INSTITUT DE L’ENERGIE ET DE L’ENVIRONNEMENT DE LA
FRANCOPHONIE (IEPF)
ATELIER INTERNATIONAL SUR L’ECONOMIE DE L’ENVIRONNEMENT
PARIS 14-16 AVRIL 2003
DEFAILLANCES INSTITUTIONNELLES ET
EXTERNALITES ENVIRONNEMENTALES
LE CAS DES PROGRAMMES D’AJUSTEMENT STRUCTUREL
CLAUDE NJOMGANG
UNIVERSITE DE YAOUNDE II. CAMEROUN
Défaillances institutionnelles et externalités environnementales : Le cas des programmes d’ajustement structurel.
Claude NJOMGANG, Université de Yaoundé II
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INTRODUCTION
Le cadre conceptuel des programmes d’ajustement structurel a été longtemps marqué par le
contexte de crise qui les a motivés, lequel privilégiait la restauration des grands équilibres
macroéconomiques par la libéralisation des échanges, le désengagement de l’Etat de l’activité
économique et les réformes structurelles. Les dimensions sociale et environnementale du dé-
veloppement durable ont certes été progressivement prises en compte, mais l’approche de-
meure dichotomique, sans une véritable analyse d’interface visant à internaliser les coûts en-
vironnementaux des politiques d’ajustement. La plupart des mesures spécifiques de politique
environnementale sont élaborées et mises en œuvre dans des cadres parallèles aux PAS. Ceci
explique que leurs impacts sur l’environnement soient mitigés :
- D’une part, il est évident que de bonnes mesures d’ajustement accroissent simultané-
ment la maîtrise des facteurs d’inefficience économique et des facteurs moteurs dans
la dégradation de l’environnement.
- Il est aussi évident d’autre part, que la dichotomie économie-environnement se traduit
par des défaillances institutionnelles, génératrices d’externalités
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environnementales.
Pour situer l’objet de la présente étude, il est important de rappeler que les PAS ne sont pas
des documents de stratégie de gestion durable de l’environnement, et ne sauraient être éva-
lués, équitablement, par référence à leurs performances environnementales. Aussi bien ne
s’agit-il pas ici d’une évaluation classique, mais d’une réflexion critique sur les principes
d’une gestion des PAS à l’interface environnement-développement, dans une optique de déve-
loppement durable. Il est nécessaire pour cela, d’esquisser au préalable un cadre d’analyse des
impacts environnementaux des PAS résultant des défaillances institutionnelles.
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Sauf précision contraire, il s’agira ici d’externalités négatives
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I. CADRE D’ANALYSE DES IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX DES PAS
Nous verrons d’abord les différents types de défaillances institutionnelles dans les PAS, avant
d’examiner les mécanismes d’impacts sous-jacents.
I1. Les défaillances institutionnelles
Ces défaillances sont de deux sortes, les défaillances par omission et les défaillances par ac-
tion. Les premières sont relatives à la non intervention la défaillance du marché aurait
justifié l’intervention. Les secondes sont relatives quant à elles aux erreurs de conception et de
mise en œuvre des mesures d’ajustement.
I11. Les défaillances par omission
L’ignorance de l’interface croissance / environnement a pour corollaire la non intervention
par omission, la défaillance du marché aurait justifié l’intervention, notamment dans les
cas suivants :
- l’absence de droits de propriété et de marché clairement définis pour réguler
l’exploitation des ressources, lesquelles restent ainsi des biens à accès libre. Il y a à
cet égard un vide juridique dans les PAS, source de conflits parfois tragiques avec
les législations traditionnelles, et d’abus dans l’utilisation des permis
d’exploitation conduisant à l’épuisement accéléré des ressources.
- L’existence de coûts de transaction élevés, notamment les coûts de mise en œuvre
de la réglementation. La conditionnalité des PAS a été renforcée à cet égard, pour
inclure la lutte contre la corruption et la bonne gouvernance, mais l’effectivité de
cette conditionnalité se heurte encore à l’absence de responsabilité.
- Les imperfections du marché, notamment les monopoles et la segmentation, qui
restreignent les capacités de régulation du marché des ressources,
- L’incertitude, sur les réserves de ressources notamment, qui indique l’inaptitude du
marché à fournir les informations et les options requises, et induit des comporte-
ments spéculatifs conduisant à un épuisement accéléré des ressources.
I12. Les défaillances par action
L’ignorance de l’interface croissance-environnement peut conduire à trois types de fail-
lances par action :
- des mesures d’ajustement erronées, qui n’atteignent pas leurs objectifs et consti-
tuent la plupart du temps un biais contre les secteurs les plus vulnérables tels que
l’agriculture et les secteurs sociaux,
- des mesures d’ajustement justifiées qui atteignent leurs objectifs économiques,
mais produisent des effets secondaires sur l’environnement. C’est le cas par
exemple d’une réduction des subventions à l’agriculture qui permet de résorber le
déficit budgétaire, mais prive les petits agriculteurs bénéficiaires de moyens de
lutte contre l’érosion des sols.
- des mesures d’ajustement qui aggravent les distorsions du marché au lieu de les
corriger. C’est le cas d’une hausse de prix visant à protéger une ressource, qui ac-
croît l’exploitation frauduleuse de celle-ci.
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I2. Les mécanismes d’impact
Bien qu’il existe une grande variété de canismes selon la situation géographique, socio-
économique et politique des pays sous ajustement, quelques constantes se dégagent des tra-
vaux les plus récents (Reed, Panayotou, Banque Mondiale, DIAL, OCDE…), quant aux mé-
canismes d’impact des mesures d’ajustement interne et externe.
L’on peut ainsi distinguer deux types de mécanismes, selon que l’on a affaire a des externali-
tés pécuniaires ou technologiques. Les premières résultent des effets distributifs induits par les
modifications des prix relatifs et des distorsions du marché, tandis que les secondes résultent
de mécanismes de transmission hors marché, technologiques et institutionnels notamment.
Il apparaît ainsi que les politiques de change, fiscales et monétaires, n’ont la plupart du temps
restau les grands équilibres macroéconomiques qu’au prix de la marginalisation et de la
précarisation des groupes sociaux les plus vulnérables, lesquels ont à leur tour augmenté leur
pression sur les ressources et l’environnement. Elles ont par ailleurs diminué la capacité
d’intervention de l’Etat en vue de la gulation environnementale, avec pour corollaire le ren-
forcement de la contrainte budgétaire et de la corruption, l’intensification de la pollution in-
dustrielle et l’exploitation anarchique des ressources (forestières et minières notamment) sus-
citées par la libéralisation des échanges.
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II. LA GESTION DES PAS A L’INTERFACE ECONOMIE / ENVIRONNEMENT :
L’INTERNALISATION DES COÛTS ENVIRONNEMENTAUX
II1. Les PAS et le développement durable
Comme on a pu le voir dans la première partie, l’approche des PAS demeure une approche de
soutenabilité faible, reposant sur l’hypothèse de substituabilité entre capital créé et capital
naturel. L’accumulation du capital est, dans une telle optique, une condition suffisante de ren-
forcement de la capacité à gérer l’environnement. L’environnement n’est donc pas une con-
trainte pour la croissance économique.
L’internalisation des coûts environnementaux est, dans cette optique, discutable à trois ni-
veaux :
- celui du principe général d’internalisation sous-jacent, le principe pollueur-payeur ,
- celui du mécanisme de compensation sous-jacent, les échanges dette / nature,
- celui enfin de la conditionnalité environnementale sous-jacente, les mécanismes de
développement propre
II11. Le principe pollueur-payeur
L’internalisation selon ce principe est partielle, et ne permet de réaliser qu’un optimum éco-
nomique, et non un optimum environnemental (graphiques 1 et 2). Le PPP est défini par
l’égalisation du profit marginal du producteur et du coût marginal social de la pollution cau-
sée par son activité (Y* sur le graphique 1).
Graphique 1
C, P
Pm CMS
O Y
Y* Y1
- CMS désigne le coût marginal social de la pollution.
- Pm désigne le profit marginal du producteur (ou la productivité marginale de la
pollution).
- Y* désigne le niveau de production socialement optimal.
- Y1 désigne le niveau de production correspondant à l’optimum économique
privé (pour lequel Pm = 0)
- C et P désignent respectivement le coût et le profit.
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