Voici le Neuschwanstein Polonais ! L'archéotype du chateau romantique, tel qu'il est dans
nos représentations enfantines, est une forteresse élancée, élégante, et imprenable, qui se fond dans
les accidents de la nature. Le meilleur moment pour le visiter est en soirée, une fois la foule partie, et
lorsque du haut de ses murailles, les rayons de soleil viennent illuminer ces dernières, qui semblent
se fondre aux rebords de la vallée Prądnika, jusqu'à l'infini...
Ruines et plateaux désertiques.
Au Nord de la ville industrielle d'Olkusz, et jusqu'à Częstochowa, s'étend enfin la plus grande
sous-région du Jura, faite de champs et pâturages à perte de vue. Une moins grande densité
d'attractions n'en recèle pas moins de surprises, et surtout une plus grande part de mystère.
Arrivons cette-fois ci par l'ouest, depuis Dąbrowa Górnicza, extrémité Nord-Ouest de la
conurbation de Haute Silésie. Passé les étendues de pins, le Jura fait subitement son apparition, et
comme pour nous souhaiter la bienvenue, la route semble franchir un col de haute montagne, dans
un lacet contournant le rocher de Kromołowiec.
Nous sommes à deux pas d'Ogrodzieniec, plus grande ruine de forteresse de toute la région.
Casimir le Grand, en 1339, ne s'était pas trompé en choisissant le point le plus haut du Jura, seul qui
dépasse 500m. Les restes de sa construction se fondent dans ces affleurements de roches crayeuses
omniprésents dans la région, plus fantaisistes que jamais, lui donnant une allure surréaliste. Dans la
pénombre, on se demande volontiers ce que l'homme a érigé et ce qui n'est pas de lui.
Smoleń et Bydlin se dressent plus loin vers l'Ouest, situé eux aussi dans le voisinage de
rochers géants, que des escaliers taillés dans la roche permettent de gravir pour le panorama. Des
chateaux, ce n'est pas ce qu'il manque, mais ils sont parfois bien dissimulés dans la forêt, comme
celui de Bąkowiec. Ils sont parfois parfaitement restaurés, comme Bobolice, tout droit sorti d'un
conte de fées, ou digne des ruines les plus hantées d'Ecosse, comme celui Mirów, juste à proximité.
Un magnifique sentier relie ces deux extrêmes. Olsztyn est le plus célèbre dans le voisinage
Częstochowa, au Nord du Jura. Chacun a son caractère propre, une ambiance spécifique,
énigmatique, voire fantomatique, due en grande partie à cet environnement de pierres blanches
géantes dans lesquels ils se trouvent, et qu’ils partagent. Avec un brin de superstition, on imagine
sans peine qu'il s'agit d'esprits figés qui veilleraient sur leur demeure de jadis. Sans elles, le Jura ne
serait pas.
Certaines partagent d'ailleurs un même niveau de popularité, comme les arches naturelles :
Brama Skalna (près de Suliszowice), Bobolice (à l'entrée du château), ou encore Okiennek Wielki, la
"Roche Percée", qui semble pointer un doigt accusateur vers le ciel. En effet, ces édifices sont le fruit
de l'érosion, qui les a déshabillé des roches plus tendres qui les entouraient.
Les plus sportifs graviront enfin Góra Zborów, qui est aux habitants du Jura ce que Sainte-
Victoire était à Cézanne. Cette colline résume à elle seule tout le Jura. Elle a la faculté de troubler nos
sens de l'orientation, et de manière plutôt agréable, en nous transportant hors de la Pologne, durant
quelques minutes. Le craquement voluptueux des gravillons crayeux sous la chaussure, l'odeur des
buis et des pins plein les narines, et voilà que l'on s'imagine sur quelque sentier des Dolomites ou du
Vercors…
Eric Visentin