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Le Plaidoyer
L'exposé du crime
Clodius arrive à sa rencontre : il est sans rien qui le gêne, à cheval, sans voiture, sans bagages encombrants, n'ayant avec
lui ni les esclaves grecs qui étaient ses compagnons ordinaires, ni sa femme, qu'il ne quittait guère, tandis que Milon,
l'agresseur, qui n'avait organisé ce voyage que pour commettre un assassinat, était en voiture, avec sa femme, enveloppé
d'une pèlerine, avec une suite longue et encombrante, un cortège féminin et charmant de servantes et de jeunes esclaves.
La rencontre avec Clodius eut lieu devant un domaine de celui-ci, à la onzième heure, ou peu s'en faut. Aussitôt une
troupe nombreuse de gens armés, d'un lieu dominant, se précipitent sur Milon et, attaquant de face, tuent le cocher. Milon
rejette sa pèlerine en arrière, saute de voiture et se défend avec ardeur : les gens de Clodius s'élancent l'épée au clair: les
uns reviennent en courant à la voiture pour prendre Milon de dos, les autres, croyant qu'il a déjà été tué, tombent sur les
esclaves qui étaient restés en arrière. Parmi ceux-ci, qui firent preuve de fidélité à l'égard de leur maître et de résolution,
plusieurs furent tués : d'autres se conduisirent alors, ces esclaves de Milon, sans que leur maître leur donnât d'ordres, sans
qu'il le sût et hors de sa présence, comme chacun aurait voulu que ses esclaves se conduisissent en pareille circonstance.
CICÉRON, Pour
T. Annius Milon, 28-29 (extraits), traduction A. Boulanger, éd. Les Belles Lettres, 1 96T
Page 186
Qui est le plus coupable ?
Si, au lieu d'entendre le récit des faits. Vous les aviez sous les yeux, représentés par la peinture, on verrait avec autant
d'évidence lequel des deux a été l'agresseur et lequel n'a pas eu d'intentions coupables ; car l'un était en voiture, enveloppé
d'une pèlerine, assis à côté de sa femme. Est-il plus grande cause d'embarras: vêtement, voiture, compagnie ? Est-il plus
mauvaise condition pour un combat que d'être empêtré dans une pèlerine, enfermé dans une voiture et comme enchaîné
par sa femme ? À présent, voyez l'autre: d'abord il quitte sa villa en toute hâte ; (pourquoi ?) le soir (quelle nécessité ?) il
s'attarde: (était-ce indiqué, surtout en cette saison ?) il fait un crochet par la villa de Pompée; était-ce pour voir Pompée ?
Il savait que celui-ci se trouvait dans son domaine d’Alsium. Pour visiter la villa ? Il y était allé mille fois. Qu'était-ce
donc ? Retard et lenteur calculés; il n'a pas voulu abandonner la place avant l'arrivée de Milon.
Eh bien à présent, comparez le léger équipement du bandit avec tout l'encombrant attirail qui accompagnait Milon.
Jusque-là Clodius avait toujours sa femme avec lui ; il était sans elle ce jour-là. Jamais il ne voyageait qu'en voiture. Ce
jour-là il était à cheval. Milon, par extraordinaire, emmenait avec lui ce jour-là de jeunes esclaves musiciens appartenant à
sa femme et des troupes de servantes. L'autre, qui ne manquait jamais de se faire suivre par des courtisanes, des mignons,
des prostituées, n'avait personne avec lui.
CICÉRON, Pour
T Annius Milon, 54-55 (extraits), traduction A. Boulanger, éd. Les Belles Lettres, 1967.
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La punition d'un parricide
Le plus sage des Athéniens fut, dit-on, Solon, celui à qui est due la rédaction des lois qui sont encore aujourd'hui
observées à Athènes. On lui demandait un jour pourquoi il n'avait pas établi de peine contre celui qui aurait tué son père ;
il répondit qu'il pensait que personne ne se rendrait coupable d'un tel crime. On dit qu'il a sagement agi de n'avoir
constitué aucune sanction pour un crime dont il n'y avait pas encore d'exemple. Combien plus sages furent nos ancêtres !
Comme ils se rendaient compte qu'il n'est rien de si sacré que l'audace ne puisse un jour violer, ils imaginèrent contre les
parricides un supplice d'un caractère spécial, capable d'éloigner du crime par l'énormité du châtiment ceux que la nature
elle-même n'aurait pu retenir dans le devoir : ils voulurent que les parricides fussent cousus vivants dans un sac de cuir et
jetés ainsi dans le fleuve.
CIÉRON, Pour Sextus Roscius d'Amérie, 70, traduction J. Cousin, éd. Les Belles Lettres, 1965
L’anneau de Gygès
Jadis vivait un berger nommé Gygès qui faisait paître les troupeaux du roi. Comme la terre s'était ouverte sous l'effet de grandes
pluies, il descendit dans cette crevasse et remarqua un cheval de bronze qui avait des portes sur les flancs. Il les ouvrit et vit le corps
d'un homme d'une grandeur inhabituelle, avec un anneau d'or au doigt ; il le lui enleva et le mit à son propre doigt. Ensuite il se
rendit à l'assemblée des bergers. Là, quand il avait tourné le chaton de l'anneau vers sa paume, personne ne le voyait, mais lui-même
voyait tout; il était visible à nouveau quand il avait remis l'anneau à sa place. Se servant de l'avantage qu'offrait l'anneau, Gygès tua
le roi son maître. Il supprima ceux qu'il jugeait gênants pour lui et personne ne put le voir perpétrer ces crimes. Il devint finalement
roi de Lydie.
Cicéron De Officiis, 3, 38.
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