
Analyse de « Ma Bohême » 
 
Question : quel(s) sens Rimbaud donne-t-il au motif du voyage dans ce poème ? 
 
 
 
Introduction : 
Présentation : « Ma Bohême » est un poème écrit par Rimbaud en octobre 1870. Cette époque est 
pour le jeune poète une  charnière, puisqu'il passe progressivement de l'enfance à l'âge adulte, à 
travers  l'expérience  de  la  guerre,  et  des  fugues  répétées  qui  vont  le  mener  à  Paris.  C'est  aussi 
l'époque du choix définitif de la poésie. 
Lecture 
Problématique : On peut se demander, à la lecture de ce poème, quel sens Rimbaud donne au motif 
du voyage. En effet, il est clair que ce poème part d'une expérience autobiographique, celle de la 
fugue. Mais le choix de l'écriture poétique, plutôt que d'un récit ouvertement autobiographique, tend 
à transformer cette expérience pour lui donner une portée plus universelle. 
Annonce  du  plan :  Je  vais  donc  essayer  de  montrer  que  le  thème  du  voyage  prend  trois  sens 
successifs, un sens autobiographique, un sens symbolique et un sens initiatique. 
 I. Un voyage autobiographique : une fugue d'adolescent 
 1. Contexte d'écriture 
Rimbaud évoque dans ce poème l'une des fugues qu'il a faites à l'âge de seize ans pour fuir la 
rigueur de sa mère et essayer de gagner Paris, centre de la vie littéraire française. Au vers 6, il 
évoque la figure du Petit-Poucet, qui sert de  métaphore pour le désigner.  La situation des deux 
enfants est pourtant différente : le Petit-Poucet a été abandonné par ses parents, tandis que le jeune 
Rimbaud a fait une fugue. Mais dans les deux cas intervient un conflit avec les parents. D'une part 
Rimbaud a bien été abandonné par son père, d'autre part la sévérité et l'incompréhension de sa mère 
face à sa vocation poétique peuvent aussi être vécues sur le mode de l'abandon. De plus, le choix de 
la figure du Petit-Poucet montre que Rimbaud attend une reconnaissance, il cherche à laisser une 
trace par l'écriture, comme le héros légendaire qui sème des cailloux pour garder la mémoire de son 
chemin. 
 2. Un voyage pédestre 
On trouve dans la première strophe la répétition du verbe « allais », sans que ce verbe reçoive un 
complément. On ne sait pas où allait le poète, mais cela n'a sans doute aucune importance. Ce qui 
compte, c'est le voyage lui-même. L'imparfait, au contraire du passé simple, sert à montrer l'action 
dans son déroulement, sans considérer son début et sa fin. De même, le pluriel « des routes » évite 
toute précision sur le lieu exact de l'évocation. On retrouve le même procédé dans « ces bons soirs ». 
Le déterminant démonstratif a ici une valeur déictique : il ne permet pas un repérage absolu, mais 
ancre le texte une énonciation de discours. Ce voyage a lieu en « septembre », très peu de temps 
avant l'écriture. Le poète privilégie un moment de la journée, le « soir » et la tombée de la nuit. 
 3. Une situation difficile 
Le  poète  utilise  beaucoup  de  termes  qui  font  référence  à  sa  situation  matérielle.  Il  évoque  ses 
« poches  crevées »  (trouées,  et  vraisemblablement  vides),  son  paletot,  le  « trou »  de  sa  culotte 
« unique » et ses souliers. Ceux-ci sont dits « blessés ». Il s'agit d'une hypallage, figure de style qui 
consiste  à  faire  une  inversion  grammaticale  :  « blessés »  est  grammaticalement  épithète  de 
« souliers » mais renvoie, pour le sens, à  « pied », peut-être à  « coeur » :  la  force de l'hypallage 
permet de laisser en suspens la question de la référence exacte du qualificatif.On peut ainsi dire que 
le poète, couchant sur le papier les blessures de son coeur, inscrit son poème dans le registre lyrique. 
L'importance accorée aux marques de la première personne confirme cette hypothèse.