Pas de pitié pour les mauvais payeurs. Jean

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Pas de pitié pour les mauvais payeurs. Jean-Francis Pecresse, Éditorialiste Les Échos
Il en va de la sécurité économique comme de la sécurité routière : elle ne s'améliore jamais assez.
De même qu'un chauffard est toujours un chauffard de trop car il peut mettre votre vie en danger,
un mauvais payeur est toujours un mauvais payeur de trop car il peut mettre la vie de votre
entreprise en péril. C'est pourquoi il ne faut pas se satisfaire de la lente diminution des retards de
règlement entre entreprises constatée par l'Observatoire des délais de paiement. Le fait que le
retard moyen a enfin reculé, passant de 13 jours en 2015 à 12 jours en 2016, est simplement une
invitation à accentuer la pression sur les entreprises négligentes ou fautives. Certes, si les clients
paient leurs fournisseurs avec un peu moins de retard, c'est que leur trésorerie s'est légèrement
détendue. Il ne faudrait pas, en effet, jeter l'opprobre sur tous les mauvais payeurs : si la moitié
d'entre eux n'honorent pas leurs échéances, c'est qu'ils n'ont pas les fonds. La conjoncture joue
donc son rôle mais il est difficile de ne pas établir un lien de cause à effet entre la diminution des
retards et l'arsenal mis en place depuis la loi Macron de 2015 : hausse considérable du plafond des
amendes - jusqu'à 2 millions d'euros -, pratique très efficace de la publicité des amendes sur le
modèle anglo-saxon du « name and shame », obligation bientôt faite aux commissaires aux
comptes (à partir du 1er juillet) d'établir le délai de paiement moyen de l'entreprise qu'ils certifient.
Exposer les mauvais payeurs à une pluralité de risques - réputation, financier, juridique - est une
stratégie payante. L'an dernier, elle aura contribué à restituer aux fournisseurs 1 milliard d'euros
retenus indûment par leurs clients. Il reste encore une douzaine de milliards, retenus par des
entreprises parfois fort bien portantes mais longues à confirmer par écrit leur commande orale ou à
valider les factures reçues... A peine moins répandue qu'en Espagne et en Italie, c'est toute une
culture du petit délit de paiement que nous devons corriger. Petits délits, petits délais : la France
est championne des retards de moins de quinze jours. Pas graves en apparence. Mais, répétés, ils
sont à l'origine d'une faillite sur quatre. Aussi, pour lutter contre ces mauvais payeurs, le prochain
ministre de l'Economie ne devra-t-il avoir aucun scrupule à passer la vitesse supérieure. Montrer
du doigt ceux qui ont été condamnés n'est pas glorieux mais c'est efficace. Pourquoi ne pas aller
plus loin en transformant l'Observatoire en autorité indépendante dotée du pouvoir de mettre
publiquement en garde, après enquête, les mauvais payeurs ? Pourquoi ne pas exiger des
commissaires aux comptes qu'ils fassent provisionner aux entreprises les intérêts correspondant à
leurs retards ? De meilleures pratiques, contraintes, ne devraient plus rendre irréaliste l'objectif
d'un délai légal ramené progressivement à 30 jours, comme en Allemagne.
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