JP Levieux 2006-2007
CM 10h L2S4 Etude critique du système éducatif
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ETUDE CRITIQUE DU SYSTEME EDUCATIF
LA RELATION EDUCATIVE
1. L’intervention du maître, quelle fonction ? ......................................................................................................... 2
2. L’action éducative concerne deux êtres humains, une situation de communication ambiguë ............................ 2
3. La solution à cette ambiguïté peut être radicale (Alain) ...................................................................................... 2
4. Cependant la solution autoritaire présente des caractères peu conciliables avec l’idéal démocratique............... 4
5. Historiquement, en réaction à la pédagogie de l’autorité, l’école nouvelle a défini ses principes: ..................... 4
5/1. L’école nouvelle retient la leçon de l’histoire etl’échec des pédagogies libertaires .....................................4
5/2. L’école nouvelle, refusant l’autoritarisme, a mis en avant des principes d’acquisition du savoir ................5
6. Finalement l’acte d’autorité suppose une démarche qui oscille toujours entre la prescription et l’incitation ..... 6
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ETUDE CRITIQUE DU SYSTEME EDUCATIF
LA RELATION EDUCATIVE
J.Ulmann (1965) caractérise l’éducation comme « une action exercée par un être humain sur un autre être
humain, le plus souvent par un adulte sur un enfant ».
Le débat sur l’autorité oppose deux attitudes apparemment contradictoires : la prescription magistrale de
l’apprentissage ou au contraire la dévolution à l’élève de la responsabilité d’apprendre.
L’étude critique porte sur la résistance que le système éducatif offre aux avancées historiques de l’école
nouvelle.
1. L’intervention du maître, quelle fonction ?
Du latin « intervenire », l’intervention du maître consiste à « survenir » dans le déroulement d’une séquence de
temps scolaire, voire à « interrompre » le cours spontané des choses et des événements. L’enseignant intervient
pour faire obstacle aux acquis initiaux, provoquant ainsi des changements. Il utilise des procédures, d’une part
pour animer et organiser sa classe en respectant certaines règles de morale individuelle et collective, et d’autre
part pour faciliter les apprentissages par la découverte de règles d’action nécessaires aux progrès moteurs,
cognitifs et sociaux.
L’intervention est donc un acte d’autorité qui a pour objet l’activité des élèves, et pour finalité les savoirs et les
normes sociales de l’école.
2. L’action éducative concerne deux êtres humains, une
situation de communication ambiguë
JJ Rousseau (1754) (
1
) dénonce « l’incommunicabilité fondamentale entre les Hommes » :
-les mots trahissent l’état de nature et la difficulté de l’être : « rien n’est si dissemblable à moi que moi-même »,
-les discours traduisent une inquiétude de l’homme devant « l’opacité d’autrui ».
Margaret Mead 1973 (
2
) remarque « le fossé des générations » qui caractérise tous les peuples. Quelle que soit la
société, la communication s’avère difficile entre l’adulte et lenfant.
Depuis toujours les enfants et adolescents sont caractérisés du point de vue de l’adulte et des normes de
l’institution, et non pas en tant que tels. Socrate (470-399 av. J-C) définissait ainsi les jeunes:
« Les jeunes d’aujourd’hui aiment le luxe, ils sont mal élevés, méprisent l’autorité, n’ont aucun respect pour
leurs aînés et bavardent au lieu de travailler. Ils ne se lèvent plus lorsqu’un adulte pénètre dans la pièce ils
se trouvent. Ils contredisent leurs parents, plastronnent en société, se hâtent à table d’engloutir les desserts,
croisent les jambes, et tyrannisent leurs maîtres ».
L’ambiguïté vient du contexte institutionnel de la relation éducative, la répartition du pouvoir est
prédéterminée par les statuts respectifs du maître et des élèves. Cette situation est source de conflits et
d’incompréhension, car les normes qui gouvernent enseignants et élèves sont différentes.
3. La solution à cette ambiguïté peut être radicale (Alain)
Le philosophe français Alain, de son vrai nom Emile Auguste Chartier présente ses préceptes de l’éducation (
3
):
1
Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les Hommes (1754)
2
Margaret Mead; le fossé des générations; Denoël 1971
3
Alain 1868-1951 ; Propos sur l'éducation ; un philosophe soucieux d’un homme maître de ses passions.
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Il faut instruire l’enfant pour le connaître
« pour instruire, il faut connaître l’enfant »... et mieux, « il faut instruire l’enfant pour le connaître ».
Plus qu’un jeu de mot, Alain souhaite changer le point de vue par lequel on aborde la relation éducative. La
connaissance que le maître a de l’enfant ne peut pas se dissocier de l’apprentissage et de l’effort que celui-ci
implique.
L’éducation est une entreprise sérieuse
« instruire en s’amusant » ?... c’est un faux problème car on prête à l’enfant le caractère de non sérieux qu’il
n’a pas »... «l’enfant aime aller vers l’état adulte, il faut donc conserver le caractère sérieux de l’éducation ».
Ces propos font nettement allusion aux pédagogies nouvelles non directives en les dénonçant; celles-ci prônent
en effet que seul l’enfant peut trouver en lui les ressources pour apprendre, et que le maître ne peut être qu’un
conseiller.
La démagogie éducative doit être condamnée
« plaire pour instruire »? « il faut intéresser sans vouloir intéresser sinon on gagne le mépris de l’enfant ».
La relation éducative, comme toute relation humaine consiste à séduire, mais aussi à argumenter, deux actions
indissociables. On connaît la faillite d’un enseignement bien construit mais rébarbatif ; on mesure aussi
l’illusion éducative de la séduction exclusive, non relayée par un étayage argumentaire sérieux de la part du
maître.
L’enfant se forme par la peine
« Il ne faut pas donner trop de facilités car l’homme se forme par la peine; ses vrais plaisirs il doit les gagner,
les mériter; il doit donner avant de recevoir; c’est la loi »« L'homme s'ennuie du plaisir reçu et préfère de
bien loin le plaisir conquis ».
Cette vision prométhéenne de l’homme (
4
) met en valeur les fruits du travail, de la sagesse et de l’intelligence.
Elle s’oppose évidemment à une autre conception plus dionysiaque (
5
), qui accentue l’intérêt de l’inspiration, du
plaisir et même de la folie.
La question ici renvoie à la place de l’école dans la société et aux valeurs parfois radicalement différentes qui
traversent les deux univers. Le problème est que l’enfant peut avoir du mal à bien se situer.
De ce point de vue Alain semble catégorique et préfère une école de la contrainte :
« l’enfant vous sera d’autant plus reconnaissant de l’avoir forcé, il vous méprisera de l’avoir flatté, à ce titre,
l’enfant est plus sérieux que l’adulte », ou encore… « contre l’accoutumance, il faut forger la volonté, le plaisir
est dans la difficulté vaincue »… « Il n'y a de bonheur possible pour personne sans le soutien du courage »
Cette conception de l’enfance et de l’école doit sans doute avoir des raisons d’être, mais peut-être est-elle
quelque peu surannée…
Il faut distinguer l’éducation scolaire et l’éducation familiale
« impliquer la famille à l’école » ? « l’école est indispensable face à l’éducation familiale ; l’enfant est soumis à
une loi de groupe avec ses semblables. L’ordre qui doit s’établir à l’école doit être différent de l’ordre familial ;
à l’école il n’y pas d’amour et il ne faut pas en attendre».
Alain renverse un fois encore les idées reçues selon lesquelles la relation éducative devrait impliquer la
communauté éducative :
Au risque de paraître excessive, cette position a le mérite de nous alerter sur la différence de nature des deux
milieux éducatifs. Les sentiments à l‘école ont moins leur place qu’en famille, c’est peut être pour cette raison
majeure que la coopération des maîtres et des parents est source d’ambivalence.
4
Le mythe de Prométhée est lié à celui de la création de l’homme et de l’apparition de la civilisation ; il signifie un goût pour
l’action et la foi dans l’opiniâtreté de l’homme.
5
Dionysos, dans la myth. gr., fils de Zeus et de la mortelle mélé. Il est le plus jeune, le plus populaire, mais aussi le plus
complexe des dieux de l’Olympe: bon vivant (dieu de la Vigne), gai, tout en étant cruel jusqu’au paroxysme. Son culte,
important, est aussi celui de l’art et de la poésie et a donné naissance au théâtre grec.
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4. Cependant la solution autoritaire présente des
caractères peu conciliables avec l’idéal démocratique
Quelles sont les caractéristiques à l’école d’une relation autoritaire ?
-la hiérarchie du pouvoir : le maître commande, les élèves exécutent
-la hiérarchie du savoir : le professeur est celui qui sait
-l’arbitraire: l’autorité est imposée par la contrainte. Le maître fait acquérir des connaissances à l’élève et impose
des règles de vie. Il n’a pas à se justifier.
-la répression: les adultes et l’institution fixent les normes de l’autorité; les sanctions servent à les préserver.
On peut même admettre que la famille instaure nécessairement une relation autoritaire, car l’éducation familiale
s’attaque aux instincts de façon répressive. Elle assure un passage du principe du plaisir au principe de réalité et
l’école perpétue ce mouvement.
Mais alors, est-il possible encore de concevoir une formation à la mocratie qui libère l’homme ? Cette liberté
passe-t-elle nécessairement par la contrainte au profit de l’intégration de règles ?
5. Historiquement, en réaction à la pédagogie de l’autorité,
l’école nouvelle a défini ses principes:
« L’Ecole nouvelle » s’oppose par définition à l’école traditionnelle. Elle part de ce qu’est l’enfant et laisse
s’exprimer sa nature. Elle s’oppose à l’autorité qui rend passif, elle organise une éducation non contraignante,
mais dirigée vers une fin.
JJ.Rousseau (18ème) en France, Léon Tolstoï au (19ème) en Russie et Ellen Key (fin 19ème) en Suède en furent
les promoteurs en s’élevant contre le « dressage » des enfants.
5/1. L’école nouvelle retient la leçon de l’histoire et l’échec des
pédagogies libertaires
Il convient de faire attention car la solution libertaire, tout comme l’autoritarisme, s’accommode mal de l’idéal
démocratique. En effet, les tentatives des pédagogies libertaires, qui furent mises sur pied dès 1920, ont
rapidement montré leurs limites :
-échec de l’expérience de Hambourg dans 4 écoles publiques de 600 élèves :
Le contexte est celui de l’Allemagne de 1919, dominée par des idées socialistes et révolutionnaires. Dans ces
écoles, les obligations institutionnelles habituelles furent abolies : pas de programme, pas d’horaires fixes, pas de
répartition hebdomadaire des matières d’enseignement, ni de répartition des élèves par tranches d’âge. Une
relation de camaraderie s’instaurait entre Maître et élèves.
Les résultats furent catastrophiques, ils se traduisaient par une anarchie telle que les élèves eux-mêmes
finissaient par trouver des solutions réglementées pour pouvoir vivre ensemble (décisions d’AG).
-échec relatif de l’expérience des enfants libres de Summerhill en Angleterre (130 km de Londres). Cette
expérience fut menée dans un internat de 60 enfants répartis en 3 groupes d’âge (5-7, 8-10, 11-15). Neill, le
Directeur de la pédagogie, fondait sa méthode sur des données psychanalytiques: l’éducation familiale développe
la haine, car elle apprend à l’enfant à s’intégrer avec soumission à une société d’oppression. Si on contraint
l’enfant, on forme un adulte sans volonté.
Compte tenu de ces préceptes, il existait à Summerhill des cours le matin, des ateliers l’après midi, mais l’enfant
n’était pas obligé d’y assister. La discipline s’instaurait au travers d’assemblées générales toutes les semaines qui
avaient pour fonction d’établir collégialement les règles de vie à l’école. Des conférences étaient organisées à
partir de sujets choisis par les élèves.
Là encore les résultats furent décevants : même si les enfants gagnaient en autonomie, le niveau de connaissance
acquis n’était pas suffisant.
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5/2. L’école nouvelle, refusant l’autoritarisme, a mis en avant des
principes d’acquisition du savoir
Historiquement, l’éducation nouvelle s’inspire de JJ Rousseau (18ème) qui a donné les bases de ce que sera la
psychologie de l’enfant.
C’est le 20ème siècle qui lance les bases des techniques du système de l’éducation nouvelle:
Maria de Montessori à Rome (Casa di Bambini) organise un système d’auto éducation à partir d’un matériel
riche et librement choisi.
Ovide Decroly en Belgique (Ecole de l’Hermitage) lance les techniques d’observation du concret : « les
leçons de chose ». Médecin et psychologue, il lutta pour une réforme profonde de l'enseignement basée sur la
méthode globale d'apprentissage de la lecture et de l'écriture. Il participe par ses travaux au mouvement de
l'éducation nouvelle et adhère à la Ligue internationale pour l'éducation nouvelle, créée en 1921.
Georg Michael Kerschensteiner en Allemagne, Roger Cousinet et Célestin Freinet en France instaurent
une méthode de travail libre par groupes. Ils utilisent l’imprimerie et le livre de vie comme supports de
l’expression libre. Ces supports de l’éducation constituent les prétextes de la connaissance, mais aussi le moyen
de la finaliser.
John Dewey aux USA affirme que l’apprentissage est indissociable de l’action concrète et l’expérience
(learning by doing). Celle-ci doit avoir deux qualités: le plaisir immédiat et son influence sur l'expérience
suivante. L'enfant doit apprendre à dégager de l'expérience ce qu'elle a de positif, afin de faire un projet. Cinq
étapes caractérisent l’organisation de l’expérience: Reconnaissance d’un problème - définition de ce problème -
solutions possibles - résultats possibles - mise à l’épreuve.
Toutes les méthodes ont en commun des principes temporels d’acquisition du savoir:
-dans un premier temps, il s’agit de proposer une expérience sensori-motrice et des observations.
-dans un deuxième temps, l’activité d’étayage du maître consiste à confronter les observations individuelles.
Dans cette séquence de formation l’objectif est de faire évoluer les représentations individuelles et hétérogènes
vers des représentations collectives plus objectives et consensuelles.
-dans un troisième temps, le maître organise la consolidation des découvertes faites en groupe par un travail
d’expression verbale et écrite.
Toutes ces méthodes ont en commun la même relation éducative fondée sur le désir d’apprendre
F.Best 1973, directrice honoraire de l’INRP ne dissocie pas la relation éducative de l’acte d’apprendre, elle prône
une « pédagogie de l’éveil » (
6
) dont les caractéristiques sont les suivantes:
-le pouvoir de réflexion de l’élève est le but essentiel de tout apprentissage (autonomie de la connaissance)
-l’intérêt constitue le dynamisme essentiel de l’apprentissage : « l’intérêt » est la relation sujetobjet qui crée le
dynamisme. En effet un objet en lui même n’est jamais intéressant, la motivation du sujet tient avant tout à la
relation qu’il entretient avec l’objet (relation de surprise d’étonnement de conflit volonté de faire la preuve
de sa compétence désir d’autodétermination mise en projet…).
-la stratégie pédagogique consiste à provoquer « l’étonnement » du sujet pour un objet d’apprentissage ; c’est à
dire « une certaine difficulté à comprendre », et par voie de conséquence « un désir d’apprendre », c'est-à-dire un
motif pour résoudre cette difficulté (homéostasie).
De ce point de vue, la technique de l’observation par l’élève est une étape essentielle, car elle condense les
aptitudes à l’étonnement et à l’explication : « s’il n’y a pas de question, il ne peut y avoir de connaissance. Rien
ne va de soi, tout est construit » (Gaston Bachelard)… « la connaissance est toujours une réponse à une
question que se pose le sujet»
-cette stratégie s’organise temporellement en trois étapes : une étape de « libération » dans laquelle l’enfant
montre ce qu’il sait faire - une étape de « structuration » qui organise le changement des représentations avec le
soutien du groupe d’élèves - une étape de « libération maîtrise » qui permet de vérifier la disponibilité de la
connaissance.
-L’évaluation formative porte sur « l’activité » de l’élève. Il convient cependant de faire attention car
« l’activité » ne se réduit pas l’action observable par ses aspects extérieurs et visibles ; « l’activité » est comprise
ici au sens fonctionnel et concerne les processus sensori-moteurs, conceptuels, affectifs et sociaux, mobilisés par
le sujet pour produire un résultat.
6
F.Best ; Pour une pédagogie de l’éveil ; Armand Colin, Paris 1973
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