous les
jours à des internes qui veulent savoir, une fois le diagnostic posé, quelle est la meilleure stratégie
thérapeutique pour leur patient», explique le Dr Thierry Mitouard, conseiller médical chez
Maincare Solutions. Ce type de logiciel toutefois ne fait pas appel à l'intelligence artificielle. Il
s'appuie sur des bases de données des recommandations de «bonnes pratiques» établies par des
spécialistes et des organismes comme la Haute Autorité de santé (HAS) en France. Mais comme
le remarquait un rapport de 2011 de cette même HAS, même ces systèmes d'aide à la décision
médicale peinent à s'imposer en France. Seuls, pour le moment, les États-Unis les utilisent très
largement et, à un moindre degré, les pays du nord de l'Europe et le Royaume-Uni.
En revanche, les médecins ne s'en sont peut-être pas inquiétés, mais l'aide des logiciels s'est déjà
rendue indispensable dans le domaine toujours plus complexe de l'imagerie médicale. «Les
systèmes comme les IRM ou les scanners intègrent aujourd'hui des logiciels d'analyse des images
qui permettent de bien mettre en valeur les points importants et de quantifier des paramètres
précis», explique Philippe Cinquin.