PAF Agrégation 2011

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Actualité de Cicéron
Cours
INTRODUCTION :
La justice. Un thème difficile et conflictuel qui met aux prises deux catégories de
personnels : philosophes et les juristes. Le problème d’un tel thème, c’est le divorce
communément admis entre, d’une part, les philosophes, spécialistes d’utopies et de
modélisations, et, d’autre part, les juristes, techniciens du droit, qui seraient davantage
préoccupés par le montant de leurs honoraires que par la justice. Une histoire drôle met d’ailleurs
en scène un avocat. Lors d’un dîner mondain, un chirurgien est accablé de questions médicales
par sa voisine de table. Agacé, il demande à son vis-à-vis, avocat de son métier, s’il est en droit
de considérer, juridiquement, la conversation comme une consultation et, donc, de demander des
honoraires. L’avocat répond alors « oui, il s’agit bien d’une consultation et quant à vous,
Docteur, vous me devez 200 Euros ».
Derrière cette blague assez méchante pour les professions libérales, il y a une véritable
problématisation juridique : quelle est la différence entre une conversation et une consultation ?
D’ailleurs, il faut distinguer la consultation, qui, juridiquement, a lieu lorsqu’une question
purement technique ne requiert pas d’investigation complexe. Le juge peut alors charger une
personne qu’il commet de fournir une simple consultation. La consultation juridique, elle, se
définit comme l’avis donné par un juriste professionnel dans un litige donné. La consultation
médicale, elle, est définie dans l’article 55 du Code de la Santé publique. En procédure civile, la
consultation désigne donc la mission confiée par le juge où le tribunal à un technicien et qui
consiste, quand l’examen des faits ne nécessite pas des investigations complexes, à donner son
opinion verbalement ou éventuellement par écrit, après examen contradictoire des faits litigieux.
Revenons à notre reproche initial : les philosophes revendiquent souvent une ignorance et
un mépris juridique et les juristes s’accommodent fort bien de leur ignorance philosophique. Que
peut-on
dire
de
ce
divorce ?
1) il est ancien
2) il est au fondement d’importantes erreurs pas tant juridiques que philosophiques.
Pourquoi ce divorce est-il ancien ? Parce qu’il est revendiqué par le Platon du Protagoras. Lors
de son procès, le Socrate personnifié refuse ou revendique son ignorance de la rhétorique et
prétend parler au nom de la recherche de la vérité. Mon but n’est pas ici de refaire le procès de
Socrate, mais d’analyser les conséquences du divorce qu’il revendique. Nous verrons plus tard ce
que Cicéron pense de ce divorce.
Les conséquences qu’il entraîne sont dommageables. Citons pêle-mêle :
le mépris de beaucoup de professeurs de philosophie vis-à-vis des sophistes qui sont pourtant
leurs véritables ancêtres puisque, après tout, les enseignants de philosophie sont salariés. Cette
erreur persiste. Je me souviens d’un collègue soutenant que Socrate a tenu la meilleure défense.
Cela paraît pour le moins discutable.
Un divorce droit/ philosophie qui explique que juristes et philosophes, souvent, ne s’entendent
pas.
D’importantes erreurs sur la philosophie romaine. Je soutiens pour ma part qu’il y a une
philosophie romaine et que les Romains ne se sont pas contentés de produire une contrefaçon de
philosophie grecque. Le droit de la propriété intellectuelle n’existant pas dans l’antiquité, notre
représentation qui attribue aux Grecs les maths, la philosophie, la médecine et aux Romains le
droit paraît discutable. Les Romains ont certes inventé la science du droit.
Faut-il donc prendre acte de ce divorce et reconnaître comme inconciliables l’interrogation
philosophique et les sciences juridiques ?
En tout cas, dans l’état actuel, 1) la philosophie est largement ignorante du droit et 2) le droit
revendique une ignorance de la philosophie.
Le problème se pose alors de l’inflation du judiciaire :
la plupart des chefs d’Etat sont avocats maintenant : N.Sarkozy, T. Blair, A.Merkel, Zappatero,
F.Fillon, B.Obama…
on assiste au développement d’un droit communautaire et international éminemment
problématiques.
On assiste à un processus de judiciarisation des rapports sociaux : recours divers/ procédures
d’arbitrage/ problèmes de propriété intellectuelle/ droit des affaires/ droit des brevets, des dessins
et modèles, des bases de données.
Aujourd’hui, nous donnerons la parole aux juristes.
Quels sont les principaux reproches formulés par les juristes à la philosophie ?
Reproche 1) D’après Hauriou, la philosophie du droit n’existe pas. Le droit naît de l’Etat et la
compréhension du droit nécessite donc une philosophie de l’Etat. On peut facilement objecter
que le droit peut exister indépendamment de l’Etat, notamment dans la coutume. Le danger de
ravaler le droit à la seule volonté du prince, c’est de tomber dans le positivisme.
Reproche 2) Selon Carbonnier, la philosophie du droit est une discipline originale qui articule
des jugements de valeur et doit donc se distinguer de la sociologie du droit, qui privilégie quant à
elle les énoncés empiriques. On répondra qu’il n’est après tout pas évident que la sociologie
n’utilise que des énoncés descriptifs.
Reproche 3) argument ad hominem : la philosophie du droit concerne les philosophes et non pas
les juristes. D’après cette position, le juriste s’attache à la personne et le philosophe à l’essence
du droit. Cette position ne tient pas. La philosophie du droit nécessite un bagage en droit. Il ne
faut pas, dit M Villey, tailler une part trop large aux philosophes. La science du droit suppose
admise une conception du droit, de son objet, de son essence. Or, on a du mal à trouver chez
Descartes, Pascal, Kant, Hegel, Nietzsche, Kierkegaard, Freud, Sartre, Heidegger une réelle
expérience du droit.
D’où le diagnostic de M Villey : nous n’avons pas de philosophie juridique. Si, dit M Villey, au
–dessus de la poussière d’idéologies successives qu’étudient les historiens, il y a une philosophie
juridique, elle reste à réinventer.
Pourquoi parler de réinvention ? Le préfixe laisse en effet entendre que cette philosophie
juridique existe. C’est celle de Cicéron. On peut distinguer plusieurs figures de Cicéron :
le classique qui nous a fait éventuellement souffrir en cours de latin lors de traductions épiques
des Tusculanes
le politique, consul des Verrines ou du Pro Murena, ami-ennemi de César/ Antoine/ Caton.
Le théoricien de l’éloquence, auteur du De l’invention, du De Oratore, du Brutus, de l’Orateur
L’enseignant qui forma au patronat judiciaire plusieurs jeunes gens de l’aristocratie équestre ou
sénatoriale.
Le philosophe ? C’est toujours en discussion. Les Lois, après tout, s’apparentent à une copie de
la République mais Cicéron a rhétorisé la philosophie. Il a , d’une part, introduit une dimension
philosophique dans la rhétorique et, d’autre part, introduit la rhétorique dans la philosophie en
développant un langage philosophique original qui mêle démonstration et persuasion.
Un avocat passionné par la défense. C’est la figure qui m’intéresse le plus. Cicéron prononça 150
discours dont 58 sont conservés. On peut les classer en deux grandes catégories, celles des
harangues, ou discours politiques prononcés devant le peuple ou le Sénat et celle des discours
judiciaires, pour l’accusation ou la défense devant les tribunaux. D’après les études livrées par
J.E.Granrud dans The Classical Journal, 1912-1913, Cicéron eut gain de cause dans 82% des cas.
Cicéron ne rédigeait pas ses discours. Les textes que nous avons sont des versions révisées,
réécrites, augmentées ou abrégées pour publication par son secrétaire Tiron. De ce point de
vue, il partage l’opinion de Maître Henry Torrès qui refusait de voir en Poincaré un avocat
sous prétexte qu’il « écrivait ses plaidoiries ». Cf : Robert Badinter, L’Exécution p 41-45. De
plus, Cicéron a la passion de la défense comme Torrès. Cicéron est donc le seul philosophie
occidental qui est aussi avocat. Sa philosophie de l’art oratoire, de la rhétorique, est au centre
de sa pensée et constitue une véritable expérience de philosophie juridique. Avec Cicéron se
dégage une conception du droit comme visant la justice et qui constitue le point focal autour
duquel s’orientent et s’articulent toutes les dimensions de sa réflexion.
On peut objecter que Cicéron est dépassé et ne présente rien de plus qu’un intérêt historique.
Je ne prétends pas ici faire de l’histoire du droit puisque je ne suis pas romaniste. J’ai deux
objectifs :
donner des éléments factuels, procéduraux et jurisprudentiels exploitables dans une épreuve sur
la justice. Pour ce faire, je me fonderai sur les plaidoiries.
Montrer l’actualité de la théorie de Cicéron pour comprendre les problèmes contemporains en
matière de justice. Je me fonderai sur le De Oratore.
S’agit-il donc de faire du neuf avec du vieux ? Non. Aucune philosophie juridique n’a été
véritablement élaborée en Occident depuis Cicéron et je pense que c’est d’elle qu’il faut partir. Je
répondrai donc dans un premier temps à l’objection historicisante en déterminant les éléments
qui font la romanité de la philosophie cicéronienne pour exposer ensuite la philosophie du De
Oratore .
La romanité de Cicéron :
Je voudrais ici prendre en compte une objection a priori indépassable : celle d’après
laquelle Cicéron serait dépassé. Que faut-il entendre par la notion de romanité ? Il convient
de distinguer la rhétorique romaine de la rhétorique grecque pour comprendre l’originalité de
Cicéron et de Rome. Chez les Romains, pas de héros beau-parleur. Le modèle archaïque
romain est plutôt celui de l’orateur qui parle à bon escient, qui compte sur son statut, sur son
âge, sur sa noblesse, sur son prestige qui doivent garantir le poids et l’autorité des paroles.
Celui qui parle est écouté, non pas tant à cause de ses paroles, qu’à cause de sa position dan
la cité, qui donne à ses paroles la valeur nécessaire. La parole, à Rome, est une affaire
sérieuse, elle est à l’origine sacrée et engage l’ordre du monde. Elle est performative, comme
cela se voit d’ailleurs dans la procédure formulaire. Dans l’ancien droit romain, c’est la
plaideur lésé qui, poursuivant la restitution de son droit, dirige la procédure. Le plaideur
poursuit personnellement et par sa force personnelle l’objet qu’il réclame. Cependant, l’Etat
l’oblige à faire contrôler la régularité de son action. Les magistrats chargés de ce contrôle
seront successivement le roi, le collège des pontifes, les consuls puis les préteurs à partir de 367.Le citoyen romain doit se plier à des rites.
ex : Soit un propriétaire souhaitant reprendre son esclave à un voleur. Il amène l’esclave au
tribunal, pose sur sa tête une baguette et prononce une formule : Gaius Institutes IV 6 : Je dis
que cet esclave est mien en vertu du droit quiritaire.
Conséquence : pour intenter un quelconque procès, il faut pouvoir couler sa prétention dans
l’une de ces formules admises par la coutume et acceptées par le préteur. Performative la
parole est par elle-même une action qui possède une efficace et produit une situation
nouvelle. La parole sert à ordonner, permettre, énoncer des règles. Le but n’est donc pas de
prononcer des discours brillants ou subtils mais des paroles appropriées auxquelles on peut se
fier. La parole doit susciter la confiance et être à la fois énergique et brève.
La seule école à laquelle on peut apprendre cet usage de la parole, pour les Romains, c’est
celle de la coutume ancestrale (mos majorum). Etant donnée l’importance de la structure
gentilice et l’omnipotence juridique du Pater familias, la famille constitue le premier lieu de
l’éducation. Le père prend son fils en charge et lui enseigne à lui ressembler en imitant ses
paroles et ses comportements. L’éducation oratoire était donc intégrée dans un processus plus
complet, qui consiste à former l’être social par les leçons et l’exemple, ainsi qu’à transmettre
les valeurs de la classe et de la famille.
Tacite, explique ainsi dans le Dialogue des orateurs : « Chez nos ancêtres, le jeune
homme qui se destinait à l’éloquence judiciaire et politique, après avoir reçu chez lui un
commencement de formation et l’esprit nourri de bonnes études, était conduit par son père ou
ses proches à l’orateur qui occupait le premier rang dans la cité. Il devait s’habituer à
fréquenter sa maison, à l’accompagner au dehors, à entendre tout ce qu’il disait, soit au
tribunal, soit dans les assemblées ; c’était au point qu’il assistait même aux plaidoiries par
courtes répliques, qu’il était présent aux discussions violentes, et qu’il apprenait pour ainsi
dire à combattre au milieu même de la mêlée. »Or, dans cette éducation, l’apprentissage du
droit est essentiel. Quid de Cicéron ? Il fut formé par deux grands jurisconsultes : son père le
conduisit auprès de Quintus Mucius Scaevola l’Augure et auprès du cousin de celui-ci,
Quintus Mucius Scaevola le Pontife.
 ce modèle idéologique de la rhétorique fait écho à un vieux fonds pragmatique, paysan,
militaire dont les Romains étaient fiers et qu’ils revendiquaient volontiers.
Qui sont donc les grands prédécesseurs de Cicéron ? Leurs discours sont perdu ou bien
transmis par Cicéron dans le Brutus, ou bien par Salluste, Tite-Live, Denys d’Halicarnasse,
Plutarque et les érudits de l’Empire comme Aulu-Gelle.
Le premier discours important est prononcé, d’après la légende , en -494 : c’est l’apologue
des membres et de l’estomac qu’aurait prononcé Menenius Agrippa pour calmer la plèbe.
Cette éloquence possède deux caractéristiques : 1) elle se déploie dans le contexte des luttes
sociales et 2) il s’agit d’une éloquence pré-technique qui repose sur une simple narration et
non pas sur une démonstration argumentée. Suit au tournant des IV et IIIè siècle le travail du
consul Appius Claudius Caecus, qui réforme l’alphabet et divulgue le droit.
Prochaine grande figure : Caton l’ancien (234-149) : le premier orateur à publier. Dans le
Brutus, Cicéron prétend avoir lu plus de 150 discours de Caton. Son style se marque par
l’efficacité, la variété des tons et des formes ( surtout l’invective), un style raide, rugueux,
peu rythmique. C’est aussi le premier théoricien de la rhétorique lorsqu’il dit à son fils que
« l’orateur est un homme de bien, habile à parler ». Autrement dit, la simple compétence
oratoire ou la maîtrise technique se suffisent pas à définir l’orateur. Celui-ci est surtout
dépositaire de qualités morales et sociales qui appartiennent aux bon citoyens, c’est-à-dire
aux hautes classes, attachées aux structures et valeurs de la société humaine. Une deuxième
sentence de Caton nous est parvenue : « Possède le sujet, les mots suivront » Caton distingue
ici la maîtrise du cas dans sa dimension factuelle et jurisprudentielle de la simple maîtrise des
mots qui permettra de plaider. Il ne refuse pas la rhétorique mais il condamne bel et bien une
rhétorique qui en serait que technique et langage. Caton est un traditionaliste et non pas un
archaïque. Il se réclame ses valeurs traditionnelles, réaffirme la légitimité du patronat, le rôle
du Bonus Vir, l’importance de la fides tout en intégrant des nouveautés, en parlant sans
relâche, en publiant et en conceptualisant. Cicéron se montre plus nuancé à l’égard des
Gracques et de leur éloquence. Dans le Brutus, il déclaire : « Si seulement Tibérius Gracchus
et Caius Carbo avaient eu la volonté de bien gérer l’Etat comme ils eurent le talent de bien
parler… »Cette rhétorique révolutionnaire des Gracques suscita d’ailleurs un regain de la
rhétorique des Boni dans la rhétorique sénatoriale des IIè et Ier siècles.
Marcus Antonius, grand père du triumvir et Lucius Licinius Crassus, deux des interlocuteurs
du De Oratore, fournissent des exemples typiques de l’orateur romain, avec la dimension
politique que cela comporte. Ils parcourent le cursus honorum jusqu’ au consulat et à la
censure, exercent le pouvoir proconsulaire dans une province. Antonius remporte le triomphe
et Crassus le manque de peu. D’après Cicéron, Antonius excelle dans le genre judiciaire. Il
est d’une efficacité redoutable grâce à la force de ses démonstrations, à l’action persuasive et
à sa mémoire. Antonius ne recherche pas le style, il ne publie d’ailleurs pas pour ne pas avoir
« un jour à nier avoir dit ce qu’il lui faudrait n’avoir pas dit » ( Cf : Cicéron, Pour Cluentius).
Antonius entend garder les mains libres pour défendre par tous les moyens chacun de ses
clients successifs. Il croit à la pratique et à l’expérience. Crassus, lui possède une vaste
culture générale et des connaissances particulièrement étendues en matière de jurisprudence.
Il excelle dans le style, la forme, l’art de la réplique. Il s’est illustré notamment dans la causa
curiana : une difficile affaire de succession. En -93, un citoyen romain avait fait établir un
testament en faveur d’un enfant dont la naissance était présumée. Une clause prévoit que si
l’enfant devait mourir avant sa majorité, l’héritage irait à son tuteur. Pb : le citoyen meurt et
l’enfant ne naît pas. Le tuteur réclame donc son héritage, conformément à la lettre du
testament. On lui oppose que puisque la naissance n’a pas eu lieu, la clause n’a pas lieu
d’être. Scaevola fait jour la lettre du testament. Crassus, lui , fait jouer la volonté du
testateur, que le testament manifeste. Crassus a certes le droit contre lui, mais fia tusage de la
rhétorique pour remporter le procès.
Un peu de droit romain
C’est la procédure, par opposition au légalisme, qui caractérise le droit romain. Tout
citoyen, pourvu qu’il réponde à des conditions d’âge et de fortune peut se trouver inscrit sur
la liste des juges. Il est alors susceptible d’avoir à trancher dans un procès civil. Pour être
titulaire d’un droit, il est essentiel que celui-ci soit reconnu en justice : il faut donc que le
préteur accorde une action. Cela diffère singulièrement, contrairement à ce que l’on a
coutume de penser, du droit français dans lequel un droit découle du stipulation législative,
réglementaire, décrétée, arrétée ou conventionnelle.
Le procès se divise en deux phases :
Phase 1 : devant le consul, puis devant le préteur : le préteur reçoit les plaintes des deux
adversaires ; devant lui se déroulent les rite les plus formalistes. Il examine ensuite la validité
des prétentions avancées par chaque adversaire.
 il s’agit de la phase in jure
Phase 2 : Apud judicem : examen devant le juge des preuves (serments/actes/ témoins) et
déroulement des plaidoiries. Le juge tranche en faveur de ces preuve ou peut s’abstenir de
rendre une sentence en déclarant que l’ensemble n’est pas clair.
Les
actions
de
loi :
Il s’agit de la procédure la plus ancienne. Elles possèdent un caractère très formaliste. Il faut
veiller à prononcer les paroles rituelles et à accomplir les gestes prescrits. Toute altération du
rite entraîne la perte du procès.
Ex : Gaius, Institutes IV 11 : « Supposons donc un procès portant sur une coup de vignes où
le demandeur parle de vignes. Il a perdu son procès, car il aurait dû parler d’arbres, parce que
la loi des douze tables relative aux coupes de vignes parle d’une façon générale d’arbres
coupés. » La loi des 12 tables prévoit quatre actions : faire établir un droit sacré/ la demande
d’un juge ou d’un arbitre/ la demande d’exécution d’une décision de justice/ la prise de gage
et la saisie privée. Gaius décrit notamment la première, ou legis actio per sacramentum :
l’objet sur lequel porte le litige doit être réellement présent en justice. Ainsi, les bien
immeubles seront présents par l’intermédiaire d’une représentation symbolique. Le
demandeur touche l’objet avec une baguette et dit « j’affirme que cet objet m’appartient en
vertu du droit quiritaire. » Le défendeur répète les mêmes termes. Le rite crée donc le droit et
les deux adversaires affirment donc leur maîtrise sur l’objet au moyen de déclarations
parallèles. Le magistrat intervient et demande aux deux parties de lâcher l’objet. Les deux
parties s’engagent alors à payer sous serment une certaine somme s’ils sont affirmé à tort leur
droit sur l’objet. Les deux plaideurs prennent à témoin les assistants puis le juge intervient
pour examiner les preuves. Celui qui l’emporte doit en tirer les conséquences cr il n’existe
pas de contrainte publique contre l’adversaire jugé et condamné. Le gagnant devra donc
contraindre personnellement le perdant s’exécuter. Pour ce faire, il engage une nouvelle
procédure, la manus interjectio ou mainmise du créancier sur le débiteur qui ne s’acquitte pas
d’une dette reconnue en justice. 30 jours plus tard, le demandeur fait comparaître son
adversaire et pose la main sur lui en prononçant la formule « Puisque tu as été condamné
pour x sesterces en ma faveur et que tu n’as pas payé, pour cette raison, je me saisis de toi. »
Deux possibilités, alors : 1) soit le défendeur s’exécute et les choses en restent là
2)soit le défendeur est remis par le magistrat à son adversaire pour 60 jours. Pendant ce
temps, le demandeur doit conduire à plusieurs reprises le condamné au tribunal et déclarer
publiquement le montant de sa condamnation afin de trouver un ami ou un parent susceptible
de secourir le débiteur qui, à défaut, sera vendu au-delà du Tibre. Au IIè siècle, les actions de
lois prescrites par le préteur sont remplacées par la procédure formulaire, au sein de laquelle
les deux adversaires n’ont plus à prononcer de paroles toutes faites ni à accomplir de gestes.
Les deux parties énoncent en commun leurs revendications devant le préteur, qui, à partir de
ces données, accorde l’action et rédige la formule qui permettra au juge de trancher. Dans le
document doivent figurer les prétentions des adversaires, et des instructions pour le juge sur
les points à vérifier. Le demandeur commence souvent par indiquer quelle action il entend
utiliser parmi celles qui figurent sur l’édit du préteur. Celui-ci peut accorder l’action, ou la
refuser, voire en créer une nouvelle et transmet au juge un programme d’instructions
conduisant à l’examen des preuves. L’acceptation de la formule par les deux parties aboutit à
la litis contestation, c-à-d à la prise à témoin des assistants pour permettre de constater que
les plaideurs sont d’accord pour faire trancher le litige par un juge. Cela éteint le droit du
demandeur, qui, ensuite, ne plus intenter de nouveau procès. En contrepartie, il acquiert le
droit d’obtenir une condamnation pécuniaire si ses prétentions sont admises. La formule du
préteur articule trois parties : 1) la nomination du juge 2) les prétentions du demandeur 3)
l’invitation faite au juge à condamner le défendeur ou à l’absoudre s’il apparaît que la
prétention du demandeur n’était pas fondée.
Exemple de formule : « Que Lucius Titius soit juge. S’il paraît que Numerius Nigidius doive
donner 10 000 sesterces à Aulus Agerius condamne-le, s’il ne le paraît pas, absous-le ».
On distingue deux types d’actions :
les actions civiles : elles protègent les droits garantis par la loi ou le jus civile. Dans ces actions,
le demandeur affirme qu’un bien lui appartient en vertu du droit quiritaire. Le préteur conserve
ces actions dans son édit, qui comporte des actions de droit strict et des actions de bonne foi qui
organisent, par exemple, les contrats consensuels comme la vente/ le louage.
Les actions prétoriennes : ce sont des actions civiles dont le préteur a étendu le champ
d’application. Ce sont aussi des innovations du préteur : il décrit la situation qui appelle
protection et l’a soumet à l’appréciation du juge. Il peut s’agit d’une action directe, c-à-d
appliquée dans le cas pour lequel elle est prévue, ou bien encore d’action utile, c-à-d étendue audelà de son domaine. Les actions utiles sont elles-mêmes de deux types. On trouve
premièrement les actions à transposition de personnes, pour lesquelles l’intentio contient un nom
et la condemnatio un autre. Par ex, il en va ainsi de la formule d’action dont l’intentio mentionne
le nom du fils ou de l’esclave et la condemnatio celui du père ou du maître. Enfin, on trouve les
actions fictives qui consistent en l’utilisation d’une action civile qu’on adapte par l’intermédiaire
d’une fiction. Par ex, pour juger un peregrin, on prescrit de le juger « comme s’il était citoyen
romain »
 le préteur joue donc un rôle très important dans la procédure. A ces formules d’actions
s’ajoutent également les possibilités dont il dispose en vertu de son imperium. L’envoi en
possession permet par ex de reprendre un bien souvent détenu à tort par un autre. En matière
de contentieux, la restitutio in integrum annule un acte et ses effets : tout se passe donc
comme si l’engagement pris à tort ou frauduleusement n’avait pas eu lieu.
Le droit romain trouve ses sources dans les actions de lois et dans la loi des douze tables.
Pomponius, dans son Traité sur les origines du droit romain affirment que les décemvirs
composèrent 10 lois vers -450 et les firent graver sur des tables d’ivoire, disposées près des
rostres afin que chacun puisse en avoir connaissance. L’année suivante, il en ajoutèrent deux.
D’après Tite-Live, les XII tables disparurent en -390 quand les Gaulois incendièrent Rome.
Puis, Cn.Flavius divulgue un recueil de formules en -390.
Caractéristiques de l’ancien droit romain : Le père de famille jouit d’un pouvoir quasi
complet sur la famille (esclaves/ femmes/ enfants/ enfants d’autres familles vendus comme
ouvriers/ enfants soumis à la tutelle). Il a aussi un pouvoir sur les chefs de famille qui sont
ses débiteurs à la suite d’un contrat ou bien à cause de délits. Le droit organise ainsi
rigoureusement la poursuite des dettes à condition de respecter la procédure, le créancier
pourra mettre le débiteur à mort. S’il y a plusieurs créanciers, le cadavre sra divisé.
Cependant, les mœurs et la religion tempèrent grandement la rigueur du seul droit archaïque.
Pour être reconnues en justice, les créances contractuelles doivent avoir été nouées
solennellement et devant témoins selon des formes reconnues comme la sponsio. La sponsio,
c’est la promesse verbale et réciproque entre deux parties de payer une certaine somme si
telle condition n’est pas remplie. Les délits ouvrant à une action en justice sont ceux décrits
dans la loi des douze tables, plus la violence grave qui entraîne une fracture et les dommages
exercés en coupant les arbres d’autrui. Ce droit, dit M Villey, est un droit de la véritable
liberté : chaque père de famille doit posséder une sphère d’activité indépendante. Le Romain
est seul responsable de la façon dont il exerce ses droits sur sa ppté et sa famille. De plus le
jus civile quiritum est un droit précis qui ne fait pas de place à l’arbitraire dans la répartition
des biens. Par ex, pour que j’aie droit à telle somme que m’a promise mon débiteur, il faut
que soient intervenus solennellement els rites non ambigus de la sponsio. Ou bien encore,
pour que je sois propriétaire d’une terre qu’on m’a vendue, il faut que soit intervenue devant
témoins la cérémonie de la mancipatio ou que j’aie possédé cette terre paisiblement pendant
10 ans.
Dans la procédure formulaire, ensuite, on observe que la justice de la Rome classique reste
appuyée sur les bases du droit quiritaire et en conserve les qualités de certitude et de
précision. Le Romain est sûr de son droit là où il trouve une formule. Cependant, les préteurs
enrichissent le nombre des formules, y ajoutent des fictions et des interdits, des stipulations
prétoriennes. Le catalogue en est affiché par chaque préteur à son entrée en charge. Ce
faisant, les préteurs élargissent considérablement le champ de la justice qui, par le biais des
fictions, s’étend aux péregrins et à tous les hommes sauf aux esclaves. En créant des
formules, le préteur donne leur existence juridique à de nouveaux délits ouvrant pour la
victime droit à réparation. En même temps a surgi une gamme de nouvelles créances. Pour
être créancier, il n’est plus nécessaire de recourir à la sponsio. Les jurisconsultes ont ainsi fait
recevoir des formules qui sanctionnent la promesse simple et qui constituent les actes de
naissance
de
la
vente,
du
louage,
des
contrats
de
commerce.
Cette justice se soucie de juger suivant l’équité : une égalité qui tient compte des conditions
spéciales où se trouvent les parties.
Quelques créations du droit romain :
les personnes : la personne se définit comme l’individu en tant qu’il joue un rôle sur la scène
juridique. Dans l’ancien droit, les esclaves (= les étrangers pris à la guerre plus leurs
descendants) les étrangers ne sont pas des personnes. Exceptions faite des Latins, qui ont le droit
de contracter mariage avec des Romains, celui d’accomplir avec les Romains des actes juridiques
comme l’aliénation et l’acquisition et le droit d’agir selon les rites de l’ancienne procédure. A
quoi il faut ajouter plusieurs traités attribuant telle ou telle prérogative à certains peregrins.
Seul le père de famille a le statut de sujet autonome de droit. Les fils, les filles, les épouses,
les serviteurs : toutes ces personnes ne sauraient avoir de biens ni d’autres droits individuels.
Le droit civil quiritaire n’est tout simplement pas fait pour eux. Cependant, ces personnes
trouvent des dispositifs de protection dans les mœurs, la morale, la religion, la réputation.
En ce qui concerne le cas du fils de famille, les jurisconsultes romains ont imaginé
l’émancipation, grâce à laquelle le père de famille peut libérer son fils de son autorité. Autre
invention : le pécule. Celui-ci concerne les enfants non émancipés : ils jouissent d’une
somme qui leur vient de leurs travaux personnels, ou du père, sur laquelle ils peuvent
effectuer des actes juridiques comme l’achat, la vente, l’emprunt. La coutume institue
également l’usage de constituer un pécule pour certains esclaves (d’ailleurs, le Digeste 1, 5, 4
voit dans l’esclavage une institution du droit des gens contraire à la nature) et les contrats de
mariage crée la dote, bien spécial, provenant de la femme, et destinée à lui revenir, mais
administré par le mari.
Les personnes morales : A Rome, l’Etat n’agit pas avec les mêmes moyens que les
particuliers. Ses bien sont res publicae et reçoivent un régime spécial. Cependant, la conquête
projette peu à peu le droit privé dans les municipes. Un municipe, c’est une cité englobée
dans l’Etat, habilitée à agir en justice, dotée d’un patrimoine et de droits propres. Elle est
représentée par un magistrat et agit en son nom, conformément à l’édit du préteur.
On trouve d’autres personnes morales : les sociétés de publicains et les associations comme
les collèges d’artisans et les premières églises chrétiennes.
Les incapables : Cf Gaius, Institutes 1, 192 à 199
la femme : dans l’ancien droit, elle est incapable. A l’époque classique, cette incapacité paraît
difficile à justifier.
Cf Gaius, I, 190 : « La croyance commune, suivant laquelle les femmes auraient besoin des
directives du tuteur en raison de la légèreté de leur esprit, est une raison plus spécieuse que
valable. En fait, c’est couramment qu’on voit à Rome les femmes conduire elles-mêmes leurs
affaires. »
Le fou et le prodigue ; la loi des douze tables prévoit que le « furiosus » sera placé sous la
puissance des plus proches membres de la famille. La loi romaine n’attache pas d’incapacité aux
autres maladies (exception faite de la prodigalité).
Les impubères : cette catégorie regroupe les enfants qui n’ont pas atteint la puberté et revêtu la
toge virile. Ils sont privés d’accès aux assemblées publiques et d’accès aux comices.
La question de la détermination de l’âge exact de la puberté divise les jurisconsultes. Pour les
sabiniens, cela doit rester une question de fait. Pour les proculiens, en revanche, l’âge de la
puberté est fixé à 12 ans pour les filles et à 14 ans pour les garçons.
les mineurs de 25 ans : La loi Laetoria ( IIIè-IIè) condamne les hommes qui ont circonvenu un
adulte de moins de 25 ans.
les choses : le livre II des Institutes distingue 3 types de choses qui se situent hors du droit privé
et du commerce.
les choses sacrées, qui appartiennent aux Dieux et les tombeaux des morts qui appartiennent aux
Mânes.
Les choses publiques : elles appartiennent à l’Etat et à Rome et sont soustraites à l’emprise du
droit privé ( une catégorie juridique malheureusement perdu aujourd’hui…)
Les choses communes comme la mer ou l’air
Puis, Gaius distingue en II 12 à 14 :
les choses corporelles : un champ, un esclave, de l’or
les choses incorporelles : le patrimoine héréditaire, càd l’ensemble des dettes et des droits,
l’usufruit, les créances, les servitudes.
Autre distinction fondamentale : res mancipi/ res nec mancipi
Les res mancipi désignent un fonds de terre plus une maison en Italie, des esclaves, les animaux
que l’on dompte par le cou ou le dos comme les bœufs, les chevaux, les ânes. Constitutifs d’une
petite exploitation rurale, ils sont plus difficiles à aliéner. Les res nec mancipi : désigne toutes les
autres choses, pièces, animaux sauvages…Ces biens sont susceptibles d’être transférés suivant la
procédure de mancipation, le mancipium, qui désigne la maîtrise, le pouvoir concret de
commandement de la chose. Peu à peu, la distinction res mancipi/ res nec mancipi cesse d’être
pertinente car l’argent et les créances vont progressivement former une part croissante des
fortunes. Cette conception du mancipium semble toutefois antérieure à la théorie de la propriété.
Les Romains ne semblent pas valoriser la propriété pusque lespouvoirs du propriétaire reçoivent
à Rome d’importantes limitations, d’origines familiale, censoriale, morale. Les jurisconsultes ne
définissent d’ailleurs pas la propriété parce qu’à Rome le droit a pour rôle de répoartir les choses
et non pas de mesurer les pouvoir.
Exemple : le Romain qui cultive l’une des nombreuses terres prises à l’ennemi cultive une terre
publique où la cité tolère qu’il s’installe. La terre en question est bel et bien sa possession mais
pas sa ppté. Il y a encore des citoyens romains qui ont reçu un domaine à cultiver d’un riche
patricien propriétaire sans qu’aucune mancipatio n’ait été faite. Le patricien a donc concédé sa
terre sans forme juridique et sans engagement de sa part. Pour protéger le cultivateur, en
situation précaire, le préteur use de l’interdit. Pour acquérir la possession, il faut le faire par le
corps et l’âme. Le droit exige un acte d’intelligence ( parcourir du regard la terre devant
témoins). L’enfant et l’idiot ne peuvent pas posséder.
Les obligations :
Le droit romain distingue deux sources d’obligations.
Première source ; le délit : nous devons à x un réparation pour un acte délictueux que
nous avons causé. Deuxième source : le contrat : nous sommes engagés par un contrat à verser de
l’argent à x, à lui vendre ou à lui louer notre maison, notre champ ou autre. Nulle part d’apparaît
en droit romain le pp mis en œuvre dans l’article 1382 du Code civil d’après lequel « Tout fait
quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est
arrivé,à le réparer. »Les Institutes distinguent 4 délits principaux : le vol/ la rapine/ la violence et
l’injure/ le dommage causé sans droit aux esclaves et aux animaux. A quoi les préteurs ajoutent
le dol et la violence faite pour forcer autrui à accomplir un acte désavantageux. L’obligation du
coupable, en droit romain, n’est donc pas une obligation à réparer. La victime réclame non pas
l’indemnité égale au préjudice, mais une peine. La loi des douze tables connaît encore le Talion :
« Si le coupable l’a blessé, et n’a pas fait compromis avec elle, que la victime exerce le Talion »/
La loi permet ainsi à la victime d’un vol nocturne de tuer le voleur.
En droit classique, le voleur manifeste sera puni d’une amende du quadruple de la chose
volée. Le voleur simple, lui, devra s’acquitter d’une amende du double de la chose volée.
L’amende est due à la victime et le paiement est l’objet propre de l’action du délit, appelée action
principale.
Les contrats :
On désigne par là les opérations de transfert de bien et/ ou de services.
Gaius distingue 4 contrats :
1) celui qui naît des paroles : la sponsio devenue stipulatio. L’obligation prend sa source dans les
paroles solennelles échangées entre les parties.
2)contrat par les lettres : une inscription suivant certaines formes dans les livres du père de
famille.
3)Les contrats re : par la remise d’une chose : prêt d’une somme d’argent, d’une chose comme le
blé, l’huile, le vin ou le prêt d’un corps certain ( dépôt, mandat, gage). Le préteur accorde
l’action parqu’en fait une chose a été remise par son propriétaire ; à titre provisoire, à
l’emprunteur, au créancier-gagiste, au dépositaire. Elle doit donc être restituée.
4)Par le consentement : la vente/ le louage/ la société ( mise ne commun de biens ou d’individus
pour partager les bénéfices et les pertes selon l’article 1832 du Code civil)/ le mandat. Aucune
formalité n’est requise.Le droit romain voit dans le contrat une opération de transfert de biens ou
de services, une affaire où d’autres facteurs intervenant que la volonté des parties. En revanche,
dans le droit moderne, le contrat n’est qu’une convention légalement formulée qui tien lieu de
loi à ceux qui les ont faites d’après l’article 1134 du Code civil. Il faut donc que la personne ne
soit pas incapable de contracter et que la convention ne soit contraire ni aux bonnes mœurs ni à
l’ordre public. Après tout, il n’est pas sûr que la cité soit obligée de prêter son concours à toutes
les conventions que passent entre eux les simples particuliers. Elles peut réserver sa justice pur
celles qui paraissent bonnes et économiquement utiles. L’imposition dans notre société de
contrats tout faits pour protéger les particuliers paraît donc un curieux retour au droit romain. La
doctrine moderne du consensualisme en droit des contrat (Code Civil : art.1101 tout contrat est
une convention basée sur le consentement/ 1109 et s : Pour qu’il soit valable, il faut que le
consentement soit valable/ 1110-1117 : Si le consentement est vicié par erreur, violence ou dol,
le contrat est annulable). Un semblable exposé manque en droit romain. Les Romains ne
définissent pas le contrat par le consentement des parties. Dans l’ancien droit, les obligations
naissent automatiquement parce que les paroles solennelles ont été échangées, parce qu’une
somme d’argent a été remise. Peu importe que le débiteur ne se soit engagé que par erreur ou
sous l’emprise de la contrainte. Il a rempli des formes qui le rendent débiteur. Ces formes
entraînent automatiquement et surtout pour le créancier le droit à une action. Ainsi, vers l’époque
de Cicéron, nous voyons le préteur protéger les débiteurs victimes de violence ou de tromperie.
Ex : le créancier a obtenu l’engagement du débiteur par une violence ou une machination
caractérisées. Il y a délit. Le préteur donne à la victime une action principale, appelée metus,
grâce à laquelle celle-ci peut obtenir une peine égale au quadruple du dommage causé. L’action
de dol, quant à elle, aboutit à une restitution du dommage causé ainsi qu’à une déclaration
d’infamie
du
délinquant.
Ex : soit une fraude moins caractérisée qui ne donne pas naissance à l’action principale. Le
créancier vient réclamer devant le juge la prestation dont il a obtenu promesse par le contrat. Le
préteur donne au débiteur une exception, exceptio metus ou doli, par laquelle est rejetée la
prétention du demandeur.
Ex : pour corriger les erreurs du vieux droit, il peut utiliser la restitution en entier. Il peut casser,
après examen, l’acte juridique ou le contrat entâché de vices. Il ordonne alors d’en annuler tous
les effets et de faire restituer au débiteur ce qu’il aurait déjà versé en vertu de son engagement.
Cette
restitution
est
promise
dans
l’édit.
De plus, pour les contrats récents inventés à l’époque classique comme la vente, le louage, la
société, le préteur n’a promis d’action au créancier que sur la base de la bonne foi. Soit un
vendeur qui mystifie un acheteur en lui mentant sur la qualité de la chose. La bonne foi ne veut
pas qu’on oblige l’acheteur à exécuter le contrat. Le juge se fonde sur la clause de la formule qui
l’invite à juger selon la bonne foi « ex fide bona » et donnera tort au vendeur, sans qu’une
intervention spéciale du préteur soit nécessaire.
Quelques conclusions à propos du droit romain :
L’arbre comporte bien quelques branches mortes : l’esclavage/ la stipulation (contrat unilatéral
de droit strict formée par une question et une réponse)/ la mancipation/ la tutelle des femmes. Du
droit romain, on a cependant hérité la distinction des personnes, le système des droits réels, celui
du droit des obligations. Les nouveaux problèmes qui se posent de nos jours ne trouvent pas
d’équivalents en droit romain : les conflits salariés/ capital, actionnaires/ dirigeants, promoteurs/
protecteurs de grands ensembles, producteurs/ consommateurs. Les Romains ont inventé l’art du
droit, comme recherche qui vise à rendre à chacun le sien, qui n’set pas une science, càd un
système de règles bâti à partir de l’individu, ses droits subjectifs, ses libertés dont il jouit par
hypothèse dans l’état de nature. Le droit romain, dit Michel Villey, est à redécouvrir. Les soidisant notions romaines de propriété, de contrat, d’obligation, de droit sont plus propres à
l’époque contemporaines que véritablement romaines. Pour les Romains (Suum cuique tribuere)
le rôle du droit est d’attribuer à chacun le sien. La bonne proportion dans le partage des biens
entre membres d’un groupe en constitue le but. Le droit est une affaire d’attribution ou de
distinction : de biens, de dettes, d’honneurs, de fonctions publiques, de compétences, de sphères
d’activités disputée devant le tribunal.
Pratique et théorie judiciaires : la philosophie juridique de Cicéron :
L’analyse de la romanité de Cicéron nous a permis de poser d’une part le référentiel au sin
duquel se déroule son activité d’avocat et, d’autre part de dégager les branches toujours vives
du droit romain. Comment Cicéron concilie-t-il la pratique et la théorie ? Comment vit-il
l’alliance du droit et de la philosophie au sein de la rhétorique et comment en rend-t-il
compte ?
Les plaidoiries :
plaidoyer pour Murena :
Il
s’agit
d’un
procès
pour
corruption
électorale.
Restituons le contexte : soutenu par Jules César qui veut briser l’opposition du Sénat, Catilina se
présente aux élections consulaires. Il est opposé à Décimius Julius Silanus, à Servius Sulpicius
Rufus et Publius Licinius Murena. Qui est Murena ? Un vaillant soldat de la guerre contre
Mithridate et un magistrat qui fut successivement questeur, préteur, propréteur en Gaule
cisalpine. Murena et Silanus remportent les élections. Catilina, lui,part préparer une révolte en
Etrurie. Servius Sulpicius Rufus, « le premier juriste de tous les temps » aux dires de Cicéron,
poursuit Murena. Il reçoit le soutien de Caton d’Utique, à propos duquel Cicéron écrira dans sa
correspondance qu’ « avec la plus grande honnêteté, il fait parfois du tort au pays ». Que peut-on
dire de Murena ? Il a respecté scrupuleusement les usages d’une campagne électorale à Rome :
on l’a vu serrer des mains au forum, offrir des banquets, organiser des fêtes, distribuer de
l’argent et des places de théâtre. A Rome, en période d’élections, il était courant de voir des
sociétés se former pour donner leurs voix aux candidats les plus offrants. En -358, une loi avait
supprimé les tournées électorales. Les coupables encoururent d’abord une peine d’inéligibilité de
10 ans puis l’exclusion du Sénat et l’inéligibilité perpétuelle. Lorsqu’il fut consul, Cicéron
renforça ce dispositif législatif de lutte contre la corruption par la loi Tullia qui interdit de payer
des gens pour grossir les cortèges des candidats ainsi que d’offrir des banquets et des fêtes sous
peine d’être exilé 10 ans. Cicéron prend pourtant la défense de Murena et soutient la thèse que
les principes doivent, dans certaines circonstances, plier devant la raison d’Etat. Catilina menace
l’ordre et les fortunes. On ne saurait, dit Cicéron, se permettre , au nom de l’honnêteté,
d’arracher à la République un de ses soutiens.
Quid de l’argumentation de Cicéron ?
Dans l’exorde, Cicéron ressent le besoin de justifier son intervention. D’après Caton, en
effet, un consul comme Cicéron, auteur d’une loi contre la corruption électorale ne doit pas
intervenir dans le procès de Murena. Cicéron répond au moyen d’une analogie : « Si des les
revendications touchant la propriété, la garantie contre les risques d’une procès est fournie par
celui qui l’a proclamé consul soit là de préférence comme sûr garant de la faveur accordée par le
peuple et son défenseur dans le péril qu’il court. » Il y a donc obligation de consul sortant à
consul désigné, de la même façon qu’il existe une obligation entre le vendeur et l’acheteur et
c’est à un consul de défendre un consul. Il n’y a donc pas contradiction. Suit l’analyse de la loi
Tullia. Celui qui a fait la loi Tullia peut-il intervenir dans un procès pour corruption ? Il y aurait
donc un conflit entre la loi Tullia, que Cicéron-consul a mise en œuvre et la loi qui oblige
Cicéron-avocat à défendre un citoyen en péril. Les devoirs de l’amitié, dit Cicéron, l’emportent
sur la loi. De plus, Cicéron entend établir que Murena n’a pas enfreint la loi. Caton reproche
ensuite à Cicéron son inconséquence quand, d’une part, il chasse Catilina et, d’autre part, il
défend Murena. Pour répondre, Cicéron distingue son naturel, (càd sa nature et ses habitudes qui
le portent à la pitié et à l’humanité et donc à la défens) de l’intérêt publique, quand celui-ci
réclame de la vigueur et de la sévérité, Cicéron prétend savoir faire preuve d’une vigueur
contrainte. Nouvelle objection : en défendant Murena, Cicéron manque aux devoirs de l’amitié
envers Rufus. Ce à quoi Cicéron répond en redéfinissant les devoirs de l’amitié : il était de son
devoir de faire campagne en faveur de Rufus, ce qu’il a fait. Une fois les élections passées, les
devoirs de l’amitié l’oblige à défendre Murena.
Cicéron : « Mon opinion, ma conviction, c’est que je t’ai dû contre le succès de Murena tout
l’appui que tu as pensé pouvoir me réclamer ; contre son acquittement, je ne te dois rien. »
« Murena et moi, messieurs les jurés, nous sommes liés par une profonde et vieille amité et
lorsqu’il s’agit d’un procès capital, Rufus ne parviendra pas à al détruire, sous prétexte que c’est
lui qui l’a emporté sur cette amitiés dans la compétition électorale. » Refuser la défense à un ami
est criminel dit Cicéron. La refuser à un malheureux est cruel. La refuser à un consul est
arrogant.Cicéron passe ensuite en revue les trois chefs d’accusation portés contre Murena :
la vie privée de Murena est répréhensible
les titres de Murena au consulat sont moindres que ceux de Rufus
Murena a enfreint la loi
Premier chef d’accusation : On reproche à Murena d’avoir vécu en Asie. Faux, répond Cicéron.
Il est allé en Asie pour des campagnes militaires au cours desquelles il s’est distingué. En Asie,
Murena, a servi dans la seule guerre que Rome y ait menée, a respecté les ordres de son père et
fait montre de piété filiale et a remporté la victoire et le triomphe personnel, ce qui prouve qu’il
est favorisé par la fortune.
 la gloire a donc envahi le séjour de Murena
Objection : Murena a dansé en Asie.
Réponse de Cicéron : cela est impossible à circonstancier : la danse n’est que l’ombre de la
débauche, que Caton mobilise à défaut de pouvoir établir la réalité de la débauche.
Deuxième chef d’accusation : les titres de Murena au consulat sont moindres que ceux de Rufus
.Rufus entend se prévaloir de sa naissance, de sa vie irréprochable et de son activité.
Cicéron fait valoir que les titres de Muréna sont égaux. Il n’est pas patricien ? Cicéron caricature
la position et soutient qu’à trop pousser la distinction des patriciens et des plébéiens, on ferait
tout aussi bien de ramener la plèbe sur l’Aventin. De plus, il existe des familles considérables et
hnorables dasn la plèbe et, également, que plusieurs aïeux de Murena ont été préteurs. Rufus
argumente ensuite qu’il a été élu questeur avant Murena. Pour Cicéron, l’antériorité
chronologique ne remet pas en question l’égale dignité de Murena et de Rufus. L’ordre de
proclamation ne correspond pas forcément à celui du mérite. Suit l’examen de leurs activités
respectives après la questure. Rufus a fait son service militaire à Rome, puis a mené une carrière
juridique en proposant des consultations. Il a apppris le droit civil et s’est consacré aux services
de ses clients. Il a donc vécu au gré des autres. Quid de Murena ? Il fut membre de l’Etat-major
de Lucullus, a commandé une armée, a remporté des succès militaires et Lucullus atteste
personnellement des grandes qualités de Murena.
Cicéron soutient ensuite que la gloire militaire donne plus de titre au consulat que l’exercice du
droit : « Vous veillez en pleine nuit, toi pour des consultations de tes clients, lui pour arriver au
but qu’il veut atteindre. Ce qui te réveilles, c’est le chant des coqs, lui, le son des trompettes. Tu
arranges une action en justice, lui range son armée en bataille ; tu as soin de mettre tes cliens à
l’abri d’une surprise, même préoccupation chez lui pour les villes et les camps. Vous possédez
les moyens par lesquels on écarte, lui les troupes ennemies, toi les eaux de pluie. Vous êtes
maîtres dans l’art, lui d’étendre les territoires, et toi, de le s borner. » La valeur militaire
l’emporte donc sur toutes les autres parce qu’elle a fait la gloire de Rome, parce qu’elle donne la
gloire éternelles, parce qu’elle a fait l’Empire et parce qu’elle protège toutes les autres
professions et occupations. L’apprentissage du droit civil n’est pas la bonne route qui mène au
consulat car elle n’attire de plus ni sympathie ni reconnaissance. Or, u consul doit savoir
entraîner le peuple et le Sénat ; il faut du charisme et la chose militaire en donne. Bien au
contraire, soutient Cicéron la science du droit civil est une science mesquine, dont la réputation
passée ne reposait que sur les mystères aujourd’hui révélés. Une science faite d’imagination et
de fantaisie qui ne saurait mener au consulat. « Personne ne peut être considéré dans une science
qui n’a de valeur nulle part, pas plus en dehors de Rome, qu’à Rome, au moment des vacances
judiciaires ; personne ne peut être regardé comme un expert, dans une matière que tout le monde
connaît et où il ne peut y avoir par suite sujet de contestation…Si vous m’échauffez la bile, avec
toutes mes occupations, je vous déclarerai qu’il me faut trois jours pour être jurisconsulte. »
Cicéron va plus loin : la carrière de jurisconsulte ne regroupe en son sein que des avocats ratés.
Si on demande le salut à son avocat, dit Cicéron, au jurisconsulte on ne demande que des
remèdes salutaires. De plus, décisions et conseils du jurisconsulte sont menacés par l’orateur et
ont de toute façon besoin d’être soutenus pour l’orateur. Et Cicéron de conclure : deux carrières
peuvent mettre les hommes au plus haut des rangs : celle d’un grand orateur et celle d’un grand
avocat.Cicéron répond ensuite à Caton qui soutient que la guerre contre Mithridate fut une
« guerre de femmelettes . » Cicéron répond en instrumentalisant une confusion pour soutenir que
les guerres contre les Grecs ne sont pas dignes de mépris. Ici, Cicéron fait passer Mithridate pour
un Grec pour répondre à Caton. De toute façon, le mépris pour l’ennemi asiatique n’est pas
acceptable. Après tout, Caton l’Ancien a fait la guerre contre Antiochus, roi de Carthage (on
remarquera
la
géographie
hésitante
et
large
de
Cicéron).
De toute façon, Mithridate fut un ennemi redoutable, trois choses le prouvent :
le Sénat l’a longtemps préparée
elle a duré longtemps
le Général Lucius Lucullus en a tiré beaucoup de gloire
le peuple a confié à Cneus Pompée et le soin de la terminer.
Quant à l’objection chronologique selon laquelle Rufus fut préteur avant Murena, Cicéron
fait valoir que c’est le propre des suffrages populaires que d’être changeants comme la mer. Ce
n’est pas, après tout, la première fois dans l’histoire de Rome, que le peuple change d’avis.
Pourquoi, cpdt, Murena a-t-il donc échoué à la préture ?
Deux choses lui ont fait défaut pendant la campagne, d’après Cicéron : la possibilité de faire
donner des jeux et l’absence d’amis pour être témoins de ses libéralités et de son courage. De
plus, le bilan de la préture de Murena est meilleur que celui de la préture de Rufus. Il a exercé la
juridication civile ; il s’agit d’un emploi important qui procure gloire, esprit d’équité,
reconnaissance. Il a admiré une province et l’a bien fait. Rufus, lui, devait poursuivre les
concussionnaires : fonction lugubre et affreuse. Rufus a de plus refusé d’aller en province.
Bilan : 1) Murena et Rufus ont des titres égaux au consulat
Murena a eu plus de fortunes dans l’exercice de ses charges.
En quoi Rufus est-il donc inférieur à Murena ?
Premier défaut : Rufus ne sait pas mener une candidature car il effraie ses adversaires et perd la
confiance des électeurs en s’acharnant à poursuivre ses adversaires comme Murena. Deuxième
défaut : Rufus se disperse. En poursuivant inlassablement, et en concentrant son attention sur
l’accusation, il néglige sa campagne. Il est impossible de préparer et de faire marcher de front
une accusation et une campagne électorale. Au cours de cette accusation, Rufus a trop demandé.
Il a demandé, dit Cicéron qui feint d’avoir légiféré pour Rufus, une loi sur la corruption
électorale : la loi Tullia, complétée par la loi Calpurnia. Il a demandé également une peine plus
grave contre les plébéiens, l’exil des sénateurs, la totalisation des suffrages, le vote de la loi
manilia, l’égalité du crédit, du rang et du suffrage dans l’élection du candidat.
 toutes ces mesures qui lui frayaient la voie pour accuser fermaient à Rufus la porte de
l’élection.
Cicéron dresse un bilan implacable de cette action de Rufus : « Tu as fait naître chez le peuple la
crainte que Catilina ne devînt consul pendant que tu négligeais ta campagne au profit de ton
accusation. » Ce faisant, Rufus a fait le jeu de Catilina qui dédaigne Murena, compte Rufus
comme un accusateur plus disposé à lui intenter un procès qu’à lui disputer sérieusement le
consulat. Conséquence : tous ceux qui craignaient Catilina votèrent Murena.
Murena, en revanche, a pour lui :
-un père et des ancêtres très considérés
- une jeunesse tout à fait correcte
-sa carrière d’aide de camps
-sa justice comme préteur
- les jeux qu’il a fait donner
-son gouvernement provincial
-le sérieux de sa campagne : il ne menace personne et ne cède pas aux menaces
- il a trouvé une aide dans la peu suscitée par Catilina
Troisième chef d’accusation : Murena s’est rendu coupable de corruption électorale
Cicéron voit en Caton la clé de l’accusation dont il craint « beaucoup plus le prestige que les
attaques »Or, dit Cicéron, il n’est pas légitime qu’un accusateur puisse user de son crédit dans un
procès. Et l’on aura beau objecter que Caton n’est pas homme à accuser sans s’être fait une
opinion. Cette objection, dit Cicéron, procède de l’argument d’autorité. On ne saurait estimer
légitimement que le jugement de l’accusateur sur l’accusé puisse avoir valeur de jugement
préalable. Il conviendrait donc, dit Cicéron, non pas de corriger la nature de Caton mais de
l’adoucir. La nature de Caton correspond d’après Cicéron correspond à la doctrine la stoïcienne
de la façon la plus rigoureuse : pas de modération, pas de douceur. La nature de Caton est toute
d’honorabilité, de sérieux, de tempérance, de grandeur d’âme et de justice.
C’est une critique de l’idéal stoïcien que propose ensuite Cicéron : « Les qualités divines,
hors pair, messieurs les jurés, que nous constatons chez Marcus Caton, lui sont, sachez-le,
personnelles, l’absence de celles que nous aimerions quelquefois à trouver chez lui vient toujours
non de sa nature, mais de son maître.
Suit un petit portrait cicéronien et donc critique du sage stoïcien :
le sage ne se laisse jamais émouvoir par la faveur
le sage ne pardonne jamais une faute
il n’y a de miséricordieux que l’homme sot ou inconstant
c’est manquer de virilité que de se laisser fléchir ou apaiser
les sages, fussent-ils complètement difformes, sont beaux
les derniers des mendiants , riches
en esclavage, rois
ceux qui ne sont pas des sages sont des esclaves fugitifs, des exilés, des ennemis, des insensés
toutes les fautes sont égales
tout délit est un crime abominable
ce n’est moins coupable d’étrangler sans nécessité un coq que son père
le sage ne hasarde pas d’opinion, ne regrette rien, ne se trompe en rien, ne change jamais d’avis.
Contre les stoïciens, Cicéron se réfère à des philosophes prônant la douceur et la
modération : Platon et Aristote
Petit portrait cicéronien du philosophe idéal dont Caton devrait s’inspirer :
la faveur joue un rôle dans le monde
un homme de bien a pitié
il existe des genres de fautes et des peines différentes
la fermeté n’exclut pas le pardon
le sage lui-même se fait souvent une opinion sur ce qu’il ne sait pas
le sage s’irrite parfois
il se laisse fléchir et apaiser
il revient parfois sur ses déclarations
s’il trouve mieux, il abandonne au besoin sa décision
toutes les vertus se règlent sur un juste milieu.
Si Caton, avec son naturel, avait eu d’autres maîtres, dit Cicéron, il aurait été enclin à la douceur.
Là où les stoïciens disent ne pardonne rien, il faut dire Non, pardonne quelquefois, pas toujours.
Là où ils disent ne fais rien par faveur, il faut dire non, résiste à la faveur lorsque devoir et
loyauté l’exigeront. Là où ils disent ne te laissent pas émouvoir par la pitié, il faut dire oui, elle
aboutit au relâchement de la discipline mais pourtant il y a quelque mérite à être humain. Là où
ils disent persiste dans ta décision, il faut dire, certainement, à moins que sur cette décision, une
autre, meilleure, ne l’emporte. Une question demeure : Murena a-t-il enfreint la loi ? Cicéron
n’entend pas défendre les manœuvres électorales. D’après la loi Tullia : « Si des électeurs ont été
payés pour aller au-devant des candidats, si on les a enrôlés poru leur faire escorte, si des places
ont été données à des tribus pour les combats de gladiateurs et de même si des festins ont été
donnés à la masse, ceci constitue des infractions à la loi Calpurnia. » Or, dit Cicéron, on n’a pas
prouvé que l’acte a été commis. Certes, il y a eu une escorte, des billets de spectacle, des
banquets, mais après tout, beaucoup de gens,à son retour de province, se sont rendus à sa
rencontre. C’est l’usage pour un candidat au consulat. A charge, pour l’accusation, de prouver
que ces gens ont bel et bien été payés. L’accusation affirme que des billets de spectacle ont été
répartis par tribus et on a fait des invitations en masse à un festin. Réponse de Cicéron : c’est une
coutume historique.
-Ce n’est pas un crime, d’après le Sénat, d’aller au-devant des personnes ;ç’en est un si l’on est
payé pour le faire
-Ce n’est pas un crime, d’après le Séant, de faire escorte ; ç’en est un si l’on a été enrôlé.
-Ce n’est pas un crime de donner des festins et des billets de spectacle ; ç’en est un de le faire à
tous sans exception.
Caton reproche à Murena de demander le pouvoir suprême en excitant la sensualité des
hommes. Réponse de Cicéron : ce sont là des coutumes, des institutions héritées des Anciens.
« La haine du peuple romain va au luxe des particuliers, il estime la magnificence dans l’Etat ; il
n’aime pas les festins somptueux : bien moins dans la ladrerie et l’incorrection ; il veut qu’on
tienne compte des devoirs à remplir et des circonstances, qu’on fasse alterner le travail et le
plaisir. »
Autrement dit, les Romains ne sont pas des Spartiates. Il existe des usages, condamnables du oint
de vue des pures et simples principes philosophiques, mais justes du pint de vue des principes de
la vie politique. Après tout, Caton se soumet lui aussi aux usages notamment lorsqu’il emploie
un nomenclatureur. Il ne faut donc pas enlever aux citoyens les jeux, les combats, les banquets.
Il ne faut pas non plus enlever aux candidats les marques de bienveillance établies par l’usage :
c’est une preuve de générosité et non pas de largesse répréhensible. Enfin, Cicéron rappelle
l’utilité de Murena : n’oublions pas que l’ennemi est dans l’Urbs. En l’espèce Caton se trompe
lorsqu’il prétend soutenir Rufus pour le bien de l’intérêt public. Les partisans de Catilina
souhaitent bel et bien que Murena, un consul sans reproche, bon général, lié par son caractère et
sa situation au salut de la République , soit exclu de la défense de Rome. Or, malheureusement,
le mandat de Cicéron a pris fin. Les partisans de Catilina souhaitent n’avoir à Rome qu’un seul
consul qui ne pourra pas exercer sa charge avant l’élection d’un nouveau consul et donc un
gouvernement sans appui.
Au contraire, conserver Murena, c’est disposer d’une aide, d’un défenseur, d’un allié du
gouvernement, d’un consul désintéressé, d’un consul exigé par les circonstances, doté d’une
heureuse fortune, sachant faire la guerre, doté d’une valeur intellectuelle, doté d’expérience.
 le jugement que rendront les jurés concernera Murena et Rome elle-même.
Péroraison
Cicéron demande aux jurés de veiller à l’ordre, à la paix, au salut et à la vie des personnes et des
citoyens. Cicéron recommande donc Murena comme un consul occupé de l’ordre, partisan des
gens de bien, énergique contre la sédition, intrépide à la guerre, hostile à la conjuration qui
ébranle le régime.
2)Plaidoyer pour Archias
Contexte : Rome, lutte depuis longtemps contre l’invasion d’étrangers qui se réclament indûment
du titre de citoyen romain. La loi Pappia condamne à l’exile ceux qui usent illégalement du droit
de société. Qui est Archias ? Il est natif de Syrie. Un grand poète qui voyage en Asie mineure, en
Grèce ; il accompagne un Lucullus en Sicile et obtient le titre de citoyens de la ville d’Héraclée
qui avait le privilège du droit de cité romaine. Archias peut ainsi prendre un nom romain et jouir
du privilège d’être citoyen romain : Aulus Licinius (du nom de son protecteur) Archias. Le
problème, c’est que Gratius, au nom de la loi Pappia, intente un procès pour l’expulser. Depuis 89 la loi Plautia Papiria reconnaît le titre de citoyen romain une fois remplies diverses
formalités, aux citoyens de certaines villes d’Italie, appelées, « fédérées ». Archias doit donc
prouver qu’il a été naturalisé dans l’une de ces villes.
Il ne peut pas invoquer le droit de cité, purement honorifique, que plusieurs villes lui avaient
accordé avant sa majorité.
Il peu t se réclamer de sa qualité de citoyen d’Héraclée
Malheureusement , les registres d’Héraclée ont été perdus dans un incendie
Lucius Lucullus lui avait fait obtenir ce droit de cité…mais est décédé.
Marcus Lucullus, fils du premier, pourrait témoigner mais son témoignage, en faveur d’un
protégé de sa famille, n’es pas recevable.
Une délégation d’Héraclée vient témoigner. Le problème, c’est qu’il est difficile de déterminer la
véritable valeur à donner à ce témoignage portant sur des faits vieux de plus de trente ans.
Conformément à la loi , Archias a fait sa déclaration au préteur de l’époque, Qunitus Metellus.
Malheureusement, celui-ci est décédé.
Il y avait certes des registres sur lesquels les censeurs établissaient la liste des citoyens…le nom
d’Archias n’y apparaît cepdant pas.
Dans l’exorde , et intentionnellement, Cicéron donne à Archias son nom romain. Il a pour but de
prouver qu’il ne faut pas retrancher Aulus Licinius du nombre des citoyens et, également, que
s’il ne l’était pas, il faudrait l’inscrire.
Sur la question de fait ; Cicéron montre que grâce à son talent, Archias se vit accorder le droit
de cité par les villes de Tarente, Regium, Naples. Il vient à Rome en -102 et est accueilli, encore
mineur, par les Lucullus. Il développe un réseau de relations avec des gens honorables : les
Catulus, Lucius Crassus, les Lucullus, Caton, les Hortensius. De plus, Archias obtient le droit de
cité à Héraclée. Il accompagne Lucius Lucullus en Sicile. Héraclée jouit d’une complète égalité
de droit et d’alliance avec Rome. Il souhaite appartenir aux citoyens d’Héraclée et obtient cela
des
habitants
grâce
au
prestige
et
à
l’influence
de
Lucullus.
Enfin, Archias obtient le droit de cité à Rome. En -89, la loi Plautia Papiria donne le droit de cité
« à tous ceux qui se trouvaient inscrits dans les cités fédérées, pourvu qu’au moment où la loi
était portée, ils eussent leur domicile en Italie et que dans les soixante jours ils eussent fait une
déclaration
devant
le
préteur. »
Or, Archias est domicilié à Rome depuis plusieurs années et fait sa déclaration dans les temps au
préteur Quintus Metellus. »
Critique de arguments adverses : Gratius fait valoir qu’Archias n’est pas citoyen inscrit à
Héraclée.
Cicéron répond en deux temps :
Marcus Lucullus sait et à assisté à l’inscription
La délégation d’Héraclée et les personnes les plus en vue de la cité déclarent qu’Archias a été
inscrit à Héraclée.
Gratius exige les registres de la ville. Cicéron explique que d’une part, les registres en question
ont brûlé et que, d’autre part, la démarche est ridicule : Gratius renonce à réfuter les preuves qu’a
fourni la défense pour en demander d’autres. Après tout, dit Cicéron, la charge de la preuve
n’incombe pas à la défense. Gratius se montre incohérent car il passe sous silence les relations
orales des témoins et réclame des écrits. Il rejette un citoyen considérable, le serment et la bonne
foi d’un municipe et des preuve inaltérables pour réclamer des registres qui, il le reconnaît luimême, sont couramment falsifiés. Quand Gratius fait valoir qu’Archias n’avait pas son domicile
à Rome, la mauvaise foi est manifeste car il a établir à Rome le siège de toutes ses affaires avant
qu’on lui donne la citoyenneté. Gratius soutient ensuite qu’Archias n’a pas fait sa déclaration. Si,
il l’a faite sur les seuls registres du préteur qui conservent une autorité officielle. Quintus
Metellus était consciencieux au point d’avoir confirmé au Préteur Lentulus et aux juges qu’il
avait inscrit le nom d’Archias. Ce ne fut pas un préteur négligent. Or, sur ce registre, le nom
d’Aulus Licinius (Archias) n’est pas raturé. On ne saurait donc douter des droits d’Archias.
Gratius réclame ensuite les registres du cens. Or, le cens n’assure pas le droit de cité : il prouve
que le recensé s’est déjà comporté en citoyen. Archias a souvent fait son testament selon nos lois
et hérité de citoyens romains et a vu son nom inscrit sur des listes fiscales.
Les mérites d’Archias
Cicéron s’engage ensuite dans un véritable plaidoyer pour les lettres et la carrière littéraire. Les
lettres l’ont souvent délassé.
« On doit me le concéder, d’autant plus que ces études littéraires fortifient mon talent d’orateur
qui, aussi petit soit-il, n’a jamais fiat défaut à mes amis en danger. » La littérature, par les
exemples qu’elle fournit, nous invite à rechercher la gloire et l’honneur. Les études littéraires
contribuent particulièrement à la formation des élites. Elles ont formé le génie des plus grands
personnages de Rome comme le second Scipion l’Africain, modèle de modération et de sagesse,
et Caton, le plus énergique et le plus savant.
De plus, les lettres sont précieuses en toutes circonstances d’après Cicéron.
-Elles servent d’aliment à l’adolescence
- elles distraient la vieillesse
-elles parent le bonheur
-elles fournissent un refuge et une consolation au malheur
-elles charment à la maison
-elles ne gênent pas au-dehors
- elles veillent avec nous la nuit
-elles nous suivent dans nos voyages à la campagne.
-elles sont chères à ceux qui n’écrivent pas personnellement
En ce sens, l’habileté d’Archias est digne d’admiration. Le caractère des poètes est
comme sacré. Or, Archias, poète de talent, a contribué à la gloire de Rome par ses œuvres. Sa
volonté et les lois de Rome l’ont fait romain et il a mis toute son application, tout son talent, tout
son génie à célébrer la gloire et les louanges du peuple romain. Pourquoi le refuser ?Ayant,
comme Ennius, illustré les grandes actions des généraux romains, il mérite le même traitement
que lui. Parce qu’il a écrit en grec, il a de plus répandu la gloire de Rome dans le monde entier.
De plus, Alexandre et Pompée le Grand ont reconnu l’utilité des poètes. Pompée le grand a
accordé le droit de cité devant ses soldats assemblés à Théophane de Mytilène, qui avait écrit ses
actions d’éclat dans Histoire des Romains sous le commandement de Pompée. Ainsi, Sylla ou
Métellus auraient pu donner comme récompense le droit de cité à Archias, si celui-ci ne l’avaient
pas
déjà
possédé.
« nous sommes tous entraînés par l’amour de la louange et (…) ce sont les meilleurs surtout qui
se laissent conduire par la gloire. Les philosophes eux-mêmes inscrivent leur nom jusque dans
les livres qu’ils écrivent sur le mépris de la gloire ; dans le livre même où ils expriment leur
mépris pour la réclame et la notoriété, ils veulent qu’on parle d’eux et qu’on cite leur nom.
Aussi, dans une ville où les généraux pour ainsi dire revêtus de leurs armes ont honoré le nom
des poètes et les temples des Muses, il ne faut pas que des juges en toge montrent de l’aversion
pour le culte des Muses et le salut des poètes. » Cicéron reconnaît éprouver lui-même un amour
pour la gloire, amour trop vif peut-être, mais pourtant honorable. Archias projette d’ailleurs
d’écrire et de commenter les actes accomplis par Cicéron pendant son consulat. En effet, l’âme
s’attache à la postérité : « Mais en réalité, il y a dans tous les cœurs une certaine énergie qui nuit
et jour excite l’âme par l’aiguillon de la gloire et l’avertit qu’il ne faut pas laisser se perdre le
souvenir de notre nom avec les moments de notre vie,mais qu’il faut le faire durer aussi
longtemps que la postérité. » Il faut donc travailler comme pour l’immortalité.
Dans la péroraison, Cicéron insiste sur les mérites d’Archias qui répondent à la justesse
de sa cause. Archias est un homme que Rome doit préserver parmi ses citoyens du fait de sa
délicatesse, de son prestige, de l’ancienneté de ses amies et de son génie. C’est aussi un homme
dont la cause présente de nombreuses garanties :
le bénéfice d’une loi
l’autorité d’un municipe
le témoignage de Lucullus
les registres de Métellus
Enfin, la république ne saurait se priver d’un homme qui projette de célébrer l’échec de Catilina
( donc, par conséquent la réussite de Cicéron…). Elle ne saurait davantage se priver d’un homme
qui appartient à la classe sacrée des poètes.
Plaidoyer pour Milon :
Le 20 janvier -52 aux alentours de 15 heures une bagarre éclate entre les esclaves de deux
cortèges qui se croisent sur la voie appienne. L’un des maître est tué. Le cadavre de Clodius est
exposé le lendemain matin dans l’atrium. Les manifestants déposent ensuite le corps à la tribune
aux harangues puis sur le forum où ils improvisent un bûcher funèbre. Le feu se communique
aux bâtiments voisins et les manifestants attaquent la maison de Milon, le meurtrier de Clodius.
Depuis -60 Rome vit sous le premier triumvirat. Deux bandes s’affrontent régulièrement ; celle
de Clodius, un révolutionnaire qui projette la répartition des biens et souhaite des mesures
favorables aux esclaves et à la plèbe. L’autre bande est dirigée par Milon, qui bénéficie du
soutien du Sénat. César est en Gaule et Pompée a laissé l’anarchie se développer. Pompée obtient
d’être nommé seul consul et fait décider par le Sénat des lois exceptionnelles avec un tribunal
spécial composé de jurés par lui-même désignés. Milon sera jugé coupable par 38 voix contre 13
et devra s’exiler à Marseille. Cicéron a une dette envers Milon qui l’avait rappelé d’exil. Son
argumentation articule trois dimensions :
pour réaliser ses projets politiques, Clodius devait se débarrasser de Milon, assuré d’être élu
consul ; c’est donc lui l’agresseur
l’agresseur a été tué en état de légitime défense ; Milon mérite donc l’acquittement.
Milon a sauvé le pays en le délivrant d’un révolutionnaire odieux : il a droit aux plus hautes
récompenses.
Dans sa traduction du Pour Milon, Georges Chapon présente une étude comparative des deux
versions des faits qui se sont déroulés sur la voie appienne. Tout d’abord le récit de Quintus
Asconius Pedianus, commentateur du Pro Milone
Clodius revenait naturellement du bourg d’Aricia ; il y a des témoins
Clodius rencontre Milon vers 15 heures
Clodius est escorté de gens armés comme c’était l’habitude sur la route
En plus de ses esclaves, plusieurs gladiateurs accompagnaient Milon
Des esclaves en queue du cortège de Milon se sont battus avec ceux de Clodius
Clodius revient sur ses pas pour soutenir ses esclaves et est blessé. Milon, je jugeant « moins
dangereux mort que vivant » le fait achever.
Et voici la version de Cicéron :
-Clodius s’est mis en route car il avait organisé un guet-apens
- vers 5 heure à peu près
- Si Clodius avait réellement eu l’intention de rentrer à Rome, il se serait mis en route plus tôt
pour ne pas marcher de nuit.
-Clodius avait posté sur une hauteur des individus armés pour attaquer Milon
-Dans sa suite, Milon avait sa femme, des servantes, de jeunes esclaves
-Les gens embusqués sur les hauteurs attaquent de face le conducteur du chariot de Milon
- Les esclaves de Milon, croyant leur maître mort, tuent Clodius de leur propre initiative.
Commençons par l’Exorde :
Quelle est la position de la défense ? Clodius a dressé un guet-apens à Milon. Il s’agira
d’implorer les jurés de nous laisser le droit, de défendre impunément notre vie contre
l’imprudence et les armes de nos ennemis. Il s’agissait donc de légitime défense.
Suit une série de réponses à des objections :
Milon a avoué le meurtre
Certes, mais l’aveu de meurtre n’implique pas la culpabilité. Après tout, dit Cicéron, Horace
a tué sa sœur, a reconnu le meurtre et a été absout par l’assemblée du peuple. Cicéron se fend ici
d’un peu de méthodologie judiciaire : comment se défendre dans un procès d’homicide ? Deux
solutions.
on nie formellement avoir commis l’homicide.
On montre que le crime était juste et légitime.
Cicéron s’attache à la légende de l’Orestie et mobilise aussi le droit : la loi des 12 tables permet
de tuer dans tous les cas un voleur de nuit et, de jour, s’il est armé. Pour tuer un homme, un
glaive nous est parfois tendu par les lois elle-même.
 il y a donc plusieurs cas où tuer est un droit. Il y en a d’autres où tuer est un droit et une
nécessité : quand on repousse la violence par la violence.
« Car un jeune homme vertueux aime mieux commettre un acte périlleux que de subir un
outrage. »
La mort, dit Cicéron, ne peut pas être injustement infligée à un assassin.
Autre argument : la loi ne permettrait pas aux citoyens de s’armer si l’on ne leur permettait pas
de se défendre. « Il y a donc , messieurs les jurés, une loi non écrite, mais innée, que nous
n’avons pas apprise de nos maîtres, reçue de la tradition, étudiée dans nos livres, mais que nous
avons empruntée à la nature elle-même, puisée en son sein, tirée de ses leçons ; nous n’en avons
pas été instruits ; nous sommes faits pour elle ; elle n’est pas l’effet de l’éducation, nous en
sommes imprégnés, c’est celle-ci : si nous risquons de périr dans quelque guet-apens, si notre vie
est exposée à la violence, aux coups de brigands ou d’ennemis, tout moyen est honorable pour
assurer son salut. » La loi n’interdit pas d’être armé, mais de l’être avec l’intention de tuer. C’est
donc l’intention et non pas l’arme qui est en question. Le défenseur qui s’est servi d’une arme
n’est pas considéré comme détenteur d’une arme en vue d’un assassinat.
L’accusation fait alors valoir que le Sénat a jugé ce massacre contraire à l’ordre public.
Là encore, Cicéron débusque une erreur de focalisation. Le Sénat a approuvé ce massacre par ses
votes et ses manifestations. Cicéron a arraché l’approbation lors de séances et les sénateurs ont
approuvé Milon. Le Sénat n’a jamais été d’avis de constituer un jury spécial. En revanche, le
Sénat a bel et bien jugé contraire à l’ordre public l’incendie de la curie et l’attaque de la maison
de Milon. Dans un Etat républicain, aucune violence ne s’est jamais produite entre citoyens sans
être contraire à l’ordre public.
Objection de l’accusation : Pompée a pris parti contre Milon avec sa loi concernant « le
massacre qu’il y avait eu sur l avoie Appienne et dans lequel Clodius avait été tué. » Réponse de
Cicéron : Pompée a prescrit une information ( quaestio) alors que Milon avait avoué. IL ne
considère pas pour autant Milon comme coupable. De plus, en choisissant Lucius Domiticus
pour présider le jury, il montre qu’il recherche la justice, la pondération, l’humanité, la loyauté.
Bilan : -) le fait de l’aveu n’implique rien d’illicite
-) le Sénat n’a pas encore pris de décision ni de position
-) Pompée a souhaité un débat sur le droit
-)le président choisi est sage et juste
Une seule chose fait problème : qui fut le premier agresseur.
Suit la narration
Premier argument de Cicéron : la consulat de Milon ne pouvait que gêner Clodius
Clodius craignait la concurrence de Milon au consulat. Il s’engage donc en faveur de ses
opposants et répète à l’envi devant témoins qu’ « on ne pouvait enlever à Milon le consulat mais
qu’on pouvait lui ôter la vie. » Il l’a dit au Sénat en réunion publique, il a dit de plus à Favonius
que Milon serait mort sous 3 jours, et Favonius a rapporté cela à Caton.
Deuxième argument : la conduite anormale de Clodius
Clodius a appris que Milon serait à Lanuvium. Il quitte brusquement Rome pour organiser un
guet-apens. Au contraire, le comportement de Milon plaide pour lui. Il est resté au Sénat
jusqu’au bout de la séance. Il rentre chez lui se changer. Il attend un moment pendant que sa
femme s’apprête, c’est l’habitude, ajoute Cicéron. Puis il rencontre Clodius en vêtements légers,
à cheval, sans chariot, sans bagage, sans femme. Milon, lui, voyage en chariot, encapuchonné,
avec une grosse escorte de servantes et de jeunes esclaves. Le guet-apens : Milon rencontre
Clodius devant la propriété. Il est attaqué. Milon se défend. La légitime défense : L’assassin a eu
le dessous ; la violence a été vaincue par la violence, ou plus exactement l’audace par le courage.
« S’il n’a pas eu le droit de le faire, je n’ai aucun moyen de défense ; mais si la raison a dicté aux
hommes cultivés la nécessité aux barbares, la coutume aux peuples, la nature même aux bêtes
sauvages, le principe de toujours repousser de leurs corps, de leur tête, de leur vie par tous les
moyens un acte de violence, vous ne pouvez pas juger cet acte inadmissible sans prononcer en
même temps que ceux qui sont tombés sur les brigands sont dans l’alternative de périr sous leurs
coups ou par votre verdict. »
Le problème n’est donc pas de savoir sir Clodius a été tué mais s’il l’a été justement ou pas.
Rappel : il y a un fait contraire à l’ordre public d’après le Sénat : un guet-apens a été tendu
Pb : par qui l’a-t-il été ? Là-dessus, il y a enquête
Bilan : *) le Sénat a flétri l’acte, pas l’homme
*) Pompée a proposé une question de droit, et pas de fait.
Confirmation
Première partie
Le pb est donc : qui a été l’agresseur ? Soit, c’est Milon, qui ne devra pas rester impuni. Soit,
c’est Clodius et il faudra décharger Milon de l’accusation. Clodius avait intérêt à se débarrasser
de Milon : Pour argumenter, Cicéron emploie le sophisme classique du complot :
la mort de Milon était profitable à Clodius
 Clodius a monté un guet-apens contre Milon.
Autre argument : la réciproque n’est pas vraie : Milon n’avait pas intérêt supprimer Clodius.
Clodius ne faisait pas obstacle à Milon dans on espoir d’obtenir le consulat. Milon, dit Cicéron,
n’avait pas de meilleur agent électoral involontaire que Clodius. Il se faisait une gloire de brider
Clodius. En ce sens, politiquement, la mort de Clodius est une perte pour Milon dans sa course
au consulat. Cicéron : « Vous avez gagné de ne plus craindre aucun citoyen ; lui, a perdu
l’occasion d’exercer son courage, un appui pour le consulat, une source éternelle de gloire. C’est
pourquoi le consulat de Milon, auquel on ne pouvait porter de coups du vidant de Clodius, a
commencé à devenir plus hasardeux maintenant que l’autre est mort. Non seulement donc la
mort de Clodius ne sert pas Milon, mais elle lui fait tort. »
Clodius haïssait Milon alors que Milon ne haïssait pas Clodius.
Clodius avait des raisons de haïr Milon car Milon s’est défendu, il a entravé sa fureur et il l’avait
auparavant mis en accusation en vertu de la loi Plotia.
Objection : Clodius n’était pas un homme violent.
Réponse : Cicéron a dû quitter Rome pour éviter d’être tué par Clodius. Cicéron fait même
passer, à tort, Clodius pour un partisan de Catilina qui lui aurait confié un poignard.
En outre, Milon n’a jamais profité des circonstances qui lui auraient permis de tuer Clodius.
Milon pouvait profiter du rappel de Cicéron pour tuer Clodius. Ce faisant, il aurait, après tout,
disposé de l’aval du consul Centulus et de celui de Pompée
CPDT « Milon s’abstint de tout cela et appela deux fois Clodius en jugement, sans jamais le
provoquer à des actes de violence. »
 Comment donc comprendre que Milon renonce à exécuter Clodius lorsqu’il pouvait le faire
en toute impunité et qu’il l’assassine lorsqu’il n’était plus protégé ?
Autre argument : Clodius avait annoncé la mort de Milon pour le jour même du guet-apens.
Caton et Favonius en témoignent : Clodius leur avait annoncé que Milon serait périrait dans les
trois jours, soit le surlendemain de la rixe. De plus, Clodius savait que Milon quitterait Rome ce
jour-là car, dictateur de Lanuvium, Milon devait assister à des sacrifices dans cette ville. Or, ce
jour-là, le tribun de la plèbe avait provoqué une réunion publique et Clodius ne l’aurait pas
quittée comme il l’a fait s’il ne s’était hâté d’aller commettre un forfait.
Clodius, contrairement à Milon, n’avait donc aucune raison objective de se mettre en route.
Autrement dit, Clodius savait que Milon serait en route, alors que Milon ne pouvait pas
soupçonner que Clodius serait en route.Clodius a donc quitté sa propriété pour attaquer Milon.
Objection : Clodius non plus n’a pas songé à un attentat puisqu’il devait rester dans sa villa
d’Albe.
Réponse : le courrier qui l’a conduit à sortir ne lui annonçait pas la mort de Cyrus mais
l’approche de Milon. En effet, Cyrus a rédigé publiquement son testament pour Clodius devant
Cicéron et Clodius avait quitté Rome en laissant Cyrus mourrant et en le sachant. Il n’y a donc
pas de surprise.Clodius n’avait donc aucune raison de voyager car sa situation d’héritier ne le
pressait pas de rentrer et, de toute, façon, il ne pouvait rien faire de nuit qu’il ne pût faire le
matin.
Résumé de l’argumentation :
du point de vue des mobiles :
il était indifférent à Milon que Clodius fût vivant
la mort de Milon comblait les désirs de Clodius
du point de vue des sentiments
-Clodius hait Milon
-Clodius est indifférent à Milon
C) Du point de vue de la conduite
- Clodius st un homme violent
- Milon se contente de repousser les attaques
-Clodius a menacé publiquement Milon
-Milon n’a rien fait de tel
du point de vue des faits
-Clodius connaissait le jour du départ de Milon
-Milon ne savait pas quand Clodius rentrerait à Rome
-Milon devait faire ce voyage
-Clodius a effectué un voyage contraire à ses intérêts avouables
-Milon a fait savoir qu’il quitterait Rome ce jour-là
-Clodius a dissimulté qu’il reviendrait ce jour
-Milon n’a pas modifié son projet
-Clodius a trouvé un prétexte pour changer ses plans.
Hypothèses
-Milon, pour dresser un guet-apens aurait dû attendre la nuit près de la ville
-Clodius aurait dû redouter d’arriver à Rome de nuit.
-l’emplacement du guet-apens était plus favorable à Clodius.
Si Milon n’était pas équipé pour se battre, comment expliquer que Clodius ait eu le
dessous ?Réponse de Cicéron : après tout, ce n’est pas toujours le brigand qui tue le
voyageur : « Clodius était bien préparé contre des gens qui ne l’étaient pas, mais c’était une
femme qui était tombée sur des hommes. »
Objection : si Milon n’a rien à se reprocher, pourquoi s’est-il empressé d’affranchir ceux de
ses esclaves qui avaient participé à la rixe ? Réponse : C’est un simple point de procédure : le
témoignage des esclaves n’étant reconnu juridiquement valable que sous la torture, Milon a
craint les limites de la résistance physique de ses esclaves. Et Cicéron de bien distinguer les
domaines : « La question de fait se pose sur le chevalet ; la question de droit, au tribunal. »
De plus, et Caton ne désapprouverait pas : ces esclaves, pour avoir défendu leur maître,
méritaient la liberté.  Milon, dit Cicéron, se trouvait donc devant un faux dilemme :
Soit : affranchir ses esclaves, et, par là-même, se livrer au soupçon de les avoir récompensé
pour le meurtre de Clodius.
Soit : ne pas les affranchir et les livrer à la torture alors qu’ils l’avaient sauvé.Cicéron va
même plus loin : les dépositions des esclaves de Clodius n’ont aucune valeur. Qui a demandé
qu’ils subissent la torture de ces esclaves en effet ? Appius, neveu de Clodius. D’où viennent
les esclaves ? Précisément de chez Appius. Or, Cicéron se fend d’un petit rappel juridique :
la loi n’autorise pas l’emploi de la question sur des esclaves contre leur maître.Cicéron
conteste même le texte même de la question posée : « Clodius a-t-il tendu un guet-apens à
Milon ? » Que peut répondre l’esclave ? Oui ? Il sera crucifié. Non ? Il sera libéré. Cicéron
aborde ensuite la conduite de Milon après la rencontre. Milon est rentré à Rome, n’a pas tenté
de fuir et a obtenu l’appui du Sénat. De plus, Cicéron montre que les soi-disant inquiétudes
de Pompée à l’égard de Milon n’étaient pas fondées :
Pompée est cher à Milon
Il a lutté pour la gloire de Pompée, y compris contre Clodius
Tribun, Milon a écouté Pompée qui lui conseillait de rappeler Cicéron
Pompée a défendu Milon dans un procès intenté par Clodius en -56.
Pompée a appuyé la candidature de Milon à la préture
Milon espérait avoir deux grands amis : Pompée et Cicéron
Meilleure preuve de cela : Pompée a déféré Milon devant la justice. Ce choix montre bien qu’il
n’a pas condamné Milon d’avance. Quant aux mesures exceptionnelles prises, elles doivent
assurer la sécurité des jurés.
Confirmation
Deuxième partie
Nouvel argument de Cicéron : les crimes de Clodius justifiaient son assassinat.
En ce sens, le meurtre de Milon s’inscrit dans la lignée des meurtres justes et profitables à Rome,
comme l’exécution de Spurius Melius, et celle de Tibérius Gracchus. Qui est Clodius ? Un
adultère, un sacrilège, un incestueux ( rumeur), qui fit bannir Cicéron, qui a commis des
exactions pendant son tribunat, coupable de plusieurs meurtres et de tentatives de meurtre sur
Pompée, qu a incendié le temple des nymphes pour détruire des listes électorales, qui a volé des
terres et de l’argent.
 cet homme, pas un Romain, pas un juré, ne souhaiterait le ressusciter s’il en avait le pouvoir.
Cicéron : « Vous siégez donc pour venger la mort d’un homme à qui vous ne voudriez pas
redonner la vie, si vous en aviez le pouvoir ; sur la mort d’un homme un tribunal a été établi par
une loi qui, si elle était capable de le faire revivre, n’aurait jamais été votée. Donc, si Milon était
vraiment le meurtrier de Clodius, aurait-il, en avouant, à redouter le châtiment de ceux qu’il
aurait délivré ? »Si Milon avait prémédité l’assassinat de Clodius, il faudrait le récompenser.
« Celui qui, ayant sous les yeux l’impopularité, la mort, le châtiment, défend le pays avec non
moins d’ardeur, c’est celui-là qui doit être considéré véritablement comme un homme. Il
appartient à un peuple reconnaissant de récompenser ceux qui ont bien mérité du pays, à un
homme courageux de ne pas se laisser émouvoir par les supplices au point de regretter d’avoir
agi courageusement. »
Autre argument : Milon serait l’instrument de la Providence
Th : Il y a une puissance divine, une providence attachée à :
-la grandeur de l’Empire
- au mouvement des astres
-au soleil brillant
-au changement des saisons
- à la sagesse de nos anciens qui observèrent pieusement le culte, les cérémonies religieuses, ls
auspices et en ont transmis les règles.
Th : cette puissance a supprimé Clodius en lui donnant l’idée d’exciter et de provoquer Milon et
en le faisant battre.
CCL : ce n’est pas le dessein d’un homme, mais la providence des dieux immortels, juges, et
particulièrement attentive, qui a mené cette affaire à bonne fin.
Clodius : - a souillé les cultes
a abrogé les décrets les plus catégoriques du Sénat
a acheté son acquittement aux juges
a bafoué le Sénat pendant son tribunat
a annulé des décisions prises unanimement pour le salut de Rome
a expulsé Cicéron d’Italie
a pillé les biens, a incendié la maison, a persécuté la femme et les enfants de Cicéron.
a déclaré la guerre à Pompée
a tué des magistrats et des particuliers
a incendié la demeure de Quintus Cicero
a ravagé l’Etrurie
a chassé des gens
avait pour projet de loi de nous assujettir à nos esclaves.
Th : Seul Milon le gênait.
 les dieux ont fait disparaître Clodius en utilisant Milon car jamais l’Etat n’eût usé de son droit
pour le punir.
Suit un raisonnement hypothétique :
-Milon tué, Clodius aurait été préteur, aurait eu les consuls à sa discrétion
-il aurait persécuté Cicéron
-il aurait tout opprimé, possédé, occupé
-il aurait fait de nos esclaves ses affranchis.
Cicéron : « Est-ce que, vivant, enfin, il n’aurait rien fait de mal, lui qui, mort, sous la direction
d’un de ses satellites, a mis le feu à la curie ? » (…) « Ressuscitez-le, si vous le pouvez,
ressuscitez-le ; vous briserez les assauts d’un homme vivant, quand vous avez de la peine à
contenir la furie de ce mort sans sépulture ? »
Péroraison
Cicéron justifie ensuite l’attitude de Milon pendant le procès : celui-ci s’est montré hautain.
Pour ce faire, Cicéron compare Milon à un gladiateur qui ne recherche pas la compassion et
mérite donc davantage de pitié.
 il emportera avec lui la bienveillance du Sénat, l’empressement à lui faire des honneurs, les
marques de sympathie, les éloges. Les hommes courageux et sages s’intéressent moins aux
récompenses des belles actions, qu’aux belles actions elles-mêmes.
Autre argument : la condamnation de Milon frapperait Cicéron lui-même.
Etant donnés les services rendus par Milon, Cicéron estime légitime d’engager ses biens, son
talent, son réseau, sa réputation pour lui ; Rome, l’Italie, les provinces conserveront le souvenir
du bienfait de Milon. il serait incohérent que Rome ne conserve pas sa personne en son sein.
Cicéron a vu son salut assuré par Milon et ne saurait assurer le salut de Milon ? Insupportable.
D’autant plus qu’il s’agissait de le soutenir dans une cause agréable aux peuples et d’obtenir le
salut d la part de ceux qui ont trouvé le repos dans la mort de Clodius. Les jurés, d’accord avec
Pompée, permettront à Milon d’avoir son tombeau dans sa patrie.
Incohérence : le verdict qui bannirait celui que toute ville de l’Empire accueillerait avec honneur.
 Rome ne doit pas se montrer ingrate. Le salut de Milon, dit Cicéron, est une question de
gratitude.
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