MALADIES PSYCHIATRIQUES 1. SIGNES ET SYMPTOMES a) Troubles du comportement général Ils se manifestent par exemple par - une hypo ou hyperactivité - une agitation psychomotrice - des mouvements anormaux (tics, maniérisme) - un ralentissement dépressif b) troubles du langage Du débit et du volume : - perte totale du langage = mutisme - logorrhée = discours fluide mais décousu - pauvreté du discours (volume limité ++) - dysarthrie = difficulté d’articulation - bégaiement De la forme du discours : - fuite des idées = flot de pensées accélérées avec coq- à- l’âne et sans ligne directrice. Le lien entre les pensées est basé sur le hasard, les associations verbales ou sonores - écholalie = imite le discours de l’autre de façon automatique - blocage de la pensée = « blanc » dans la conversation et incapacité à se rappeler de quoi il parlait - salade verbale = confusion du discours c) Troubles de l’émotion Affect : 1 = expression de l’état des sentiments éprouvés subjectivement (émotion). Il peut être : - Inapproprié (enjoué quand décès) - Emoussé (expression émotionnelle réduite) - Labile (variation répétée et rapide) - Abrasé (aucune émotion, visage immobile, voix monocorde) Humeur : - Euphorie (sentiment exagéré de bien-être) - Irritabilité (explosion de colère) - Humeur dépressive (perte de la capacité de prendre du plaisir à des activités agréables) Autre : - Agitation (activité motrice excessive avec sentiment de tension intérieure) - Anxiété (sentiment d’appréhension provoqué par l’anticipation d’un danger). Elle peut être phobique avec évitement du foyer anxiogène, flottante, aller jusqu’à la panique (attaque d’anxiété aigue) - Apathie détachement, indifférence, perte du tonus émotionnel. - Peur = anxiété provoquée par un danger réel reconnu d) Troubles du contenu de la pensée Obsession : Pensée répétitive et absurde, reconnue comme irrationnelle par le patient qui n’arrive pas à la repousser. Phobie : Crainte persistante irrationnelle d’une activité, d’un objet, d’un animal ou d’une situation conduisant à l’évitement. 2 La peur est sans commune mesure avec le danger réel et échappe à tout contrôle de la volonté. Hypochondrie : Peur d’être atteint d’une maladie somatique sérieuse, qui ne repose sur aucune base organique réelle. e) Troubles cognitifs De l’attention et de la concentration : - Distractivité - Inattention sélective De la mémoire : - Amnésie - Paramnésie = fabulation et impression de déjà vu De l’intelligence : - retard mental classé en fonction du QI : 50 à 70 : retard léger 35 à 49 : retard moyen 20 à 34 : retard grave < 20 : retard profond - démence : dégradation globale de la fonction intellectuelle d’origine organique sans altération de la conscience. De la conscience : de la somnolence jusqu’au coma De la compréhension : Aphasie sensorielle de réception (difficulté à la compréhension du sens des mots) De l’expression verbale : 3 Aphasie motrice d’expression : compréhension conservée mais difficulté à exprimer ses pensées par les mots. De l’image corporelle : Conscience déformée de la taille et de la forme de certaines parties du corps. 2. TROUBLES PSYCHIATRIQUES D’ORIGINE ORGANIQUE Il est important de les éliminer car ils relèvent d’un traitement médical avant tout. a) Delirium Dysfonctionnement psychologique aigu du au sevrage alcoolique avec état d’agitation, fluctuation du niveau de conscience, variations de l’humeur (anxiété, affect labile), perceptions anormales (hallucinations), altérations des fonctions cognitives avec désorientation Prise en charge : hospitalisation, examen biologiques et paracliniques, traitement par hydratation, vitaminothérapie et benzodiazépines si besoin. b) Démence Dysfonctionnement psychologique généralisé impliquant les fonctions corticales supérieures sans altération de la conscience. Sa prévalence augmente avec l’âge : 10% chez les plus de 65 ans, 20% chez les plus de 80 ans. Dans 75% des cas il s’agit de l’Alzheimer ou de démence vasculaire. 4 Alzheimer : touche plus les femmes que les hommes, Il se produit un dépôt excessif de substance amyloïde dans le cerveau entraînant la formation de plaques séniles et une altération des fonctions cognitives avec une perte de mémoire d’aggravation progressive. Démence vasculaire : le sujet présente des ischémies cérébrales multiples avec une détérioration progressive des fonctions supérieures. 3. TROUBLES PSYCHIATRIQUES LIES A L’UTILISATION DE SUBSTANCES PSYCHOACTIVES a) Alcool Syndrome de sevrage Delirium tremens Hallucinose alcoolique b) Amphétamines Se consomme par voie orale, intraveineuse ou inhalée (speed) Entraîne une euphorie avec bien-être, une sensation d’énergie ++ et une diminution du besoin de sommeil. Si les doses sont importantes ou chroniques, cela entraîne une agitation avec hypervigilance, illusions, hallucinations Au moment du sevrage, il y a une dépression avec irritabilité et hypersomnie. c) Hallucinogènes Prise par voie orale. Kétamine, ectasy Entraîne des hallucinations, intensifications des perceptions, troubles délirants, anxiété, dépression jusqu’au suicide. 5 d) Solvants volatils Adhésifs, diluants, essence, peinture… Entraîne une apathie, une agressivité, une altération du jugement, une stupeur pouvant aller jusqu’au coma. e) Opiacés Morphine, héroïne, méthadone, buprenorphine (nubain) Un shoot entraîne une euphorie++ Le sevrage entraîne une agitation, une insomnie f) Cannabis Entraîne une euphorie ou une anxiété. A dose importante, entraîne une altération du jugement, un trouble de la conscience du soi à type de dépersonnalisation (se sent changé) ou de déréalisation (l’environnement ne semble pas réel), des hallucinations. g) Cocaïne Elle peut être inhalée, injectée, mâchée, fumée. Elle entraîne une dépendance psychologique avec des effets psychoaffectifs +++ à type d’euphorie, altération du jugement, hallucinations visuelles, troubles délirants, augmentation de la libido. En cas de sevrage, il y a un phénomène de rebond avec une dysphorie (état d’humeur désagréable), une irritabilité, une anxiété, un désir intense du toxique. L’arrêt brutal entraîne des idées suicidaires. 4. TROUBLES DE LA PERSONNALITE Ils apparaissent en général à la fin de l’enfance ou de l’adolescence et se poursuivent à l’âge adulte, donc diagnostic peu probable avant l’âge de 17 ans. 6 Il y a plusieurs types de personnalité : a) Paranoïaque : Tendance à interpréter les actions des autres comme étant délibérément humiliantes ou menaçantes. Sensibilité excessive aux revers Tendance à la rancune, à la suspicion et à apporter aux évènements des explications sans fondement à type de conspiration. b) Schizoïde : Tendance à l’indifférence pour les rapports sociaux. Les activités procurant du plaisir sont rares, voire inexistantes. Tendance à la froideur, à un émoussement de l’affectivité. Préfère les activités solitaires et se préoccupe exagérément de l’imaginaire. c) Antisociale : Comportements irresponsables et antisociaux, se manifestant par - une indifférence à autrui - un mépris des normes et des obligations sociales - une incapacité à maintenir des relations - un seuil d’apparition de frustration et de colère très bas - une incapacité d’éprouver de la culpabilité ou de tirer un enseignement des sanctions. d) Emotionnellement labile : Tendance à agir impulsivement sans envisager les conséquences avec une instabilité affective. Il y en a 2 types : 7 - impulsif avec une instabilité émotionnelle, un manque de contrôle des impulsions et accès de violence aux critiques - borderline avec une instabilité émotionnelle et une altération de l’image de soi, des objectifs à long terme entraînant un sentiment de vide et pouvant conduire à des actes impulsifs (achats inconsidérés, vols, relations sexuelles occasionnelles) e) Histrionique : Affectivité excessive et besoin constant d’attirer l’attention avec une dramatisation, un théâtralisme, une affectivité superficielle et un souci excessif de plaire physiquement. f) Obsessionnelle-compulsive : Tendance au perfectionnisme et à la rigidité, préoccupation pour les règles et les consignes et insistance déraisonnable pour que les autres la partagent. 5. TROUBLES DES COMPORTEMENTS ALIMENTAIRES : ANOREXIE MENTALE a) Manifestations cliniques Se caractérise par une perte de poids délibérée, induite et/ou maintenue par le patient. Pour cela, il élabore différentes stratégies comme l’évitement des « aliments qui font grossir », les vomissements provoqués et/ou les purges, la pratique excessive d’exercices physiques et la prise de diurétiques et/ou de coupe-faim. Poids < à la normale de 15% au moins ou que l’IMC (index de masse corporelle) soit< ou = à 17,5 kg/m2 8 Chez les femmes on constate une aménorrhée et chez les hommes, une baisse de la libido et des troubles de l’érection. Chez les filles, il y a une absence de développement des seins et une aménorrhée, et chez les garçons, une absence de développement des organes génitaux. Les troubles psychiatriques constatés le plus souvent sont : - Un comportement obsessionel-compulsif avec lavage compulsif des mains et vérification compulsive du poids par exemple. - Anxiété liée à la nourriture et aux comportements alimentaires. - Un trouble de l’humeur avec des épisodes dépressifs (baisse de la concentration, idées suicidaires, retrait social) et une humeur labile. b) Examen clinique Patient mince, émacié. Il y a des signes de déshydratation, une hypertrophie des glandes salivaires, des caries dentaires, du lanugo sur le visage et le dos. Pilosité axillaire et pubienne présente (absente quand mauvais fonctionnement de l’hypophyse) c) Investigations Il est nécessaire d’exclure toute de cause organique d’amaigrissement : affections chroniques, tumeurs cérébrales et pathologies intestinales (maladie de crohn ou syndrome de malabsorption). Taille et poids mesurés avec précision On retrouve certaines anomalies comme : - Leucopénie ou thrombopénie - Hypokaliémie, hypercholestérolémie 9 - Anomalies hormonales au niveau de la thyroïde, de l’hormone de croissance (augmentée), diminution des hormones sexuelles. - Bradycardie, arythmie d) Epidémiologie Incidence : 0,4 à 4 nouveaux cas par an pour 100 000 habitants dans les pays occidentaux. Age de début : Débute généralement à l’adolescence. Pic entre 16 et 18 ans chez les filles, 12 ans chez les garçons Sex ratio : 9 femmes pour un homme Appartenance ethnique : Rare dans les populations non caucasiennes Classe sociale : Plus fréquente dans les classes sociales supérieures e) Prise en charge Le problème doit être expliqué au sujet et à sa famille. L’idée de la nécessité d’un gain de poids doit être admise par le patient dans le cadre de la relation thérapeutique. Hospitalisation : Nécessaire si - Amaigrissement sévère - Perte de poids très rapide - Trouble métabolique ou infection sévère 10 - Episode dépressif sévère ou risque suicidaire - Echec de la tentative de gain de poids auquel il s’était engagé - Crise familiale Psychothérapie de soutien : Pour surmonter les difficultés durant la période de prise de poids Thérapie cognitive et familiale : Cognitive : permet d’identifier et de modifier les relations visà-vis des aliments, du poids corporel, de l’estime de soi et à toute tendance au perfectionnisme Familiale : pour modifier les caractéristiques familiales susceptibles de jouer un rôle étiologique. Pharmacologie : Les antidépresseurs peuvent être utiles f) Pronostic 5 à 10 ans après le début de la maladie, il y a : - Environ 23% de guérison totale - Persistance d’un trouble psychiatrique plus ou moins important chez 54% des sujets - Persistance d’un trouble sévère chez 23% des sujets Certains patients évoluent vers la boulimie Plus de 20 ans après la maladie, le taux de mortalité est de 18%, soit directement imputable à l’anorexie, soit consécutif à un suicide. 11 6. TROUBLES DES COMPORTEMENTS ALIMENTAIRES : BOULIMIE a) Manifestations cliniques Accès répétés d’hyperphagie et préoccupation excessive concernant le contrôle du poids corporel, avec une peur morbide de la corpulence. Le sujet adopte des mesures extrêmes pour atténuer « l’engraissement » lié à l’ingestion de nourriture comme les vomissements provoqués, l’utilisation abusive de laxatifs, d’anorexigènes, de diurétiques. Souvent poids dans les limites de la normale et cycle menstruel normal pour les filles. Antécédents d’anorexie mentale fréquents b) Examen clinique et investigations Les vomissements répétés entraînent des perturbations ioniques dont l’hypokaliémie qui peut être fatale. Elle provoque une faiblesse musculaire, une arythmie cardiaques et des troubles rénaux. Il peut également il y avoir des crises d’épilepsie sur perturbations ioniques c) Epidémiologie Prévalence : 1 à 2% chez les jeunes femmes aux USA ou en Angleterre Age de début : adolescence ou début de l’âge adulte Sex ratio : rare chez l’homme Appartenance ethnique : rare dans les pays en voie de développement d) Etiologie Facteurs prédisposants : 12 Antécédent d’anorexie mentale franche ou infraclinique Tendance au surpoids Prédisposition aux troubles de l’humeur et à l’utilisation abusive de substances psycho-actives Traits de personnalité borderline Facteur de pérennisation Piètre estime de soi préoccupation excessive pour le poids et l’aspect du corps régime strict accès d’hyperphagie piètre estime de soi e) Prise en charge Hospitalisation : Si épisode dépressif sévère ou risque de suicide Mauvais état de santé physique Réponse médiocre à une prise en charge ambulatoire 1er trimestre de grossesse (majoration du risque d’avortement spontané) Thérapie cognitive : on lui confie la responsabilité du contrôle de son alimentation Pharmacologie Fluoxétine à 60 mg/jour (dose plus élevée que quand utilisée comme antidépresseur) f) Pronostic Evolution variable, peut évoluer sur de nombreuses années. 7. SUICIDE L’évaluation du risque suicidaire implique de bien comprendre la différence entre les sujets qui se suicident et ceux qui 13 survivent à une tentative de suicide (parasuicide ou autoagression délibérée) a) Epidémiologie sex ratio : plus fréquent chez l’homme Age : plus fréquent après 45 ans Statut marital : sujets divorcés, célibataires ou veufs Classe sociale et profession : Taux de suicide les plus élevés aux 2 extrémités de l’échelle Il existe une association entre suicide et inactivité professionnelle (chômage ou retraite) Saison : au printemps et au début de l’été b) Etiologie Troubles psychiatriques : Présents chez 90% des sujets qui se suicident : - Episodes dépressifs - Dépendance à l’alcool - Toxicomanie - Trouble de la personnalité - Schizophrénie Pathologies organiques : Association entre suicide et maladies chroniques douloureuses Parasuicide : après un parasuicide, le risque de suicide est 100 fois plus élevé que dans la population générale. c) Prise en charge 14 Hospitalisation même contre son gré si le risque suicidaire est sérieux. Bonne relation entre le personnel soignant et le sujet pour qu’il puisse verbalisé ses idées suicidaires et ses sentiments 8. PARASUICIDE Ou autoagression délibérée. Terme qui s’applique à tout acte simulant un suicide commis volontairement par un sujet mais n’aboutissant pas à une issue fatale Dans 90% des cas, il s’agit d’empoisonnement volontaire par des médicaments a) Epidémiologie Sex ratio : plus fréquent chez la femme Age : plus fréquent avant 45 ans, et surtout entre 15 et 25 ans Statut marital : divorcés, célibataires, femmes mariées de moins de 20 ans Classe sociale et profession : classes sociales inférieures et association entre parasuicide et chômage Facteurs géographiques : Plus fréquent dans les zones urbaines ou on retrouve un taux de chômage élevé, une surpopulation, des taux élevés de délinquance juvénile et de MST b) Etiologie Evènements existentiels : Dans les 6 mois précédents l’acte, on retrouve souvent : - Une rupture - Des ennuis judiciaires - Une maladie organique - Une maladie d’un être cher 15 Facteurs prédisposants : Problèmes conjugaux Chômage Maladies organiques comme l’épilepsie Retard mental Décès d’un parent dans le jeune âge Négligence ou maltraitance par les parents Troubles psychiatriques : Dépression Dépendance à l’alcool Trouble de la personnalité c) Prise en charge Après un parasuicide, il convient de prendre en charge le patient en traitant tout trouble psychiatrique et en instaurant une psychothérapie de soutien, pour éviter le passage au suicide. 16 17