Historique et fondamentaux du développement durable par Jean

Historique et fondamentaux du développement durable
par
Jean Milon,
Docteur de l'Université Paris 1 Panthéon Sorbonne
Economiste de l'Environnement
Chercheur au CIRTAI-Université du Havre
Christian Tschocke,
Ancien auditeur du Collège des Hautes Etudes pour l'Environnement et le
Développement Durable
Directeur du LEDD (Laboratoire d'études sur le développement durable)
1- Préambule
« Nous souffrons tous d’un manque d’information sérieuse et d’une absence de
communication honnête, au point même que beaucoup parmi nos concitoyens,
pensent que le développement durable n’est qu’une nouvelle théorie au service
exclusif de l’économie.
Nous savons qu’il n’en est rien et que le concept de développement durable est
étonnement proche des engagements humanistes portés par notre République. Ne
devons nous pas travailler à l’amélioration de la société ? N’est ce pas notre devoir
d'Homme que de réfléchir au monde dans lequel nous vivons ?
Une utopie certes, mais cette utopie qu’il nous faut bâtir s’adresse plus aux
générations futures qu’à nous même, son principe est fondateur d’une nouvelle
société solidaire et fraternelle où l’Homme retrouvera pleinement sa place. Elle
répond à un projet de nouvelle gouvernance.
2- L’historique du concept :
Il est admis que le premier rapport sur l’état de l’environnement dans le monde
publié en 1951 par l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature
(U.I.C.N.) fut un précédent notable dans la recherche d’harmonisation entre
économie et écologie. Ce fut pourtant en 1970 dans son rapport « Halte à la
croissance » que le club de Rome alerta l’opinion sur les dangers que représente une
croissance économique liée à une démographie galopante quant à l’épuisement des
ressources, les blessures de la pollution et les dommages engendrés par la
surexploitation des systèmes naturels. A cette époque, la croissance zéro est prônée,
le développement économique et la protection de l'environnement étaient présentés
comme contradictoires. A la veille de la Conférence des Nations Unies sur
l’Environnement humain de Stockholm (1972), le réexamen des liens entre
environnement et développement animé par Maurice Strong, son organisateur,
permet d’introduire un modèle de développement économique compatible avec
l’équité sociale et la prudence écologique qui serait fondé sur la satisfaction des
besoins plutôt que sur une augmentation incontrôlée de l’offre. Le concept
d’écodéveloppement est né. Il sera repris par le français Ignacy
Sachs, qui y voit le moyen de réconcilier le développement humain et
l'environnement, indissociables l'un de l'autre, en affirmant la nécessité de remettre
en cause les modes de développement du Nord et du Sud, générateurs de pauvreté et
de dégradations environnementales. Il en coulera la création du Programme des
Nations Unies pour l’Environnement (PNUE) ainsi que le Programme des Nations
Unies pour le Développement (PNUD).C’est à partir d’une prise de conscience
populaire qu’est née une nouvelle théorie fondée sur l’axiome suivant : « mettre en
place les conditions d’un développement permettant à la génération présente de
satisfaire ses besoins sans toutefois compromettre la capacité des générations futures
à satisfaire les leurs ».
Plus le temps passe, plus la société civile prend conscience de l’urgence de mettre en
place une solidarité « glocale » (globale et locale) pour faire face aux grands
bouleversements des équilibres naturels. Ainsi, au cours des années 1980, le grand
public couvre les pluies acides, le trou dans la couche d’ozone, l’effet de serre, la
déforestation et les catastrophes de Three Mill Land et de Tchernobyl.
Dès 1980, l’UICN parle pour la première fois de « Sustainable Development »
(traduit en français à l’époque par développement soutenable). Mais le terme passe
presque inaperçu jusqu’à sa reprise dans le rapport de Madame Gro Harlem
Brundtland, « Notre Avenir à tous », publié en 1987. À l’époque, alors Premier
ministre en Norvège et présidente de la Commission Mondiale sur l’Environnement
et le Développement, elle s’attacha à définir ce concept de « Sustainable
Development ». Depuis cette date, le concept de développement durable a été adopté
dans le monde entier.
3- Constat.
Le Développement Durable est un concept dont certains hommes politiques se sont
emparés « pour affichage médiatique », sans connaître exactement ce que cela
recouvre. Et surtout sans que toutes les expertises scientifiques aient été validées. Ce
concept, par ailleurs galvaudé, peut nous permettre de réfléchir aux façons et moyens
de transformer pacifiquement et humainement la société universelle. Le
développement durable est un concept qui reste à finaliser, à objectiver. Il nous
semble qu’un débat sur cette problématique doit être ouvert dans et par notre société
et ainsi introduire un peu de rêve dans nos vies menacées par le malthusianisme et le
"brunissement" des idées.
3.1/Situation mondiale
Nous consommons plus vite que ne le permet la capacité d’auto régénération de
notre planète. Les scientifiques nous signalent que nous sommes en train de dévorer
notre capital naturel, de dépasser toute une série de seuils de rendements durables, et
d’amorcer des conflits pour plusieurs générations du fait de la rareté grandissante des
ressources naturelles.
La détérioration régulière de la santé « biophysique » de la Terre est étroitement liée
à la stagnation voire à la diminution de la qualité de vie de la majorité des êtres
humains.
L'accroissement global de la population mondiale, une pauvreté persistante, des
inégalités croissantes et une désintégration sociale galopante ne sont que quelques-
uns des problèmes posés.
La doctrine de
Malthus (1766-1834)
élaborée à la fin du
18éme siècle, se base
sur le décalage entre
l’évolution rapide de
la démographie et
l’accroissement des
ressources qui est
beaucoup plus lente.
Afin de créer les
conditions de
l’équilibre il
préconise la
réduction du nombre
des naissances au
sein des populations
les plus pauvres.
Les progrès des
sciences et en
particulier de
l’agronomie, ont mis
à mal sa théorie qui
pourtant fait
aujourd’hui de
nouveaux émules. Le
néo-malthusianisme
fonde la pensée de
plusieurs courants
idéologiques en
prônant à nouveau la
limitation des
naissances comme
seul moyen de
préservation de
l’humanité.
3.11/En matière de pauvreté
Selon les Nations-Unies, entre 1990 et 1998, le taux de pauvreté dans les pays en
développement, établi sur la base d'un seuil mondial de pauvreté fixé à 1 dollar par
jour, a diminué de 29 à 23 %. Si cette tendance décroissante pouvait être maintenue à
ce rythme, le taux de pauvreté serait en 2015 quasiment inférieur de moitié à celui de
1990. Mais en raison de la croissance démographique, le nombre total de personnes
vivant dans la pauvreté a seulement légèrement diminué au cours des années 1990,
passant de 1,3 à 1,2 milliard de personnes. De plus, cette évolution globale cache de
fortes disparités régionales. Par exemple, en Afrique sub-saharienne, entre 1990 et
1998, le nombre de personnes vivant dans la pauvreté est passé de 217 à 291
millions.
Par ailleurs, les inégalités dans la répartition des revenus à l'échelle mondiale se sont
accentuées au cours des dernières décennies, en raison essentiellement de l'écart qui
se creuse entre les pays les plus nantis et les pays les plus défavorisés. Les 20 % les
plus pauvres ne reçoivent que 1, 1 % du revenu mondial, ce qui représente une
diminution par rapport à 1991 (1,4 % du revenu mondial).
Les chiffres mondiaux sur la pauvreté « persistante » sont encore plus angoissants.
Environ 37000 enfants meurent chaque jour pour des raisons liées à la pauvreté, dont
5000 par manque d’eau potable ; plus de 260 millions d'enfants ne sont pas
scolarisés aux niveaux primaire et secondaire ; 840 millions de personnes souffrent
de dénutrition ; 850 millions d'adultes sont illettrés ; 880 millions d'individus n'ont
pas accès aux services de santé ; 1 milliard d'êtres humains n'ont pas d'abri digne de
ce nom ; 1,3 milliard de personnes (dont 70 % de femmes) essaient de vivre avec
moins de 1 dollar par jour, soit 200 millions de plus qu'au cours de la dernière
décennie ; 2 milliards d'individus n'ont pas d'électricité et 2,6 milliards ne disposent
pas d’installations sanitaires de base.
La misère se traduit par une perte massive des repères sociaux. Près de 1, 2 milliard
d'adultes sont au chômage ou honteusement sous-employés, avec une rémunération
en deçà du salaire de subsistance. Ce chiffre représente le tiers de la main d'oeuvre
mondiale (pourcentage le plus élevé depuis les années 30). Plus de 250 millions
d'enfants âgés de 5 à 14 ans font partie de la main d'oeuvre enfantine.
Selon les rapports des
Nations-Unies, la
population mondiale, après
avoir grimpé de 1,6 milliard
d'habitants en 1900 à plus
de 6 milliards aujourd'hui,
devrait atteindre le chiffre
de 8 milliards en 2020
(malgré la baisse du taux de
fécondité). Elle se
stabilisera peut-être autour
de 9 à 10 milliards d'ici à
2050. Pendant la lecture de
ce travail, la population
nette de la planète aura
augmenté de 3.600
personnes, tandis que 350
millions de couples environ
n'ont toujours pas accès à la
planification familiale.
L’hypothèse moyenne des projections démographiques semble la
plus probable avec une population estimée à 9,5 milliards en 2050. A
partir de cette date, la
population mondiale
diminuera pour retrouver
le niveau actuel vers 2300.
L'inégalité des revenus augmente au sein des nations et entre elles. On estime
aujourd'hui que la part du revenu mondial détenue par le cinquième des personnes
les plus riches du monde est 74 fois plus élevée que celle du cinquième le plus
pauvre : un écart qui a doublé au cours de ces trente dernières années. D'après le
magazine "Forbes ", la richesse cumulée des 225 plus grosses fortunes mondiales est
égale au revenu annuel cumulé de la moitié de l'humanité la plus pauvre.
L'accentuation de ces écarts engendre colère, frustration, aliénation et désespoir. Si
l’on cumule les avoirs des trois premiers milliardaires (180 milliards de dollars),
nous obtenons le PNB de l’Argentine, 33éme dans l’ordre mondial.
3.12/En matière de pression démographique
La pression démographique liée aux dangers économiques, écologiques et politiques
qu'elle entraîne, encourage les migrations internes et trans-frontalières. La migration
des zones rurales vers les zones urbaines engendre des mégalopoles, spécialement
dans les pays en voie de développement. Les experts médicaux, tout comme l’expert
toxicologue Jean François Narbonne, affirment que l'environnement
épidémiologique se détériore. Des maladies anciennes, comme la tuberculose,
resurgissent, et de nouvelles, comme le sida, font leur apparition.
3.13/En matière d’éducation et d’instruction
De quelle égalité des chances apportée par la mondialisation peut-il être question
quand les États-Unis comptent sur leur territoire plus d'ordinateurs que le reste de la
planète, quand la seule ville de Tokyo possède plus de lignes téléphoniques que
l'Afrique tout entière, quand 130 millions d'enfants en âge d'être scolarisés n'ont
aucune possibilité de fréquenter l'école primaire ?
Une distorsion
géographique :
le poids du P IB
et les relations
Nord- Sud. Avec
une moyenne
inférieure à
3000 US$ par
an et par
habitant,
l’Afrique
disparait de la
carte du monde.
3.14/En matière sanitaire
La situation de l'Afrique est certainement, de toutes, la
3.15/En matière d’aide au développement
L’aide des pays développés est loin d'atteindre l'objectif fixé trente ans plutôt : au
lieu des 0,7 % de leur PIB promis, les actuels pays membres de l'Organisation de
coopération et de développement économique (OCDE) n'en assignent que 0,22 % à
des projets de développement dans le monde, et le pays le plus riche de la planète,
les États-Unis, moins de 0,15 %. Lors du Sommet de Madrid, en février 2002,
l'Union européenne a pris l'engagement de consacrer 0,39 % de son PIB au
développement, à l'échéance de 2010 !
Ainsi que constatons-nous ? Dans quel théâtre se joue la comédie humaine
universelle, cette divine comédie ?
Face à la conjoncture économique mondiale et à l'instauration de la pax americana,
la situation de certains pays développés (centres des Etats-Unis et de la Grande
Bretagne) se gradent très rapidement. La crise s'approfondit. Les délocalisations
s'accroissent. Les entreprises européennes bradent leur potentiel et s'installent
ailleurs dans le monde, les salaires pratiqués permettent à peine à ceux qui en
"bénéficient" de survivre, les enfants sont exploités et meurent à la tâche, le
progrès social est inexistant.
3.2 /La situation en Europe
Les accords de Maastricht ont été ratifiés par la majorité des pays européens et le
chômage s'aggrave. Il va s'en dire que le volet social de ces accords n'existent
pratiquement pas. La politique réalisée à Bruxelles relayée par les gouvernements
nationaux et régionaux et touchant "les services" prévoit la liquidation pure et simple
des services publics, l'abandon de pans industriels entiers, la mise en jachère de
plusieurs milliers d'hectares favorisant le passage de notre agriculture sous le joug
économique des USA.
La situation de l'Afrique est
certainement, de toutes, la plus
tragique. Au cours du dernier quart
de siècle, le niveau des ressources et
de la consommation d'une famille
africaine moyenne a baissé de 20 %.
Sur 36 millions d'êtres humains
atteints par le virus du sida, 23
millions vivent en Afrique.
Du fait de la mortalité élevée
qu'entraîne cette terrible maladie,
l'espérance de vie de la population
privée d'accès à tout médicament
coûteux, est en constante régression :
d'après les pronostics des médecins,
de 59 ans aujourd'hui, elle devrait
tomber à 45 ans dans quelques
années. Elle n'est déjà plus que de 41
ans au Botswana !
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